Les membres du Conseil de sécurité s’inquiètent de la décision unilatérale du Kosovo d’imposer l’usage de l’euro
Le Conseil de sécurité s’est réuni, cet après-midi, pour une séance consacrée à la situation au Kosovo, à la demande de la Serbie et en la présence de son Président Aleksandar Vučić, avec en outre la participation de M. Albin Kurti, qui dirige le Kosovo. Soutenue par la Fédération de Russie, la Serbie souhaitait débattre des tensions croissantes au Kosovo, qui font suite à une décision monétaire de Pristina potentiellement lourde de conséquences pour la stabilité du pays et la poursuite du dialogue Belgrade-Pristina initié en mars 2011 et facilité par l’Union européenne (UE).
Le 27 décembre dernier, a relaté dans son exposé la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), Mme Caroline Ziadeh, la Banque centrale du Kosovo a annoncé une nouvelle politique visant à contrôler la quantité d’espèces en circulation sur son sol. Conséquence de cette politique entrée en vigueur le 1er février: l’euro est devenu la seule monnaie valable pour les transactions en espèces au Kosovo. « Les explications au public ont été très limitées », a-t-elle pointé. Or, depuis 1999, le dinar serbe était de facto la principale monnaie pour les transactions dans les zones à majorité serbe.
Du fait de cette décision, « des dizaines de milliers de personnes sont touchées, tout comme l’économie, qui dépend de leur pouvoir d’achat », a rapporté la Représentante spéciale. Le nouveau règlement prive de facto de salaire de nombreux Serbes du Kosovo, et pourrait asphyxier plusieurs pans du service public financé par la Serbie en dinars, tels que le fonctionnement des écoles. « Quels que soient le camp qui les adopte et les justifications avancées, et en l’absence de communications publiques sans ambiguïté, de telles actions augmentent, comme on pouvait s’y attendre, un environnement d’insécurité et de méfiance », a déploré Mme Ziadeh, soulignant, « comme de nombreux partenaires internationaux », que ces questions relevaient des accords de Bruxelles de 2013 et 2015, et « devraient donc faire l’objet de négociations plutôt que d’une action unilatérale ». La Cheffe de la MINUK a aussi rapporté des faits de violences commis contre la minorité serbe.
S’exprimant après elle, le Président Vučić, qui a déclaré ne pas reconnaître l’indépendance du Kosovo, a accusé les autorités de Pristina d’avoir créé des conditions de vie insupportables pour les Serbes du Kosovo et de se livrer à des persécutions. La Serbie payait 60 946 salaires et pensions de retraites en dinars, ainsi que 2 430 bourses d’études, et finançait des soupes populaires pour environ 2 000 citoyens. La décision de la « soi-disant Banque centrale du Kosovo » est « une attaque » contre la population serbe, s’est emporté le Président, qui a aussi fait remarquer que l’UE n’a jamais donné son accord préalable à la décision des autorités de Pristina. Évoquant en outre de nombreux faits de violences à l’encontre de la minorité serbe du Kosovo, il a accusé Pristina de « nettoyage ethnique ».
« Mensonges », a rétorqué Alban Kurti face à ces graves accusations, arguant que sur le plan politique, les minorités du Kosovo, qui ne représentent que 4% de la population, occupent néanmoins 20 sièges parlementaires sur 120. De plus, un quart des municipalités sont dirigées par des Serbes, dont la langue est une langue officielle du Kosovo, avec l’albanais. Les transferts de fonds depuis la Serbie sont toujours possibles, a-t-il assuré, mettant l’accent sur la volonté de « protéger les citoyens du Kosovo, y compris les Serbes, contre le blanchiment d’argent et la criminalité organisée ». Il a accusé au passage Belgrade de financer des « terroristes » au Kosovo.
Parmi les membres du Conseil qui reconnaissent le Kosovo comme nation souveraine, plusieurs se sont ouvertement inquiétés de la décision de la Banque centrale. Ainsi, si le Japon a dit pouvoir entendre les motivations derrière la mesure (lutte contre la fausse monnaie et le blanchiment, transparence des flux monétaires), son caractère discriminatoire l’a rebuté, à l’instar de la République de Corée et du Guyana, inquiets de son impact sur la vie et le bien-être de la minorité serbe du Kosovo. Pour Malte, la décision de la Banque centrale kosovare déstabilise la situation, sape le dialogue Belgrade-Pristina et augmente le risque de violences dans la région. Le Royaume-Uni a enjoint le Kosovo de respecter son caractère multiethnique consacré dans sa Constitution et les États-Unis lui ont recommandé de reporter l’application de la décision.
