En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/22146

Soudan : le Secrétaire général exhorte toutes les parties belligérantes « à faire honneur aux valeurs portées par le ramadan » en cessant les hostilités pour toute la durée de celui-ci

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors de la séance du Conseil de sécurité consacrée au Soudan, à New York, aujourd’hui:

Cela fera un an le mois prochain qu’ont commencé les violents affrontements entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide.

Le conflit a eu et continue d’avoir des conséquences dévastatrices pour le peuple soudanais, mettant en péril l’unité du pays.

Il existe désormais un risque non négligeable que ce conflit vienne mettre le feu aux poudres et déstabiliser de façon catastrophique l’ensemble de la région, du Sahel à la Corne de l’Afrique en passant par la mer Rouge.

Pendant ce temps, les combats continuent de faire rage.  Les offensives reprennent dans l’État de Khartoum, dans l’État de Gazira et ailleurs.

À cause de ce carnage, nous avons récemment dû suspendre les opérations humanitaires menées depuis un pôle d’importance critique situé à Wad Madani – et l’on craint de plus en plus que les combats ne s’étendent encore davantage vers l’est.  Nous sommes en outre extrêmement préoccupés par les appels à armer la population et les campagnes de mobilisation de civils menées dans plusieurs États.

Au Darfour et au Kordofan méridional, des groupes armés entrent dans la mêlée.

Autant d’évolutions qui viennent jeter de l’huile sur le feu, au risque de fragmenter encore plus profondément le pays, d’exacerber les tensions intercommunautaires et d’aggraver les violences ethniques.  Il est temps de faire taire le grondement des armes pour laisser retentir la paix.

Dans quelques jours commencera le mois sacré de ramadan.  Je lance donc ici et maintenant l’appel suivant.  J’appelle toutes les parties en présence au Soudan à faire honneur aux valeurs portées par le ramadan en cessant les hostilités pour toute la durée de celui-ci.

Cette cessation des hostilités doit conduire à faire définitivement taire les armes dans l’ensemble du pays et permettre au peuple soudanais de s’engager résolument sur la voie d’une paix durable.  Les valeurs du ramadan doivent triompher.

Le moment est venu de déposer les armes.

La crise humanitaire au Soudan est en train de prendre une ampleur démesurée. Pas moins de la moitié de la population – près de 25 millions de personnes – a besoin d’une assistance vitale. Plus de 14 000 personnes ont été tuées et ce chiffre reste probablement bien en deçà de la réalité.

Le Soudan est aujourd’hui le théâtre de la plus grande crise de déplacement interne au monde: depuis le début du conflit, 6,3 millions de personnes ont été forcées de se déplacer à l’intérieur du pays en quête de sécurité.  En plus de cela, 1,7 million de personnes ont fui vers les pays voisins.

Le conflit a anéanti les infrastructures civiles et paralysé les services de base.  Dans les zones touchées par les combats, plus de 70% des établissements de santé sont hors d’usage.

Des millions d’enfants sont déscolarisés.  Les systèmes d’assainissement et d’approvisionnement en eau sont en train de s’effondrer.  Les maladies prolifèrent.  Le spectre de la famine plane sur le Soudan.

Quelque 18 millions de personnes sont dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë.  Jamais ce nombre n’a été aussi élevé en période de récolte – et pourtant, on s’attend à le voir continuer de grimper en flèche dans les mois à venir.  On nous signale déjà que des enfants sont en train de mourir de malnutrition.

L’ONU et ses partenaires humanitaires font tout leur possible pour atténuer ces souffrances.  Mais, alors même que nous tentons d’aider ces millions de personnes dans le besoin, des obstacles majeurs se dressent sur notre chemin.

Nous nous félicitons des décisions prises récemment par les autorités soudanaises pour faciliter la traversée des lignes de front depuis l’est du Soudan, l’utilisation de trois aéroports pour les vols humanitaires, et autoriser l’utilisation de points de passage vers des zones qu’elles contrôlent, dont un point de passage de la frontière avec le Tchad - nous demandons instamment que ces autorisations soient maintenues au-delà du mouvement de l’aide prépositionnée.

Il est cependant primordial d’agir face à la crise chronique de l’insécurité alimentaire que connaissent certaines parties du Darfour et d’autres zones difficiles d’accès.

D’innombrables vies sont en jeu, et le temps presse.

