En cours au Siège de l'ONU

Cinquante-septième session,
9e séance plénière – matin
POP/1114

Population et développement: l’adoption de la déclaration politique sur les 30 ans du Programme d’action du Caire saluée, malgré des réserves

La Commission de la population et du développement a terminé aujourd’hui sa cinquante-septième session en entendant les délégations commenter sa déclaration politique, adoptée par consensus lundi 29 avril.  « Ce n’est pas seulement un document en attente d’être archivé mais le symbole de notre détermination collective à autonomiser les femmes et les filles, à garantir un accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive, à produire et à faire un meilleur usage de données ventilées relatives à la population et, peut-être le plus important, à miser sur nos jeunes », a déclaré la Directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations Unies pour la population.

L’adoption par consensus de la déclaration politique a été généralement saluée par les États Membres, dans la mesure où elle exprime clairement leur engagement en faveur de la pleine mise en œuvre du Programme d’action adopté il y a 30 ans lors de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) qui a eu lieu au Caire, en dépit des positions divergentes sur certaines questions.  C’est une « victoire », selon l’Argentine. Pour la Colombie, ce texte reflète bien le lien entre ce programme d’action et le Programme de développement durable à l’horizon 2030, même si le Mexique a déploré qu’il n’ait pas fait de lien avec le Sommet de l’avenir, qui se déroulera en septembre 2024.

Certains ont trouvé malgré tout que la Déclaration politique n’était pas assez ambitieuse, que le texte n’allait pas assez loin.  Si la Belgique, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, et l’Albanie se sont félicitées de l’adoption par consensus de la Déclaration politique, la deuxième délégation a toutefois regretté l’« opportunité manquée » d’y faire référence aux droits à la santé sexuelle et reproductive, en particulier s’agissant de la liberté de choix quant à la planification familiale. 

De nombreuses autres délégations ont porté leurs critiques sur le manque de considération pour les caractéristiques de chaque pays et la souveraineté nationale dans ces domaines.  Pour la République islamique d’Iran, par exemple, le texte ne reflète pas « comme il se doit » les considérations de certains États, notamment son pays, qui estiment « encore une fois » qu’une politique axée sur la famille est nécessaire au bien-être et à la prospérité des sociétés.  Insistant aussi sur l’importance de la souveraineté nationale et sur le droit de tous les pays à déterminer leur propre trajectoire de développement, la délégation iranienne a rejeté les tentatives d’imposer de soi-disant « solutions standardisées uniformes », un point de vue également relayé par le Nigéria. 

Dans la même veine, Djibouti a regretté que certains États ne respectent pas des principes de base comme la souveraineté nationale et le rôle central de la famille, s’inquiétant de « tentatives de détournement de la conversation ».  Le Bélarus a, lui aussi, insisté sur le droit souverain de chaque État d’appliquer comme il l’entend cette déclaration politique, dans le respect de ses caractéristiques culturelles.  Même son de cloche du côté de l’Égypte, pays hôte de la CIPD en 1994, qui s’est montrée soucieuse que la Commission adopte des textes « applicables par tous les pays » en fonction de leurs caractéristiques.  Elle a tenu à souligner que la famille est le noyau naturel de la société et qu’il convient de la protéger.

La question du genre a suscité des commentaires de la part du Cameroun, du Niger, du Sénégal et du Saint Siège, notamment.  Ces pays ont dit entendre le genre comme sexe biologique se référant exclusivement au sexe de l’homme et de la femme.  Les mêmes délégations ont tenu à préciser que l’avortement ne peut être un moyen de planification familiale, comme l’a dit le Cameroun, appuyé par le Niger. 

Enfin, plusieurs délégations, comme le Sénégal, la Zambie et le Saint Siège, ont reproché au texte de la Déclaration d’avoir fait l’impasse sur certaines questions cruciales comme l’élimination de la pauvreté et la notion de la famille traditionnelle comme l’unité de base de la société.

