Session de 2024,
Forum sur la science, la technologie et l’innovation, matin & après-midi
ECOSOC/7162

ECOSOC: le potentiel de la science, de la technologie et de l’innovation doit être promu par un leadership politique fort en vue de réaliser les ODD avant 2030

Conseil économique et social                                              ECOSOC/7162

Alors que s’exhale un parfum d’urgence pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) dont la date butoir est l’année 2030, la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC) a prévenu, ce matin, que « le temps presse » et qu’il faut utiliser à bon escient la science, la technologie et l’innovation (STI).  Mme Paula Narváez, qui ouvrait les travaux du neuvième forum de collaboration multipartite sur les STI au service des ODD, a ainsi misé sur la réalisation du potentiel de ces outils pour nous mettre sur la voie de la réalisation des ODD en seulement six ans.  Cela passe par un leadership politique fort, avec des feuilles de route et des stratégies claires, a-t-elle précisé.

Le forum, auquel prennent part des représentants d’États Membres et d’organisations internationales, ainsi que des universitaires, des membres de la société civile et des acteurs du secteur privé, est axé cette année sur le thème suivant: « La science, la technologie et l’innovation pour renforcer le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et éliminer la pauvreté en période de crises multiples: mise en œuvre efficace de solutions durables, résilientes et innovantes ».  Comme par le passé, le thème du forum STI est étroitement lié à celui du Forum politique de haut niveau pour le développement durable qui se tiendra cet été sous les auspices de l’ECOSOC.

La Présidente de cet organe a souligné que malgré le rythme rapide des progrès technologiques, les transformations qui en résultent ne conduisent pas automatiquement à un développement équitable et durable.  Il faut encore trouver, selon elle, les moyens de profiter pleinement du potentiel des STI pour qu’ils contribuent au développement durable. Pour y parvenir, elle a plaidé pour une collaboration orientée vers l’action au-delà de ces secteurs et même au-delà des frontières, afin de surmonter les divisions et de stimuler le progrès.  Cette année, a-t-elle rappelé, le forum se concentre sur « deux domaines thématiques stratégiques »: l’intelligence artificielle (exploiter ses avantages et relever les défis qu’elle pose) et les changements climatiques (lutter contre ses effets néfastes).

Lui emboîtant le pas, le Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis, a souligné qu’avec les conflits qui essaiment à travers le monde et l’impact des changements climatiques, il devient encore plus difficile de réaliser les 17 ODD.  Il a donc appelé à mobiliser la science pour accélérer les actions et les solutions innovantes, invitant les gouvernements, le milieu académique et le secteur privé à agir de concert.  M. Francis a néanmoins déploré les disparités entre les pays en situation particulière et le reste du monde en matière technologique. À l’approche du Sommet de l’avenir prévu en septembre prochain, il a plaidé pour le respect du principe de « ne laisser personne de côté ». 

Les inégalités à travers le monde s’accentuent si on ne fait pas face à la crise climatique, a enchaîné M. Selwin Hart, qui est Conseiller spécial du Secrétaire général pour l’action climatique et une transition juste. D’où son appel pressant à parvenir à la neutralité carbone dès que possible.  Si des fonds sont disponibles pour l’action climatique, a-t-il observé, il reste néanmoins à « réformer l’architecture financière internationale ».  Il a aussi appelé à concéder aux pays en développement des « financements concessionnels », faisant remarquer que ces pays dirigent les gains des leurs exportations en priorité vers le service de la dette.  Entre 23 et 30%, a—t-il précisé en déplorant le fait que ces fonds auraient pu servir pour l’éducation ou les énergies renouvelables. 

