Iraq: les membres du Conseil de sécurité expriment des vues divergentes sur la fin du mandat de la MANUI avant sa fermeture définitive fin 2025
Après avoir entendu, ce matin, la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) présenter les derniers développements dans le pays, marqués par des avancées institutionnelles mais aussi des impasses électorales et des tensions liées à la situation régionale, les membres du Conseil de sécurité ont exprimé des vues divergentes quant à la fin du mandat de la MANUI, dont le Gouvernement iraquien a demandé la fermeture définitive fin 2025.
Mme Jeanine Hennis-Plasschaert, dont c’était le dernier exposé devant le Conseil aux fonctions qu’elle exerce depuis 2018, s’est tout d’abord félicitée de l’évolution du pays ces dernières années, saluant en particulier l’adoption de réformes financières et économiques, la mise en œuvre de plans de gestion de l’eau et d’atténuation-adaptation environnementale ainsi que la réduction de la dépendance à l’égard des carburants importés. Elle a cependant reconnu que, malgré les efforts du Gouvernement iraquien, les fléaux de la corruption, de l’impunité, des ingérences et de la présence d’acteurs armés opérant en dehors du contrôle de l’État représentent encore des obstacles majeurs à surmonter.
La haute fonctionnaire s’est aussi inquiétée de la montée des tensions intra et intercommunautaires, ainsi que de l’augmentation des exécutions en lien avec les lois antiterroristes, avant d’appeler à ce que tous les conseils de province soient formés à la suite des élections locales de décembre dernier -y compris ceux de Diyala et Kirkouk où les négociations politiques s’éternisent- et qu’un nouveau président de la Chambre des députés soit enfin nommé. Elle s’est par ailleurs alarmée de la suspension des préparatifs des élections régionales prévue le 10 juin dans la Région du Kurdistan, formant l’espoir que le vote pourra se tenir « dans quatre mois au plus tard ».
Sur ce point, la plupart des délégations se sont accordées pour appeler le Gouvernement fédéral iraquien et le Gouvernement de la Région du Kurdistan à résoudre les questions en suspens afin d’assurer le déroulement ordonné, pacifique et crédible de ces élections. Le Royaume-Uni a invité les deux parties à convenir d’une date pour la tenue du scrutin dans les plus brefs délais, tandis que les États-Unis demandaient à la MANUI d’apporter son soutien aux opérations électorales dans cette région semi-autonome. La Chine a quant à elle plaidé pour un apaisement des tensions entre Bagdad et Erbil.
La Représentante spéciale a d’autre part rappelé que cet été marquera le dixième anniversaire du génocide commis par Daech contre le peuple yézidi. Dans cette optique, elle a exhorté les autorités nationales et locales à poursuivre leurs efforts de recherche des responsabilités et à tout faire pour que les personnes déplacées par le conflit puissent rentrer dans des zones jusqu’alors inaccessibles en raison de l’influence exercée par des acteurs armés, notamment à Sinjar, dans le nord du pays. Plus largement, Mme Hennis-Plasschaert s’est félicitée que l’Iraq ne se soit pas laissé entraîner dans un conflit régional, compte tenu des événements au Moyen-Orient. Elle a toutefois reconnu que la présence d’acteurs armés opérant en dehors du contrôle de l’État rend la situation « inflammable ».
À cet égard, le délégué de l’Iraq a assuré que Daech « ne représente plus vraiment un danger » du fait de la maîtrise de la situation par les forces de sécurité nationales. Il a ajouté que la commission sécuritaire mixte américano-iraquienne est à pied d’œuvre et que le retrait progressif des troupes américaines est envisagé. Le représentant a également appelé à la désescalade régionale, relevant que la relation de son pays avec l’Iran et les États-Unis peut servir de « support » à l’abaissement des tensions au Moyen-Orient. Quant à la MANUI, il a expliqué que les conditions ayant justifié la mise en place de la Mission il y a 20 ans « n’existent plus ». La MANUI ayant « réalisé ses objectifs », le Gouvernement iraquien a demandé qu’elle mette fin à ses activités d’ici au 31 décembre 2025, a-t-il rappelé, souhaitant qu’elle se focalise entre-temps sur les questions de développement.