Résumant ces divergences, la République-Unie de Tanzanie a estimé que, lors de cette session, l’écart entre pays développés et en développement n’a fait que se creuser et que la Déclaration politique ne reflète en réalité que le plus petit dénominateur commun.  Sa représentante a expliqué que les négociations se sont concentrées sur des questions non consensuelles, un point également relevé par la Fédération de Russie qui a parlé d’une approche très sélective accordée aux priorités de certains États.  Il aurait été possible d’arriver à de meilleurs résultats, a estimé la République-Unie de Tanzanie suggérant pour l’avenir d’éviter les termes qui ne sont pas clairement définis et qui ne font pas l’objet d’un consensus au sein des Nations Unies, même s’ils sont importants pour certaines délégations.  « Il est clair qu’ils nous font perdre beaucoup de temps et qu’ils nous empêchent d’obtenir de meilleurs résultats. »  Ce qui compte, est intervenu l’Uruguay, c’est qu’à l’avenir, tous les espaces de dialogue restent ouverts, même si ces dialogues seront parfois difficiles.

Faisant le bilan de cette semaine « passionnante », la Présidente de la cinquante-septième session de la Commission, Mme Noemí Espinoza Madrid, du Honduras, a rappelé qu’à l’occasion du trentième anniversaire du Programme d’action de la CIPD, conférence « historique » du Caire, la Commission a été en mesure d’adopter une « importante » déclaration politique qui réaffirme l’engagement de tous les États Membres en faveur d’un développement centré sur l’être humain.  Cette semaine a été l’occasion de s’écouter les uns les autres, de comprendre ce qui se passe aux niveaux national et régional et, ce faisant, de construire le puzzle de la situation démographique mondiale. 

Quant aux indications claires ressorties de cette évaluation et de la voie à suivre, Mme Espinoza a mis l’accent sur les progrès significatifs dans la réduction du taux global de pauvreté; l’accès à l’enseignement primaire; l’égalité des sexes qui ont permis à davantage de femmes d’accéder aux espaces de décisions; l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive qui a contribué à l’autonomisation et à la responsabilisation des femmes; et la baisse des infections et décès par le VIH/sida. 

Ce bilan a aussi fait ressortir ce qui reste inachevé et inéluctable, a cependant noté Mme Espinoza, comme le fait que les inégalités se sont creusées et que la pauvreté demeure le plus grand défi mondial.  Elle a cité, entre autres, la stigmatisation et la discrimination, les mutilations génitales féminines, les mariages forcés, les féminicides ou encore les effets des changements climatiques qui aggravent les inégalités.  L’évolution et la diversité des dynamiques démographiques posent le défi urgent de la réorganisation des systèmes de retraite et de santé, ainsi que du travail de soins qui, jusqu’à présent, incombe principalement aux femmes, a-t-elle aussi noté.

Inquiète aussi pour le financement de l’agenda démographique, la Présidente de la Commission a mis en garde contre les pressions qui sont liées aux remboursements de la dette.  La République arabe syrienne, l’Afrique du Sud et d’autres ont également souligné que les niveaux de financement actuels ne répondent pas aux besoins des populations. 

La Présidente de la Commission a donc plaidé en faveur de l’intégration effective de l’agenda démographique dans les efforts mondiaux actuels, tels que la mise en œuvre du Programme 2030 et les résultats attendus du Sommet de l’avenir.  Cela nécessite selon elle une revitalisation du multilatéralisme, dans un esprit de solidarité internationale.  Cela doit se faire en tenant compte des diverses réalités auxquelles sont confrontées les régions et des changements dans la dynamique démographique qui incitent à travailler de manière intergénérationnelle, a-t-elle argué.  En conclusion, Mme Espinoza s’est félicitée que cette session ait réaffirmé l’approche holistique et centrée sur les personnes du Programme d’action. 

Mme Diene Keita, Sous-Secrétaire générale et Directrice exécutive adjointe, chargée des programmes, du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a espéré que le Sommet de l’avenir de septembre serait l’occasion d’agir ensemble, conformément à la vision de cette Commission. Le Sous-Secrétaire général au développement économique, M. Navid Hanif, s’est félicité quant à lui de la forte participation à cette session, dont de nombreux représentants de la société civile. 

En prévision de ses prochaines sessions, la Commission a adopté l’ordre du jour de la cinquante-huitième (2025) et fixé le thème de la cinquante-neuvième (2026) qui sera le suivant: « Population, technologie et recherche dans le contexte du développement durable ».  Elle a aussi adopté son projet de rapport sur ses travaux achevés aujourd’hui.

La Commission a ensuite ouvert sa cinquante-huitième session pour élire à sa présidence Mme Catharina Lasseur, des Pays-Bas, ainsi que Mmes Norma Abi Karam, du Liban, et Soledad Sandler, de l’Argentine, aux postes de vice-présidentes.

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