Dans le même temps, pas moins de 154 milliards de dollars ont été dépensés en 2023 à travers le monde dans le domaine de l’intelligence artificielle, a fait observer la fondatrice et dirigeante de Defined a.i. Mme Daniela Braga a constaté que les plus grands pays qui investissent dans l’IA -États-Unis, Royaume-Uni, Chine et les pays de l’Union européenne- se battent pour être les premiers à innover, au lieu de se focaliser sur la résolution des problèmes du monde à travers l’adhésion aux ODD.  Elle a souhaité que davantage d’États soient impliqués dans ce domaine et aussi davantage de femmes, celles-ci ne recevant qu’à peine 2% des fonds dédiés au financement de la recherche en matière d’intelligence artificielle. 

Les femmes ont un rôle prééminent à jouer, a confirmé l’une des coprésidentes du forum, Mme Christiana Markus Lassen (Danemark).  Elle a insisté sur le rôle important que peut jouer l’intelligence artificielle dans notre monde empli de défis à relever, avant d’alerter sur l’acuité du problème de financement, qu’il soit au service de la justice climatique ou du développement durable.  Mme Rhonda King (Saint-Vincent-et-les Grenadines), l’autre coprésidente du forum, a souligné que la technologie et l’innovation jouent précisément un rôle concret pour remédier à la crise climatique. Toutefois, « la fenêtre est en train de se refermer » pour remédier aux défis du climat et du développement durable, a prévenu Mme Joyeeta Gupta, du Groupe des 10 hauts représentants de la société civile, du secteur privé et la communauté scientifique pour promouvoir la science, la technologie et l’innovation pour les ODD.

L’experte s’est également inquiétée du phénomène de la désinformation, soulignant que l’intelligence artificielle ne fait que l’aggraver. L’IA touche à tous les domaines de la vie, a noté le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Li Junhua, en soulignant les défis considérables qu’elle pose et en appelant à une bonne gouvernance du secteur.  Mais n’oublions pas que cette intelligence artificielle est devenue essentielle pour répondre aux enjeux climatiques, a-t-il rappelé. 

Au sujet du fossé numérique entre pays qui a été plusieurs fois mentionné au cours de la journée, l’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et la Chine, a demandé une augmentation de l’aide publique au développement (APD) pour y remédier, rappelant que les cibles fixées dans ce domaine n’ont toujours pas été atteintes.  « Les engagements en matière d’APD doivent être respectés. » 

L’Union européenne a pour sa part exhorté les dirigeants politiques à « écouter les scientifiques ».  C’est d’ailleurs ce qui se fera au cours des deux journées du forum STI avec la tenue de sept sessions thématiques en plus de la session ministérielle de ce matin. 

SESSION MINISTÉRIELLE

« Mettre la science et la technique au service de la recherche efficace de solutions durables, résilientes et innovantes »

C’est dans l’espoir que cette discussion génère des solutions concrètes que Mme RHONDA KING, (Saint-Vincent-et-les-Grenadines), Coprésidente du forum STI, a campé les enjeux du débat. Dans un contexte marqué par le défi climatique et la persistance des conflits, elle a souligné que la technique et l’innovation jouent précisément un rôle concret pour remédier à la crise climatique.  Le rôle de la science, de la technique et de l’innovation (STI) est en effet crucial pour relever les défis mondiaux, a confirmé Mme CHRISTIANA MARKUS LASSEN, (Danemark) également Coprésidente du forum STI, en premier lieu le défi climatique et celui de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Elle a insisté sur le rôle que peut jouer à cet égard l’intelligence artificielle, avant d’alerter sur l’acuité du défi du financement, qu’il soit au service de la justice climatique ou du développement durable.  Les femmes ont un rôle prééminent à jouer, a-t-elle ajouté.

Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. LI JUNHUA, a pointé lui aussi l’immense potentiel de la science et de la technique dans l’élaboration de la réponse aux immenses défis qui sont ceux du monde.  Il a salué l’accent mis lors de ce forum sur les changements climatiques et l’intelligence artificielle.  Cette intelligence est une avancée essentielle en vue de répondre aux enjeux climatiques, a-t-il relevé, tout en observant qu’elle touche à tous les domaines de la vie. Toutefois, il en a souligné les défis considérables qu’elle pose, appelant à une bonne gouvernance de l’intelligence artificielle.

