ECOSOC: le Forum de la jeunesse s’ouvre sur le signe de l’espoir et du « renoncement au renoncement »
Le Conseil économique et social (ECOSOC) a lancé aujourd’hui son Forum de la jeunesse qui doit durer trois jours et dont le thème, cette année, est: « Le rôle des jeunes dans la poursuite de solutions durables et innovantes: renforcer le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et éliminer la pauvreté en période de crises multiples. »
Cette session annuelle est une plateforme mondiale de dialogue entre les États Membres et les jeunes dirigeants du monde entier pour débattre des solutions aux défis affectant le bien-être des jeunes. Il s’agit également d’un espace unique permettant aux jeunes de partager leur vision et leurs actions pour accélérer la mise en œuvre du Programme 2030 et des objectifs de développement durable (ODD).
« Je vous invite aujourd’hui à l’espoir », a déclaré la Présidente de l’ECOSOC, Mme Paula Narvaez, en ouvrant ce Forum. Les crises sont une interrogation, un appel à l’espoir, plutôt qu’une condamnation, a-t-elle dit, en estimant que la jeunesse appelle à un changement de prisme. « Nous ne vous ferons plus attendre dans votre volonté de réaliser vos rêves. » Elle a convenu que le monde actuel pèche par excès de pessimisme. Aujourd’hui, notre humanité renonce à renoncer et croit en la jeunesse, a-t-elle déclaré.
Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, n’a pas dit autre chose en estimant que l’énergie des jeunes est « contagieuse et vitale ». Nous sommes très loin de la réalisation des ODD, tandis que la crise climatique s’emballe et que les conflits font rage, a-t-il convenu, en évoquant les dévastations à Gaza. Après ce constat sombre, il a dit son attachement à faire porter la voix des jeunes et à agir afin qu’ils jouent un rôle clef dans le prochain Sommet de l’avenir, crucial pour la réalisation des ODD.
Le Secrétaire général a également souligné la nécessité de créer les institutions internationales qui reflètent le monde d’aujourd’hui. « Les jeunes devraient exhorter leurs gouvernements à soutenir le Sommet de l’avenir. » Il a aussi estimé que la crise climatique est une trahison de la jeunesse, avant de plaider pour une transition énergétique juste et durable. « Soyons francs, ma génération n’a pas été la gardienne de ce monde mais votre génération m’emplit d’espoir », a conclu M. Guterres.
« Notre résilience est la plus forte. Et les jeunes doivent avoir voix au chapitre », a lancé la représentante du grand groupe des enfants et des jeunes, qui a rappelé que les jeunes représentent 16% de la population mondiale. Mme Sarah Baharaki a également évoqué le sort des jeunes femmes afghanes qui refusent de se taire, de subir et d’accepter leur sort sous le règne des Taliban. « Nous avons le pouvoir de réaliser nos rêves et, pour nous, rien n’est impossible », a-t-elle déclaré.
La jeunesse, moteur d’innovation
L’espoir a également été de mise lors de la première discussion de la matinée qui portait sur le rôle de la jeunesse dans l’innovation et l’élaboration de solutions.
Rappelant que le monde compte 1,9 milliard de jeunes, le Sous-Secrétaire général aux affaires de la jeunesse a abordé la question des conflits et souligné le rôle des jeunes en tant qu’agents de paix. « Marquons notre solidarité envers tous ces jeunes dont la vie est bouleversée par un conflit », a plaidé M. Felipe Paullier. Il a également exhorté les jeunes à se faire entendre auprès des décideurs politiques. « La jeunesse doit prendre les rênes », a-t-il dit, en soulignant l’espoir porté par le prochain Sommet de l’avenir.
Mme Justice Faith Betty, de l’organisation « Révolutionnaire », a rappelé que c’est l’avenir qui sera en jeu lors de ce Forum, avant d’explorer des pistes pour traduire « son énergie » en mesures concrètes. « Votez d’abord, faites en sorte que les décideurs politiques méritent votre vote! » Les jeunes me donnent de l’espoir, a-t-elle enfin déclaré, en soulignant la résilience qui les anime. « Soyons audacieux dans nos rêves. »
Même son de cloche du côté de Mme Narabene Farka Zeinaba, ingénieure en télécommunication malienne, qui a souligné l’importance d’une « culture des responsabilités » afin que l’élan généré par ce Forum se traduise en actions transformatrices. Elle a souligné la nécessité de remédier aux changements climatiques et d’un accompagnement financier de l’Afrique, tandis que Mme Oumaima Makhlouk, statisticienne marocaine, a appelé à combler le fossé numérique.
