SG/SM/22163

Le Secrétaire général appelle le Conseil de sécurité à ouvrir la voie vers un monde débarrassé des armes nucléaires

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors de la séance du Conseil de sécurité consacrée au désarmement nucléaire et la non-prolifération, à New York, aujourd’hui:

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors de la séance du Conseil de sécurité consacrée au désarmement nucléaire et la non-prolifération, à New York, aujourd’hui:

Je remercie le Gouvernement japonais d’avoir convoqué le Conseil pour débattre de la question vitale du désarmement nucléaire et de la non-prolifération.  Le Japon connaît mieux que tout autre pays le coût brutal de l’hécatombe nucléaire.  Mais près de huit décennies après qu’Hiroshima et Nagasaki ont été réduites en cendres, les armes nucléaires continuent de représenter un danger manifeste pour la paix et la sécurité mondiales.

Lorsque j’ai lancé le programme de désarmement en 2018, j’ai fait la mise en garde suivante: quand chaque pays œuvre à sa propre sécurité sans se soucier des autres, nous créons une insécurité mondiale qui nous menace tous.

Nous nous réunissons aujourd’hui à un moment où les tensions géopolitiques et la méfiance ont porté le risque de guerre nucléaire à son niveau le plus élevé depuis plusieurs dizaines d’années.  L’Horloge de l’apocalypse tourne, et son tic-tac entêtant retentit à toutes les oreilles.  Aux chercheurs et organisations de la société civile qui conjurent d’en finir avec la folie nucléaire.  Au pape François, qui qualifie d’« immorale » la possession d’armes nucléaires.

Aux jeunes du monde entier, qui s’inquiètent pour leur avenir et exigent le changement. Et aux hibakusha, les courageux survivants d’Hiroshima et de Nagasaki, exemplaires par leur témoignage de vérité face aux puissants et porteurs d’un message intemporel de paix.  Et à Hollywood, où Oppenheimer a donné vie à la dure réalité de l’apocalypse nucléaire pour des millions de personnes à travers le monde. 

L’humanité ne peut survivre à une suite à Oppenheimer.  Toutes ces voix, toutes ces mises en garde, tous ces survivants implorent le monde de s’écarter du précipice vers lequel il s’élance.

Et quelle réponse leur fait-on?  Les États dotés d’armes nucléaires sont absents de la conversation.  Les instruments de guerre font l’objet d’investissements bien plus importants que les instruments de paix.  Les budgets consacrés aux armements augmentent, tandis que les budgets consacrés à la diplomatie et au développement diminuent.

Les technologies naissantes, telles que l’intelligence artificielle, et les perspectives qui s’ouvrent dans les domaines du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique ont révélé de nouvelles failles et fait naître des risques nouveaux.  Les pays engloutissent des ressources considérables dans de nouvelles technologies nucléaires mortelles et étendent la menace à de nouveaux domaines.  Et certaines déclarations ont évoqué la perspective d’un déchaînement de l’enfer nucléaire, menaces que nous devons collectivement dénoncer haut et fort.

Les armes nucléaires sont les armes les plus destructrices jamais inventées, capables d’éliminer toute vie sur terre.  Aujourd’hui, ces armes gagnent en puissance, en portée et en furtivité.  Il suffit d’une mauvaise décision, d’une erreur d’appréciation, d’une action hâtive pour qu’un lancement accidentel se produise.  Et, à terme, c’est toute l’humanité qui en paiera le prix.  Une guerre nucléaire ne doit jamais être menée – parce qu’une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée.

Il n’y a qu’une voie –et une seule– pour nous débarrasser de ce spectre insensé et suicidaire, une fois pour toutes.  Nous avons besoin d’un désarmement immédiat.  En effet, l’élimination des armes nucléaires est la première mesure préconisée dans le Nouvel Agenda pour la paix, que nous proposons pour renforcer les outils de prévention et de désarmement.  Les États dotés d’armes nucléaires doivent montrer la voie dans six domaines.

Premièrement, il nous faut un dialogue.  Les États dotés d’armes nucléaires doivent réaffirmer leur engagement à œuvrer de concert à l’élaboration de mesures de transparence et de confiance devant permettre de prévenir tout recours à l’arme nucléaire.  Ces mesures devraient notamment porter sur le lien entre les armes nucléaires et les nouvelles technologies et les domaines émergents.  Deuxièmement, les démonstrations de force nucléaire doivent cesser.  Les menaces d’utilisation d’armes nucléaires sous quelque forme que ce soit sont inacceptables.

Troisièmement, les États dotés d’armes nucléaires doivent réaffirmer les moratoires sur les essais nucléaires.  Cela signifie s’engager à ne prendre aucune mesure susceptible de fragiliser le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, et faire de son entrée en vigueur une priorité.  Quatrièmement, les engagements en matière de désarmement doivent se traduire par des actes. Les États dotés d’armes nucléaires au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires doivent réaffirmer leur attachement à ce traité et aux engagements qu’ils ont pris en tant qu’États parties.  Et ils devraient être résolus à se tenir mutuellement responsables du respect de ces engagements.

Cinquièmement, nous avons besoin d’un accord collectif sur le recours en premier à l’arme nucléaire.  Les États dotés d’armes nucléaires doivent s’entendre d’urgence sur le fait qu’aucun d’eux ne sera le premier à utiliser de telles armes.  En réalité, aucune circonstance ne devrait justifier l’emploi de telles armes. Et sixièmement, il faut une diminution du nombre d’armes nucléaires.  Ce sont les détenteurs des plus grands arsenaux nucléaires, les États-Unis et la Fédération de Russie, qui doivent lancer ce mouvement, en trouvant le moyen de revenir à la table des négociations pour mettre pleinement en œuvre le Nouveau Traité START et se mettre d’accord sur l’instrument qui viendra lui succéder.

La responsabilité d’agir s’étend également aux États non dotés d’armes nucléaires.  Je les engage vivement non seulement à honorer leurs propres obligations en matière de non-prolifération, mais aussi à contribuer aux efforts visant à rendre le désarmement nucléaire vérifiable et irréversible.  Aidez-nous à tenir les États dotés d’armes nucléaires comptables de leurs actes.  Aidez-nous à consolider l’architecture mondiale du désarmement - en particulier le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Et apportez votre soutien aux activités de l’Agence internationale de l’énergie atomique, ainsi qu’à l’action que nous menons pour donner un second souffle à la Conférence du désarmement.  Ces dernières années, la Conférence est devenue synonyme d’impasse diplomatique et de méthodes de travail dépassées.  C’est honteux.

Lorsque j’ai pris la parole devant les membres de la Conférence le mois dernier, j’ai demandé qu’un nouveau processus intergouvernemental, relevant de l’Assemblée générale, soit mis en place afin de réformer les organes de désarmement – y compris la Conférence.  Nous espérons que cela permettrait – enfin – de convoquer une quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement.

Le Sommet de l’avenir de septembre -et le Pacte qui en résultera- offrira à la communauté internationale une occasion majeure de se mobiliser autour de réformes concrètes de l’architecture mondiale du désarmement ainsi que des organes et institutions qui en sont les garants.

Le Conseil de sécurité a la possibilité de poser des jalons décisifs pour tous ces domaines.  De voir au-delà des divisions d’aujourd’hui et d’affirmer clairement qu’il est inacceptable de vivre sous la menace existentielle des armes nucléaires.  De reconnaître que ce n’est qu’en travaillant main dans la main que nous pourrons éradiquer le risque d’un holocauste nucléaire. Et d’ouvrir la voie vers un monde débarrassé de ces instruments d’anéantissement.  Il est temps.

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