Entrant dans le vif du sujet, M. MUHAMMADOU M.O. KAH, Président de la Commission de la science et de la technique au service du développement (CSTD), a présenté les résultats de la session de la Commission qui s’est tenue en avril à Genève.  Une coopération accrue a été réclamée en vue de combler le fossé entre pays développés et pays en développement dans le domaine scientifique et technologique, a-t-il indiqué.  Il a fait part de la proposition d’un projet de résolution, soumise à l’ECOSOC, afin de mettre sur pied une gouvernance efficace en matière de données.

« La fenêtre est en train de se refermer » pour remédier aux défis du climat et du développement durable, a prévenu pour sa part Mme JOYEETA GUPTA, Coprésidente du Groupe de 10 hauts représentants de la société civile, du secteur privé et la communauté scientifique pour promouvoir la science, la technologie et l’innovation pour les objectifs de développement durable.  L’experte a également insisté sur le défi de la désinformation que l’intelligence artificielle est venue aggraver.  Elle a prôné une transition énergétique réussie et des modes de consommation modifiés. Le règlement des défis en matière d’ODD exige une volonté politique forte, a-t-elle insisté, demandant aux pays développés de coopérer avec les pays en développement.  Elle a précisé que son groupe publiera son rapport en 2025.

Dans la discussion ministérielle qui a suivi, le Belize, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a appelé de ses vœux un monde où les droits humains ne seraient pas menacés par les nouvelles technologies et où les femmes et les jeunes joueraient un rôle plus important.  Le Belize a plaidé pour un « avenir numérique, ouvert à tous ».  Le Tadjikistan a insisté sur l’importance de la science pour la bonne gestion des ressources hydriques dans un contexte de crise climatique mondiale.  La part des énergies fossiles dans le mix énergétique du Tadjikistan est en voie de diminution, s’est félicitée la délégation, en estimant que le monde est à l’orée d’une révolution industrielle. 

La Serbie a dit accueillir prochainement des discussions sur l’élaboration de normes pour la gouvernance de l’intelligence artificielle, tandis que les Philippines ont plaidé pour une utilisation éthique de ladite intelligence.  La Géorgie a détaillé sa stratégie de promotion des technologies et de l’innovation malgré certaines « turbulences ».  « Nous sommes déterminés à y consacrer 1,5% de notre PIB. »

La Pologne n’a pas fait mystère des nombreux défis qui ont entravé la réalisation des ODD, tels que la pandémie ou encore la guerre d’agression de la Russie en Ukraine.  « La science doit être réactive et souple pour répondre aux défis, comme elle a su l’être en élaborant les vaccins contre la COVID-19 », a-t-elle prôné.  Les pays qui ne sont pas épris de paix ne peuvent être des partenaires fiables en matière scientifique, a tranché la délégation, en précisant que la Pologne a mis un terme à sa coopération scientifique avec la Russie.

Au sujet du fossé numérique entre pays, l’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et la Chine, a demandé une aide publique au développement (APD) accrue, les cibles fixées dans ce domaine n’ayant pas été atteintes.  « Les engagements en matière d’APD doivent être respectés », a-t-il martelé. Enfin, l’Union européenne a exhorté les dirigeants politiques à « écouter les scientifiques », tandis que les États-Unis ont détaillé leur « vision 2023 » lancée en coopération avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour combattre l’insécurité alimentaire. « Nous devons travailler ensemble. »

SESSION THÉMATIQUE 1 

Plus de financements et de capacités efficaces pour la recherche et l’innovation liées aux ODD dans toutes les régions 

Cette session a été l’occasion de faire le point sur l’état de la coopération et du financement de la recherche mondiale -en particulier dans le Sud- pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), et cela en réunissant des représentants de bailleurs de fonds publics et privés de la recherche-développement (R-D) et d’autres acteurs clefs dans ce domaine.  L’importance d’établir des partenariats sur un pied d’égalité, notamment à travers des conseils scientifiques multilatéraux, a également été soulignée à plusieurs reprises.