« Au nom de la paix et de la stabilité », la Chine a, elle, demandé tout simplement d’abroger la nouvelle réglementation, invoquant son caractère néfaste pour les Serbes du Kosovo. La Fédération de Russie est allée plus loin, en affirmant que la décision n’était pas monétaire, mais politique. Pour la délégation russe, les mesures adoptées s’assimilent à des persécutions anti-Serbes, voire à du nettoyage ethnique.
La Slovénie voisine, anciennement partie de la Yougoslavie, a estimé que « la Serbie et le Kosovo ont tous deux leur place dans l’Union européenne », mais que la normalisation des relations est essentielle s’ils aspirent toujours à y adhérer. Préoccupée de l’impact potentiel de cette décision, elle a conseillé au Gouvernement du Kosovo d’informer et de consulter les Serbes du Kosovo à l’avenir avant de prendre de telles décisions affectant leur quotidien. Enfin, pour l’Équateur, les parties doivent respecter leurs engagements, y compris celui de créer une association de municipalités à majorité serbe.
RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (S/2024/134)
Déclarations
S’exprimant par visioconférence, Mme CAROLINE ZIADEH, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a d’abord dressé un tableau de la situation politique sur le territoire. Des accords convenus à Bruxelles entre la Serbie et le Kosovo au début de 2023 ont ouvert la voie à des négociations et à un engagement mutuel, mais, faute d’entente sur le calendrier de mise en œuvre, les progrès ont été bloqués. La Représentante spéciale a fait état de la tenue d’élections partielles dans quatre municipalités du nord du Kosovo où à peine 3,47% des électeurs éligibles ont voté, ainsi que d’affrontements autour des bâtiments de ces municipalités, le 29 mai, ayant fait d’importants blessés parmi les civils ainsi que parmi les 93 membres de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR). En outre, un « grave incident » survenu à Banjska/Banjskë le 24 septembre a « entraîné des morts » et fait toujours l’objet d’une enquête.
Malgré une certaine dynamique positive –des progrès en matière d’immatriculation des véhicules et de la feuille de route énergétique, entre autres-, les actions unilatérales sur des questions relevant clairement du processus de dialogue politique sont très préoccupantes: « quels que soient le camp qui les adopte et les justifications avancées, et en l’absence de communications publiques sans ambiguïté, de telles actions augmentent, comme on pouvait s’y attendre, un environnement d’insécurité et de méfiance », a-t-elle formulé.
Résumant les faits, Mme Ziadeh a expliqué que le 27 décembre 2023, la Banque centrale du Kosovo avait annoncé qu’à compter du 1er février 2024, la seule monnaie autorisée pour les transactions en espèces au Kosovo serait l’euro. Les explications au public ont été très limitées, a-t-elle noté. Or, depuis 1999, le dinar serbe était de facto la principale monnaie pour les transactions en espèces et commerciales dans les zones du Kosovo à majorité serbe. Conséquence: des dizaines de milliers de personnes sont touchées par cette décision, tout comme l’économie, qui dépend de leur pouvoir d’achat. Plus précisément, le nouveau règlement de la Banque centrale bloque le paiement des personnes employées par les institutions financées par la Serbie, de certaines subventions agricoles et sociales, ainsi que celui de bénéficiaires de pensions serbes et yougoslaves. Les petites et moyennes entreprises, les services de santé et d’éducation, y compris les services de garde d’enfants, seront également gravement touchés, car ils reçoivent eux aussi depuis longtemps leurs fonds de la Serbie.
En réponse à ces préoccupations évidentes, les autorités du Kosovo ont annoncé le 6 février une période transitoire d’un mois, accompagnée d’une campagne de communication, a indiqué Mme Ziadeh. Cependant, a-t-elle pointé, toutes les inquiétudes ne semblent pas être résolues concernant les flux de trésorerie en dinars, puisqu’un camion de transfert d’argent s’est vu empêcher d’entrer au Kosovo le 7 février, tandis que quelque 4 millions de dinars ont été confisqués par la police du Kosovo le 3 février dans la municipalité de Pejë/Peć.
Mme Ziadeh a souligné, « comme de nombreux partenaires internationaux », que ces questions relèvent des accords de Bruxelles de 2013 et 2015 et « devraient donc faire l’objet de négociations plutôt que d’une action unilatérale ».
