La Commission de la condition de la femme poursuit ses échanges sur la lutte contre la pauvreté et l’autonomisation des femmes et des filles
La Commission de la condition de la femme poursuit, aujourd’hui, les travaux de sa soixante-huitième session avec la tenue, dans la matinée, de deux tables rondes ministérielles.
Les échanges se sont articulés autour des deux thèmes abordés hier, à savoir la mobilisation du financement pour l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes et filles, ainsi que les bonnes pratiques pour renforcer les institutions et maximiser le financement afin de parvenir à l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes et des filles. Ce fut également l’occasion pour les ministres réunis de faire le point sur les politiques et stratégies de lutte contre la pauvreté des femmes et des filles.
À l’heure actuelle, 10,3% des femmes dans le monde vivent dans l’extrême pauvreté. Plus de 100 millions de femmes et de filles pourraient sortir de la pauvreté si les gouvernements privilégiaient l’accès à l’éducation, à des services de planification familiale et à des salaires équitables et égaux, et s’ils étendaient les avantages sociaux.
Les travaux de cette session 2024 ont pour thème prioritaire « Accélérer la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles en s’attaquant à la pauvreté et en renforçant les institutions et le financement dans une perspective d’égalité entre les hommes et les femmes ».
La Commission de la condition de la femme poursuivra ses travaux demain, jeudi 14 mars, à partir de 10 heures.
SUITE DES TABLES RONDES MINISTÉRIELLES
Table ronde 3: « Mobiliser les financements en faveur de l’égalité entre les genres et l’autonomisation de toutes les femmes et filles: politiques et stratégies pour mettre fin à la pauvreté des femmes et des filles »
Cette première table ronde de la matinée a été l’occasion pour les intervenants de donner un aperçu des politiques, stratégies et moyens budgétaires mis en œuvre dans leurs pays respectifs pour remédier à la pauvreté des femmes et des filles.
« Dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres, le visage de la pauvreté est féminin », a confirmé le Ministre d’État, de la famille, de l’inclusion et du développement social de Cabo Verde, en précisant qu’environ 65% des familles vivant dans l’extrême pauvreté sont dirigées par des femmes.
Pour la Ministre de l’égalité des genres, de l’éradication de la pauvreté et de la protection sociale de la Namibie, il importe donc de faire de l’investissement dans les femmes et les filles une priorité pour tous « parce que cela donne d’excellents résultats » en termes de développement durable, de développement social et de croissance inclusive. Cette position a été très largement soutenue par les délégation, à l’instar de la Présidente de l’Institut national des femmes du Mexique qui a souligné que l’égalité des genres est un véritable catalyseur pour le développement durable inclusif.
De son côté, le Directeur exécutif de la population et du développement au Ministère de l’économie et de la planification de l’Arabie saoudite a affirmé que chaque dollar investi dans l’éducation des filles peut en rapporter 12 en termes de gains de compétitivité et de participation des femmes au marché du travail. D’ailleurs aujourd’hui, grâce à une nouvelle législation, les femmes saoudiennes représentent plus de 36% du marché du travail, occupent 26% des sièges de la Choura et dirigent plus de 45% des petites et moyennes entreprises, s’est-il félicité. De son côté, la Ministre du développement social et de la famille du Qatar a inscrit la démarche de son pays en faveur des femmes dans une volonté de faire passer la société qatarie dans son ensemble d’un statut de consommateur à un statut de producteur.
Comme l’a relevé la Secrétaire d’État au Ministère du travail, des pensions, de la famille et de la politique sociale de la Croatie, le rôle essentiel que joue l’autonomisation des femmes et des filles dans la réalisation du développement durable est indéniable, mais, pour y arriver, il faut avoir des institutions publiques robustes. Cela signifie des ressources, des connaissances et des données chiffrées, ainsi que des cadres institutionnels et législatifs efficaces pour pouvoir relever les défis uniques auxquels ces dernières font face.
