Somalie: le Conseil de sécurité informé des avancées de la réforme constitutionnelle, pendant le retrait progressif de l’ATMIS et le reformatage de la MANUSOM
Ce matin, le Conseil de sécurité s’est penché sur la situation en Somalie. Dans son exposé, le Représentant spécial par intérim du Secrétaire général pour la Somalie, M. James Swan, a tout d’abord félicité la Somalie pour son élection en tant que membre du Conseil de sécurité pour la période 2025-2026, ce qui témoigne des progrès accomplis par le pays. Pour le Chef de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), également présent, cela reflète la confiance des États Membres dans le progrès de la Somalie vers la paix, la sécurité et la stabilité, une analyse partagée par les membres du Conseil.
Faisant le point sur les développements récents, M. Swan a expliqué que le Gouvernement fédéral somalien poursuit ses grandes priorités nationales, notamment le processus de révision constitutionnelle, la finalisation du cadre électoral et la lutte contre les Chabab. Entre février et mai, le Parlement fédéral somalien a adopté des amendements constitutionnels aux quatre premiers chapitres de la Constitution provisoire de 2012 qui couvrent, entre autres, le système de gouvernance et le cadre électoral. Pour le haut responsable onusien, ces amendements expriment l’engagement du Gouvernement fédéral somalien en faveur d’un modèle électoral fondé sur le principe « une personne, une voix », un principe accueilli favorablement par les États membres fédéraux lors de la dernière réunion du Conseil consultatif national en mai, à l’exception du Puntland qui a annoncé son retrait du système fédéral en attendant la négociation d’un cadre constitutionnel global.
Notant que la prochaine étape de la révision constitutionnelle portera sur des questions complexes comme le partage du pouvoir et des ressources dans le cadre du modèle fédéral somalien, le Représentant spécial a souligné qu’un engagement continu de toutes les parties prenantes somaliennes dans un processus inclusif sera essentiel pour garantir un large consensus sur ces questions. Dès lors, comme les membres du Conseil qui se sont exprimés à cette séance, il a appelé les acteurs somaliens à aplanir leurs divergences et à rechercher un consensus.
Tous les participants au processus politique, y compris les dirigeants des États du Somaliland et du Puntland, doivent collaborer avec Mogadiscio pour stabiliser la situation politique interne et mettre en place un modèle durable de structure fédérale en respectant l’intégrité territoriale et l’unité de la Somalie, a souhaité la Fédération de Russie. Les A3+ (Mozambique, Sierra Leone, Algérie et Guyana) ont vu la réforme constitutionnelle comme une expression de l’engagement du Gouvernement fédéral somalien à renforcer la participation démocratique, en particulier pour les femmes et les jeunes et toutes les parties prenantes. Soulignant à leur tour qu’un large consensus sera nécessaire pour l’adoption de tout amendement constitutionnel par le Parlement fédéral somalien, ils ont plaidé pour un referendum afin d’obtenir l’approbation du Parlement fédéral et du peuple somalien. Abondant en ce sens, la Chine a plaidé pour un processus par et pour les Somaliens, sans ingérence externe.
Autre priorité nationale, le plan visant à transférer la responsabilité de la sécurité dans le pays de l’ATMIS à l’armée nationale somalienne a été examiné, dans un contexte toujours marqué par des attaques terroristes des Chabab. Le représentant somalien a assuré que la défaite des Chabab reste la principale priorité de son pays en matière de sécurité, assurant que les opérations offensives réussies de l’armée somalienne et d’autres pays contributeurs de troupes avaient réduit les Chabab à ne mener que des attaques opportunistes contre des cibles faciles et à diffuser des vidéos et des images de propagande trafiquées.
Il n’en reste pas moins, que la situation sécuritaire suscite toujours les inquiétudes de la communauté internationale dans un contexte marqué par le retrait progressif de l’ATMIS, conformément au transfert prévu des responsabilités aux forces de sécurité somaliennes. Depuis juin 2023, 5 000 soldats de cette mission de l’Union africaine (UA) ont ainsi quitté la Somalie et d’autres réductions de personnel sont prévues dans les semaines à venir, a précisé le Représentant spécial en expliquant que les arrangements sécuritaires au-delà de 2024 font l’objet de discussions entre le Gouvernement fédéral somalien et l’UA.