La Cheffe de la MINUK a également évoqué des événements survenus les 26 janvier et 2 février: la police du Kosovo a mené des opérations visant les installations utilisées par la communauté serbe non majoritaire dans plusieurs municipalités. La police du Kosovo a annoncé la saisie de divers documents; des bâtiments ont été scellés; du personnel arrêté pour interrogatoire, puis relâché. Lors d’une précédente opération de police le 2 janvier, une équipe de journalistes de Radio Goraždevac, seul média serbe du Kosovo dans la région, a déclaré avoir été interpellée et fouillée alors qu’elle avait présenté des accréditations de presse valides. La MINUK accorde la plus haute importance à garantir la liberté d’expression, a souligné sa Cheffe en prévenant que ni la nouvelle réglementation de la Banque centrale du Kosovo ni ces récentes opérations de police ne contribueront à une baisse des tensions.
Mme Ziadeh a de nouveau appelé Pristina et Belgrade à s’engager activement et de bonne foi dans le dialogue facilité par l’Union européenne (UE). Des efforts continus pour instaurer et augmenter la confiance et le respect mutuels constituent la seule voie viable vers la stabilité, la prospérité et la sécurité, a conclu la Représentante spéciale.
M. ALEKSANDAR VUČIĆ, Président de la République de Serbie, a indiqué avoir demandé la convocation de cette réunion à cause de la situation sur le territoire du Kosovo-Metohija, qui est « contraire à la Charte des Nations Unies et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ». Il a en effet accusé les institutions provisoires d’administration autonome de Pristina d’avoir créé sur le territoire concerné des conditions de vie insupportables pour les Serbes et de se livrer à des attaques systématiques généralisées et à des persécutions contre les civils serbes. Une telle situation, en l’absence de réaction appropriée, pourrait entraîner des dommages irréparables pour le peuple serbe au Kosovo-Metohija.
Ce qui l’a poussé à demander cette réunion, c’est la décision récente de la « soi-disant Banque centrale du Kosovo » d’interdire les transactions de paiement en dinars serbes sur le territoire du Kosovo-Metohija à compter du 1er février, a-t-il rappelé. Arguant que la survie des Serbes du Kosovo-Metohija dépend dans une large mesure directement et indirectement des avoirs en dinars, qui proviennent en premier lieu du budget de la Serbie, M. Vučić a précisé que son gouvernement payait 60 946 salaires et pensions, en dinars, ainsi que 2 430 bourses d’études, et qu’il finançait des soupes populaires pour environ 2 000 citoyens. Dès lors, il a jugé que le récente décision est « une attaque » avant tout contre la population serbe, qui rend la situation difficile sur le territoire du Kosovo-Metohija. Cette décision prive directement un grand nombre de personnes de leurs moyens de subsistance, s’est inquiété le Président en constatant que le « régime d’Albin Kurti » empêche ainsi le fonctionnement de toutes les institutions médicales, éducatives, sociales, culturelles et autres. C’est pourtant précisément sur ces institutions que repose la création de la Communauté des municipalités serbes, dont les compétences et la structure sont clairement définies dans l’accord sur les principes généraux, signé en 2015, a-t-il rappelé.
Le Président serbe a invité à ne pas oublier que les « soi-disant dirigeants albanais du Kosovo » utilisent le terme « état de droit » uniquement pour nuire aux Serbes et à l’Église orthodoxe serbe. Il a passé en revue une série d’incidents et d’attaques à caractère ethnique y compris contre l’Église orthodoxe serbe et au sein du système judiciaire. Il a accusé le « régime de Pristina » de créer des conditions invivables pour la population serbe dans le but ultime de chasser cette communauté du Kosovo-Metohija. Pour lui, l’euro a été introduit sur le territoire du Kosovo-Metohija en tant que seule monnaie légale « de manière manifestement illégale », puisque cela a été fait par une décision unilatérale des dirigeants politiques de Pristina. « C’est incontestable » parce que le dinar est la monnaie légale en République de Serbie, et qu’il ne peut donc pas être interdit au Kosovo-Metohija, en tant que partie du territoire de la République de Serbie, qui est placé sous administration internationale par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU, a-t-il argumenté. Il a aussi fait remarquer que l’euro est la monnaie de l’UE et que celle-ci n’a pas donné son accord préalablement à la décision des autorités de Pristina.
Le Président a également fait état d’une détérioration drastique de la situation dans quatre provinces du nord du Kosovo depuis les élections municipales d’avril dernier que les Serbes ont boycottées. Avec une participation d’à peine 3% des électeurs, les élections se sont déroulées dans des conditions totalement antidémocratiques et les « maires » albanais illégitimes ont occupé par la force les gouvernements locaux autonomes avec l’aide de personnel lourdement armé de la prétendue police spéciale, a expliqué M. Vučić.
