En cours au Siège de l'ONU

SC/15747

Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du sixième rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants dans le conflit armé en Afghanistan (S/2023/893), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, les messages suivants;

À toutes les parties en Afghanistan mentionnées dans le rapport du Secrétaire général portant sur la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022, en particulier les forces talibanes, y compris le Réseau Haqqani, ainsi que l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-PK) et Hezb-e Islami Gulbuddin;

  • Condamne vigoureusement toutes les violations et atteintes commises contre des enfants par l’ensemble des parties au conflit en Afghanistan, en particulier la multitude de meurtres et de mutilations d’enfants; exhorte l’ensemble des parties à prévenir et à faire cesser immédiatement toutes les violations du droit international liées au recrutement et à l’utilisation d’enfants, aux meurtres et aux mutilations, aux viols et autres formes de violence sexuelle, aux enlèvements, aux attaques perpétrées contre des écoles et des hôpitaux et au refus d’accès humanitaire, et à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;
  • Demande à toutes les parties de donner suite aux conclusions qu’il a déjà formulées sur la question des enfants et du conflit armé en Afghanistan (S/AC.51/2016/1, S/AC.51/2011/3, S/AC.51/2009/1 et S/AC.51/2020/2); 
  • Se déclare préoccupé par les contraintes qui pèsent sur les activités de surveillance et de vérification, qui ont rendu difficile la tâche du mécanisme de surveillance et de communication de l’information, en particulier depuis la prise du pouvoir par les Taliban le 15 août 2021, et par le fait que les informations qui figurent dans le rapport du Secrétaire général, comme cela y est indiqué, ne reflètent pas pleinement les effets qu’a eus le conflit armé sur les enfants en Afghanistan pendant la période considérée, et, à cet égard, exhorte les parties au conflit à donner rapidement au personnel des Nations Unies accès en toute sécurité et liberté aux territoires sous leur contrôle, y compris à des fins de sensibilisation, de suivi et d’information; 
  • Souligne qu’il importe de faire appliquer le principe de responsabilité concernant l’ensemble des violations et exactions commises contre des enfants en temps de conflit armé, de faire traduire en justice toutes les personnes qui en sont responsables en application des dispositions du droit international, notamment de diligenter systématiquement des enquêtes impartiales et indépendantes et, s’il y a lieu, d’engager des poursuites judiciaires et de prononcer des condamnations; 
  • Se déclare profondément préoccupé par le nombre élevé d’enfants tués ou mutilés, notamment par des engins explosifs tels que des mines terrestres, des engins explosifs improvisés ou des restes explosifs de guerre, et dans le contexte d’affrontements terrestres, de frappes aériennes, d’assassinats ciblés et d’attentats-suicides; demande instamment à l’ensemble des parties de prendre immédiatement toutes les mesures de prévention et d’atténuation nécessaires pour prévenir et réduire au minimum les atteintes et mieux protéger les enfants, notamment contre les risques et les effets des engins explosifs; demande instamment aux parties de s’abstenir d’utiliser sans discernement des armes explosives pouvant causer la mort d’enfants ou porter atteinte à leur intégrité physique; demande aux États parties de respecter le Protocole V à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques (1980), auquel l’Afghanistan est partie et qui comprend des mesures visant à assurer la protection des civils, la neutralisation des engins explosifs et la sensibilisation au risque des engins explosifs, et engage les parties à continuer de donner suite aux signalements de meurtres et d’atteintes à l’intégrité physique d’enfants, à améliorer leurs pratiques opérationnelles et à faire en sorte que des comptes soient rendus et que des réparations effectives et adaptées soient accordées; 
  • Condamne le fait que toutes les parties au conflit armé recrutent et utilisent des enfants pour qu’ils s’acquittent de divers rôles, y compris au combat, et participent à des attentats-suicides ou accomplissent des tâches auxiliaires comme la fabrication ou le transport d’engins explosifs; constate que, pendant la période considérée dans le rapport, les Taliban étaient responsables de la plupart des cas de recrutement et d’utilisation d’enfants; constate également que la situation économique et humanitaire désastreuse du pays, l’absence de système généralisé d’enregistrement des naissances et la falsification des documents nationaux d’identité exposent les enfants au risque d’être recrutés et utilisés, et demande instamment à toutes les parties de libérer immédiatement et sans conditions tous les enfants qui leur sont associés, d’éliminer et de prévenir tout nouveau cas de recrutement ou d’utilisation d’enfants de moins de 18 ans et de respecter les obligations qui incombent à l’Afghanistan au regard du droit international, notamment celles découlant du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et de la déclaration faite par l’Afghanistan au moment de son adhésion au Protocole en 2003;
