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« La paix dépend du leadership africain », déclare le Secrétaire général au Conseil de sécurité en comptant sur l’Afrique pour la défense du bien commun

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat du Conseil de sécurité consacré au renforcement du rôle des États d’Afrique face aux problèmes de sécurité et de développement dans le monde, à New York, aujourd’hui:

Je remercie le Mozambique de nous réunir pour débattre du rôle essentiel joué par l’Afrique dans le maintien de la paix et de la sécurité.  Le débat d’aujourd’hui porte notamment sur la paix sur le continent africain – mais aussi sur le renforcement du rôle de l’Afrique dans la paix et le développement au niveau mondial. 

La voix de l’Afrique a un poids important dans la défense du bien commun.  Le continent foisonne d’exemples d’unité et de solidarité dans un monde fracturé.  Cette unité se traduit dans les efforts déployés par l’Afrique pour éradiquer la pauvreté et la faim, pour apporter une aide aux réfugiés ayant fui leur pays et pour parvenir à un développement durable.  Elle se traduit également dans l’action menée par l’Afrique pour bâtir collectivement, à l’échelle du continent, une économie moderne, diversifiée, innovante et puissante, en faveur de tous les Africains et de toutes les Africaines.

Citons par exemple l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Zone de libre-échange continentale africaine.  Prenons également l’exemple des pays d’Afrique pionniers dans les systèmes d’énergies renouvelables solaire ou éolienne – ce continent a les atouts nécessaires pour devenir une superpuissance en matière d’énergie renouvelable.  Citons encore les vigoureux appels lancés par l’Afrique pour que l’architecture financière mondiale soit réformée afin de bénéficier davantage aux pays qui en ont le plus besoin, et de mieux les représenter.  Pour que tout cela se concrétise, il faut que la paix règne en Afrique et ailleurs. 

Trop d’Africains sont pris dans l’enfer des conflits, ou exposés au danger permanent du terrorisme et de l’extrémisme violent au sein de leur communauté.  En effet, les pays du Sahel sont malmenés par les changements de gouvernement contraires à l’ordre constitutionnel, les transitions politiques hasardeuses et la menace terroriste croissante.  Le terrorisme et l’extrémisme violent s’insinuent dans le bassin du lac Tchad, en Somalie et ailleurs.  Les violences continuent de sévir en République démocratique du Congo et dans la Corne de l’Afrique.  Le Soudan sombre plus profondément dans un cauchemar humanitaire, qui entre maintenant dans sa deuxième année, alors que l’intensification des hostilités à El-Fasher marque le début d’un nouveau chapitre inquiétant de ce conflit. 

Mon Envoyé personnel, Monsieur Ramtane Lamamra, poursuit sans relâche son travail de médiation entre toutes les parties.  Il faut unir nos efforts à l’échelle mondiale afin d’obtenir un cessez-le-feu, suivi d’un processus de paix global, pour mettre fin à l’effusion de sang. 

Outre les morts, la famine, les maladies et les déplacements de population provoqués par ces conflits, le tableau est sombre.  De nombreux pays d’Afrique pâtissent encore des conséquences de la pandémie, notamment d’une hausse des taux d’endettement, ce qui limite leur capacité à lutter contre la pauvreté et la faim.

En parallèle, les effets des changements climatiques s’intensifient, notamment les épisodes de sécheresse et les terribles inondations, comme nous l’avons vu récemment en Afrique de l’Est.  De même, les tensions géopolitiques croissantes pèsent sur le continent.  Dans certains pays, nous observons de graves violations des droits humains et atteintes à ces droits, une épidémie de violences sexuelles et fondées sur le genre, un mépris du droit international et, de manière générale, un climat d’impunité. 

Le coût humain de ces conflits est désolant.  Et le coût pour le développement est incalculable.  Le moment est venu de libérer la puissance de paix de l’Afrique.  Nous devons renforcer le leadership de l’Afrique en faveur de la paix – sur le continent lui-même et sur la scène internationale. 

D’une part, nous devons faire advenir la paix sur le continent africain.  Notre partenariat avec l’Afrique repose sur l’idée claire que notre collaboration avec l’Union africaine doit adhérer au principe suivant: ce sont les Africains eux-mêmes qui doivent piloter les solutions aux problèmes rencontrés en Afrique.  L’ONU appuie pleinement la recherche de la paix en Afrique par l’initiative phare de l’Union africaine « Faire taire les armes ». 