Première intervenante, Mme DANIELA CARVAJALINO TOBON, l’une des deux lauréats du concours d’innovation de l’ONU, a donné un aperçu des initiatives lancées par Wingu une plateforme numérique pour les services municipaux en Colombie.  Il faut donner des moyens aux scientifiques et chercheurs du Sud pour faire advenir des changements durables dans leurs communautés, a-t-elle indiqué. 

Les gouvernements et les agences de développement doivent appuyer l’innovation au stade émergeant et nouer des partenariats afin de renforcer l’interface politique/société, a appuyé le Président de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), M. TANAKA AKIHIKO   Les pays développés doivent renforcer leurs propres capacités en R-D, a-t-il expliqué, mais parallèlement ils doivent être plus conscients des enjeux du développement et soutenir les pays en développement.  Et en plus des financements provenant d’agences et de banques de développement, il faut assurer la participation du secteur privé qui a une « fonction catalytique » en matière de R-D.

Lui emboîtant le pas, le Président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et du Global Research Council, M. ALEJANDRO ADEM, a mis l’accent sur l’impératif de créer la nouvelle génération de chercheurs à travers la collaboration internationale.  Il faut faciliter des mécanismes pour permettre un accès le plus large possible aux sciences, concrétiser un modèle de recherche multilatéral et miser sur des partenariats, y compris avec le secteur privé, pour relever le pari des ODD. Préoccupée par les faibles niveaux du financement de la science et de la recherche en Afrique, Mme THANDI MGWEBI, de la National Research Foundation de l’Afrique du Sud, a appelé les bailleurs de fonds à jouer un rôle de chef de file pour porter les transformations nécessaires, notamment dans le domaine des changements climatiques. 

M. LI JINGHAI, Président de la Table ronde internationale sur la mésoscience, a relevé pour sa part que la complexité de la science n’est pas encore en phase avec les ODD, évoquant des « liens manquants en matière de connaissances » et plaidant pour un cadre pour des recherches transdisciplinaires.  Il a également proposé de répartir les ODD en trois sous-groupes: besoins essentiels; pauvreté, santé et bien-être; et objectifs relatifs à la gouvernance.

La Présidente du Conseil européen de la recherche, Mme MARIA LEPTIN, a constaté pour sa part que les appels à la sécurité de la recherche sont souvent interprétés comme un encouragement aux obstacles à la coopération.  Le monde étant encore bien loin du niveau à atteindre en termes de connaissances, notamment dans les pays qui ne sont pas encore actifs en matière de recherche, il faut mettre la coopération en application, a-t-elle souhaité, en citant notamment les programmes d’échange pour les jeunes chercheurs.

Mme HEIDE HACKMANN, Directrice du programme Future Africa à l’Université de Pretoria en Afrique du Sud, a rappelé la création, pendant les années 80, d’un mécanisme de financement multilatéral de la R-D.  Les efforts déployés dans ce cadre portaient plus sur la coordination et l’alignement des financements que sur l’élargissement des ressources pour la STI au service des ODD. Dans un contexte de crises multiples il faut reconnaître que les investissements dans la STI au service des ODD sont une question de sécurité collective à l’échelle mondiale, a-t-elle souligné en plaidant pour une intensification de l’investissement et l’adoption de mesures vraiment décisives.

Pour le spécialiste principal des télécommunications de la Banque interaméricaine de développement, M. ANTONIO GARCIA ZABALLOS, la recherche aura un rôle considérable à jouer en termes de croissance économique pour générer de nouveaux emplois et des économies grâce aux énergies renouvelables, ainsi que pour lutter contre les inégalités sociales.

