L’Assemblée générale proclame trois journées internationales et officialise la création du Centre régional pour les objectifs de développement durable en Asie centrale et en Afghanistan
L’Assemblée générale a entendu ce matin le Président de la République de Pologne exhorter l’Europe à sortir de sa « torpeur » face à l’« impérialisme » russe après avoir adopté sept résolutions, dont trois qui instituent trois nouvelles journées internationales, malgré l’opposition des États-Unis.
Elle a ainsi proclamé le 12 juillet la « Journée internationale de l’espoir » en adoptant par 161 voix pour, une voix contre (États-Unis) et 4 abstentions (Inde, Paraguay, Pérou et Türkiye) un texte (A/79/L.54) présenté par Kiribati.
Par un autre vote, sanctionné par 162 avis favorables, 3 contre (Argentine, États-Unis et Israël) et la double abstention du Paraguay et du Pérou, l’Assemblée générale a proclamé la « Journée internationale de la coexistence pacifique » (A/79/L.53) qui sera désormais célébrée le 28 janvier. Ce texte était présenté par le Ministre des transports et des télécommunications de Bahreïn, M. Kamal Bin Ahmed Mohammed.
De même, l’Assemblée générale a décidé de proclamer le 25 juillet de chaque année « Journée internationale pour le bien-être des juges » suite à l’adoption, par 160 voix pour, une voix contre (États-Unis) et 3 abstentions (Haïti, Madagascar et République arabe syrienne), d’un projet (A/79/L.52) présenté par le Ministre des affaires étrangères et du commerce de Nauru, M. Lionel Rouwen Aingimea.
Expliquant leurs votes, les États-Unis se sont inquiétés, à propos de ce dernier texte, d’une « internationalisation du mouvement du bien-être personnel ». Ils ont également vu dans la résolution relative à la Journée internationale de la coexistence pacifique une réaffirmation du Programme 2030 et des objectifs de développement durable, « ce qui va à l’encontre de la souveraineté et des intérêts des Américains » qui « rejettent ce programme ». Les États-Unis ont aussi dit craindre un alignement sur les principes chinois de coexistence pacifique.
En attaquant la culture de la paix, les États-Unis s’en prennent au développement durable, a réagi la Chine, qui a rappelé qu’elle est à l’origine des cinq principes de la coexistence pacifique, aujourd’hui reconnus par la communauté internationale. Ces principes contribuent au développement international et doivent être protégés et promus, a-t-elle appuyé en exerçant son droit de réponse.
Cuba a dénoncé pour sa part une « attaque ouverte » contre le respect mutuel entre les nations. Pour la délégation, cette opposition américaine illustre en outre « le racisme systémique, l’exclusion et l’incitation à la haine promus par le Gouvernement des États-Unis ».
Les États-Unis ont également été le seul État Membre à s’opposer à un texte sur l’« enseignement de la démocratie » (A/79/L.56), présenté par la Mongolie et adopté par 151 voix pour et 8 abstentions (Argentine, Bélarus, Fédération de Russie, Fidji, Îles Salomon, Madagascar, République arabe syrienne et Samoa).
La délégation américaine a vu dans cette résolution un obstacle à la liberté d’expression, relevant en outre la présence de termes mal définis pouvant amener les éducateurs à la censure au nom de la lutte contre la désinformation et de la mésinformation. Ce texte cherche également à promouvoir la censure en ligne, s’est-elle inquiétée.
Constatant que la question de l’enseignement de la démocratie fait l’objet de manipulations politiques dans le but d’imposer des modèles de valeurs libérales, la Fédération de Russie s’est inquiétée pour sa part de la mention dans le texte de « certaines structures contrôlées par l’Occident », notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.
