Conseil de sécurité: la situation au Kosovo reste fragile et les tensions persistent entre les communautés, selon la Cheffe de la MINUK
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La restauration de la confiance à tous les niveaux est la pierre angulaire pour bâtir un meilleur avenir pour tous. C’est ce qu’a fait observer en substance devant le Conseil de sécurité, ce matin, Mme Caroline Ziadeh, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). Elle venait présenter les dernières évolutions de la situation au Kosovo depuis la publication du rapport du Secrétaire général, qui couvre la période allant du 16 mars au 15 septembre 2024.
Si elle a noté une aspiration au dialogue et à des relations pacifiques auprès de différents acteurs à Belgrade comme à Pristina, elle a aussi relevé des tensions. Mais la MINUK, a-t-elle assuré, continue de se focaliser sur le renforcement de la confiance entre les communautés, notamment en ce qui concerne les droits humains, l’état de droit, les femmes, la paix et la sécurité, et les jeunes.
Le nord du Kosovo a particulièrement retenu l’attention. La police du Kosovo y a fermé plusieurs institutions, notamment les derniers bureaux municipaux à majorité serbe et des bureaux de la poste serbe, ce qui sape les efforts pour maintenir la sécurité, la stabilité et la paix, indique le rapport. En réaction, une nette augmentation de l’activisme civique, notamment de la part de groupes de femmes et d’étudiants, y a été observée par la MINUK. Sa Cheffe a relayé des inquiétudes quant à l’arrestation d’individus pour avoir exercé leur liberté d’expression et de réunion ainsi que des allégations d’usage excessif de la force et de mauvais traitements par la police du Kosovo.
La France a condamné la multiplication d’actions unilatérales des autorités kosovares dans cette région, qui affectent la vie quotidienne de la communauté serbe et entretiennent inutilement les tensions. Inquiète de ces tensions, la Chine a estimé que les autorités kosovares en portent l’entière responsabilité. Invité à s’exprimer devant le Conseil, le Ministre des affaires étrangères de la Serbie a, de son côté, qualifié ces actions de « graves transgressions » commises par le « régime » d’Albin Kurti, qui a créé un climat « de peur et d’instabilité » à l’encontre de la communauté serbe.
En réponse, Mme Donika Gërvalla-Schwarz, du Kosovo, a accusé la Serbie de proférer un tissu de mensonges et assuré que personne n’est victime de discrimination dans le nord du Kosovo, où Pristina n’a fait que « rétablir l’état de droit ». Le retrait de la participation des Serbes du Kosovo aux institutions judiciaires a été exigé par la Serbie elle-même, s’est-elle défendue, ajoutant que ceux qui veulent participer sont menacés par des milieux criminels. Malgré les appels au dialogue et à la coopération, les représentants de la Serbie et du Kosovo n’ont pas été avares d’accusations réciproques et de propos aigres-doux.
Escalade et « provocations »
Dans cette passe d’armes, la Fédération de Russie a apporté un net soutien à la Serbie. Constatant que les tensions interethniques au Kosovo ont atteint leur plus haut niveau depuis 15 ans, le représentant a estimé que la « racine du mal » réside dans la détermination des soi-disant « autorités » de Pristina à établir un contrôle total sur le nord de la province, peuplé de Serbes, avec le plein assentiment de leurs parrains occidentaux. Dans une longue intervention, il a qualifié de « provocations malveillantes de Pristina » l’interdiction de la circulation du dinar serbe dans la province, la fermeture forcée des organes administratifs au service des Serbes du Kosovo, l’expropriation des terres des résidents serbes et l’expulsion des institutions publiques et des entreprises albanaises, ainsi que les arrestations de Serbes « sous des prétextes fallacieux ». Le représentant russe a aussi accusé les pays de l’OTAN de continuer de fournir des armes au Kosovo.