À l’instar du Guyana, qui s’exprimait au nom du groupe des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), un grand nombre de délégations ont appelé à respecter la position de l’Iraq concernant l’avenir de la Mission. Après avoir examiné les conclusions de l’examen stratégique demandé par le Conseil de sécurité, la France s’est déclarée favorable à une « transition progressive, ordonnée et responsable » avant la fermeture définitive de la MANUI et a encouragé l’Iraq à faciliter cette phase transitoire. Si l’Équateur a surtout insisté sur la nécessité d’un travail coordonné avec le Gouvernement iraquien pour le transfert ordonné des responsabilités, les États-Unis et le Royaume-Uni ont estimé que la tenue d’élections parlementaires nationales devrait être considérée comme un jalon pour une « fin claire » du mandat.
Toutefois, a objecté la Fédération de Russie, les problèmes qui subsistent « ne doivent pas servir d’excuse pour maintenir indéfiniment la Mission dans le pays ». Saluant la volonté des autorités iraquiennes d’engager des discussions sur les modalités pratiques de la période de transition, la Russie s’est déclarée convaincue que les Iraquiens sont prêts à assumer la responsabilité de leur avenir politique et a appelé à respecter leur choix, rejointe par son homologue chinois, pour qui il est aujourd’hui « temps de penser au retrait de la MANUI » et de transférer sans délai ses responsabilités.
S’agissant enfin des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus, ainsi que des biens koweïtiens disparus, y compris les archives nationales, la Représentante spéciale et la grande majorité des membres du Conseil ont souhaité que les efforts de recherche se poursuivent sous l’égide de la Commission tripartite chargée de cette question. Regrettant la lenteur du travail effectué par cette structure, qui n’a pas encore permis d’identifier la moitié des 308dépouilles de prisonniers et de personnes portées disparues, le Koweït a recommandé de ne pas clore le dossier avec la fermeture de la MANUI. Il a aussi demandé qu’un coordonnateur de haut niveau soit nommé pour assurer le suivi de cette question.
LA SITUATION CONCERNANT L’IRAQ S/2024/368 S/2024/369
Déclarations
Mme JEANINE HENNIS-PLASSCHAERT, Représentante spéciale et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), dont c’était le dernier exposé devant le Conseil de sécurité à ces fonctions, s’est félicitée de l’évolution du pays ces dernières années, en particulier ces 18 derniers mois. Elle a notamment salué l’adoption de réformes financières et économiques, la mise en œuvre de plans de gestion de l’eau et d’atténuation-adaptation environnementale ainsi que la réduction de la dépendance à l’égard des carburants importés. Elle a cependant reconnu que, bien que le Gouvernement iraquien s’attaque à la corruption, à l’impunité, aux ingérences et aux acteurs armés opérant en dehors du contrôle de l’État, ces fléaux représentent encore des obstacles majeurs à surmonter. La haute fonctionnaire s’est aussi inquiétée de la montée des tensions intra et intercommunautaires, ainsi que de la récente augmentation des exécutions d’individus condamnés en vertu des lois antiterroristes. Beaucoup reste à faire en matière de défense des libertés et droits fondamentaux, a-t-elle souligné, invitant l’Iraq à se conformer aux conventions et traités internationaux auxquels il a adhéré, avant de plaider pour une autonomisation des femmes « au-delà du symbolisme » et une plus grande liberté d’expression « sans crainte de représailles ».
Après avoir rappelé que les élections locales de décembre dernier ont été couronnées de succès, la Représentante spéciale a salué le fait que tous les conseils de province soient désormais opérationnels, à l’exception de ceux de Diyala et Kirkouk où les négociations politiques s’éternisent. Mme Hennis-Plasschaert a souhaité qu’un compromis soit rapidement trouvé à ce niveau comme à celui du parlement national, dont le Président n’a toujours pas été remplacé malgré six mois de pourparlers liés aux divisions internes entre responsables sunnites. Elle s’est par ailleurs déclarée préoccupée par la place croissante que prend la Cour suprême fédérale iraquienne pour combler ce vide politique.
