Soudan: le Conseil de sécurité proroge le mandat du Groupe d’experts du régime de sanctions concernant le Darfour
Ce vendredi après-midi, le Conseil a décidé de proroger d’un an le mandat du Groupe d’experts créé en 2005 pour suivre l’application des sanctions (embargo sur les armes, interdiction de voyager et gel des avoirs) concernant le Darfour. Le Groupe d’experts se voit ainsi confirmé dans sa mission jusqu’au 12 mars 2025, date à laquelle le Conseil réexaminera son mandat pour le proroger encore s’il y a lieu. La résolution 2725 (2024), soumise par les États-Unis, a été adoptée par 13 voix pour, mais avec les abstentions de la Chine et de la Fédération de Russie qui ont jugé « contradictoire » ou « infondé » de prolonger le mandat du Groupe d’experts au-delà de la date d’application des sanctions, celles-ci pouvant expirer le 12 septembre 2024.
En adoptant la résolution du jour, le Conseil rappelle en effet que, dans sa résolution 2676 (2023) du 8 mars 2023 -la dernière fois qu’il a reconduit les mesures de sanctions-, il a prévu de les examiner plus avant « au plus tard le 12 septembre 2024 » afin de se prononcer sur leur « renouvellement éventuel ». D’où les commentaires de la Russie et de la Chine invoquant une incohérence dans l’échéancier des mandats. La Chine a plaidé pour une approche prudente et responsable au sujet des sanctions, en rappelant qu’elles ne sont pas une fin en soi. Elles doivent être réexaminées en temps opportun pour être « ajustées le cas échéant », a-t-elle tenu à rappeler. Or, à son avis, puisque le régime de sanctions pourrait arriver à expiration en septembre, prolonger le mandat du Groupe d’experts jusqu’en mars 2025 paraît « contradictoire ».
La Russie a tout simplement jugé « infondé » de prolonger le mandat du Groupe d’experts au-delà du délai d’application du régime des sanctions. Elle a en a déduit que les États-Unis préjugent de la prorogation du régime des sanctions en septembre, alors qu’à cette date il sera possible de les renouveler ou non. Elle a demandé « que ce jeu ne constitue pas un précédent au Conseil ».
Se félicitant par ailleurs que les auteurs du texte aient tenu compte des aspirations des États Membres et biffé « des éléments politisés sur les droits humains », la Russie a cependant rappelé qu’en une seule journée, le Conseil a adopté deux résolutions sur la situation au Soudan qui se chevauchent s’agissant notamment des droits humains. « Il ne faut pas croire qu’en répétant deux fois le même message, celui-ci devient plus convaincant », a-t-elle argumenté. En conclusion, la déléguée russe a demandé que le Groupe d’experts ne dépasse pas le mandat qui lui est confié, craignant que certaines dispositions s’élargissent à d’autres régions que le Darfour.
Dans sa mission, précise le texte adopté, le Groupe d’experts devra notamment enquêter plus avant sur toutes les sources de financement pertinentes, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, des groupes armés actifs au Darfour. Il lui est aussi demandé d’indiquer dans ses rapports les progrès accomplis pour ce qui est de réduire le nombre de violations du droit international humanitaire et de violations des droits humains et des atteintes à ces droits, « y compris les attaques dirigées contre les populations civiles, les actes de violence sexuelle et fondée sur le genre et les violations et sévices commis sur la personne d’enfants ».
Pour les États-Unis, la prorogation du mandat du Groupe d’experts met en exergue le soutien du Conseil pour faire la lumière sur la spirale dans laquelle a plongé le Soudan. Le mandat prolongé peut permettre de rattraper le temps qui a été perdu lors du conflit brutal de ces derniers mois, a fait valoir la délégation en espérant que cela permettra de stopper le flux d’armes au Darfour. Nous sommes prêts à aider pour faire avancer la sécurité au Soudan, ont assuré les États-Unis.