Bien que la communauté internationale ait désigné Pristina comme le seul coupable de cette escalade, les autorités de Pristina n’ont pas eu à subir de conséquences graves pour leurs actions, a-t-il déploré. Il a affirmé que Pristina utilise de plus en plus ouvertement et inconsidérément des formations armées pour persécuter les Serbes. Ces formations sont composées presque exclusivement d’Albanais du Kosovo et leur existence sur le territoire du Kosovo-Metohija est indéniablement illégale et contraire à la résolution 1244 (1999), a-t-il fait valoir. « La violence et la persécution que Pristina exerce aujourd’hui ouvertement contre les Serbes font naturellement partie de l’attaque systématique et généralisée à long terme contre la population civile serbe dans l’ensemble du Kosovo-Metohija. » En conséquence, au cours de la seule année écoulée, plus de 14% des Serbes ont quitté le Kosovo-Metohija, a dénombré le Président. Il a trouvé cela d’autant plus tragique que Pristina mène ce genre d’actions alors que Belgrade et Pristina mènent depuis de nombreuses années un dialogue avec la médiation de l’UE. Pour sa part, la Serbie s’oppose à tous les facteurs d’instabilité et s’efforce d’être un solide pilier de stabilité dans la région des Balkans occidentaux, a-t-il assuré.
Le Président Vučić a espéré qu’après la réunion d’aujourd’hui, même les membres du Conseil de sécurité qui ont reconnu « l’indépendance illégale déclarée unilatéralement par la province du sud de la Serbie » comprendront que les dernières mesures prises par Pristina ne sont pas seulement une tentative de « consolider quelque chose » qu’une grande majorité des membres des Nations Unies, y compris la Serbie, ne reconnaissent pas comme un État, mais qu’elles mettent aussi en danger la paix. Le Président a conclu en réitérant sa dénonciation de cette nouvelle série d’actes de persécution et de cette attaque systématique et généralisée contre la population serbe, « en un mot, un crime contre l’humanité ».
M. ALBIN KURTI, du Kosovo, a dit avoir du mal à répondre aux allégations de la Serbie, un pays qui a commis un génocide, il y a deux décennies. Fier d’un Kosovo démocratique, multiethnique, respectueux des droits humains et indépendant depuis 16 ans, le Chef du Gouvernement a vanté les performances économiques, dont le taux de croissance de 6,2% et les 21 places gagnées dans l’indice sur la corruption. Sur le plan politique, les minorités occupent 20 sièges sur 120 au Parlement alors qu’elles ne représentent que 4% de la population. Vingt-cinq pour cent des municipalités sont dirigées par des Serbes dont la langue est une langue officielle du Kosovo avec l’albanais. L’accusation de nettoyage ethnique est donc un mensonge. C’est la Serbie qui a rayé de ses registres administratifs plus 400 000 albanais, y compris de la liste électorale. Elle est aussi le seul pays européen à n’avoir pas condamné la guerre d’agression de Vladimir Putin contre l’Ukraine.
La décision de la Banque centrale du Kosovo d’abolir le dinar n’empêche en rien le Gouvernement serbe d’apporter une aide financière aux Serbes du Kosovo, a affirmé le Chef du Gouvernement. La Banque centrale a d’ailleurs fait à sa consœur de la Serbie une proposition d’accord sur le transfert de fonds. Sa décision, a-t-il expliqué, vise tout simplement à protéger les citoyens du Kosovo, y compris les Serbes, contre le blanchiment d’argent et la criminalité organisée. L’on ne saurait en effet laisser Belgrade financer indéfiniment les terroristes au Kosovo. Insistant sur le fait que la décision de la Banque centrale va stopper le transfert illégal de « sacs d’argent » à ces terroristes, il a mis au défi le Président de la Serbie de signer « ici et maintenant » l’accord sur la voie de la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina.
Le représentant de la Fédération de Russie a accusé les autorités du Kosovo d’agir de manière « monstrueuse » contre les « Serbes de souche ». Dans le but d’établir un contrôle total sur le nord de la région et de se débarrasser de la population non albanaise, les autorités de Pristina ont lancé une véritable « terreur anti-Serbes », afin de forcer les Serbes du Kosovo à quitter pour toujours leurs lieux ancestraux. Américains et Européens flattent Pristina, a tancé le délégué, alors même que les politiques menées au Kosovo-Metohija évoquent un « nettoyage ethnique » et que les « défenseurs autoproclamés » des droits de l’homme ferment les yeux. Plus de 14% des Serbes ont quitté la région, au cours de l’année écoulée, a affirmé le représentant.