La Russie comme la Serbie ont plaidé pour un retour au principe du statu quo ante pour contrer les effets de l’escalade des actions unilatérales de Pristina, et rétablir la stabilité au « Kosovo-Metohija ». Le Ministre serbe a aussi demandé la tenue d’élections libres et équitables dans quatre municipalités du nord, avec la participation de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et sous le contrôle de l’Union européenne (UE).
Les actions unilatérales et la rhétorique diffamatoire ne font qu’attiser les tensions, ébranler la confiance et alimenter un risque d’escalade, s’est inquiétée la Slovénie. « Attiser la méfiance n’est pas une approche constructive », a abondé le Japon. Quoi qu’il en soit, « il incombe au Kosovo et à la Serbie de désamorcer les tensions et d’assurer des progrès dans leurs relations de voisinage », a souligné la Suisse. Les parties doivent parvenir à une solution politique sur la base du dialogue, a renchéri la Chine.
La seule option viable pour une stabilité durable dans la région est l’acceptation mutuelle et la coexistence pacifique de la Serbie et du Kosovo, des Albanais et des Serbes au sein du Kosovo, a plaidé la Slovénie. Cela signifie que les Serbes du Kosovo, et en particulier dans le nord, doivent se sentir en sécurité et s’épanouir dans leur mode de vie, a précisé le délégué. Dans ce contexte, la nécessité de créer l’Association/Communauté des municipalités à majorité serbe du Kosovo a été évoquée à plusieurs reprises au cours de cette séance.
Sur une position plus tranchée, Mme Donika Gërvalla-Schwarz a rappelé que plus de 100 États Membres des Nations Unies ont reconnu l’indépendance du Kosovo, déplorant que celle-ci pose un problème à la Serbie. « Notre république est une démocratie et un État de droit », a-t-elle assené.
Retour timide au dialogue
Des points positifs et des progrès ont toutefois été mentionnés. Mme Ziadeh a ainsi fait savoir que les négociateurs en chef se sont rencontrés à Bruxelles, jeudi 24 octobre, dans le cadre d’un dialogue facilité par l’Union européenne, qui est « indispensable pour régler les questions en suspens ». De l’avis de Mme Ziadeh, les deux parties reconnaissent que les progrès vers des résultats politiques décisifs doivent s’appuyer sur la confiance engrangée grâce à la réalisation d’objectifs atteignables. Pour Belgrade, le dialogue facilité par l’UE est le seul moyen de rectifier la situation actuelle, a acquiescé le Ministre serbe.
Les membres du Conseil ont, dans l’ensemble, encouragé les parties à poursuivre ce dialogue sous les auspices de l’UE afin de faire avancer le processus de normalisation. Si le Royaume-Uni a regretté que ce dialogue s’essouffle, il s’est néanmoins félicité des mesures positives en faveur d’une plus grande coopération entre les deux parties ces dernières semaines, illustrées notamment par l’assouplissement des restrictions sur les importations serbes au Kosovo et l’accord garantissant la représentation du Kosovo dans l’Accord de libre-échange d’Europe centrale. Les marchandises serbes rentrent maintenant au Kosovo, a assuré la Cheffe de la MINUK, ajoutant que neuf accords viennent d’être conclus dans le but de doper la prospérité économique régionale.
S’agissant du mandat de la MINUK, la Suisse n’a pas écarté un éventuel réexamen stratégique qui pourrait être utile pour ses efforts futurs, tandis que les États-Unis ont suggéré d’envisager d’y mettre un terme. Ce n’est pas l’avis de la Russie, qui a estimé que les activités de la MINUK et la préservation de ses capacités humaines et financières sont plus que jamais nécessaires dans le contexte difficile actuel.
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RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (S/2024/741)
Exposé
Mme CAROLINE ZIADEH, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a informé le Conseil de sécurité des dernières évolutions au Kosovo depuis la publication du rapport du Secrétaire général, qui couvre la période allant du 16 mars au 15 septembre 2024.