Certes, mais les politiques fiscales de soutien aux stratégies en faveur de l’égalité de genre et de l’autonomisation des femmes ne suffiront pas à elles seules à relever les inégalités et leur marginalisation, a souligné la Secrétaire d’État au Ministère des affaires étrangères de la Norvège en plaidant pour des stratégies de redistribution des dépenses permettant l’inclusion des femmes, un appel relayé par son homologue du Ministère du travail, de la famille, des affaires sociales et de l’égalité des chances de la Slovénie.
Parmi les exemples concrets de fiscalité « féministe » mentionnés ce matin, on peut citer le cas de Cabo Verde qui finance en partie son Fonds social pour l’éradication de la pauvreté par le biais d’une augmentation de 50% de la taxe de séjour, ou encore la baisse de 21% à 6% de la TVA sur les produits menstruels en Belgique depuis 2018, ainsi que la baisse du taux d’imposition pour les femmes à faible revenu en Norvège.
Il a aussi été question de financer des crèches, des congés parentaux et des modalités de travail aménagé afin d’appuyer l’équilibre entre vie privée et professionnelle, et de réduire les écarts de salaire qui persistent entre les hommes et les femmes. À ce sujet, la Directrice de la plateforme d’action sur le genre du Japon a fait savoir que la divulgation d’informations sur les écarts de salaire entre hommes et femmes est obligatoire dans son pays depuis 2022.
Le Secrétaire de cabinet au Ministère du genre, de la culture, des arts et du patrimoine du Kenya a expliqué de son côté que son gouvernement mise sur des politiques d’intégration financières et d’autonomisation des femmes qui s’appuient sur une législation « efficace », un fonds pour l’entrepreneuriat des femmes, et des mesures non discriminatoires pour combler le fossé numérique. Le Ministre de la jeunesse, de l’égalité des sexes, des sports et de la culture du Botswana a également mentionné un programme d’accélération des microentreprises détenues par des femmes, développé en collaboration avec l’ONU, la Namibie se félicitant pour sa part que 70% des bénéficiaires du programme pour l’entrepreneuriat soient des femmes.
Au Mexique, pas moins de 30 projets prioritaires ont permis de toucher près de 14 millions de femmes et de filles mexicaines par le biais d’un soutien direct. Entre 2020 et 2022, cela a permis à plus de 3,5 millions de femmes de sortir de la pauvreté dont 700 000 de la pauvreté extrême, s’est félicitée la représentante qui a plaidé pour des actions durables et collectives pour améliorer l’employabilité des femmes et la prise en charge du travail non rémunéré ainsi que pour s’attaquer aux disparités dans l’accès à la terre.
Exhortant à une réforme de l’architecture financière internationale, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a regretté qu’aujourd’hui on cherche à intégrer les femmes dans des systèmes économiques inégalitaires. Il faut, a-t-elle préconisé, passer d’un modèle économique qui considère l’autonomisation des femmes comme un outil de croissance économique à un modèle basé sur les droits humains pour tous et l’égalité de genre. En outre, le financement pour l’élimination de la pauvreté doit tenir compte des causes profondes de l’inégalité des genres, y compris les relations de pouvoir, a-t-elle insisté.
Table ronde 4: « Bonnes pratiques pour renforcer les institutions et maximiser le financement afin de parvenir à l’égalité des genres et à l’autonomisation de toutes les femmes et filles »
Ce deuxième échange de la matinée a permis de détailler les politiques mises en place, sur les plans institutionnel et budgétaire notamment, afin de parvenir à l’égalité des genres et de remédier à la « féminisation de la pauvreté ».
Sur un plan institutionnel d’abord, le Ministre des affaires étrangères de la Tchéquie a mentionné la création dans son pays d’un organe consultatif sur la question de l’égalité des genres et d’un point focal au sein de chaque ministère. Après avoir rappelé les deux journées de travail accomplies par nombre de femmes chaque jour -une journée rémunérée et l’autre non-, la Ministre des femmes et de l’égalité des genres du Chili a estimé que les soins à la personne doivent faire l’objet d’un ministère à part entière comme c’est le cas dans son pays. « Les soins à la personne sont un pilier du bien-être social », a-t-elle souligné.
