9571e séance – matin
CS/15619

Le Conseil de sécurité ouvre son débat public annuel sur ses méthodes de travail et entame la mise à jour de la note 507

Alors qu’il amorce le processus de mise à jour de la note S/2017/507 du Président du Conseil de sécurité visant à guider la conduite de ses travaux, le Conseil a ouvert, ce matin, son débat public annuel consacré à ses méthodes de travail dans le but d’améliorer sa transparence et son efficacité, dans un climat géopolitique toujours plus complexe.  Les commentaires des délégations ont porté notamment sur le besoin d’« équilibre » dans la répartition des tâches entre membres permanents et membres élus ainsi que dans le nombre de réunions publiques et informelles.

Dans sa note de cadrage, le Japon, qui assume la présidence du Groupe de travail informel sur la documentation et les autres questions de procédure du Conseil de sécurité, souligne l’importance que cet organe s’acquitte de ses fonctions « promptement et avec efficacité », ses décisions ne pouvant être appliquées qu’avec l’appui de l’ensemble des membres de l’Organisation. « Ce qui est en jeu », a ajouté la délégation, qui assume également la présidence du Conseil pour le mois de mars, « n’est pas seulement la réputation du Conseil et sa capacité à remplir son mandat, mais aussi la pertinence de l’ensemble de l’ONU ».

Afin d’actualiser et d’appliquer la « note 507 », adoptée en 2017, le Groupe de travail informel a déjà publié 16 notes de la présidence concernant les points de procédure devant être mis en œuvre.  Lors de la première réunion de l’année du Groupe de travail, le 19 janvier dernier, les membres du Conseil ont d’ailleurs reconnu l’importance d’actualiser ce texte en y ajoutant des dispositions répondant aux besoins actuels.  Le Japon entend d’ailleurs s’appuyer sur les efforts antérieurs en combinant les notes présidentielles précédentes en un seul document.  L’adoption de la note S/2023/945 relative à l’arrangement concernant les fonctions de rédacteur ou de corédacteur démontre selon lui l’engagement du Groupe de travail informel à cet égard. 

La Directrice exécutive de Security Council Report, invitée régulièrement à ce débat, a mis l’emphase sur la prévention des conflits, laquelle constitue une priorité élevée mais « chroniquement sous-priorisée » de la communauté internationale.  Si les bureaux régionaux des Nations Unies constituent un mécanisme de prévention des conflits privilégié, c’est l’adoption par le Conseil de la résolution 2719 (2023) sur le financement des opérations de soutien à la paix dirigées par l’Union africaine (UA) qui a retenu l’attention de Mme Karin Landgren, ce texte ayant à ses yeux le potentiel de faire passer le partenariat entre ces deux entités « à la vitesse supérieure ». 

Néanmoins, compte tenu que le Conseil conserve la responsabilité première de la surveillance des opération de paix de l’UA qu’il autorise, Mme Landgren a jugé que ces organes devront concevoir une façon de travailler « beaucoup plus étroite » à l’avenir.  De même, a-t-elle ajouté, les réunions entre le Conseil et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA ne constituent toujours pas un forum « d’échanges francs, stratégiques ou même de routine ».  Afin d’intensifier les contacts du Conseil sur le terrain, Mme Landgren a relevé que la note de 2019 encourage l’envoi de missions de visite du Conseil ainsi que de missions conjointes avec des organisations régionales et sous-régionales. 

L’Afrique du Sud a reconnu que des progrès significatifs ont été accomplis en matière de coopération entre l’ONU et les organisations régionales.  Le cadre conjoint ONU-UA en faveur d’un partenariat renforcé dans le domaine de la paix et de la sécurité s’est d’ailleurs avéré « précieux » pour trouver des approches novatrices en matière de prévention et de résolution des conflits.  La délégation sud-africaine s’est félicitée, à cet égard, de l’adoption de la résolution 2712 (2023) visant à mettre à disposition les contributions budgétaires obligatoires des États Membres de l’ONU pour les opérations de paix menées par l’UA. 

En cette période « difficile » sur le plan international, la note 945 illustre selon le Mozambique la volonté du Conseil d’assurer la pleine participation de ses membres élus à la rédaction des textes, en encourageant le partage des responsabilités.  La répartition des tâches entre membres permanents et membres élus devrait en effet être plus équitable et plus équilibrée, ont fait valoir tour à tour le Chili, l’Égypte, l’Inde, l’Italie ou encore les Philippines, notamment en ce qui concerne la présidence des organes subsidiaires et la pratique des rédacteurs et des corédacteurs.  Au nom des pays nordiques, le Danemark a proposé d’élargir la participation des États non membres du Conseil, la règle au titre de l’article 37 du Règlement intérieur provisoire étant, selon lui, utilisée de manière trop limitée.