Abordant la question de la Région du Kurdistan, la Cheffe de la MANUI a signalé qu’après de multiples reports, les élections régionales ont été fixées au 10 juin prochain mais que les préparatifs ont été interrompus, l’un des partis au pouvoir ayant annoncé sa décision de ne pas participer au scrutin. Ces élections sont pourtant « désespérément nécessaires », a-t-elle affirmé, formant l’espoir qu’une date définitive sera prochainement arrêtée et que le vote se tiendra « dans quatre mois au plus tard ». Pour ce qui est de Sinjar, ville du nord de l’Iraq libérée de Daech il y a neuf ans, Mme Hennis-Plasschaert a constaté qu’elle reste en ruine et que le projet local d’administration unifiée n’avance pas. Alors que cet été marquera le dixième anniversaire du génocide commis par Daech contre le peuple yézidi, elle a appelé les autorités et parties prenantes à continuer les efforts de recherche des responsabilités. Elle a également demandé que tout soit fait pour que les personnes déplacées par le conflit puissent rentrer dans des zones jusqu’alors inaccessibles en raison de l’influence exercée par des acteurs armés, ce qui concerne la région de Sinjar mais aussi celle de Jourf el-Sakhr.
À propos de l’environnement sécuritaire régional, la Représentante spéciale a salué le fait que le Gouvernement iraquien ait fait preuve de détermination pour empêcher le pays de se laisser entraîner dans un conflit plus large. Elle a néanmoins prévenu que, compte tenu de la présence d’acteurs armés opérant en dehors du contrôle de l’État, ainsi que des pressions régionales intenses, la situation reste « inflammable ». Dans ce contexte, elle s’est réjouie des efforts déployés en faveur du retour des ressortissants iraquiens du nord-est de la Syrie, avant d’exhorter les autres pays ayant des ressortissants à Hol ou dans d’autres installations de cette région syrienne à agir de toute urgence. Enfin, s’agissant des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus, ainsi que des biens koweïtiens disparus, y compris les archives nationales, elle a appelé à surmonter les obstacles bureaucratiques et à donner suite immédiatement aux questions en suspens.
La représentante des États-Unis a salué les efforts et l’efficacité de la Représentante spéciale qui dans son rapport a mis en exergue l’importance du travail de la MANUI dans trois domaines, plus particulièrement le règlement des questions en suspens entre l’Iraq et le Koweït. Elle a noté que la Mission a participé à titre d’observateur à des réunions techniques de la Commission tripartite à Bagdad, avant de d’encourager l’Iraq à tenir compte de la proposition du Koweït pour la remise sur pied du comité technique sur les biens koweitiens disparus. L’ONU doit participer aux efforts visant à régler ces questions, a-t-elle ajouté. S’agissant de l’appui aux élections, la représentante a demandé à la MANUI d’apporter un tel soutien pour gérer les élections dans les régions du Kurdistan iraqien.
Venant à la question de la fin du mandat de la MANUI, la déléguée a estimé que la formation d’un gouvernement après des élections parlementaires devrait être considérée comme un jalon pour une fin « claire » du mandat. Elle a appuyé la poursuite de l’assistance technique de la Mission en faveur de la Haute Commission électorale indépendante en vue des préparatifs des élections à la Chambre des députés de l’an prochain. Enfin, la MANUI doit continuer d’apporter une assistance précieuse en matière de promotion des droits humains et de développement économique en Iraq, a recommandé la représentante américaine. Elle a misé dessus arguant que cette aide a permis jusqu’à présent de protéger des droits de tous et de créer un environnement favorable aux investissements internationaux. Cela a aussi permis au Gouvernement de s’acquitter de ses obligations et de répondre aux aspirations pour la démocratie.
Le représentant de la Fédération de Russie a déduit de l’exposé de la Représentante spéciale que, malgré certaines difficultés socioéconomiques et politiques et des tensions régionales croissantes sur fond d’escalade militaire israélo-palestinienne, l’Iraq sait répondre aux défis qui sont les siens et dispose d’institutions et de mécanismes fonctionnels pour résoudre les conflits et les différends. Il s’est dit convaincu que les parties iraquiennes chercheront à résoudre leurs différends exclusivement par le dialogue et dans l’intérêt de toutes les communautés ethniques et confessionnelles et de tous les groupes sociaux. La Fédération de Russie, a poursuivi le délégué, soutient la promotion du dialogue entre le Gouvernement fédéral et la région autonome kurde d’Iraq sur toutes les questions en suspens. Le délégué a salué les succès du gouvernement du Premier Ministre Mohammed Al Sudani dans l’amélioration de la situation socioéconomique du pays, ainsi que les mesures efficaces prises par les autorités pour contenir les activités terroristes de groupes chiites. Nous pensons que les forces de l’ordre ont généralement bien rempli leur mission, a-t-il déclaré, avant de réaffirmer le soutien de la Russie à la souveraineté iraquienne et de s’opposer à toute ingérence dans les affaires intérieures du pays. Dans ce contexte, le délégué a dénoncé la présence continue sur le territoire iraquien de troupes américaines.