À l’issue de cette session, le représentant de la Fédération de Russie a exercé son droit de réponse pour réfuter les propos prononcés par la Pologne lors de la session ministérielle.

SESSION THÉMATIQUE 2

Renforcer la coopération, le partage de connaissance et de technologie et accélérer l’innovation pour une action climatique intégrée

Le présupposé de cette discussion était que l’ODD 13 (action climatique) est au centre des solutions aux crises multiples liées à la nature, la biodiversité et la pollution.  Or ces solutions requièrent une transition dans les secteurs de l’énergie, de l’agroalimentaire, de la mobilité, où la science, la technologie et l’innovation jouent un rôle essentiel.  Les participants étaient donc invités à réfléchir aux différents rôles que les STI peuvent jouer afin d’accélérer une action climatique intégrée. Pour lancer le débat, Mme CHRISTINA MARKUS LASSEN (Danemark), Coprésidente du forum STI, a appelé à s’attaquer aux obstacles qui entravent l’accès aux STI et, dès lors, aux solutions.

L’autre Coprésidente du forum STI, Mme INGA RHONDA KING (Saint Vincent-et-les Grenadines), a souligné l’importance de la coopération dans la lutte contre les changements climatiques dans le cadre du concept « open science », avant de donner la parole à deux lauréats du prix de l’innovation de l’ONU.  Le premier, M. MATIA ATEGEKA, de l’Ouganda, a parlé de sa création qui consiste à pomper l’eau d’un puis à l’aide d’une roue hydraulique pour arroser les champs et les plantations, à moindre coût.  La technologie est facile d’usage, a-t-il précisé. Pour sa part, M. JULIAN KRUGER, de l’Allemagne, a expliqué avoir créé un système de chaîne de froid fiable à l’aide de l’énergie solaire et des matériaux locaux.  La machine est 100% fabriquée au Kenya et permet aux usagers de vendre des glaçons. 

Aux commandes de la session, M. KEYWAN RIAHI, Secrétaire général du Groupe des Dix et Directeur de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués, a introduit la première panéliste, Mme KAREN SCRIVENER, professeure à l’École polytechnique Fédérale de Lausanne.  Elle a d’emblée annoncé que la majeure partie du secteur de la construction de logements et de bâtiments se déplacera en Afrique et en Inde dans les prochaines années. Cela implique de mettre en œuvre de façon urgente dans ces pays les nouvelles solutions, comme l’utilisation de ciment qui peut réduire de 40% la consommation d’énergie.  « Nous ne cherchons pas des solutions miracles mais nous utilisons des éléments en abondance dans la nature. »  Ce faisant, on peut réduire les émissions de 80% en utilisant la technologie disponible, a fait valoir la paneliste.

Une autre technologie nouvelle a été mise en lumière par M. HAOZHE ZHAO, Directeur général de Quakers Capital.  Il a dit avoir découvert une technologie qui permet de réduire de 50% les déchets industriels et domestiques en Afrique. Son entreprise a aussi inventé des matériaux de construction utilisant des ressources durables qui peuvent être disponibles pour les pays en développement moyennant la contribution financière des pays développés. 

Élargissant le débat, Mme IANA ARANDHA, Directrice de l’American Society of Mechanical Engineers (ASME), a plaidé pour une action climatique holistique elle-même fondée sur 500 normes.  Elle a recommandé de gérer de manière responsable les transitions énergétiques dans le cadre de l’open science.  À cet égard, elle a proposé d’utiliser les compétences des employés de son entreprise, qui sont éparpillés à travers le monde pour accélérer l’action climatique.  Elle a misé sur la formation des jeunes pour répondre aux besoins des pays du Sud: ils doivent pouvoir comprendre les lacunes et les opportunités que présentent les changements climatiques.  En résumé, il faut selon elle accélérer les progrès technologiques, pallier la pénurie d’ingénieurs, soutenir la formation dans le Sud et établir un cadre de partenariat public-privé sur le partage des données et des connaissances.