Nous nous tenons aux côtés de nos partenaires africains pour contribuer à garantir la sécurité, la stabilité ainsi que le respect des droits humains et de l’état de droit sur l’ensemble du continent, conformément à ma Nouvelle vision de l’état de droit. 

Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Union africaine pour renforcer les fondements de sociétés stables et pacifiques, notamment des processus démocratiques et des institutions en lesquelles les populations peuvent avoir confiance. 

Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Union africaine, la CEDEAO et d’autres organisations pour éliminer le fléau du terrorisme, notamment en appuyant la prévention, l’assistance juridique, les enquêtes, les poursuites, la réinsertion et la réadaptation, ainsi que la protection des droits humains.  Nous soutenons pleinement la création de l’Agence humanitaire africaine afin d’aider les personnes en proie à des situations d’urgence complexes.  Nous apportons en outre un appui à des processus prioritaires d’édification de la paix dans des endroits où elle fait défaut. 

Je me félicite que ce Conseil ait souscrit à l’appel que nous lancions depuis longtemps pour que les opérations de soutien à la paix menées par l’Union africaine – y compris les opérations d’imposition de la paix et de lutte contre le terrorisme – soient appuyées par des mandats autorisés par le Conseil et financées au moyen de contributions couvrant une grande partie des dépenses. 

La résolution 2719 est un jalon décisif.  Nos deux organisations élaboreront une feuille de route conjointe pour donner suite à cette importante avancée.  Les partenariats de ce type sont au cœur du Nouvel Agenda pour la paix.  L’Agenda fait le lien entre l’investissement dans le développement, la mise en place de structures de gouvernance solides et de systèmes judiciaires dignes de confiance, et l’instauration d’une paix durable. 

L’Union africaine et l’ONU continueront d’œuvrer ensemble à désamorcer les conflits avant qu’ils ne dégénèrent, à les gérer efficacement lorsqu’ils surviennent et à construire une paix durable une fois qu’ils sont réglés.

Deuxièmement, nous devons intégrer la participation et le leadership de l’Afrique dans toute l’architecture de paix et de sécurité mondiale.  Après la Seconde Guerre mondiale, les mécanismes de gouvernance mondiale –y compris ce Conseil– ont été conçus par les pays les plus puissants de l’époque.  De nombreux pays africains étaient encore en train de se libérer des chaînes du colonialisme.  Depuis, le monde a changé, mais pas les institutions internationales.  Aujourd’hui, les pays africains continuent de se voir refuser un siège permanent à la table des négociations – y compris au sein-même de ce Conseil. 

L’impact de ces inégalités structurelles saute aux yeux.  Les États africains pâtissent de manière disproportionnée des effets des conflits, d’un système financier mondial injuste et de la crise climatique. Et ceci alors même que les pays africains se mobilisent et contribuent à des solutions pacifiques au-delà du continent. 

Je remercie à cet égard le Kenya de diriger la prochaine mission multilatérale d’appui à la sécurité en Haïti – et d’autres pays africains qui ont offert d’envoyer des troupes. 

L’Afrique mérite d’avoir voix au chapitre dans l’architecture de paix et de sécurité mondiale. Toutefois, la voix de l’Afrique ne peut se faire entendre que si les pays africains ont la possibilité de participer aux structures de gouvernance mondiale sur un pied d’égalité.  Cela implique de remédier à l’absence de représentation permanente de l’Afrique au sein de ce Conseil.  Et cela implique de réformer l’architecture financière mondiale – en particulier la gestion de la dette – afin que les pays africains bénéficient du soutien dont ils ont besoin pour gravir les échelons du développement. 

Le Sommet de l’avenir qui se tiendra en septembre sera l’occasion de faire avancer tous ces enjeux.  J’ai invité tous les chefs d’État à y participer.  Je compte sur les États Membres africains pour saisir cette occasion et présenter des propositions spécifiques visant à accroître la représentation de l’Afrique au sein de toutes les structures de gouvernance mondiale. 

Nous devons être lucides sur l’ampleur des défis qu’il nous faudra relever.  Mais les populations du continent africain ont toujours su se montrer à la hauteur des défis.  La paix est la clef de voûte de l’avenir de l’Afrique – pour les Africains eux-mêmes, et pour renforcer la voix et l’influence du continent dans l’édification de la paix sur la scène internationale.  La paix dépend du leadership africain. 

Je me réjouis de travailler avec vous au Conseil, ainsi qu’avec les pays, les institutions et les populations d’Afrique, sur cette tâche cruciale. 

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