Iraq: les membres du Conseil de sécurité saluent des progrès politiques, alors que la situation sécuritaire redevient volatile
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Iraq et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) Jeanine Hennis-Plasschaert a informé, ce matin, le Conseil de sécurité des derniers développements en Iraq, y compris la consolidation du processus électoral. Le 18 décembre 2023, l’Iraq a organisé des élections provinciales pour la première fois depuis 10 ans, et, dans le cas de Kirkouk, pour la première fois depuis 2005. Le processus électoral s’est déroulé de manière « globalement pacifique et techniquement solide », conduisant à l’élection de 76 femmes sur 285 sièges pourvus. Des avancées unanimement saluées par les membres du Conseil.
Cette unanimité a disparu à l’évocation des derniers développements sécuritaires et militaires à l’intérieur du pays et autour, dans un contexte régional inflammable. Comme Mme Hennis-Plasschaert l’a exposé, une attaque de drone du 28 janvier sur un camp militaire américain situé en Jordanie, à proximité de la frontière avec l’Iraq, a tué et blessé des militaires américains, qui ont riposté le 2 février, faisant eux aussi des victimes. Ce qui est en cause, pour la Fédération de Russie, ce sont les efforts américains pour transformer le territoire iraquien en une « arène de règlement de comptes géopolitiques ». Critiquant de nouveau la série de frappes américaines en Iraq et en Syrie, déjà à l’ordre du jour au Conseil hier, la Russie a fermement condamné ce qu’elle voit comme une ingérence américaine contre la souveraineté des États, ingérence attisant l’instabilité dans une région déjà en proie à la violence. Justifiant leurs représailles, les États-Unis ont pour leur part fustigé des groupes armés échappant au contrôle de l’État iraquien, qui « menacent d’hypothéquer les gains de l’Iraq dans sa lutte contre Daech » et mettent à mal une stabilité obtenue de haute lutte.
Craignant le débordement en Iraq du conflit à Gaza, Malte a souligné l’importance de respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et le processus politique démocratique de l’Iraq, afin de renforcer la stabilité intérieure et régionale. La Suisse, Malte et les A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) ont appelé à la plus grande retenue et à prendre des mesures urgentes pour désamorcer les tensions dans tout le Moyen-Orient. L’État iraquien doit contrôler l’usage de la force sur son territoire, a ajouté la Suisse, tandis que l’Équateur, préoccupé avec le Japon par la présence de groupes terroristes en Iraq et la recrudescence de leurs attaques, appelait à un cessez-le-feu permanent et à un « resserrement » des alliances régionales. La Cheffe de la MANUI a appelé à se recentrer sur la protection de l’Iraq contre une éventuelle implication dans un conflit plus vaste, en évitant le recours à la force brute. « Frapper dans le but de lancer un message ne fait qu’attiser les tensions », a-t-elle prévenu.
Sur la présence militaire américaine sur son sol, l’Iraq a, pour sa part, déclaré que le calendrier du retrait était en cours de discussion pour assurer une transition sans heurt. La priorité selon lui est de réduire à néant la menace terroriste et le trafic de stupéfiants sur son sol.
Concernant les relations entre le Gouvernement central et la Région du Kurdistan, la Cheffe de la MANUI a regretté que les élections législatives de la Région, initialement prévues en octobre 2022 et reportées à novembre 2023, soient de nouveau reportées à février de cette année. La confiance déjà faible en pâtit, tandis que se poursuivent les querelles entre Bagdad et Erbil sur les questions financières et budgétaires, a-t-elle expliqué en observant que « ce sont les gens ordinaires qui souffrent » de la situation. Pour préserver la stabilité, elle a jugé essentiel que la Région du Kurdistan ait les fonds nécessaires au paiement des salaires de ses fonctionnaires. La Chine a appelé à la poursuite du dialogue entre le Gouvernement central et celui de la Région sur les questions en suspens qui, ont rappelé la Slovénie et la France, concernent le partage des revenus pétroliers et les questions sécuritaires. La France a souhaité la reprise du dialogue avant de condamner les attaques menées dans la Région du Kurdistan, dont l’une, à Erbil, le 15 janvier 2024, revendiquée par les gardiens de la révolution iraniens. « Ces ingérences doivent cesser. »
Le dossier koweïtien -des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus, ainsi que des biens koweïtiens disparus– a aussi été discuté. De l’aveu du Koweït, ces questions demeurent une pierre angulaire de sa politique étrangère. Avec 308 personnes toujours portées disparues, des progrès plus rapides sont nécessaires, a reconnu Mme Hennis-Plasschaert: ceci implique entre autres le démantèlement d’obstacles bureaucratiques. Le Koweït a salué le rôle du Conseil dans l’opération de recherche et d’identification des dépouilles, et exprimé sa gratitude aux « frères de l’Iraq » ayant prêté main forte dans ce dossier. L’Iraq en a profité pour lancer un appel à de nouveaux témoins, en particulier les anciens soldats américains, et réclamé un accès aux archives, y compris les images satellites.