Une universitaire, Mme ELIZABETH GILMORE, de l’Université Carleton (Canada) et de l’Institut de recherche pour la paix d’Oslo (Norvège), autrice des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a apporté un élément important au débat: elle a prévenu que certaines technologies nous éloignent de l’objectif de limiter la hausse de température à 1,5°degré Celsius.  Elle a remis en question certains préjugés et a surtout mis en cause les technologies qui renforcent le statu quo et les facteurs qui ont conduit aux crises actuelles. 

Revenant aux disparités entre pays, M. SANGHYUP LEE, Président de l’Institut national de la technologie verte de la République de Corée, a plaidé pour le partage des données scientifiques et climatiques pour renforcer la complémentarité entre le Sud et le Nord.  Chaque pays devra créer ses compétences propres en fonction de ses besoins, a-t-il recommandé, reconnaissant que les pays en développement ont besoin de soutien pour intégrer les informations technologiques dans leurs stratégies de développement durable.  Pour un « avenir décarboné », les pays à faible revenu ont besoin d’accès aux technologies et aux financements, a renchéri M. TSHILIDZI MARWALA, Recteur de l’Université des Nations Unies en Afrique du Sud, qui a suggéré des politiques communes sur les données climatiques et l’accessibilité des connaissances et des technologies.  Il faut consolider les partenariats dans les domaines de la construction durable, a aussi proposé l’intervenant appelant à une adaptation aux réalités locales. 

Pour savoir ce qui se passe réellement dans les pays les moins développés (PMA) en termes de développement, M. DEODAT MAHARAJ, Directeur de la Banque de la technologie pour les pays les moins avancés, qui se trouve en Türkiye, a prôné l’utilisation des données, ce qui exige un renforcement des capacités là où c’est nécessaire.  On ne peut pas répondre aux changements climatiques sans résoudre les problèmes de financement, a-t-il ajouté. 

Dans le débat avec les États Membres, la Barbade a encouragé le recours à l’économie circulaire, appelant à des partenariats multipartites pour réaliser l’ODD 13.  Le Brésil a martelé qu’il est urgent de décarboner dans les pays en développement, ceux-ci ayant besoin de transitions vers des solutions de technologies durables.  Il faut promouvoir le développement inclusif, a insisté pour sa part le Mexique, soulignant l’important de l’open science.  Le Mexique a aussi défendu le rôle des connaissances autochtones pour préserver la nature et promouvoir un développement durable inclusif. 

L’Afrique du Sud a appelé à réduire le fossé numérique grâce aux financements, aux transferts de technologies et aux partenariats. Le grand groupe des enfants et des jeunes a dit que l’action climatique doit inclure les jeunes pour être efficace et durable.  Ces jeunes doivent avoir un libre accès aux plateformes numériques, a-t-il ajouté. Le Millenium Campus Network a appuyé cette proposition ajoutant que les jeunes ont besoin de financement et de capacités renforcés pour avoir les compétences nécessaires afin de contribuer aux ODD. 

Session thématique 3 

« Combler les fossés en matière de science, de technologie et d’innovation pour éradiquer la pauvreté et faire cesser la faim »

Face à l’absence de progrès dans la réalisation des ODD no 1 (Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes) et no 2 (Éliminer la faim), il apparaît que bénéficier des STI peut grandement contribuer à inverser cette tendance aggravée par la pandémie de COVID-19, notamment pour les communautés rurales, autochtones et locales.  Forts de ce constat, les participants à cette troisième session se sont penchés sur les recherches et technologies prometteuses, y compris les innovations abordables et en libre accès, pouvant être utilisées pour faire reculer la pauvreté et la faim, et créer des synergies avec d’autres ODD.

