9748e séance – matin
CS/15852

Conseil de sécurité: « malgré le conflit régional, la paix au Yémen est toujours possible, et il faut se concentrer pour la matérialiser », plaide l’Envoyé spécial

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Le Yémen est aujourd’hui pris dans un engrenage régional qui menace de détruire les espoirs de paix et de stabilité, a déclaré ce matin l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays devant le Conseil de sécurité, à l’occasion de l’examen mensuel que ce dernier consacre à la situation au Yémen. M. Hans Grundberg a toutefois ajouté que la paix restait possible estimant que les différents « outils » étaient en place à cette fin mais qu’il fallait faire preuve de volonté politique.

Comme l’ont rappelé tant l’Envoyé spécial que plusieurs membres du Conseil, la séance intervient dans un contexte régional particulièrement inflammable.  M. Grundberg a notamment évoqué la poursuite d’attaques des houthistes d’Ansar Allah contre des navires et leurs tirs de missiles et de drones contre Israël.  Ces attaques ont provoqué des représailles américaines par le biais de frappes conduites sur quatre provinces, tandis que des frappes israéliennes ont également touché Hodeïda, causant des dommages sur des infrastructures civiles critiques.  Les infrastructures civiles ne doivent pas être prises pour cibles, ont rappelé plusieurs membres du Conseil, dont la Suisse, qui a relevé l’importance du port de Hodeïda, qui reste le point d’entrée principal de l’aide humanitaire pour une grande partie du Yémen. 

Mais les houthistes n’agissent pas seuls, ont fait observer les États-Unis. Leur représentant a mentionné des preuves selon lesquelles ils auraient reçu des armes de l’Iran, mais aussi un rapport selon lequel « un membre permanent du Conseil de sécurité » envisagerait de leur fournir des missiles supersoniques.  C’est pourquoi les États-Unis ont appelé le Conseil à prendre des mesures pour renforcer le mécanisme de vérification de l’ONU, affaibli par un manque de financements et de personnel, ce qui permettrait de juguler les flux d’armement vers les houthistes. 

De son côté, le représentant du Gouvernement yéménite a invité le Conseil à assumer ses responsabilités en mettant en œuvre l’embargo sur les armes concernant le pays et en appuyant les efforts pour juguler la crise humanitaire. La Chine a, pour sa part, exhorté les houthistes à respecter le droit de navigation des navires commerciaux et à préserver la sécurité des voies maritimes. 

Dans le même temps, il est important d’éviter les deux poids, deux mesures, a dénoncé la Fédération de Russie qui a souligné que les représentants de pays occidentaux tirent la sonnette d’alarme sur les problèmes du personnel de l’ONU au Yémen, en contraste avec leur réaction, ou leur absence de réaction, face à la mort de dizaines de membres du personnel onusiens à Gaza, ou encore face aux attaques régulières de l’armée israélienne contre les soldats de maintien de la paix de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban.

L’Envoyé spécial a également relevé qu’Ansar Allah continue de détenir arbitrairement du personnel onusien, des travailleurs de la société civile et des membres du personnel diplomatique.  Une situation condamnée par tous les orateurs ayant pris la parole, en premier lieu par la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires par intérim et Coordonnatrice des secours d’urgence.  Mme Joyce Msuya a ainsi commencé son intervention en exigeant leur libération immédiate et inconditionnelle.  Elle s’est faite l’écho des préoccupations des organisations concernées à propos d’une déclaration faite le 12 octobre par les houthistes, qui mentionne des poursuites pénales contre des personnes détenues, dont trois fonctionnaires des Nations Unies.  Ces détentions reflètent une tendance inacceptable à l’attaque des travailleurs humanitaires dans la région, a-t-elle déclaré. 

Le personnel humanitaire et diplomatique de l’ONU ne doit pas faire l’objet de menaces, a souligné le Royaume-Uni, avant de rappeler que la détention du personnel des Nations Unies dure depuis 130 jours.  Le représentant du Yémen a même évoqué des tortures auxquelles certains de ces détenus seraient soumis, dans des prisons secrètes.  Il a appelé l’ONU à agir de manière décisive pour protéger son personnel.  Il a lancé un appel pour que les quartiers de l’ONU soient déplacés dans la capitale temporaire Aden, afin que le personnel bénéficie d’un environnement de travail propice.  Dans un élan similaire, les États-Unis ont appelé l’ONU à « réadapter » sa programmation en conséquence. 