  • Prend note de l’adoption par les Taliban d’un décret et d’un code de bonnes pratiques interdisant et prévenant le recrutement et l’utilisation dans les services de sécurité de garçons ne présentant pas de signes de puberté, et se félicite de la démobilisation de 635 enfants au cours de la période considérée; demande à l’ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes, le cas échéant, de considérer comme un enfant tout être humain âgé de moins de 18 ans, d’élaborer des principes directeurs normalisés pour l’évaluation de l’âge, de créer des groupes de protection de l’enfance dans les centres de recrutement et de respecter la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif y relatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, auquel l’Afghanistan est partie;
  • Constate avec préoccupation que des enfants sont privés de liberté en raison de leur association, réelle ou présumée, avec des parties adverses, et demande instamment à toutes les parties de libérer tous ces enfants et de contribuer à leur pleine réintégration, au moyen de programmes spécialisés de protection de l’enfance qui tiennent compte des questions liées au genre, à l’âge et au handicap, d’assurer notamment leur accès, dans des conditions d’égalité, aux soins de santé, aux services de soutien psychosocial et aux programmes d’enseignement, et de permettre à l’Organisation des Nations Unies d’accéder à tous les centres de détention à des fins de suivi et de protection, ainsi qu’aux partenaires humanitaires, afin que ceux-ci puissent y dispenser des services essentiels; demande instamment que les enfants qui sont ou seraient associés à des parties au conflit soient traités avant tout comme des victimes du recrutement et de l’utilisation d’enfants et que leur détention ne soit envisagée qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et aux Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris), qui ont été approuvés par l’Afghanistan; exhorte l’ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Afghanistan, notamment les autorités compétentes, le cas échéant, à rétablir le système spécialisé de justice pour mineurs afin de garantir aux enfants un procès équitable et leur accès à la justice, et à élaborer des principes directeurs normalisés pour l’évaluation de l’âge; 
  • Constate avec préoccupation qu’il n’existe pas suffisamment de programmes de réintégration et d’accompagnement destinés aux enfants auparavant associés aux parties ou aux enfants libérés des centres de détention et souligne qu’il est essentiel, pour faciliter leur retour et réduire autant que faire se peut le risque d’un nouveau recrutement, de mettre en place sans délai des programmes et des possibilités de réintégration et de réadaptation à long terme et durables, qui tiennent compte des questions relatives au genre, à l’âge et au handicap, et d’assurer notamment l’accès de ces enfants, dans des conditions d’égalité, aux soins de santé, aux services de soutien psychosocial et aux programmes d’enseignement, et de sensibiliser les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants; 
  • Se déclare profondément préoccupé par les cas de viol et d’autres formes de violence sexuelle contre des enfants, y compris les mariages forcés et les actes de violence sexuelle commis contre des garçons, dont la pratique du batcha bazi, ainsi que par l’absence de mesures visant à faire cesser et à prévenir les violences sexuelles visant des enfants; engage vivement toutes les parties à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et les autres formes de violence sexuelle que subissent les enfants; note avec préoccupation que les viols et autres formes de violence sexuelle ne sont probablement pas tous signalés par peur de la stigmatisation et des représailles, et en raison de la faiblesse de l’état de droit et de l’impunité, de l’absence de services d’accompagnement adaptés pour les victimes et les survivants et des problèmes de sécurité, et souligne qu’il importe que les responsables de violences sexuelles et fondées sur le genre visant des enfants rendent compte de leurs actes et que les victimes et les survivants de tels actes bénéficient d’une protection et d’une assistance adéquates ainsi que de mécanismes fiables de recours à la justice; 
  • Condamne fermement les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux en violation du droit international, ainsi que contre des personnes protégées liées à des écoles ou à des hôpitaux; demande à toutes les parties de se conformer aux dispositions du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux et de leur personnel, et de faire cesser et de prévenir les attaques ou menaces d’attaques disproportionnées ou aveugles qui prennent pour cible ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international, conformément à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui a été signée par l’Afghanistan en mai 2015, souligne à cet égard qu’il importe de faire appliquer la résolution 2601, et demande également à toutes les parties de garantir, protéger, respecter et promouvoir le droit à l’éducation; se déclare préoccupé face à l’augmentation considérable de l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires au cours de la période considérée dans le rapport, et souligne qu’il importe que les auteurs d’attaques menées en violation du droit international contre ces établissements répondent de leurs actes; 