Pour la Roumanie et la Chine, permettre aux États intéressés de présenter leur point de vue est essentiel pour assurer la transparence et l’inclusivité des débats du Conseil, notamment dans le cadre des réunions informelles tenues sous la formule Arria.  Néanmoins, a relevé Singapour, malgré l’augmentation du nombre de réunions publiques, la tendance aux consultations à huis clos persiste sur certains sujets. 

Tout en prenant acte de ces remarques, le Conseil de sécurité doit, selon la France, trouver « le bon équilibre » entre diplomatie publique et travaux à huis clos, ces derniers étant nécessaires pour favoriser un dialogue franc et l’atteinte de compromis.  Faire preuve de responsabilité, c’est aussi « éviter d’utiliser le Conseil comme une plateforme de désinformation », a martelé le représentant français, en dénonçant, comme son homologue britannique, des actions « déplorables » qui entravent non seulement sa capacité à trouver des solutions aux crises, mais « affaiblissent dangereusement son autorité ». 

Tout en appuyant la révision de la note 507, la Fédération de Russie a appelé à la prudence.  Elle a fustigé à son tour l’utilisation du Conseil par certains membres afin de réaliser leurs ambitions géopolitiques ainsi que la multiplication des questions à l’ordre du jour qui ne relèvent pas de son mandat, comme les droits humains ou la crise climatique.  De même, selon la délégation russe, la « matraque » des sanctions ne fait qu’accroître la méfiance à l’égard de l’impartialité de l’ONU. 

« Nous avons besoin d’un programme de travail plus rationnel », a renchéri la Chine, en déplorant la mobilisation de ressources pour des questions transversales.  « Les méthodes de travail illustrent notre façon de réfléchir » et ne sont pas de simples procédures techniques, a-t-elle fait valoir.  Afin que les membres du Conseil puissent s’acquitter de leur mandat, la délégation chinoise a recommandé d’adapter ces méthodes à l’époque actuelle. 

Or, plus le Conseil peine à prendre à prendre les décisions requises pour assurer la paix et la sécurité internationales, plus les demandes en faveur de responsabilités accrues d’autres instances iront croissant, a estimé le Liechtenstein.  Le droit de veto étant au cœur de l’impasse politique actuelle, il a fait valoir, comme l’Italie, que chaque État qui aspire à devenir membre de cet organe devrait souscrire aux mesures visant à en limiter l’usage, qu’il s’agisse de l’initiative sur le veto, de l’initiative franco-mexicaine ou encore de celle du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (Groupe ACT). 

Au nom de ce dernier groupe, la Norvège a noté que l’amélioration des méthodes de travail du Conseil et la mise à jour de la note 507 ne constituent pas seulement une question d’ordre administratif, mais aussi un processus impératif de transparence et de responsabilité.  Pour cette raison, la note 507 devrait selon elle inclure une section dédiée au recours au veto.  Le Conseil devrait en outre examiner officiellement les résumés des discussions de l’Assemblée générale sur le rapport annuel et les rapports spéciaux du Conseil, lesquels devraient en outre figurer à l’ordre du jour du Groupe de travail informel.  Pour la Grèce et l’Inde, en revanche, ces rapports devraient être moins quantitatifs et plus analytiques. 

Après les interventions de près de 50 orateurs ce matin, le Conseil de sécurité en entendra encore une quinzaine jeudi 14 mars, à partir de 15 heures, pour finir ce débat sur la mise en œuvre des dispositions de la note du Président du Conseil de sécurité (S/2017/507). 

MISE EN ŒUVRE DES DISPOSITIONS DE LA NOTE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (S/2017/507)

Méthodes de travail - S/2024/208/Rev.1

Déclarations

Mme KARIN LANDGREN, Directrice exécutive de Security Council Report, a indiqué que ce groupe de réflexion indépendant a déjà publié cinq rapports sur les méthodes de travail du Conseil et a travaillé en étroite collaboration avec une cinquantaine de membres du Conseil, avec pour objectif de soutenir la transparence, l’efficacité et la responsabilité de l’organe.  Notant que l’établissement des faits et la compréhension de leur contexte constituent un élément essentiel de la prévention des conflits, elle a rappelé que le Conseil dispose de différentes méthodes de travail qui lui permettent de recevoir des informations précises et en temps opportun. Elle a mentionné le recours accru aux bureaux régionaux des Nations Unies, les séances d’information approfondies du Secrétariat, les formats de réunions informelles, notamment en formule Arria, et les échanges avec les organisations régionales, en particulier avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA). 