Comme l’a souligné M. QU DONGYU, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la science, la technologie et l’innovation doivent être mises à profit pour transformer les systèmes agroalimentaires et réaliser les ODD au profit de tous, à commencer par les plus vulnérables.  Pour cela, il est capital de veiller à ce que les technologies utilisées correspondent aux besoins individuels, et donc qu’elles soient accessibles et abordables.  En effet, a-t-il relevé, les STI peuvent non seulement aider à la création d’emplois mais aussi réduire la fracture entre ruraux et urbains, et aider les femmes et les populations marginalisées à accéder à l’information et au marché, à condition de créer un environnement favorable.  Il importe à cette fin de régler les problèmes de compétence numérique, de connectivité et de contraintes financières, autant de défis auxquels répond la stratégie STI de la FAO, qui vise à soutenir l’essor technologique au niveau régional et à renforcer les capacités des États et des agriculteurs. 

Rappelant que la FAO s’appuie sur 52 ans d’expérience en la matière, M. Qu a mis en avant certaines de ses initiatives, telles que l’initiative « 1 000 villages numériques », qui vise à transformer des communautés rurales en pôle d’innovation, et l’initiative « Main dans la main », qui fournit des informations sur les ressources naturelles, la sécurité alimentaire, les cultures, l’eau, le climat, les pêcheries, le bétail et les forêts.  Enfin, après avoir plaidé pour des financements adéquats et une utilisation éthique de l’intelligence artificielle, il a signalé que la FAO a lancé en 2022 le Forum de la science et de l’innovation, dont la prochaine édition se tiendra le 14 octobre à Rome. 

Modérateur de cet échange, M. VLADIMIR CRNOJEVIĆ, fondateur et Directeur de l’Institut BioSense, professeur d’informatique à l’Université de Novi Sad (Serbie) et membre du Groupe de 10 hauts représentants de la communauté scientifique, de la société civile et du secteur privé nommé par le Secrétaire général, a insisté sur l’importance des technologies numériques, notamment de l’intelligence artificielle, pour progresser vers les ODD no 1 et no 2.  « Avec le bon cadre, on pourrait tirer profit de ces technologies pour mettre au point des semences intelligentes ou encore améliorer l’accès aux financements », a-t-il observé, avant d’évoquer l’atout énorme des données mondiales, comme par exemple les images satellitaires du programme Copernic de l’Union européenne, qui couvre la planète entière.  À ses yeux, la biotechnologie et l’ingénierie génétique associées à l’intelligence artificielle sont également déterminantes pour éradiquer la pauvreté et faim, mais elles dépendent des infrastructures prévues à cet effet.  Alors que 40% de la production alimentaire mondiale est perdue avant d’arriver dans l’assiette, la connectivité et l’échange d’informations peuvent permettre de changer la donne, a-t-il affirmé. 

Mettant l’accent sur les déchets alimentaires, M. ARLAN PETERS, responsable du développement durable pour la branche nord-américaine de la société de biotechnologie Novonesis, a fait remarquer que, selon les chiffres de la FAO, plus d’un milliard de tonnes d’aliments sont gaspillées chaque année, ce qui représente en outre 8 à 10% des émissions de gaz à effet de serre.  En Afrique, a-t-il noté, on perd 4 milliards de dollars de production alimentaire tous les ans en raison de ce gaspillage.  Pour y remédier et créer des systèmes alimentaires plus résilients et durables, Novonesis utilise les « bonnes bactéries » et la fermentation pour ralentir la croissance des « mauvaises bactéries » et ainsi augmenter la durée de vie d’aliments comme le yaourt ou encore le pain.  Cette sélection des meilleures bactéries est le fruit d’efforts de recherche et développement, mais aussi de partenariats entre le secteur privé et des organisations comme l’ONU, a souligné l’intervenant.  La collaboration avec des institutions internationales facilite les transferts de technologie et le partage des connaissances pour adapter l’innovation à des contextes locaux, a-t-il fait valoir. 