Accueillant favorablement la décision de Bagdad de mettre fin aux activités de la MANUI d’ici au 31 décembre 2025 et d’axer le mandat de la Mission pour la période restante exclusivement sur les questions de développement socioéconomique, le représentant a salué la volonté des autorités iraquiennes d’engager la discussion pour définir les modalités pratiques de la période de transition. Convaincu qu’au cours des 20 années qui se sont écoulées depuis sa création, la MANUI a pleinement réalisé son potentiel pour aider à restaurer l’État iraquien, le délégué a argué que les problèmes qui subsistent ne doivent pas servir d’excuse pour maintenir indéfiniment la Mission dans le pays. « Nous sommes convaincus que les Iraquiens sont prêts à assumer la responsabilité de leur avenir politique, et il est de notre devoir commun de respecter leur choix et de les aider à le faire », a-t-il conclu.
Le représentant de la Chine a appelé le Gouvernement central à atténuer les tensions avec le Gouvernement de la Région du Kurdistan. Il a appelé la communauté internationale à maintenir le soutien à Bagdad dans sa lutte contre le terrorisme, tout en exhortant l’ensemble des parties à respecter la souveraineté nationale de l’Iraq. Le délégué a estimé qu’avec les progrès sur le terrain, il serait temps de penser au retrait de la MANUI et transférer ses responsabilités. Il a d’ailleurs rappelé que le Premier Ministre iraquien, dans une lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU, a demandé le retrait de la Mission au plus tard en décembre 2025. Le délégué a en outre plaidé pour que l’on aide l’Iraq et le Koweït à résoudre leurs différends, y compris la question des Koweitiens disparus.
Le représentant de la République de Corée s’est dit encouragé par l’évolution positive de la situation en Iraq, saluant en particulier l’adoption d’une stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. La présidence du Parlement, vacante depuis des mois, doit être pourvue, a-t-il estimé. Le délégué a en outre souhaité que la recherche des disparus se poursuive. Le délégué a réitéré l’appui de son gouvernement à l’Iraq en vue de la reconstruction et du développement du pays. Enfin, il a plaidé pour une optimisation du mandat de la MANUI sur la base des conclusions de l’examen indépendant.
Alors que débutent les délibérations sur le rôle futur de la MANUI, le représentant de la Slovénie a souhaité que tout soit fait pour renforcer et préserver la stabilité intérieure de l’Iraq afin d’établir ce pays comme un lieu de dialogue, de coopération et de résilience face aux défis d’une région déjà instable. Dans cette optique, il a encouragé le Gouvernement iraquien à maintenir son engagement en faveur de réformes qui incluent la protection des droits humains, la construction d’institutions démocratiques, le lancement de réformes économiques durables et la lutte contre la corruption. Saluant le soutien apporté par la MANUI aux institutions iraquiennes, il a appelé à la poursuite de ces efforts nationaux et à l’intensification du dialogue sur les questions encore en suspens entre Bagdad et Erbil, la capitale de la Région du Kurdistan iraquien.
Pour le délégué, il est également important de créer des opportunités politiques, sociales et économiques pour tous en s’attaquant aux causes profondes de l’extrémisme violent propice au terrorisme et en traitant de la situation des personnes déplacées et disparues. À cet égard, il a plaidé pour que les auteurs de violations des droits humains soient tenus responsables et pour que se poursuive la coopération entre l’Iraq et le Koweït sur le dossier des Koweïtiens et des ressortissants de pays tiers disparus. Enfin, après s’être félicité du rôle positif que joue l’Iraq dans la région, il a salué la volonté du pays de travailler avec ses voisins à la gestion conjointe des ressources en eau transfrontalières, avec l’appui de la MANUI.