La décision de Pristina d’interdire le dinar serbe est « illégale, criminelle et perfide », puisqu’environ 100 000 non-Albanais pourraient se retrouver sans pension de retraite ni salaire. La décision relève d’une mesure politique et discriminatoire qui torpille tous les efforts de la communauté internationale pour trouver un compromis et des solutions durables dans le dialogue entre Belgrade et Pristina. Le plus choquant, a-t-il estimé, est la volonté de Pristina de saboter la mise en œuvre de son propre engagement à former au Kosovo-Metohija une communauté de municipalités dans laquelle la population serbe serait majoritaire. Pourtant, il s’agit d’un mécanisme inscrit dans les accords de Bruxelles. L’anarchie règne dans la région, a affirmé le représentant, accusant l’UE et les États-Unis d’en être responsables. La seule façon d’établir la paix serait de développer une solution juridique internationale durable et mutuellement acceptable pour Belgrade et Pristina, sur la base de la résolution 1244. Un tel dénouement doit être approuvé par le Conseil de sécurité.
Le représentant de Malte a souligné que les actions unilatérales mises en œuvre sans notification, ni consultation en bonne et due forme, en particulier celles qui touchent directement les minorités ethniques, ne font que déstabiliser la situation et augmenter le risque de violence dans la région. Il s’est félicité du fait que depuis l’annonce de la Banque centrale, le Gouvernement du Kosovo a pris en compte les préoccupations soulevées et s’est engagé en faveur d’une période de transition et d’une campagne de communication concernant l’impact de la réglementation. Il est important que ce délai soit suffisamment long pour permettre à toutes les personnes concernées d’accéder à des modes de paiement alternatifs, a-t-il estimé.
Le délégué a ensuite souligné que la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie reste le seul moyen de garantir la sécurité et la stabilité dans la région, en appelant au dialogue et à la collaboration. Toute action ayant potentiellement des conséquences doit être dûment discutée de manière transparente avec toutes les parties prenantes et négociée de manière appropriée dans le cadre du dialogue facilité par l’UE, a-t-il affirmé.
La représentante des États-Unis a exhorté la Serbie et le Kosovo à éviter les mesures unilatérales susceptibles d’aggraver les tensions. Les deux parties doivent poursuivre le dialogue, sous la houlette de l’Union européenne, et non au Conseil de sécurité. Quant à la décision de la Banque centrale du Kosovo, elle a estimé qu’elle a été prise sans préparation ni consultations adéquates avec la population locale. Il faut donc reporter sa mise en œuvre, en attendant que des conditions favorables soient réunies. La représentante s’est également dite préoccupée par des mesures unilatérales du Gouvernement du Kosovo comme les opérations de maintien de l’ordre, dans les municipalités serbes, ce qui constitue une violation des engagements de coopération pris sous la houlette de l’Union européenne.
Le Conseil de sécurité, a-t-elle insisté, n’est pas le lieu idoine pour régler ces problèmes. Elle a en revanche d’attiré l’attention de ses homologues sur les menaces à la paix et la sécurité provenant de l’extérieur du Kosovo. Elle a ainsi condamné les attaques coordonnées de paramilitaires serbes à la frontière, le 24 septembre, dont l’auteur est toujours libre en Serbie, au lieu d’être traduit en justice. La Serbie, a-t-elle conseillé, doit travailler avec la KFOR afin de prévenir toute autre attaque de ce type. Elle a conclu, en soulignant que le dialogue entre Belgrade et Pristina, sous la houlette de l’Union européenne, est le meilleur mécanisme de règlement de toutes les questions en suspens. Il est temps de mettre en œuvre les accords juridiquement contraignants, a-t-elle conclu.
Le représentant du Royaume-Uni a salué les progrès accomplis par le Kosovo en tant qu’État souverain, mais a déploré les tensions actuelles. Les deux parties, a-t-il dit, doivent honorer leurs engagements sous les auspices de l’Union européenne, et le Royaume-Uni continuera d’épauler ces objectifs. Le Kosovo et la Serbie doivent éviter toute action unilatérale sapant la poursuite du dialogue. Dans ce cadre, il revient au Kosovo d’exercer ses compétences souveraines, dans le respect de sa nature multiethnique consacrée par sa Constitution. Or, a pointé le représentant, la Banque centrale n’a pas tenu compte des effets de ses mesures sur les minorités. Il est important que tous les Serbes du Kosovo continuent d’être rémunérés, dans l’attente d’une solution pérenne. Enfin, le délégué a appelé la Serbie à assumer les responsabilités liées à l’attaque du 24 septembre, dont les auteurs doivent être traduits en justice.