Le Chef de l’ATMIS, M. Mohamed El-Amine Souef, a fait état d’un calme relatif dans les zones où sont présentes à la fois les forces gouvernementales somaliennes et l’ATMIS, tout en concédant que la menace des Chabab demeure imprévisible comme l’a confirmé l’évaluation technique conjointe achevée en mars 2024. Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, le 20 juin, a appuyé la demande du Gouvernement fédéral somalien pour une approche progressive de la phase 3 du retrait de l’ATMIS, avec 2 000 soldats partant d’ici à la fin juin 2024 et les 2 000 autres partant fin septembre 2024. Ce calendrier fournira le temps et l’espace nécessaires pour répondre aux exigences opérationnelles et donnera des garanties que les forces somaliennes soient correctement préparées à assumer les responsabilités de sécurité que portent actuellement l’ATMIS, tout en poursuivant l’offensive contre les Chabab, a-t-il expliqué. Les A3+ ont d’ailleurs soutenu la demande de l’UA de mobiliser les ressources nécessaires pour couvrir le coût du retrait retardé de 2 000 soldats.
Pour sa part, la France demeure convaincue que seule une réponse coordonnée des partenaires de la Somalie permettra de soutenir efficacement les efforts de Mogadiscio pour endiguer la menace des Chabab et se tient prête à définir le meilleur moyen de soutenir cette stratégie, en lien avec l’ONU, l’UA, l’Union européenne, les pays contributeurs de troupes et, si possible, de nouveaux partenaires. Les États-Unis et le Japon ont insisté sur l’impératif de tomber d’accord sur la force de l’UA qui remplacera l’ATMIS en termes d’ampleur, de mandat et de taille.
De son côté, le représentant de la Somalie a défendu le principe que seuls les Somaliens peuvent défendre la Somalie et ses citoyens, en expliquant que pour cela, il faut pouvoir compter sur un financement adéquat, durable et prévisible permettant de combler les lacunes des forces nationales de sécurité. Un appel entendu pas les membres du Conseil. Le délégué somalien a aussi attiré l’attention sur les incidents de la semaine dernière: des troupes éthiopiennes non ATMIS ont franchi illégalement la frontière somalienne à partir de différents endroits, s’engageant dans des confrontations avec les forces de sécurité somaliennes. C’est dans ces circonstances que le Gouvernement fédéral somalien a dû reporter la transition de l’ATMIS au mois de septembre, a indiqué le représentant avant de mettre en garde le Conseil contre les conséquences de ces actions déstabilisatrices en Somalie et dans l’ensemble de la région. Il n’en a pas moins réaffirmé l’engagement du Gouvernement fédéral somalien à respecter les principes inscrits dans la Charte des Nations Unies et à entretenir des relations de bon voisinage. Ce dernier attend de l’Éthiopie qu’elle en fasse de même, a-t-il déclaré.
Compte tenu de l’importance de la Somalie dans la Corne de l’Afrique, la Chine a encouragé le Conseil à soutenir le Gouvernement fédéral dans ses efforts pour préserver l’unité et l’intégrité territoriale du pays. Les États-Unis ont également exprimé leurs préoccupations face aux tensions politiques entre l’Éthiopie et la Somalie et l’incidence négative que cela pourrait avoir sur les intérêts sécuritaires partagés. Par ailleurs, ils ont jugé fondamental que les tensions régionales n’aient pas d’incidence sur la planification et le déploiement d’une mission remplaçant l’ATMIS.
S’agissant du processus de reformatage de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM) en une équipe de pays des Nations Unies, à la demande des autorités somaliennes, la Fédération de Russie a espéré qu’il se déroulera dans le bon ordre et conformément au calendrier convenu lors des consultations entre Mogadiscio et la direction de l’ONU. Le Représentant spécial Swan a annoncé qu’un comité technique conjoint du Gouvernement fédéral somalien et des Nations Unies a été créé pour faire avancer le processus de planification de cette transition. La première réunion de ce comité technique conjoint s’est tenue le 22 juin.