Sur le plan interne, le processus de paix semble bloqué.  Pourtant, a rappelé M. Grundberg, les lignes de front sont globalement calmes. La paix au Yémen est toujours possible et il faut se concentrer à la matérialiser, a insisté l’Envoyé spécial, qui a indiqué avoir engagé des discussions constructives avec des parties prenantes yéménites et internationales au cours de ses récentes visites à New York, Téhéran et Moscou.  Ses services ont également engagé des pourparlers avec des représentants de partis politiques yéménites, ainsi que de la société civile, avec une participation importante de femmes et de jeunes. 

Plusieurs membres du Conseil, dont la France, ont souligné l’importance d’avoir des négociations inclusives, qui garantissent la participation de la société civile et des femmes yéménites.  Une intervenante de la société civile yéménite, Mme Najat Jumaan, a plaidé devant le Conseil la cause des femmes yéménites, tout en mettant l’accent sur l’impact incommensurable de la guerre sur le secteur privé du pays, notamment l’augmentation des tarifs douaniers, la rupture de la coopération bancaire internationale et la fuite des capitaux et des cerveaux, sans oublier la destruction d’infrastructures civiles. 

Sur le plan humanitaire, Mme Msuya a rappelé que le plan annuel des Nations Unies n’est pour l’heure financé qu’à hauteur de 41%.  Le secteur de la sécurité alimentaire nécessiterait ainsi 870 millions de dollars supplémentaires, a-t-elle déclaré, faute de quoi 9 millions de Yéménites pourraient être privés d’aide alimentaire d’urgence au cours du dernier trimestre de cette année.  Dans cette crise, les personnes les plus touchées sont les femmes, les enfants et certains groupes marginalisés, a-t-elle fait valoir. À ce titre, elle a jugé essentiel de financer des programmes de lutte contre les violences sexistes, en faisant observer le sous-financement chronique de ce secteur. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Exposés

M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a relevé qu’Ansar Allah continue de détenir arbitrairement du personnel onusien, des travailleurs de la société civile et des membres du personnel diplomatique. 

Le Yémen et sa population souffrent déjà de l’impact de l’escalade régionale, a indiqué l’Envoyé spécial, avant d’affirmer qu’Ansar Allah poursuit ses attaques sur des navires et a essayé plusieurs fois de cibler Israël avec des missiles et des drones.  Il a jugé inacceptable les attaques sur des navires civils.  En réponse à ces attaques, des frappes conduites par les États-Unis ont eu lieu sur quatre provinces, alors que des frappes israéliennes ont également touché Hodeïda.  Des rapports sur des victimes de ces frappes contre Hodeïda, ainsi que des dommages sur des infrastructures civiles critiques sont préoccupants, a-t-il déploré. 

L’Envoyé spécial a souligné que ce cycle de représailles entraîne le Yémen plus profondément dans le conflit régional, détruisant ainsi les espoirs de paix et de stabilité.  De plus, cela distrait du besoin urgent de discuter de la crise interne au Yémen.

Face aux détentions arbitraires de travailleurs humanitaires, M. Grundberg a rappelé que la société civile et les défenseurs des droits continuent de jouer un rôle critique pour faire face aux besoins humanitaires urgents, et qu’ils méritent une protection appropriée et le soutien international afin de poursuivre leur mission. 

Sur le plan politique, l’Envoyé spécial a indiqué avoir engagé des discussions constructives avec des parties prenantes yéménites et internationales au cours de ses récentes visites à New York, Téhéran et Moscou.  Il a rappelé que la résolution pacifique du conflit au Yémen est possible, et que le peuple yéménite a besoin d’un soutien international unifié.  Il a indiqué que, durant le mois écoulé, son Bureau avait engagé des pourparlers avec des représentants de partis politiques yéménites ainsi qu’avec la société civile, avec une participation importante de femmes et de jeunes.

Sur le plan militaire, l’Envoyé spécial a évoqué des lignes de front globalement calmes, tandis que sur le plan économique, son Bureau œuvre à favoriser la collaboration entre les parties pour atteindre la stabilité économique. 