À l’entame, Mme Ziadeh a noté une aspiration au dialogue et à des relations pacifiques au cours de ses entretiens avec des fonctionnaires à Belgrade et Pristina, ainsi qu’avec des acteurs politiques et des membres de la société civile au niveau local.
La situation demeure cependant fragile sur le terrain et les progrès limités, a constaté la Représentante spéciale. Lors de sa dernière visite dans le nord du Kosovo en septembre, des organisations de la société civile, des acteurs politiques et de simples habitants lui ont fait part de leurs graves préoccupations au sujet des effets négatifs des récentes actions unilatérales touchant leurs droits économiques, sociaux et politiques.
La fermeture de bureaux de la poste de Serbie et de services municipaux dirigés par le Gouvernement de Serbie a, par exemple, limité leur accès à des services essentiels, en particulier pour la communauté serbe du Kosovo, lui ont-ils expliqué. Ces difficultés se sont ajoutées à d’autres mesures antérieures, comme la régulation de l’utilisation du dinar serbe.
Mme Ziadeh a par ailleurs observé une nette augmentation de l’activisme civique dans le nord du Kosovo, notamment de la part de groupes de femmes et d’étudiants. À cet égard, elle s’est faite l’écho de préoccupations concernant les arrestations d’individus pour avoir exercé leur liberté d’expression et de réunion. Un recours excessif à la force et des mauvais traitements par la police au cours des arrestations et des gardes à vue ont été allégués, a-t-elle indiqué, en signalant que des enquêtes sont en cours.
La défense des droits humains est au cœur du mandat de la MINUK, a rappelé la Représentante spéciale, et, au vu des derniers développements, elle a jugé essentiel de renforcer les mesures visant à promouvoir l’égalité et la non-discrimination. Elle a salué à cet égard les efforts du Médiateur auprès des diverses communautés, de même que les progrès récents accomplis par le Groupe de travail sur les personnes portées disparues.
S’agissant des graves incidents de sécurité survenus à Banjska/Banjskë en septembre 2023, elle a réitéré son appel à l’application du principe de responsabilité par le biais d’une procédure judiciaire juste, transparente et indépendante. « Cette violence est inacceptable et ne doit pas se reproduire. »
Jeudi 24 octobre, les négociateurs en chef se sont rencontrés à Bruxelles dans le cadre d’un dialogue facilité par l’Union européenne, a-t-elle rappelé. Ce dialogue est indispensable pour résoudre des questions en suspens, notamment la création de l’Association/Communauté des municipalités à majorité serbe. De l’avis de Mme Ziadeh, les deux parties reconnaissent que les progrès vers des résultats politiques décisifs doivent s’appuyer sur la confiance engrangée grâce à la réalisation d’objectifs atteignables.
La Représentante spéciale a ensuite indiqué que la levée de l’interdiction d’entrée de marchandises depuis la Serbie le 8 octobre, accompagnée d’un consensus sur les procédures relatives à l’Accord de libre-échange d’Europe centrale, a débouché sur neuf accords dont le but est de doper la prospérité économique régionale. Les marchandises serbes rentrent maintenant au Kosovo, a dit la Cheffe de la MINUK.
La restauration de la confiance à tous les niveaux est la pierre angulaire d’un meilleur avenir pour tous, a fait observer Mme Ziadeh. En conséquence, la Mission continue de se focaliser sur les efforts visant à renforcer la confiance sur le terrain entre les communautés, notamment en ce qui concerne les droits humains, l’état de droit, les femmes, la paix et la sécurité et les jeunes. La MINUK organise d’ailleurs des ateliers pour donner des compétences aux jeunes de diverses communautés afin qu’ils soient en mesure de lutter contre les fausses informations.
En conclusion, la Cheffe de la MINUK a exhorté toutes les parties à se comporter comme des chefs de file responsables pour veiller à ce que les valeurs collectives soient respectées dans la pratique.