Bien qu’ayant voté pour la résolution, l’Iran a rappelé que le Programme 2030, le Cadre d’action Éducation 2030 de l’UNESCO et la Déclaration d’Incheon adoptée lors du Forum mondial sur l’éducation en 2015 ne sont pas juridiquement contraignants. À cette aune, la délégation a indiqué que son pays ne s’engage pas à mettre en œuvre ces documents qui sont en contradiction avec ses priorités et ses valeurs nationales. De son côté, l’Argentine s’est inquiétée de la manière dont est utilisé le concept de discours de haine dans le texte.
Trois textes adoptés par consensus
Le consensus a prévalu en revanche en ce qui concerne l’adoption d’un texte (A/79/L.57/Rev.1) présenté par le Kazakhstan officialisant la création du Centre régional des Nations Unies pour les objectifs de développement durable en Asie centrale et en Afghanistan à Almaty (Kazakhstan). L’un des objectifs de ce centre est d’aider les pays de la région à réaliser le développement durable dans ses trois dimensions – économique, sociale et environnementale –, en veillant à la synergie et à la complémentarité avec le système des Nations Unies pour le développement et les commissions économiques régionales de l’ONU.
Cette initiative a notamment été saluée par la Fédération de Russie qui a rappelé être un partenaire très proche des pays de cette région, ainsi que par l’Australie, au nom du groupe CANZ (Australie, Canada et Nouvelle-Zélande) qui a jugé crucial d’accélérer l’action pour les objectif de développement durable en Asie centrale.
Consciente de l’importance de l’Afghanistan pour la stabilité régionale, la Türkiye s’est ralliée au consensus sur ce texte en dépit de ses préoccupations, notamment les doubles emplois, puisqu’il existe déjà des structures de l’ONU dans la région, notamment celles du FNUAP et d’ONU-Femmes.
Aux côtés du Mexique, la Türkiye a regretté le manque de transparence dans le processus de négociation de ce texte, qui aurait pu bénéficier d’une approche plus ouverte. La Suisse a également pointé un processus de négociation peu transparent, avant de confier son scepticisme devant cette initiative. Les États-Unis ont quant à eux fait part de leur opposition à l’extension du système de l’ONU.
C’est également le consensus qui a prévalu pour l’adoption d’une résolution (A/79/L.55) amendée oralement et qui porte sur l’Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (dit Accord « BBNJ »).
Présenté par Singapour, ce texte invite tous les États et les organisations régionales d’intégration économique qui ne l’ont pas encore fait à envisager de signer et de ratifier, d’approuver ou d’accepter l’Accord dans les meilleurs délais, idéalement avant la conférence des Nations Unies de 2025 visant à appuyer la réalisation de l’objectif de développement durable no 14 qui sera organisée conjointement par le Costa Rica et la France et se tiendra à Nice (France) du 9 au 13 juin 2025, afin qu’il puisse entrer en vigueur rapidement.
Se dissociant du consensus, la Fédération de Russie a fait savoir qu’elle ne compte pas devenir partie à l’Accord « BBNJ », porteur de risques pour l’intégrité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. En outre, la marche forcée vers la signature de cet accord fait le jeu des pays occidentaux. Les États-Unis ont dit n’avoir pas encore défini leur position sur ce texte.
Le consensus a été aussi de mise pour l’adoption de la résolution intitulée « Quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale » (A/79/L.51), présentée par la Fédération de Russie. Par ce texte, l’Assemblée prie son Président de tenir une réunion extraordinaire solennelle au cours de la deuxième semaine de mai 2025, et tous les cinq ans par la suite, en hommage à toutes les victimes de la Seconde Guerre mondiale.
Malgré le consensus, la délégation ukrainienne a contesté à la Fédération de Russie sa tentative de monopoliser la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’elle livre une guerre d’agression contre son pays, en « répétant les crimes auxquels elle affirme s’opposer ». La Fédération de Russie n’a pas le droit moral d’être le porte-plume de cette résolution, s’est-elle insurgée, appuyée par la Lituanie, le Royaume-Uni, et la Pologne. Le Canada, au nom du groupe CANZ, a exprimé une position similaire, tout en reconnaissant l’importance des sacrifices des Russes pendant la Seconde Guerre mondiale.