Le Forum a ensuite entendu le Président de l’Assemblée générale. « Nous avons besoin de vos talents et de votre participation », a lancé M. Dennis Francis, en ajoutant que les jeunes sont l’avenir du multilatéralisme. Le Président a loué « l’énergie débordante » de ce Forum et la mobilisation des jeunes pour « changer les choses ». Les jeunes, qui sont confrontés aux conséquences de nos actions comme de nos inactions, doivent me dire ce que nous faisons bien et ce que nous ne faisons pas bien, a-t-il conclu.
Une brève discussion sur la jeunesse dans un monde sans pauvreté s’est ensuite ouverte, avec une présentation de M. Yi Jun Mock, de Génération 17, qui a souligné l’importance de l’éducation pour sortir de la pauvreté. Il a appelé à faciliter l’entrée dans la vie active, insistant notamment sur le rôle des parrainages. De son côté, Mme Mahlet Redi, du grand groupe des enfants et des jeunes, a détaillé la campagne ICARE visant à apporter des protections menstruelles à des milliers de jeunes filles défavorisées.
Les jeunes, agents de changement pour éradiquer la pauvreté
La matinée s’est conclue par une discussion sur le thème: « Les jeunes en tant qu’agents du changement: passer de la pauvreté à la prospérité. » Elle a été ouverte par Mme Francine Pickup, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui a rappelé que les jeunes doivent pouvoir siéger à la table des décideurs. Elle a également signalé que les jeunes femmes courent un risque accru de tomber dans la pauvreté, avant de dire sa « hâte » d’entendre les recommandations que formuleront les jeunes pendant ce Forum.
Pour sa part, M. Elliot Harris Reyez, de CITI Mexique, a insisté sur l’importance du secteur privé pour éradiquer la pauvreté. « Nous avons lancé un système de parrainage pour développer l’esprit d’entrepreneuriat des jeunes », a-t-il expliqué, tandis que Mme Mwinji Natchinga, de la Commission de la jeunesse africaine, a plaidé pour des politiques d’accès à l’emploi des jeunes respectueuses de la dimension de genre.
M. Abobakar Sediq Miakhel, fondateur de l’application d’apprentissage de langue d’AILEM, a fait le lien entre l’éradication de la pauvreté et l’apprentissage des langues. Il a détaillé son travail dans un camp de réfugiés au Malawi. « Trouvez en vous le courage nécessaire pour comprendre la vie des réfugiés et des demandeurs d’asile, donnez-leur une seconde chance. »
Enfin, Mme Asami Segundo, jeune dirigeante ikalahan des Philippines, a rappelé que les peuples autochtones protègent la biodiversité. Aux Philippines, ma communauté protège 60 000 hectares de forêt, a-t-elle dit, en louant les connaissances des peuples autochtones acquises au fil des siècles. Les connaissances traditionnelles ont beaucoup à offrir au monde, a-t-elle dit, en appelant à protéger les droits des jeunes autochtones.
Dans le débat interactif qui a suivi, les délégations ont toutes insisté sur le rôle des jeunes dans l’éradication de la pauvreté. Des milliers de bourses d’apprentissage sont accordées chaque année à des jeunes au Honduras, a fait savoir la délégation de ce pays. La République dominicaine a loué la perspective innovante des jeunes, en appelant à dépasser l’approche centrée sur les plus âgés qui a été « si délétère pour l’humanité ». Les jeunes doivent être des catalyseurs du changement pour éradiquer la pauvreté, a renchéri la Sierra Leone, appuyée par le Cambodge ou encore l’Iraq.
Des jeunes dans le public ont également pris la parole. Une jeune a ainsi parlé de la « pauvreté menstruelle ». Expliquant que le manque d’accès à des protections menstruelles entrave l’accès à l’éducation, elle a proposé la création d’une « taxe rose » permettant de plafonner le prix de ces protections. Une autre jeune fille a souligné le rôle des jeunes dans l’avènement des énergies renouvelables et, ce faisant, la réduction de la pauvreté.
Impliquer les jeunes dans la construction de sociétés pacifiques et inclusives
Dans l’après-midi, la séance plénière consacrée à l’implication des jeunes dans l’édification de sociétés pacifiques et inclusives s’est ouverte sur un constat: en reculant sur leurs obligations en matière de droits humains et de corruption, les gouvernements corrodent le contrat social et font de la justice un objectif inatteignable pour les plus marginalisés, selon la modératrice et membre du Groupe mondial des jeunes sur l’ODD 16 et du grand groupe des enfants et des jeunes, Mme Andrea Carstensen.
Dès lors que les jeunes cessent d’être associés aux processus de décision et de construction du développement, un déficit s’installe entre gouvernants et gouvernés, a renchéri le Secrétaire exécutif du Conseil national de la jeunesse de la République démocratique du Congo. M. Claude Mbuyi a jugé inacceptable que les jeunes, « acteurs prioritaires du changement » dont l’action force souvent la tenue d’élections, soient fréquemment marginalisés lorsque les institutions souhaitées sont mises en place.