La représentante du Guyana, qui s’exprimait au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), s’est inquiétée de la persistance de défis, notamment la fragilité des institutions qui régissent les processus politiques et socioéconomiques. Elle a constaté que la prolifération des groupes armés et la résurgence d’entités apparentées à Daech constituent des menaces pour la stabilité de l’Iraq, et a plaidé pour un soutien et une collaboration internationale continus pour appuyer les efforts de lutte contre le terrorisme du pays. L’Iraq doit avoir un contrôle sur les armes en circulation sur son territoire et lutter efficacement contre l’émergence et les opérations de groupes armés non étatiques. Le peuple iraquien ne peut pas se permettre de s’empêtrer à nouveau dans un conflit international, a prévenu la représentante appelant toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue et à prévenir une nouvelle escalade de la violence dans la région.
Il faut aussi s’attaquer aux disparités socioéconomiques sous-jacentes et aux griefs qui alimentent l’instabilité et les conflits. Les efforts visant à promouvoir une croissance économique inclusive, la création d’emplois et la répartition équitable des ressources sont essentiels pour favoriser la cohésion sociale et la résilience face aux idéologies extrémistes. L’aide internationale doit être alignée sur les priorités iraquiennes et menée dans le respect de la souveraineté et de la dignité du peuple iraquien, a-t-elle souligné. Prenant note du souhait du Gouvernement iraquien de mettre fin au mandat de la MANUI d’ici au 31 décembre 2025, elle a appelé à respecter la position de l’Iraq concernant l’avenir de la Mission.
La représentante de la France a salué les efforts déployés par le Gouvernement iraquien pour mener à bien les réformes attendues par la population iraquienne. Elle l’a encouragé à les poursuivre notamment en termes de diversification de son économie, de lutte contre la corruption et l’impunité, et de protection des droits humains. Concernant les relations entre Bagdad et Erbil, elle a appelé les parties à trouver un accord sur leurs différends et à réunir les conditions permettant la tenue des élections parlementaires au Kurdistan iraquien dans les meilleurs délais. La déléguée s’est dite préoccupée par les répercussions des tensions régionales sur l’Iraq, en expliquant que la France continue à œuvrer pour prévenir un embrasement dans la région. La France condamne toutes les violations de la souveraineté iraquienne, a-t-elle précisé, et appelle les voisins de l’Iraq à cesser toute ingérence dans les affaires intérieures du pays. En lien avec ses partenaires de la Coalition internationale contre Daech, « la France continuera de se tenir aux côtés de l’Iraq dans la lutte contre le terrorisme, dans le plein respect de la souveraineté iraquienne, aussi longtemps qu’il le demandera ».
Ayant pris note de la lettre envoyée par l’Iraq au Conseil de sécurité en date du 8 mai 2024, qui demande de la fermeture de la MANUI d’ici au 31 décembre 2025, la représentante a expliqué qu’en tant que partenaire stratégique de l’Iraq, la France continuera à se montrer à l’écoute des autorités iraquiennes au sujet de l’avenir de la MANUI et à réfléchir aux contours et aux modalités les plus utiles et les plus efficaces pour l’ONU en Iraq. Après avoir examiné avec attention les conclusions de l’examen stratégique demandé par le Conseil de sécurité, qui recommandent notamment une phase de transition progressive, elle a indiqué que la France est également en faveur d’une « transition progressive, ordonnée et responsable » avant la fermeture définitive de la MANUI et encourage l’Iraq à faciliter cette transition.
La représente du Japon a appelé à renforcer les institutions de l’État iraquien, y compris par la tenue des premières élections depuis 10 ans. De même, a-t-elle fait remarquer, le renforcement des relations entre Bagdad et Erbil demeure un aspect essentiel de la mise en place d’institutions étatiques plus résilientes. Elle a invité le Gouvernement fédéral et celui du Kurdistan à redoubler d’efforts à cet égard. La déléguée a de plus appelé à approfondir la coopération régionale. Elle a salué la coopération constante entre l’Iraq et le Koweït sur la question des Koweïtiens et ressortissants de pays tiers disparus et des biens des Koweïtiens. Enfin, la représentante du Japon a plaidé pour la sécurité et la stabilité de l’Iraq, proposant une approche globale qui inclue l’investissement dans le développement et l’humanitaire. Il est également question de trouver des solutions durables pour les personnes déplacées dans le pays et assurer le rapatriement des nationaux se trouvant hors du pays, a-t-elle ajouté.