Conformément à la Déclaration de Djedda, les autorités doivent permettre un accès humanitaire complet et immédiat à toutes les populations vulnérables, où qu’elles se trouvent et indépendamment des zones de contrôle; toutes les voies d’acheminement doivent être utilisées, par la route et par les airs, pour maximiser la fourniture d’aide et sauver des vies; et toutes les voies d’accès doivent rester ouvertes pour permettre un flux d’aide régulier et durable, sans faire l’objet de restrictions ou d’entraves lourdes et déraisonnables.

Nous encourageons les autorités soudanaises à appliquer rapidement ces mesures et à poursuivre leurs efforts pour faciliter l’accès humanitaire, y compris à travers les lignes de conflit.

Les procédures mises en place récemment pour accélérer l’obtention de visas pour le personnel humanitaire sont également un pas dans la bonne direction.

J’exhorte la communauté internationale à soutenir financièrement le plan de réponse humanitaire 2024 pour le Soudan, les fonds étant encore nettement insuffisants.

La situation des droits humains continue de dégénérer partout au Soudan.

Les problèmes de protection s’amplifient d’heure en heure.

Les attaques menées sans discernement par les Forces d’appui rapide et les Forces armées soudanaises ont fait de nombreux morts et blessés parmi les civils.  Et nous constatons que les pillages, les arrestations arbitraires, les disparitions forcées, la torture, l’enrôlement d’enfants et les détentions se multiplient sur fond de rétrécissement de l’espace civique.

Par ailleurs, nous recevons des informations préoccupantes ayant trait à des actes systématiques de violence sexuelle liée au conflit, notamment des viols et des viols collectifs, ainsi qu’à des cas d’enlèvement et de traite à des fins d’exploitation sexuelle.

Je demande instamment aux parties de respecter les obligations que leur impose le droit international humanitaire, de protéger les civils et de faciliter un accès humanitaire sûr et sans entrave, comme elles se sont engagées à le faire.

Nous saluons l’action menée aux niveaux régional et international pour régler le conflit, notamment les efforts déployés par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).

Les pourparlers de Djedda sont un espace de dialogue essentiel et prometteur, auquel la participation de l’Afrique demeure indispensable.

Je salue le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, qui a nommé un groupe de haut niveau chargé de guider les travaux de l’Union africaine en faveur du règlement du conflit au Soudan.

Nous devons continuer d’œuvrer à donner des moyens d’action aux civils –notamment aux groupes de défense des droits des femmes, aux jeunes et à celles et ceux qui se mobilisent pour la paix– qui sont tous des éléments essentiels à la conduite d’un processus politique inclusif qui permettra au Soudan de reprendre sa transition démocratique.

L’ONU est prête à intensifier sa collaboration avec ses partenaires multilatéraux, notamment l’Union africaine, l’IGAD, la Ligue des États arabes et certains États Membres clefs, afin d’agir sans tarder pour faire cesser durablement les hostilités et mettre en place une médiation internationale inclusive, cohérente, complémentaire et efficace.  Toute action en ce sens devra s’appuyer sur les États de la région qui exercent une influence concrète sur les parties belligérantes pour mettre fin à la guerre.

Mon Envoyé personnel, Ramtane Lamamra, a rencontré les responsables des Forces d’appui rapide et des Forces armées soudanaises, a sillonné la Corne de l’Afrique et le Golfe et s’est rendu dans de nombreuses capitales pour discuter des prochaines étapes.  Je compte sur lui pour continuer à conduire les efforts déployés par l’Organisation au niveau politique et faciliter la coordination des initiatives de médiation internationale.

J’invite le Conseil à manifester son soutien résolu et sans équivoque à ce travail essentiel.

Suite au retrait de la MINUATS la semaine dernière, la période de liquidation technique a commencé.

Je suis profondément reconnaissant au personnel –national et international– de la Mission pour leur dévouement et leur service distingué dans des conditions très difficiles.

Je remercie également tous les partenaires qui ont contribué à la mise en œuvre du mandat de la MINUATS.

Bien que cette mission ait pris fin, notre travail collectif pour la paix doit se poursuivre et s’intensifier.

Une cessation des hostilités pendant le ramadan peut aider à atténuer les souffrances et ouvrir la voie vers une paix durable.

Ne ménageons aucun effort pour soutenir le peuple soudanais dans ses aspirations légitimes à un avenir pacifique et sûr.

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