À propos des trois bureaux régionaux des Nations Unies, Mme Landgren a noté que chacun d’eux informe le Conseil deux fois par an, en séance publique, lors de consultations ou les deux.  Elle a toutefois jugé cet engagement « limité », relevant que le Conseil a visité le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) pour la dernière fois il y a huit ans, en mars 2016, et n’a jamais visité le Centre d’opérations des Nations Unies en Afghanistan ni le Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale. 

S’agissant des échanges avec les organisations régionales et sous-régionales, l’intervenante a constaté que le Conseil les invite régulièrement à participer aux réunions publiques et privées.  Dans ce deuxième format, elle a mentionné le dialogue interactif informel de haut niveau de l’an dernier avec la Ligue des États arabes. Mme Landgren a noté qu’avec la résolution 2719 (2023) de décembre dernier sur le financement des opérations de soutien à la paix dirigées par l’UA, l’engagement avec l’UA « semble sur le point de passer à la vitesse supérieure ».  Mais pour que cette résolution soit efficace, les Conseils de sécurité de l’ONU et de l’UA devraient, selon elle, concevoir une nouvelle façon de travailler ensemble « beaucoup plus étroitement ». Si des experts se rendent désormais à New York ou à Addis-Abeba pour négocier les projets, en plus des réunions consultatives annuelles instaurées en 2007, il ne s’agit pas encore d’un « forum d’échanges francs, stratégiques ou même de routine », a-t-elle déploré, suggérant la tenue de réunions « plus fréquentes, plus interactives et moins planifiées ». 

Pour ce qui est du contact du Conseil avec le terrain, Mme Landgren a constaté que les déplacements des membres de l’organe restent encore loin de leurs niveaux d’avant la pandémie de COVID-19, bien que la Note du Président de 2019 souligne l’importance de mener des missions dans un cadre de prévention des conflits et dans des pays ou des régions confrontés à des crises en développement.  En plus d’incorporer des visites dans les bureaux régionaux des Nations Unies, le Conseil pourrait envisager de revisiter les pays dont les missions ont connu des transitions pour en « tirer des leçons », notamment sur la prévention de la résurgence des conflits, a-t-elle proposé, rappelant que le Conseil l’a fait pour la dernière fois en février 2019 en se rendant en Côte d’Ivoire et en étant, à cette occasion, informé par le Coordonnateur résident des Nations Unies au Libéria.  La Note du Président de 2019 sur les missions de visite du Conseil de sécurité encourage l’envoi de petits groupes de membres en mission et de missions conjointes avec des organisations régionales et sous-régionales, a souligné l’intervenante, pour qui les petits formats de mission confèrent plus de flexibilité et sont facteurs d’économies. 

Enfin, après avoir observé que la Note 507 a fait beaucoup pour améliorer les méthodes de travail du Conseil, Mme Landgren a estimé que ces dernières peuvent grandement contribuer à rendre cet organe plus efficace, notamment en cherchant à réduire la polarisation et à renforcer un terrain d’entente en ces temps de « profondes tensions géopolitiques ». 

M. YAMAZAKI KAZUYUKI (Japon), Président du Groupe de travail informel sur la documentation et les autres questions de procédure, a souligné l’importance d’améliorer la transparence, l’efficience et l’efficacité des travaux du Conseil de sécurité, estimant qu’il en va de la capacité de l’organe à remplir son mandat, mais aussi de la pertinence de l’ensemble de l’ONU.  À cette aune, il a rappelé que le Groupe de travail informel s’était penché sur la manière d’améliorer les méthodes de travail du Conseil, à la demande de celui-ci, ayant débouché sur la publication d’une série de notes de sa présidence.  Depuis la Note 507 en 2017, a-t-il précisé, 16 autres notes du Président sur les méthodes de travail ont été adoptées.  M. Yamazaki a notamment cité celle adoptée en décembre 2023 sur l’arrangement consistant à assurer les fonctions de rédacteur ou de corédacteur (S/2023/945). 

Le Président du Groupe de travail a également fait état d’échanges de vues informels avec l’ensemble des membres sur l’introduction des rapports annuels du Conseil conformément à la Note 507.  Il a ajouté qu’il a été convenu entre les membres du Conseil de lancer une mise à jour de ladite note.  Dans cette perspective, il a dit vouloir s’appuyer sur les efforts antérieurs en intégrant toutes les notes présidentielles dans un seul document afin d’en faciliter la référence.  Cette mise à jour permettra selon lui de rationaliser l’ensemble et d’ajouter des dispositions répondant aux besoins contemporains.  Il a enfin assuré que les avis exprimés au cours de ce débat public seront intégrés autant que possible dans ce processus en cours. 

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