S’agissant du futur de la MANUI, la Chine a remarqué que la Mission devrait procéder à des ajustements compte tenu de l’évolution de la situation. Son mandat devrait être optimisé, et ses ressources mieux utilisées.
La France a enfin évoqué des allégations de détournement de fonds alloués au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en Iraq, et réclamé une enquête du PNUD à ce sujet.
LA SITUATION CONCERNANT L’IRAQ (S/2024/95, S/2024/96)
Déclarations
Mme JEANINE HENNIS-PLASSCHAERT, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Iraq et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), a entamé son discours en parlant d’un « tournant critique » pour le Moyen-Orient et pour l’Iraq en particulier. Les attaques dont le pays fait l’objet proviennent de l’intérieur et de l’extérieur de ses frontières, a-t-elle noté en craignant, si elles se poursuivent, de voir disparaître la stabilité durement acquise au cours des 18 derniers mois. Elle a noté que pour justifier leurs opérations, divers groupes armés iraquiens agissant en dehors du contrôle de l’État font référence à « une doctrine qui transcende la politique et les frontières étatiques »; ils appellent aussi à la fin de la présence militaire internationale dans le pays.
« Frapper dans le but de lancer un message ne fait qu’attiser les tensions », a formulé la Cheffe de la MANUI. Évoquant l’attaque du 28 janvier, qui a tué et blessé des militaires américains, ainsi que les frappes de représailles du 2 février, qui ont également fait des victimes, la haute responsable a appelé à se recentrer sur la protection de l’Iraq contre une éventuelle implication dans un conflit plus vaste, en évitant le recours à la force brute. Dans ce contexte, l’attaque de missiles iraniens sur Erbil il y a quelques semaines, qui a tué des civils, dont une petite fille, a beaucoup choqué, a-t-elle dit en soulignant que ces actions étaient totalement en contradiction avec les efforts considérables déployés en faveur de l’accord de sécurité entre l’Iraq et l’Iran.
Sur une note plus optimiste, elle a signalé que le 18 décembre 2023, l’Iraq a organisé des élections locales pour la première fois depuis 10 ans, et, dans le cas de Kirkouk, pour la première fois depuis 2005. Saluant un processus électoral s’étant déroulé de manière « globalement pacifique et techniquement solide », elle a qualifié ces élections de nouvelle étape dans les efforts déployés par le Gouvernement pour rompre avec les cycles de dysfonctionnement passés. Elle a aussi espéré que le rétablissement des instances représentatives locales, inactives depuis 2019, puisse constituer une avancée majeure. Notant que 60% des électeurs inscrits n’avaient pas voté, elle a dit que l’objectif pour les prochaines élections serait d’obtenir une participation électorale plus élevée et, surtout, d’encourager les électeurs iraquiens éligibles à s’inscrire, un défi de grande ampleur.
Autre développement positif signalé par Mme Hennis-Plasschaert: le Gouvernement iraquien continue de renforcer les secteurs financier et bancaire. Les fusions et les réformes structurelles des principales entités d’assurance et bancaires démontrent son engagement pour que le secteur financier gagne en transparence. Les mesures prises pour renforcer la gestion des finances publiques, notamment par la création d’un compte unique du Trésor, ont également été saluées par le Fonds monétaire international (FMI). Parallèlement, des projets de construction ambitieux se poursuivent à un rythme soutenu, notamment de grands complexes résidentiels. De même, l’engagement du Gouvernement à construire un millier de nouvelles écoles d’ici à la fin de 2024, s’il se concrétise, constituerait un véritable accélérateur d’opportunités.