Notant la décision de la Banque centrale du Kosovo, le représentant de la Chine a souligné que l’escalade des tensions, y compris interethniques, menacent la paix et la stabilité des Balkans, ce qui n’est dans l’intérêt de personne. Au nom de cette paix et de cette stabilité, il a demandé aux institutions provisoires d’administration autonome d’abroger la décision de la Banque centrale, compte tenu de son caractère néfaste pour les Serbes du Kosovo. Les mesures unilatérales ne sauraient contribuer à l’apaisement, a dit le représentant, avant de souligner que son pays appuiera toujours ceux qui s’efforcent de trouver une solution politique mutuellement acceptable par la voie du dialogue et dans le cadre de la résolution 1244 (1999).
Pour la représentante de la Slovénie, les deux parties doivent maintenir leur engagement en faveur du dialogue facilité par l’UE et de la normalisation de leurs relations sous son égide. « La Serbie et le Kosovo ont tous deux leur place dans l’Union européenne », a déclaré la déléguée slovène, en ajoutant cependant que la normalisation des relations était essentielle s’ils aspiraient toujours à y adhérer.
S’agissant de la décision de la Banque centrale du Kosovo, elle a bien noté qu’elle visait à renforcer la transparence financière et à lutter contre le blanchiment d’argent. Elle a toutefois exprimé sa préoccupation quant à l’impact potentiel de cette décision sur le soutien financier apporté aux Serbes du Kosovo. Elle a donc conseillé au Gouvernement du Kosovo d’informer et de consulter les Serbes du Kosovo avant de prendre de telles décisions affectant leur quotidien: le Kosovo devrait fournir toutes les informations et le soutien nécessaires pour assurer une transition en douceur. La représentante a aussi appelé les deux parties à s’abstenir de toute action unilatérale susceptible d’entraver les efforts en cours vers la normalisation des relations.
Enfin, certaines inquiétudes demeurent quant à la lenteur de l’avancement du rapport sur l’attaque de Banjska survenue en septembre dernier. Les auteurs doivent être tenus responsables, a-t-elle souligné, ajoutant que la violence contre le personnel de la KFOR était « inacceptable » et que le renforcement de l’indépendance du système judiciaire et des institutions chargées de garantir l’état de droit était crucial pour garantir l’établissement des responsabilités.
Le représentant de l’Algérie s’est dit préoccupé par la décision unilatérale qu’a prise le Kosovo sans consulter préalablement les autorités Serbes. Livrant trois messages, il a d’abord estimé qu’il est urgent d’éviter l’escalade et toute mesure susceptible de provoquer des tensions ethniques. Les Serbes doivent pouvoir recevoir des fonds sans retard ni obstacle. Le représentant a ensuite appelé au rétablissement de la confiance entre les deux parties et à une représentation effective des Serbes dans les institutions locales. Les autorités du Kosovo, a-t-il conseillé, doivent prendre les mesures nécessaires pour établir une communauté de municipalités serbes, comme le prévoient les accords de Bruxelles de 2013. Saluant les efforts de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour stabiliser la situation, le délégué a conclu, en encourageant le dialogue, sous l’égide de l’Union européenne, pour faire avancer le processus politique de façon pacifique, conformément au principe de subsidiarité entre les nations unies et les organisations régionales.
Le représentant de la France a exprimé sa préoccupation quant aux actions récentes du Kosovo sur la monnaie et les opérations de la police kosovare aboutissant à la fermeture de structures parallèles serbes dans le sud et dans l’est du Kosovo. Ces décisions auront des conséquences négatives sur la vie quotidienne de la communauté serbe au Kosovo, notamment sur l’accès aux services sociaux, a-t-il noté, avant d’appeler à la suspension immédiate de la décision de la Banque centrale du Kosovo afin d’assurer une période de transition suffisante.
Il a salué la déclaration hier du « Premier Ministre Kurti » qui a reconnu qu’une période de transition était nécessaire. Elle doit maintenant être suivie d’effets sur le terrain, a-t-il souligné. Il a également rappelé que le statut des structures parallèles serbes doit être résolu exclusivement à travers la création de l’association des municipalités à majorité serbe.
Le représentant a ensuite réaffirmé son soutien à la perspective d’intégration européenne de la Serbie et du Kosovo. Il n’y a pas d’alternative, ni pour la Serbie ni pour le Kosovo, que de parvenir à un accord qui règle de manière durable le différend entre les deux pays. Et c’est exclusivement dans le cadre du dialogue facilité par l’UE que les problèmes qui surviennent doivent être résolus, a-t-il souligné.
Le représentant du Mozambique s’est positionné contre toute action, de quelque acteur que ce soit, susceptible de priver les populations des besoins fondamentaux et des ressources nécessaires à leur survie. À cet égard, il a exhorté les parties à mesurer l’impact de leurs décisions, et à s’abstenir de toute action contraire à l’esprit de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ainsi qu’à la Charte des Nations Unies. La promotion de la paix et de la réconciliation au Kosovo et dans la région revêtant une importance capitale, le représentant a appelé les parties à tout mettre en œuvre pour trouver des solutions par des moyens politiques et diplomatiques.