Le représentant de la Suisse a estimé que l’Iraq dispose d’institutions fonctionnelles, même si des défis subsistent. Le nouveau report des élections législatives dans la Région du Kurdistan reste préoccupant, a-t-il toutefois souligné. Le délégué a jugé essentiel que l’État iraquien contrôle l’usage de la force sur l’ensemble de son territoire. « De même, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Iraq doivent être respectées par tous. »
Ces dernières années, l’Iraq a développé une dynamique de dialogue et de coopération dans la région, a relevé le délégué en invitant à l’approfondir. Il a aussi souhaité voir des progrès pour retrouver les citoyens koweïtiens, iraquiens, les ressortissants de pays tiers ainsi que les apatrides disparus, « sans distinction défavorable ». S’agissant du mandat de la MANUI, il a dit que les négociations seront décisives pour poser les jalons de l’avenir de la présence de l’ONU en Iraq.
Le représentant de l’Équateur a salué le fait que le Gouvernement iraquien ait ratifié les résultats des élections de décembre dernier et installé les gouverneurs de 13 provinces fédérales. Il a souhaité que cette étape puisse également être franchie dans la Région du Kurdistan. Applaudissant la volonté politique du Gouvernement iraquien en matière de réconciliation nationale, de réforme du secteur de la sécurité, de relance économique et d’action climatique, il a appelé de ses vœux une plus grande coopération bilatérale et multilatérale. Il s’est par ailleurs félicité de la création du Conseil supérieur de la condition féminine pour prévenir la violence domestique et promouvoir la participation des femmes dans les espaces sociaux et politiques, avant de s’alarmer de la persistance des attaques menées par des groupes terroristes tels que Daech. Notant que, selon les conclusions de l’examen stratégique indépendant, l’une des principales menaces qui pèsent sur le pays est la prolifération des acteurs armés non étatiques, il a jugé nécessaire de consolider les alliances régionales dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Le délégué a ensuite invité la communauté internationale à suivre de près la situation humanitaire des personnes déplacées et des réfugiés. S’agissant enfin du rôle futur de la MANUI, il a souligné la nécessité d’un travail coordonné avec le Gouvernement iraquien pour le transfert ordonné des responsabilités et le renforcement des capacités nationales.
La représentante de Malte a averti que tout débordement régional de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza aura de graves ramifications pour l’Iraq, appelant les parties à faire preuve de retenue et désamorcer les tensions. Elle a également demandé aux pays voisins de respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et le processus politique démocratique de l’Iraq afin de renforcer la stabilité régionale. Le maintien de la stabilité politique sera crucial pour maintenir et développer les gains acquis par l’Iraq. De même, elle a encouragé le Gouvernement fédéral, le Gouvernement régional du Kurdistan et le Gouvernement du Koweït, à une transition responsable, ordonnée et progressive sur la présence des Nations Unies en Iraq.
Sur le plan politique, la déléguée a appelé le Gouvernement fédéral et le Gouvernement de la Région du Kurdistan à résoudre les questions en suspens pour assurer le déroulement ordonné, pacifique et crédible des élections. Plaidant pour la promotion des droits humains, elle a exhorté le Parlement à voter la loi sur la violence domestique, insistant en outre sur l’importance de la participation des femmes à tous les processus politiques, électoraux, de paix et de sécurité. Il faut également lutter contre les changements climatiques et relever le défi de la pénurie d’eau et de ses dimensions sexospécifiques. Répondre aux besoins humanitaires actuels et trouver des solutions durables pour les personnes déplacées reste essentiel pour la stabilité à long terme de l’Iraq, a-t-elle ajouté.
Le représentant du Royaume-Uni a estimé que la MANUI a apporté une contribution importante à l’Iraq au cours des 20 dernières années et que le moment est venu de passer à un nouveau partenariat entre l’Iraq et l’ONU. Saluant les conclusions de l’examen stratégique indépendant, il a assuré que le Royaume-Uni travaillera en étroite collaboration avec toutes les parties pour envisager l’avenir de la Mission conformément aux recommandations de cet examen et à la volonté du Gouvernement iraquien. Le délégué a espéré qu’en temps voulu, l’Iraq sera en mesure de faire part des progrès accomplis sur les questions importantes mises en évidence par l’examen stratégique indépendant, notamment la tenue d’élections pour la Chambre des députés, la consolidation des institutions nationales afin de soutenir le dialogue entre Erbil et Bagdad, et le renforcement des organismes nationaux de défense des droits de l’homme.