La création d’institutions adéquates capables de soutenir l’entrepreneuriat féminin a été mise en avant par le Ministre du développement, des jeunes et des religions de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui a mentionné la création d’une banque appelée « Mama Bank » accordant des emprunts à taux préférentiel aux femmes. Au Burundi, plus de 50 000 femmes ont pu bénéficier des prêts accordés par une banque créée à des fins de promotion de l’autonomisation des femmes, a indiqué la Ministre des solidarités sociales qui a également évoqué la création d’un fonds de garantie pour des projets portés par des femmes.
Même son de cloche du côté de la Ministre de la promotion des femmes, de la famille et des enfants du Mali qui a évoqué le fonds d’appui au développement de l’entrepreneuriat féminin récemment créé dans son pays. L’entrepreneuriat féminin est également une priorité au Kirghizistan, aux côtés d’une budgétisation sensible au genre, a indiqué la Ministre du travail et des migrations de ce pays. « La perspective de genre a été adoptée par tous les organismes nationaux de mon pays, mais le défi principal demeure celui du financement », a signalé pour sa part la représentante de l’Uruguay.
Sur ce plan financier précisément, la Ministre de l’égalité de la Pologne a indiqué que 24 milliards de dollars ont été débloqués au bénéfice des femmes vulnérables, y compris les femmes ukrainiennes qui se sont réfugiées en Pologne après l’agression russe. La Ministre de l’égalité des chances et de la diversité du Luxembourg a, elle, jugé capital un engagement financier robuste en faveur des femmes, tandis que son homologue de la Suède a rappelé combien un taux d’emploi plus élevé des femmes contribue à la croissance économique. De son côté, la Ministre des femmes de la République dominicaine a précisé que 285 millions de dollars ont été affectés à la protection de la santé et des droits des femmes.
Appuyée par la République-Unie de Tanzanie, la Ministre du genre et des femmes du Libéria a demandé une augmentation des financements afin de parvenir à l’égalité de genres. Dans ce droit fil, la Présidente de la Commission de l’égalité des genres du Portugal a insisté sur l’importance d’une diversité des financements. Dans mon pays, en plus des fonds nationaux et de ceux de l’Union européenne, une partie des gains découlant de la loterie nationale est affectée au financement des politiques bénéficiant aux femmes, a-t-elle expliqué.
Enfin, sur le plan sociétal, la Ministre des femmes et de la protection sociale du Kazakhstan a mentionné l’adoption d’un nouveau code de la famille comprenant des mesures renforcées de protection des femmes, tandis que la Ministre du développement social d’Oman a détaillé l’action de son pays pour protéger les femmes des conséquences des changements climatiques. La Ministre de la protection sociale de l’Estonie a, quant à elle, cité la mise en place d’un outil numérique mesurant les écarts salariaux entre hommes et femmes en vue de leur comblement.
À Singapour, les femmes disposant de faibles revenus sont épaulées afin de concilier vie familiale et vie professionnelle, a assuré la Ministre des affaires sociales qui a par ailleurs fait savoir que 9 enfants sur 10 ont une place en crèche. Dans cette veine, le Secrétaire d’État adjoint à la famille de la Hongrie a rappelé que les femmes doivent jouir de toute liberté de décision s’agissant de leurs choix de vie. Nous appuyons financièrement les femmes, a-t-il ajouté, en rappelant que l’allocation à la naissance d’un enfant a augmenté de 100% ces dernières années. La Hongrie a par ailleurs dépensé 580 millions de dollars pour créer des places en crèche, tandis qu’un système de départ à la retraite anticipé pour les mères est en cours d’élaboration.
Donnant le mot de la fin, la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a appelé à investir résolument dans des politiques de protection des droits, y compris sexuels et politiques. « Les femmes doivent pouvoir prendre des décisions avisées en ce qui concerne leur corps et leur vie. »
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* Note: En raison de la crise de liquidité qui affecte les Nations Unies, la Section des communiqués de presse n’a pas pu couvrir la 5e séance plénière.