Les A3+1 (Algérie, Guyana, Sierra Leone et Mozambique) sont également prêts à participer plus avant aux efforts visant à assurer la paix et la stabilité au Darfour, a déclaré le Mozambique qui parlait en leur nom, se disant reconnaissant envers la délégation qui a mené les négociations sur ce texte. Il aurait toutefois été possible d’en faire davantage pour mieux intégrer les différents points de vue des membres du Conseil, ont estimé ces pays, « mais c’est probablement le meilleur compromis possible à cette étape », à leur avis. Le groupe s’est aussi inquiété des informations rapportant des violations des droits humains, y compris des violences sexuelles et ciblées sur des femmes et des jeunes filles, ainsi que le recrutement par les groupes armés au sein de la population civile et même parmi les enfants. Les quatre membres des A3+1 ont donc encouragé le Groupe d’experts à s’acquitter de son mandat pour évaluer au mieux la situation et « agir ».
Le texte adopté précise l’échéancier des travaux du Groupe d’experts. Ainsi, celui-ci devra soumettre au Comité créé par la résolution 1591 (2005) concernant le Soudan un rapport d’activité, le 12 août 2024 au plus tard, et lui présenter, au plus tard le 13 janvier 2025, un rapport final. Le Groupe d’experts devra également, tous les trois mois, soumettre au Comité un rapport actualisé sur ses activités.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Projet de résolution (S/2024/212)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses précédentes résolutions concernant le Soudan, notamment les résolutions 1591 (2005), 1651 (2005), 1665 (2006), 1672 (2006), 1713 (2006), 1779 (2007), 1841 (2008), 1891 (2009), 1945 (2010), 1982 (2011), 2035 (2012), 2091 (2013), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017), 2400 (2018), 2455 (2019), 2508 (2020), 2562 (2021), 2620 (2022) et 2676 (2023), complétées par la résolution 2664 (2022), la déclaration de son président en date du 11 décembre 2018 (S/PRST/2018/19) et ses déclarations à la presse,
Rappelant la signature, le 3 octobre 2020, de l’Accord de paix de Djouba par le Gouvernement soudanais, le Front révolutionnaire soudanais et le Mouvement de libération du Soudan-faction Minni Minawi, réaffirmant que l’Accord demeure contraignant pour tous ses signataires, en particulier les provisions relatives à un cessez-le-feu permanent au Darfour, et encourageant tous les signataires à prendre des mesures supplémentaires pour en accélérer la pleine application,
Demandant à tous les États Membres de s’abstenir de tout ingérence extérieure qui viserait à attiser le conflit et à aggraver l’instabilité et d’appuyer au contraire l’action en faveur d’une paix durable, rappelant à toutes les parties au conflit et aux États Membres qui facilitent les transferts d’armes et de matériel militaire au Darfour leurs obligations de respecter les mesures d’embargo sur les armes énoncées aux paragraphes 7 et 8 de la résolution 1556 (2004), et soulignant à nouveau que toutes les personnes qui contreviennent à l’embargo sur les armes pourraient faire l’objet de mesures ciblées conformément à l’alinéa c) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005),
Se déclarant alarmé par le conflit en cours au Darfour et la dégradation de la situation humanitaire au Soudan et sachant que la situation au Darfour est fortement touchée par le conflit en cours à l’échelle nationale et la dégradation de la situation humanitaire, condamnant énergiquement les attaques commises contre des civils, les cas généralisés de violence sexuelle et de violence fondée sur le genre en temps de conflit,
Prenant note avec préoccupation des rapports du Groupe d’experts sur le Soudan selon lesquels des acteurs armés participent à des campagnes de recrutement agressives, et demandant à tous les acteurs armés d’y mettre un terme,
Soulignant que toutes les parties au conflit doivent mettre un terme aux violations du droit international humanitaire et du droit international des droits humains et aux atteintes à ces droits au Darfour et respecter leurs obligations à ce titre, y compris celles de protéger les civils contre la violence et notamment les femmes et les enfants contre la violence sexuelle et les enfants contre le recrutement dans les forces armées, et soulignant qu’il importe d’amener les auteurs de ces actes à en répondre,
Prenant note de la lettre du 24 novembre 2023 que lui a adressée le Secrétaire général (S/2023/918) et de la lettre du 30 novembre 2023 qui a été adressée au Comité par le Gouvernement soudanais (S/AC.47/2023/COMM.8) se référant au paragraphe 5 de sa résolution 2676 (2023), demandant une évaluation des progrès accomplis concernant les principaux critères établis au paragraphe 4 de sa résolution 2676 (2023),