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)
LA SITUATION EN SOMALIE (S/2024/426)
Exposés
M. JAMES SWAN, Représentant spécial par intérim du Secrétaire général pour la Somalie, a tout d’abord félicité la Somalie pour son élection en tant que membre du Conseil de sécurité pour la période 2025-2026, ce qui témoigne, selon lui, des progrès accomplis par le pays au cours des trois dernières décennies.
Il a indiqué que le Gouvernement fédéral somalien poursuit ses grandes priorités nationales, notamment le processus de révision constitutionnelle, le cadre électoral et la lutte contre les Chabab. Entre février et mai, le Parlement fédéral somalien a adopté des amendements constitutionnels aux quatre premiers chapitres de la Constitution provisoire de 2012 qui couvrent, entre autres, le système de gouvernance et le cadre électoral, réaffirmant l’engagement du Gouvernement en faveur d’un modèle électoral fondé sur le principe « une personne, une voix », a expliqué le Représentant spécial. Lors de la dernière réunion du Conseil consultatif national, qui s’est tenue en mai et à laquelle ont participé les dirigeants des États membres fédéraux à l’exception du Puntland, les dirigeants ont accueilli favorablement ces amendements et encouragé l’adoption rapide des lois et règlements connexes. Certaines figures de l’opposition et certains responsables du Puntland ont toutefois critiqué ce processus, et le Président du Puntland a annoncé le retrait de son État du système fédéral en attendant la négociation d’un cadre constitutionnel global. M. Swan a indiqué que la prochaine étape de la révision constitutionnelle portera sur des questions complexes, notamment sur le partage du pouvoir et des ressources dans le cadre du modèle fédéral somalien. Notant qu’un engagement continu de toutes les parties prenantes dans un processus inclusif sera essentiel pour garantir un large consensus sur ces questions importantes relatives à la construction de l’État, il a appelé les parties somaliennes à aplanir leurs divergences et rechercher un consensus.
Au niveau régional, M. Swan s’est dit préoccupé par le protocole d’accord entre l’Éthiopie et le « Somaliland » annoncé le 1er janvier, qui a créé des tensions dans la Corne de l’Afrique à un moment où la région est confrontée à d’autres crises. Il a rappelé que le Conseil de sécurité a affirmé à plusieurs reprises le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité de la Somalie en appelant la Somalie et l’Éthiopie à résoudre cette question de manière pacifique.
Il s’est également inquiété de la détermination des Chabab à poursuivre leurs attaques terroristes, soulignant donc que la protection des civils doit rester une priorité absolue. Il a expliqué que tout en poursuivant ses efforts contre les Chabab, l’ATMIS a également réduit ses effectifs conformément au transfert prévu des responsabilités aux forces de sécurité somaliennes. Depuis juin 2023, 5 000 soldats de l’ATMIS ont quitté la Somalie et d’autres réductions sont prévues dans les semaines à venir. Le Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie (BANUS) continue pour sa part de fournir un soutien logistique aux forces de l’ATMIS et de faciliter une réduction ordonnée des forces en partance. En ce qui concerne les arrangements sécuritaires au-delà de 2024, le Gouvernement fédéral somalien et l’Union africaine poursuivent leurs discussions sur les accords de sécurité qui suivront pour 2025, a précisé le Représentant spécial.
En ce qui concerne les femmes, la paix et la sécurité, il a signalé les engagements pris dans le cadre de la révision de la constitution provisoire, selon lesquels la législation devrait inclure des quotas pour garantir la participation politique des femmes et leur représentation significative dans la prise de décisions. Il s’est également félicité de la finalisation par le Parlement de la Déclaration des droits, qui prévoit des garanties importantes sur les droits de l’enfant et la protection contre les mutilations génitales féminines. De même, il a salué la promulgation par l’État de Galmudug de la première loi interdisant toutes les formes de mutilation génitale féminine. Sur le volet humanitaire, M. Swan a en revanche fait état d’une situation toujours désastreuse alors même que le Plan de réponse aux besoins humanitaires pour 2024, qui nécessite 1,6 milliard de dollars, n’est financé qu’à 24%.