En cette année électorale dans un nombre record de pays dans le monde, M. Rolando Pelicot, cofondateur de Fipie et membre du conseil du Projet résolution, a constaté la persistance des obstacles financiers, juridiques et socioculturels qui freinent la participation des jeunes à la sphère politique et civique, réduisant la portée de leur voix et de leur influence sur la prise de décisions. Les jeunes constituant un groupe hétérogène, M. Pelicot a jugé essentiel que les programmes tels que les jeunes et la paix et la sécurité soient inclusifs et tiennent compte du genre et d’autres facteurs sociaux.
Néanmoins, a expliqué M. Mohamed Sory Diakité, Président de l’Union des jeunes pour le développement durable, dans les pays du Sahel tels que le Mali, engagés dans une profonde « transition générationnelle et politique », la participation des jeunes aux activités civiques est réprimée et la liberté d’expression, de plus en plus limitée. Comme les jeunes constituent la strate démographique la plus nombreuse des pays en développement, ils sont souvent perçus comme un problème à contenir plutôt qu’une opportunité à saisir, ce qui démontre selon lui la faiblesse des institutions nationales « instrumentalisées » par le pouvoir.
En réponse à ces préoccupations, la Libye a récemment créé, pour la toute première fois de son histoire, un ministère de la jeunesse chargé de renforcer la participation des jeunes aux processus décisionnels du pays, dont les élections. Le dialogue et la coopération entre les organisations pilotées par la jeunesse, les gouvernements et les organisations internationales sont donc essentiels, selon la Hongrie et la Croatie, tout comme les partenariats destinés à favoriser l’éducation et à lutter contre la violence.
Comme l’indique le rapport du Secrétaire général sur les jeunes, la paix et la sécurité, ceux-ci étant le plus souvent exclus des processus décisionnels, ils n’ont pas droit au soutien nécessaire pour les initiatives de maintien de la paix et de reconstruction, a déploré Malte. « Nous devons réaliser notre mission: celle des bâtisseurs de la paix », a lancé le représentant de la Géorgie, en dénonçant l’occupation de l’Abkhazie par la Fédération de Russie, qui brime les droits et le développement de toute une génération.
Pour que la participation des jeunes devienne une réalité, il est impératif de leur fournir les ressources cruciales, à savoir l’information et l’éducation aux droits civiques, a noté le cofondateur de Fipie. Il ne s’agit pas de rhétorique mais bien de mener des actions concrètes qui ont un impact dans la vie des jeunes, où qu’ils se trouvent, a conclu Mme Bahia Gatti, Directrice exécutive de l’Organización Argentina de Jóvenes para las Naciones Unidas (OAJNU) et Coordonnatrice régionale pour les Amériques du United Network of Young Peacebuilders.
Jeunesse urbaine menant l’action climatique et les initiatives de résilience communautaire
La dernière réunion plénière de la journée portait sur le thème « la jeunesse urbaine à la pointe de l’action climatique, des initiatives de résilience communautaire et du maintien de la paix ». Dans une vidéo préenregistrée, le Directeur exécutif adjoint d’ONU-Habitat a vanté l’esprit de communauté de la jeunesse et son potentiel remarquable pour engendrer des transformations profondes dans les milieux urbains, ce qui correspond précisément « à ce à quoi nous aspirons à l’échelle mondiale ». Il a ensuite présenté une vidéo d’Hello Kitty, dans le cadre d’un partenariat visant à faire connaître le rôle d’ONU-Habitat ainsi que le potentiel transformateur des jeunes.
Alors que nous sommes « confrontés à nos échecs », la Présidente du Conseil de la jeunesse d’Italie a plaidé en faveur de la transformation des espaces urbains en « instruments territoriaux pour la participation démocratique » des jeunes, à même de favoriser la réalisation des ODD.
Le fondateur et Directeur d’Accept International, M. Yosuke Nagai, a attiré l’attention sur les jeunes combattants des groupes non étatiques qui ont été laissés de côté par les politiques, bien qu’ils aient le potentiel de devenir des acteurs de la paix. Il s’est dit convaincu que « si nous pouvons nous adresser à ces jeunes, nous pouvons changer le monde ».
Un avis partagé par M. Miroslav Polzer, fondateur et Directeur général de IAAI GloCha, qui base son action sur trois piliers pour aider les jeunes à développer leur potentiel, à savoir la culture ainsi que l’innovation numérique et organisationnelle.
Le Forum de la jeunesse de l’ECOSOC reprendra demain, mercredi 17 avril, avec différents segments axés sur l’échelle régionale, le financement de l’action climatique et la sécurité alimentaire.