Le délégué a demandé à toutes les parties de s’engager à convenir d’une date pour la tenue d’élections libres, équitables et ouvertes à tous dans la Région du Kurdistan iraquien dans les plus brefs délais. Pour ce qui est des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus ainsi que des biens koweïtiens disparus, le délégué a soutenu les travaux de la Commission tripartite. Il a fait valoir que la période de transition de la MANUI offre aux parties l’occasion de régler ces questions en suspens, et qu’à défaut, le Conseil devra envisager d’autres options pour ce dossier.
Le représentant de l’Iraq a évoqué l’assainissement des relations entre le Gouvernement central et le Gouvernement du Kurdistan iraquien, notamment sur des questions telles que le paiement des salaires. De même, un accord a été trouvé pour la reprise de l’exportation du pétrole iraquien par la Région du Kurdistan. Il s’est félicité de l’accalmie sécuritaire, soulignant que Daech ne pose plus vraiment un danger du fait de la maîtrise de la situation par les forces de sécurité nationales. La commission sécuritaire mixte américano-iraquienne est également à pied d’œuvre et il est envisagé le retrait progressif des troupes américaines, a-t-il signalé.
Le Gouvernement iraquien envisage un plan de fermeture des camps des déplacés et s’évertue à reconstruire les logements pour faciliter le retour des réfugiés iraquiens installés dans des pays tiers, a poursuivi le délégué qui a par ailleurs condamné toute attaque de pays tiers sur son territoire, arguant que cela constitue une violation de sa souveraineté et met en danger sa population. Il a aussi demandé que des pays tiers n’utilisent pas le territoire iraquien comme point de départ d’attaques contre ses voisins. Le délégué a appelé à la désescalade afin d’éviter que la région ne s’embrase, soulignant que la relation de l’Iraq avec l’Iran et les États-Unis est un avantage pour l’Iraq. Cela peut servir de support à une désescalade entre les parties, a-t-il mis en avant. Le délégué a également fait valoir que le Gouvernement iraquien a entrepris des travaux pour renforcer ses infrastructures au cours des cinq prochaines années.
Le représentant a dit accorder une grande importance à la restitution des biens de Koweïtiens et a laissé observer que la commission mixte bilatérale entre les deux pays poursuit son travail pour faire la lumière sur les nationaux Koweïtiens portés disparus et la restitution des archives du Koweït. Au sujet du mandat de la MANUI, il a expliqué que les conditions ayant justifié la mise en place de la Mission n’existent plus. La Mission ayant réalisé ses objectifs, le Gouvernement iraquien demande la fin des activités de celle-ci d’ici au 31 décembre 2025, a-t-il déclaré, souhaitant qu’elle se focalise entre-temps sur les questions de développement.
Même si le représentant du Koweït a regretté que la Commission tripartite (chargée de retrouver la trace ou connaître le sort des centaines de personnes portées disparues et de prisonniers de guerre, Koweïtiens et nationaux de pays tiers, victimes de l’occupation illégale du Koweït par l’Iraq) n’ait pas été en mesure d’identifier la moitié des 308 dépouilles de prisonniers et de personnes portées disparues. Il a souligné la nécessité de renforcer ses activités afin d’achever ce travail une fois pour toutes et de clore « ce chapitre humain douloureux ». Le représentant a ensuite plaidé pour la poursuite des tâches confiées à la MANUI, y compris le dossier des prisonniers et des personnes portées disparues, jusqu’à décembre 2025, sur la base de la demande du Gouvernement iraquien.
Le délégué a aussi mis en garde que si ces dossiers ne sont pas clos de manière définitive, il faudrait rechercher d’autres alternatives et faire d’autres choix. Il a rappelé que depuis l’adoption de la résolution 1284 (1999), des progrès notables ont permis d’identifier les dépouilles de 236 personnes portées disparues. Dès lors, il faut examiner les nombreuses idées et nommer un coordonnateur de haut niveau chargé du suivi de cette question, a-t-il suggéré. S’agissant de la MANUI, le représentant a exhorté à respecter la décision de l’Iraq. Le Koweït, a-t-il martelé, a lui aussi un droit absolu s’agissant du dossier des prisonniers portés disparus et des propriétés koweïtiennes, y compris les archives nationales. Il est grand temps pour le Conseil de se pencher sur la Commission tripartite de manière sérieuse et réaliste afin d’accélérer son travail