  • Condamne vigoureusement les enlèvements d’enfants, dont la majorité a été attribuée aux Taliban en 2021, et demande à toutes les parties concernées de mettre un terme à ces enlèvements, de libérer immédiatement tous les enfants qu’elles détiennent et de les confier aux acteurs civils compétents de la protection de l’enfance; 
  • Condamne résolument la forte augmentation du nombre de refus d’accès humanitaire, dont la majorité a été attribuée aux Taliban au cours de la période considérée, y compris les entraves à l’exécution d’activités humanitaires, les restrictions de mouvements, les menaces et les violences contre les biens et le personnel humanitaires, notamment les agressions, les détentions et les meurtres de membres du personnel humanitaire, et demande à l’ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes, le cas échéant, et à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter l’acheminement rapide, sans entrave et en toute sécurité de l’aide humanitaire aux enfants, dans le respect des principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance et conformément aux principes directeurs de l’ONU relatifs à l’aide humanitaire, et de respecter la nature exclusivement humanitaire et l’impartialité de l’aide humanitaire, ainsi que les travaux de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans aucune distinction défavorable, et estime qu’il faut redoubler d’efforts pour apporter une assistance humanitaire et mener d’autres activités visant à répondre aux besoins humains fondamentaux en Afghanistan; 
  • Se déclare vivement préoccupé par les restrictions imposées aux Afghanes travaillant auprès d’organismes des Nations Unies et d’organisations humanitaires, entre autres, qui nuisent à la fourniture d’une aide vitale à la population, en particulier aux enfants et aux filles, et demande à l’ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes, le cas échéant, de lever ces restrictions;
  • Demande à l’ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes, le cas échéant, de lever la suspension de l’enseignement secondaire et supérieur des filles et de veiller à ce que tous les enfants, garçons et filles, puissent accéder à tous les niveaux à une éducation de qualité sans subir de violences, de menaces, de fermetures d’établissement ou d’attaques, conformément à la résolution 2601 du Conseil de sécurité; 
  • Exige des parties qu’elles continuent de faciliter l’accès sûr et sans entrave du personnel des Nations Unies chargé de la surveillance et de la communication de l’information afin qu’il puisse s’acquitter de ses tâches; 
  • Exhorte l’ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Afghanistan, notamment les autorités compétentes, le cas échéant, à dialoguer avec l’ONU, conformément à la résolution 1460 (2003) du Conseil de sécurité et aux résolutions ultérieures, en vue d’adopter des mesures concrètes visant éliminer et à prévenir les six violations graves commises contre des enfants; 
  • Demande à toutes les parties au conflit d’entamer un dialogue avec l’ONU afin d’élaborer et d’appliquer, de concert avec l’Organisation, un plan d’action visant à éliminer et à prévenir les six violations graves commises contre les enfants touchés par le conflit armé; 
  • Demande à l’ensemble des acteurs politiques et des parties prenantes en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes, le cas échéant, ainsi qu’aux États Membres, aux entités des Nations Unies et aux autres parties concernées, de veiller à ce qu’une place soit faite à la protection, aux droits, au bien-être et à l’autonomisation des enfants touchés par le conflit armé et que la priorité leur soit accordée dans la planification, les programmes et les stratégies de relèvement et de reconstruction après un conflit, ainsi que dans les efforts faits pour consolider et pérenniser la paix et pour encourager et faciliter la prise en compte de leurs vues dans ces processus;

Aux notables locaux et aux chefs religieux;

  • Souligne le rôle majeur que jouent les notables locaux et les chefs religieux dans le renforcement de la protection des enfants touchés par le conflit armé; 
  • Les exhorte à renforcer la protection au niveau local et à condamner publiquement les violations et les exactions commises sur la personne d’enfants, en particulier celles qui impliquent le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les viols et les autres formes de violence sexuelle, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements d’enfants et le refus de l’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour les faire cesser et les prévenir, et à se concerter avec l’ensemble des acteurs politiques et parties prenantes en Afghanistan, l’ONU et les autres parties prenantes pour favoriser le désarmement, la démobilisation, la réintégration et la réadaptation, dans leurs communautés, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants. 

 

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