Après s’être dissociés de l’alinéa 4 du préambule relatif à la décolonisation, les États-Unis ont estimé que « la guerre entre la Russie et l’Ukraine dure depuis trop longtemps », et ont exhorté les États Membres à se rallier à eux « sur le chemin de la paix ».
Israël a rappelé pour sa part que la Seconde Guerre mondiale est un chapitre sombre de l’histoire du peuple juif, et a dit soutenir une ONU dont la mission est de préserver la mémoire de la Shoah alors que l’antisémitisme est en progression dans le monde. Il faut s’assurer que l’histoire ne se répète pas, a-t-il plaidé.
Allocution du Président de la République de Pologne
Après l’adoption de ces textes, l’Assemblée générale a entendu l’allocution du Président de la République de Pologne.
Intervenant pour la dernière fois à la tribune onusienne en tant que Chef d’État, M. Andrzej Duda s’est alarmé de « la résurgence de l’impérialisme russe » et a exhorté l’Europe à sortir de sa « torpeur géopolitique », l’appelant à assumer une plus grande responsabilité pour sa sécurité, en coopération avec des alliés éprouvés.
« Nous n’avons pas le choix », a-t-il appuyé, affirmant que l’attaque contre l’Ukraine, menée par la Russie depuis 2014, ne marquerait que le début d’une tentative visant à détruire violemment l’ordre international. Le dirigeant a dit avoir pris la mesure du danger, notamment en intensifiant la coopération en matière de défense au sein des « Neuf de Bucarest ».
Selon lui, le succès des pays européens à créer sur le Vieux Continent un système dans lequel la guerre était difficilement imaginable parce qu’elle ne profitait pas à l’agresseur, en raison du primat du développement et de la prospérité des peuples, a aveuglé de nombreux dirigeants européens face à la menace russe.
Il a plaidé pour des relations plus étroites avec les États-Unis, partenaires de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et de l’Union européenne, ainsi qu’avec les pays Membres des Nations Unies qui le souhaitent et partagent les mêmes idées. Il a également dénoncé un pouvoir insuffisant pour garantir le droit international et les principes de la Charte des Nations Unies.
Le Président polonais a par ailleurs encouragé tous ceux qui s’intéressent à la coopération à investir dans la région et à participer au dixième Sommet de l’initiative des trois mers qui aura bientôt lieu, avant de s’enorgueillir du développement économique sans précédent de la Pologne, depuis que le pays s’est libéré de la sphère d’influence de la Russie. Pour le Président Duda, tous ces succès n’ont été possibles que grâce à la paix en Europe.
Après ce discours, la Fédération de Russie a fait une motion d’ordre, dénonçant des « élucubrations antirusses », ainsi que la « russophobie des élites polonaises ». Rappelant que, le 24 février dernier, le Conseil de sécurité a adopté une résolution appelant à instaurer une paix durable entre la Russie et l’Ukraine, la délégation russe a déploré que le Président polonais se soit livré à une « propagande belliciste » sans rien proposer.
Nomination
L’Assemblée a par ailleurs suivi les recommandations de son Président en procédant à la nomination de membres du Corps commun d’inspection (A/79/721). Makiese Kinkela Augusto (Angola), Victor Moraru (République de Moldova), Jesús Miranda Hita (Espagne) et Marcel Jullier (Suisse) sont ainsi nommés pour un mandat de cinq ans débutant le 1er janvier 2026 et venant à échéance le 31 décembre 2030.
L’Assemblée a aussi pris note du fait que Cabo Verde, l’Équateur et la Grenade ont effectué le versement nécessaire pour réduire leurs arriérés au budget ordinaire de l’ONU en deçà du montant spécifié à l’Article 19 de la Charte. De ce fait, leur droit de vote est restitué.
En fin de séance, la Fédération de Russie a exercé son droit de réponse.
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