En ce qui concerne les lettres adressées début mai au Conseil de sécurité par le Gouvernement fédéral somalien pour demander la transition de la MANUSOM à une équipe de pays, il a indiqué que les Nations Unies sont en train de discuter avec les autorités somaliennes afin de déterminer les modalités et le calendrier de cette transition. Comme l’ont demandé les autorités somaliennes, un comité technique conjoint du Gouvernement fédéral somalien et des Nations Unies a été créé pour faire avancer le processus de planification. Une première réunion du comité technique conjoint s’est tenue le 22 juin, a-t-il précisé, faisant état de discussions cordiales et constructives.
M. MOHAMED EL-AMINE SOUEF, Représentant spécial pour la Somalie de la présidence de la Commission de l’Union africaine et Chef de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), a déclaré que l’élection de la Somalie en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2025-2026 reflète la confiance des États Membres dans le progrès de la Somalie vers la paix, la sécurité et la stabilité. Il a salué les réformes constitutionnelles en cours, ainsi que la promotion par le Gouvernement fédéral somalien du dialogue entre les dirigeants somaliens, notamment la convocation de la neuvième réunion du Conseil consultatif national. Malgré l’absence du Puntland à ces réunions, il a dit être encouragé par l’intention du Gouvernement fédéral de réengager les dirigeants du Puntland, notant que l’unité du pays renforcera la stabilité et ouvrira la voie au développement de la Somalie. Il a également salué les efforts en cours pour régler le différend entre la Somalie et l’Éthiopie.
Poursuivant, M. Souef a noté le calme relatif dans les zones où sont présentes les forces gouvernementales somaliennes et l’ATMIS, tout en notant que la menace des Chabab demeure imprévisible. La récente attaque contre les forces de sécurité somaliennes dans la région d’El-Dheer-Galmudug et le camp de l’ATMIS à Baidoa, dans l’État du Sud-Ouest, rappellent que ce groupe reste résilient. Bien que les forces de sécurité somaliennes, soutenues par l’ATMIS et de plus en plus de communautés locales, aient réalisé des progrès significatifs dans la lutte contre les Chabab, le soutien des partenaires internationaux est essentiel pour maintenir cet élan, d’autant plus que le Gouvernement fédéral somalien s’efforce également de répondre aux conflits et rivalités communautaires.
S’agissant de la transition en matière de sécurité, l’évaluation technique conjointe achevée en mars 2024 a mis en évidence la menace persistante des Chabab et le paysage sécuritaire complexe dans lequel les forces armées somaliennes opèrent. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, le 20 juin, a appuyé la demande du Gouvernement fédéral somalien pour une approche progressive de la phase 3 du retrait de l’ATMIS, avec 2 000 soldats partant d’ici à la fin juin 2024 et les 2 000 autres partant fin septembre 2024. Cette demande fournira le temps et l’espace nécessaires pour répondre aux exigences opérationnelles et donnera des garanties que les forces somaliennes sont correctement préparées à assumer les responsabilités de sécurité de l’ATMIS tout en poursuivant l’offensive contre les Chabab.
Il a fait état des préoccupations des dirigeants et des communautés locales quant à l’augmentation potentielle de la pression sur les forces de sécurité somaliennes et les communautés locales en raison de la réduction de la présence de l’ATMIS en Somalie. Il faudra des moyens pour sécuriser les emplacements stratégiques et renforcer le contrôle territorial.
De même, M. Souef a exhorté le Conseil à poursuivre ses efforts pour promouvoir une coopération régionale et internationale forte afin de veiller à ce que l’appui politique, logistique et financier à la mission post-ATMIS dirigée par l’Union africaine soit adapté pour faire face aux menaces existantes à la sécurité et pour renforcer la préparation et la capacité des forces de sécurité somaliennes à assumer pleinement leurs responsabilités en matière de sécurité.
Évoquant ensuite le renouvellement du mandat de l’ATMIS, qui arrive à expiration dans quelques jours, il a appelé le Conseil de sécurité à soutenir la Mission afin de lui permettre de contribuer efficacement à la consolidation de l’élan positif à travers un mandat qui correspond aux réalités politiques et sécuritaires et, qui fixe des échéances réalistes adaptées aux besoins de la Somalie. Il est nécessaire de consolider durablement les acquis de la Mission tout en s’attaquant aux défis qui persistent pour une transition harmonieuse, ordonnée et réussie, a-t-il ajouté.