Dans l’intérêt des populations de la région, le représentant du Japon a encouragé les parties à éviter toute action susceptible de conduire à une nouvelle escalade. Prenant note de la récente réglementation de la Banque centrale du Kosovo sur les opérations en espèces, il a dit comprendre que cette mesure a été mise en œuvre dans le cadre de la lutte contre la fausse monnaie et le blanchiment d’argent, afin de garantir la transparence des flux monétaires. Ceci étant, le représentant s’est dit préoccupé par l’impact de cette réglementation sur la vie quotidienne des nombreux Serbes du Kosovo qui utilisent le dinar et qui pourraient donc être désavantagés. S’il a dit comprendre que le Kosovo, en tant que nation souveraine, nécessite de telles mesures, le représentant a néanmoins estimé que les politiques qui affectent directement la vie des citoyens ne doivent pas être prises dans la précipitation mais soutenues par une communication claire et transparente. Par conséquent, il s’est associé aux ambassades du Quint –États-Unis et Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, ainsi qu’à d’autres membres de la communauté internationale qui demandent au Kosovo de procéder avec prudence, d’éviter d’accroître les tensions et de s’attaquer à l’impact de la réglementation. Le délégué a réaffirmé que le dialogue entre Belgrade et Pristina, facilité par l’Union européenne, contribuera à la paix et à la stabilité dans les Balkans occidentaux.
Le représentant de la Suisse a rappelé à la Serbie et au Kosovo leur responsabilité de s’abstenir de mesures et d’actions susceptibles d’aggraver la situation. Les pistes pour édifier la confiance existent, a-t-il souligné en parlant du dialogue facilité par l’Union européenne qui, selon la délégation, est le cadre dans lequel les deux parties peuvent et doivent aborder les questions litigieuses. Cela comprend la mise en œuvre du nouveau règlement introduit par la Banque centrale du Kosovo. La Suisse reconnaît la légitimité des objectifs poursuivis par ce règlement, notamment la transparence des flux financiers et la lutte contre la contrefaçon et le blanchiment d’argent. Elle partage toutefois les préoccupations quant à la communication sur la décision de la Banque et surtout sa mise en œuvre à court terme, a expliqué son représentant.
Les actions non concertées avec les populations concernées, perçues comme une mesure délibérément restrictive à l’égard d’un groupe ethnique en particulier, peuvent miner la confiance, a-t-il mis en garde, avant de saluer l’annonce du Gouvernement et de la Banque centrale du Kosovo selon laquelle une période transitoire est prévue, tout comme une communication renforcée. Le délégué a appelé les autorités du Kosovo à mettre en œuvre ces engagements et à renforcer le dialogue avec la population serbe du Kosovo, directement concernée par ce règlement. Des efforts accrus du Kosovo et de la Serbie, et notamment de leurs dirigeants, sont nécessaires pour trouver des compromis, a-t-il insisté en leur rappelant que la construction de relations de bon voisinage exige surtout que les deux parties mettent en œuvre leurs engagements au titre de l’accord de Bruxelles et l’accord d’Ohrid de 2023.
Le représentant de la République de Corée a regretté que l’accord sur la négociation d’un règlement visant à normaliser les relations entre le Kosovo et la Serbie sur la base de la proposition de l’UE, de février 2023, n’ait pas conduit à un règlement du conflit. Au contraire, a-t-il relevé, la situation dans le nord du Kosovo, où vivent plus de 100 000 personnes d’origine serbe, s’est aggravée à cause d’incidents sporadiques. Il s’est également inquiété de la récente réglementation de la Banque centrale du Kosovo sur les transactions monétaires. Tout en concédant que celle-ci vise à renforcer la stabilité financière et la transparence au Kosovo, il a noté que de nombreux résidents serbes du Kosovo reçoivent encore un soutien financier, sous forme de salaires et de pensions, de la part de la Serbie. Cette mesure pourrait donc avoir un impact négatif direct sur la capacité de la Serbie à leur fournir des services financiers et sur leur accès aux services sociaux de base. Il a salué la décision du Kosovo de suspendre la mise en œuvre de cette réglementation. De telles questions devraient faire l’objet d’un débat approfondi dans le cadre du dialogue facilité par l’UE, a-t-il estimé.