« Nous ne sommes pas en bonne voie pour réaliser les ODD mais les initiatives pour y parvenir sont légion », s’est réjoui M. PATRICK CARON, Vice-Président du Conseil d’administration du Système CGIAR (Groupe consultatif pour la recherche agricole international) et chercheur au Centre français de recherche agronomique pour le développement international (CIRAD).  Évoquant les travaux de la plateforme Agropolis International qu’il dirige, notamment dans les domaines de la lutte contre les nuisibles et de l’irrigation intelligente, il a relevé que « chaque dollar investi dans la recherche génère 10 dollars ».  Si la technologie est un moyen de tendre vers le développement durable, elle n’y contribue toutefois pas toujours, a-t-il relativisé, reconnaissant qu’il n’y a pas de « solution miracle ».  Pour progresser vers les ODD, en particulier les deux premiers, il faut selon lui s’adapter au contexte local et utiliser les connaissances de façon intelligente. Pour opérer une transformation à grande échelle, on ne peut se contenter de grossir ce qui a fait ses preuves à petite échelle.  Il est donc essentiel de garantir la cohérence des initiatives et de faire travailler ensemble les experts et les décideurs, a-t-il professé, ajoutant que c’est justement ce qu’il s’emploie à faire à l’Université de Montpellier, en France, en réunissant les expertises en matière agricole, climatique, environnementale et sanitaire pour « repenser l’interface entre la science et la politique ». 

L’action à l’échelle locale a été illustrée par le témoignage de Mme LADY MARIEME JAMME, Directrice du développement durable et fondatrice de la iamtheCODE Foundation, dont l’objectif est d’apprendre à 1 million de femmes et de filles à coder.  Présentant le travail qu’effectue cette structure dans des camps de réfugiés du Kenya, où vivent quelque 700 000 personnes, l’intervenante a expliqué que le but de cette ONG est autant d’aider des jeunes filles à se former au code que de répondre à leurs besoins alimentaires.  En complément de sa formation, l’ONG a levé des fonds pour servir des repas dans les camps, tout en dispensant par le biais des téléphones portables des conseils nutritifs.  « Les jeunes des camps doivent apprendre à bien se nourrir pour améliorer leurs résultats scolaires », a-t-elle souligné.  Cette initiative a débouché sur la création d’un logiciel destiné à améliorer la santé des jeunes apprenantes et à les sensibiliser à l’importance de la nutrition. 

Si les initiatives fondées sur la technologie sont prometteuses, les défis mondiaux restent immenses, a tenu à rappeler Mme MOTOKO KOTANI, Vice-Présidente exécutive pour la recherche de l’Advanced Institute for Materials Research & Mathematics Institute à l’Université de Tohoku (Japon) et membre du Groupe de 10  hauts représentants de la communauté scientifique, de la société civile et du secteur privé nommé par le Secrétaire général.  Elle a ainsi prévenu que 9,7 milliards d’humains peupleront la Terre en 2050, ce qui entraînera une forte hausse de la demande alimentaire.  Il faudra donc augmenter la productivité et réduire les déchets alimentaires.  Dans le même temps, il s’agira de réduire les émissions de CO2 et de promouvoir des cultures résilientes pour répondre aux changements climatiques.  Face à la flambée des cours des denrées et aux risques de pandémie, il faudra aussi renforcer la sécurité alimentaire et la gestion des stocks à l’échelle mondiale.  Ces défis, a-t-elle affirmé, sont pris en considération par le Japon, qui a lancé une initiative utilisant la technologie numérique pour contrôler les chaînes d’approvisionnement, réduire les déchets alimentaires et produire des aliments de haute qualité. Pour élargir ce type d’action à l’échelle planétaire, elle a recommandé de créer une plateforme mondiale fondée sur une chaîne d’approvisionnement intelligente, de promouvoir les STI dans les programmes d’aide publique au développement (APD) et de contribuer au renforcement du capital humain. 

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