Soulignant que les mesures rappelées au paragraphe 1 pour faire face à la situation au Darfour ne sont pas dirigées contre le Gouvernement soudanais,
Considérant que la situation qui règne au Soudan continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Rappelle les mesures imposées aux paragraphes 7 et 8 de la résolution 1556 (2004), telles que modifiées au paragraphe 7 de la résolution 1591 (2005) et au paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012), ainsi que les critères de désignation et les mesures imposés aux alinéas c), d) et e) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005), tels que modifiés au paragraphe 3 de la résolution 2035 (2012), et les dispositions des alinéas f) et g) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005), du paragraphe 9 de la résolution 1556 (2004) et du paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012) et rappelle que dans la résolution 2676 (2023), il a réaffirmé et reconduit ces mesures jusqu’au 12 septembre 2024 et indiqué qu’il se prononcerait sur leur renouvellement au plus tard le 12 septembre 2024;
2. Décide de proroger jusqu’au 12 mars 2025 le mandat du Groupe d’experts initialement constitué en application de la résolution 1591 (2005), qu’il a déjà prorogé par ses résolutions 1779 (2007), 1841 (2008), 1945 (2010), 2035 (2012), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017), 2400 (2018), 2455 (2019), 2508 (2020), 2562 (2021), 2620 (2022) et 2676 (2023), réaffirme le mandat du Groupe d’experts tel qu’il a été établi dans ses résolutions et prie le Groupe d’experts de soumettre au Comité créé par la résolution 1591 (2005) concernant le Soudan (« le Comité ») un rapport d’activité, le 12 août 2024 au plus tard, et de lui présenter, après concertation avec le Comité et au plus tard le 13 janvier 2025, un rapport final comportant ses conclusions et recommandations, et prie également le Groupe d’experts de soumettre tous les trois mois au Comité un rapport actualisé sur ses activités, notamment ses déplacements, et de rendre compte de l’application des dispositions du paragraphe 10 de la résolution 1945 (2010) et de leur efficacité, et déclare son intention de réexaminer ce mandat au plus tard le 12 février 2025 et de le proroger s’il y a lieu et encourage toutes les parties et tous les États Membres, ainsi que les organisations internationales, régionales et sous-régionales, à veiller à une coopération constante avec le Groupe d’experts et à la sécurité de ses membres;
3. Prend note des rapports du Groupe d’experts sur les dispositifs de financement complexes établis par des groupes armés actifs au Darfour et prie instamment le Groupe d’experts d’enquêter plus avant sur toutes les sources de financement pertinentes, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, de ces groupes armés;
4. Rappelle le paragraphe 3) a) v) de sa résolution 1591 (2005) et prie instamment le Gouvernement soudanais de soumettre à l’examen du Comité et, le cas échéant, à son approbation préalable les demandes de mouvement de matériel et de fournitures militaires dans la région du Darfour, en particulier dans le cadre de l’application de l’Accord de paix de Djouba, conformément au paragraphe 7 de la résolution 1591 (2005), tel que précisé et mis à jour au paragraphe 8 de la résolution 1945 (2010) et au paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012);
5. Rappelle le paragraphe 4 de la résolution 2676 (2023), ayant considéré les mesures visées au paragraphe 1 de la résolution 2676 (2023), déclare son intention d’examiner plus avant ces mesures au plus tard le 12 septembre 2024;
6. Prie le Groupe d’experts d’indiquer, dans ses rapports d’activité et final, les progrès accomplis pour ce qui est de réduire le nombre de violations par toutes les parties et d’appliquer les mesures imposées aux paragraphes 7 et 8 de la résolution 1556 (2004), au paragraphe 7 de la résolution 1591 (2005) et au paragraphe 10 de la résolution 1945 (2010), pour ce qui est de promouvoir la paix et la stabilité au Darfour et pour ce qui est de réduire le nombre de violations du droit international humanitaire et de violations des droits humains et des atteintes à ces droits, y compris les attaques dirigées contre les populations civiles, les actes de violence sexuelle et fondée sur le genre et les violations et sévices commis sur la personne d’enfants et d’autres violations des résolutions susmentionnées, et de communiquer au Comité les noms des personnes ou entités pouvant répondre aux critères de désignation énoncés à l’alinéa c) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005);
7. Décide de rester saisi de la question.