Par ailleurs, avec ONU-Femmes, le Bureau de l’Envoyé spécial a mené des consultations avec plus de 400 femmes et hommes afin de permettre une plus grande implication des femmes dans le processus de paix yéménite. 

Enfin, l’Envoyé spécial a estimé que, malgré le conflit régional, la paix au Yémen est toujours possible, ajoutant qu’il fallait se concentrer pour la matérialiser. 

Mme JOYCE MSUYA, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires par intérim et Coordonnatrice des secours d’urgence, a commencé son intervention en exigeant la libération immédiate et inconditionnelle du personnel de l’ONU, du personnel des ONG et des membres de la société civile détenus arbitrairement par les houthistes.  Elle s’est faite l’écho des préoccupations des organisations concernées à propos d’une déclaration houthiste émise le 12 octobre, laquelle mentionne des poursuites pénales contre des personnes détenues, dont trois fonctionnaires des Nations Unies.  Ces détentions reflètent une tendance inacceptable à l’attaque des travailleurs humanitaires dans la région, a-t-elle déclaré. 

Évoquant les efforts diplomatiques de l’ONU avec les autorités de facto houthistes pour obtenir la libération de ces détenus, Mme Msuya a remercié les pays clefs de la région pour leur soutien.  Une majorité des membres du personnel de l’ONU détenus ont eu des contacts avec leur famille et des soins de santé ont été prodigués à ceux qui en avaient besoin, a-t-elle précisé.

La Secrétaire générale adjointe par intérim a fait part de ses préoccupations quant à la situation humanitaire au Yémen, soulignant le danger que représentent les attaques lancées depuis et contre le pays, lesquelles ont endommagé des infrastructures critiques dans les domaines énergétique et portuaire.  Si les ports de Hodeïda et Ras Issa sont encore opérationnels, les infrastructures énergétiques du premier tournent au ralenti, a-t-elle relevé. 

Rappelant le rôle d’artère vitale des ports yéménites de la mer Rouge pour des millions de personnes dans le pays, Mme Msuya a lancé un appel à leur protection.  Elle a également évoqué la faim qui frappe le Yémen, notant qu’en août dernier, le nombre de personnes dépourvues de ressources alimentaires avait atteint des niveaux sans précédents.  Elle a aussi mentionné la propagation du choléra, précisant que depuis mars 2024, la maladie a entraîné le décès de plus de 720 personnes.  On s’attend à un doublement des cas d’ici à mars 2025, s’est-elle alarmée, alors même que les partenaires dans le domaine de la santé ont été contraints de fermer 21 des 75 centres de traitement de la diarrhée.  Le financement de la lutte contre le choléra est déjà épuisé, a-t-elle ajouté.

Remerciant les États Membres et autres donateurs pour leur soutien à la réponse humanitaire au Yémen, Mme Msuya a rappelé que cette dernière n’est pour l’heure financée qu’à hauteur de 41%.  Le secteur de la sécurité alimentaire nécessiterait ainsi 870 millions de dollars supplémentaires, a-t-elle déclaré, faute de quoi 9 millions de Yéménites pourraient être privés d’aide alimentaire d’urgence au cours du dernier trimestre de cette année.  Dans cette crise, les personnes les plus touchées sont les femmes, les enfants et certains groupes marginalisés, a-t-elle fait valoir.  À ce titre, elle a jugé essentiel de financer des programmes de lutte contre les violences sexistes, en faisant observer le sous-financement chronique de ce secteur.

Mme NAJAT JUMAAN, professeure et membre du Conseil d’administration de « Jumaan Trading and Investment Company », a évoqué l’impact incommensurable de la guerre sur le secteur privé yéménite.  Doublement des tarifs de douane, rupture de la coopération bancaire internationale et fuite des capitaux et des cerveaux sont quelques conséquences de la guerre, ainsi que la destruction d’infrastructures civiles, a-t-elle détaillé.  Une autre, qui affecte la vie des populations, est la flambée des prix du fait de l’insécurité autour de la mer Rouge et les prix exorbitants du transport maritime qui en découlent.

Mme Jumaan a exhorté l’Envoyé spécial et les parrains de la paix à poursuivre leurs efforts pour impliquer toutes les parties prenantes yéménites dans le processus de paix.  Elle a appelé la communauté internationale à veiller à ce que les salaires soient payés et la reconstruction du pays soit engagée, en veillant à impliquer le secteur privé.

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