Le représentant de la Sierra Leone a appelé les dirigeants politiques du Kosovo et de la Serbie à engager un dialogue constructif pour garantir la réalisation de réformes institutionnelles cruciales favorables à la paix et une vie normale pour tous les habitants du Kosovo. Il a appelé les autorités du Kosovo à suspendre la décision de supprimer progressivement le dinar serbe afin de favoriser le dialogue et désamorcer les tensions dans l’objectif de favoriser la réconciliation nationale. Il a exhorté les dirigeants politiques des deux parties à s’engager en faveur de la mise en œuvre de l’accord de Bruxelles de 2013 et de la proposition du 27 février 2023 négociée par l’UE, qui trace la voie à suivre vers la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo.
Le représentant de l’Équateur a relevé que la récente mesure éliminant l’utilisation du dinar serbe dans les zones du Kosovo habitées majoritairement par des Serbes risque d’avoir un impact sur les services publics, notamment les écoles et les hôpitaux, ainsi que sur les droits fondamentaux des communautés concernées.
Dans ce contexte, le délégué a souligné l’importance de répondre aux préoccupations humanitaires et sécuritaires touchant les populations de la région, conformément aux principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies et à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Jugeant essentiel d’éviter les actions ou les discours susceptibles d’exacerber les tensions ou de contribuer à l’instabilité dans la région, il a encouragé la résolution des questions en suspens dans le cadre du dialogue facilité par l’UE. Les parties doivent respecter leurs engagements, y compris celui de créer une association de municipalités à majorité serbe.
La représentante du Guyana s’est inquiétée des répercussions négatives des récents événements au Kosovo sur la vie et le bien-être de la minorité serbe. Elle a souligné l’importance de promouvoir des politiques qui répondent aux besoins et aux préoccupations de toutes les personnes, y compris les minorités ethniques. À cet égard, la déléguée a salué les efforts déployés par l’UE pour faciliter le dialogue en cours entre les parties, y voyant un moyen essentiel pour parvenir à un règlement final qui permettrait à tous les habitants du Kosovo et de la Serbie de vivre côte à côte dans la paix et la prospérité. La déléguée a dit être préoccupée par l’impasse actuelle et par la possibilité d’un recul dans la mise en œuvre des dispositions convenues dans le cadre de l’accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie. Elle a plaidé pour un engagement renouvelé en faveur du dialogue Belgrade-Pristina mené par l’UE avant d’appeler le Kosovo à appliquer les principes de démocratie, à protéger les droits humains de l’ensemble de sa population et à respecter l’état de droit.
Dans une reprise de parole, le Président de la Serbie a refusé de répondre aux attaques et autres insultes personnelles entendues aujourd’hui. S’agissant des accusations de contrefaçon et de blanchiment d’argent, il a déclaré que les « sacs d’argent » qui passent la frontière sont transportés par Henderson, une entreprise britannique légalement enregistrée. En réponse à la Sierra Leone et à la République de Corée, le Président a précisé que la mise en œuvre de la décision de la Banque centrale du Kosovo n’a jamais été suspendue. La Serbie, a-t-il souligné, est un pays démocratique qui a dûment condamné les événements du 24 septembre. En revanche, le Président a accusé Pristina de persécuter les Serbes qui ont vécu toute leur vie au Kosovo. Il a remercié les 109 États Membres qui n’ont pas reconnu l’indépendance du Kosovo et souligné que la Serbie n’est pas un pays satellite aux mains de la Fédération de Russie. Nous ne sommes la marionnette de personne, ni des États-Unis ni de la Fédération de Russie ni de quiconque, et ce sera toujours le cas.
Reprenant la parole, M. Kurti, du Kosovo, a précisé que le dinar n’a pas été interdit au Kosovo et que les Serbes sont libres d’en posséder, mais que l’euro est désormais la seule monnaie valide pour effectuer des paiements. Les subventions et programmes sociaux sont déjà versés en euros dans les localités à majorité serbe du Kosovo. Le Monténégro voisin, où le quart de la population se définit comme serbe, utilise également l’euro, a-t-il noté. « Les Serbes ordinaires ne détestent pas l’euro. » M. Kurti a indiqué son intention de s’adresser aux Serbes dans leur langue afin qu’ils comprennent le sens de cette décision, exprimant aussi son désir de collaborer avec eux. Si les différences ethniques ne mènent pas au conflit, elles peuvent en revanche être instrumentalisées à des fins politiques, a-t-il prévenu. « L’intervention de l’OTAN nous a sauvés » d’une catastrophe humanitaire en 1999, a-t-il rappelé, et la Cour internationale de Justice (CIJ) a confirmé que l’indépendance du Kosovo n’était pas contraire au droit international. « La Serbie doit cesser d’imaginer que nous allons nous venger », a-t-il ajouté. « Nous ne voulons que la justice. »