Concernant les engagements du pays à combattre les changements climatiques, elle a cité l’élimination complète du torchage du gaz d’ici à 2028 et la création d’une nouvelle banque verte et durable pour diversifier l’économie iraquienne en l’éloignant des combustibles fossiles. Toutefois, la pénurie d’eau, la désertification, les migrations forcées, les conflits autour des ressources naturelles et les phénomènes météorologiques extrêmes se combinent, dressant un tableau « plutôt sombre » pour le pays, a-t-elle concédé, tout en appelant à ne pas baisser les bras et à concentrer désormais les attentions sur l’atténuation et l’adaptation, grâce à la mise en œuvre de programmes de gestion environnementale, à la modernisation des infrastructures d’irrigation et à des mesures immédiates pour réduire la dépendance au pétrole.
Évoquant enfin, à la mi-novembre, un arrêt de la Cour suprême fédérale ayant mis fin brutalement au mandat du Président du Parlement iraquien, elle a déploré que les querelles politiques empêchent son remplacement mais espéré qu’un accord émergera « le plus tôt possible ». Concernant la Région du Kurdistan, elle a regretté que les élections législatives de la région, initialement prévues en octobre 2022 et reportées à novembre 2023, soient de nouveau reportées à février de cette année. « Nous attendons désormais une nouvelle date. » Regrettant ces reports continus, qui sapent la confiance déjà faible, ainsi que les querelles entre Bagdad et Erbil sur les questions financières et budgétaires, elle a observé que « ce sont les gens ordinaires qui souffrent ». Pour préserver la stabilité, elle a recommandé de doter la Région du Kurdistan de fonds pour payer les salaires mensuels de ses fonctionnaires.
Pendant ce temps, l’ONU en Iraq continue d’évoluer, a déclaré la Représentante spéciale en signalant la date du 30 juillet 2024 fixée par le Conseil des ministres iraquien pour la fermeture de tous les camps de personnes déplacées dans le pays, dont le Kurdistan. Elle a jugé cette décision « bienvenue » car elle définit des mesures concrètes, établit des mécanismes et consacre des fonds gouvernementaux à l’objectif de mettre fin aux déplacements. Cela dit, l’ONU en Iraq souligne que cette décision devrait être complétée par des solutions pour les personnes déplacées hors des camps, a-t-elle commenté en demandant de veiller à ce que tous les retours et réinstallations soient informés, sûrs, volontaires, dignes et inclusifs, et poursuivis en coopération et coordination avec le Gouvernement régional du Kurdistan.
La Cheffe de la MANUI a enfin abordé la question des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus, ainsi que des biens koweïtiens disparus - y compris les archives nationales. Elle a salué le Gouvernement iraquien pour son engagement dans ce dossier. Avec 308 personnes toujours portées disparues, des progrès plus rapides sont nécessaires, et ceux-ci doivent impliquer le démantèlement des obstacles bureaucratiques et un suivi immédiat des questions en suspens, a conclu Mme Hennis-Plasschaert.
Le représentant de Malte a souligné l’importance de respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et le processus politique démocratique de l’Iraq afin de renforcer la stabilité intérieure et régionale. Les parties doivent agir avec retenue afin d’éviter toute nouvelle escalade. Le délégué a également craint le débordement en Iraq du conflit à Gaza. Il a noté la tenue des élections provinciales et félicité les 76 femmes élues. Il a espéré que ces élections conduiront à la mise en place rapide de nouveaux gouvernements locaux capables d’apporter des progrès socioéconomiques. Le représentant a également salué la poursuite des préparatifs pour la tenue des élections parlementaires dans la Région du Kurdistan, avant d’insister sur l’importance de renforcer le dialogue entre Bagdad et Erbil.
Après avoir encouragé les députés iraquiens à adopter le projet de loi contre la violence domestique, le délégué s’est dit préoccupé par les meurtres, les mutilations d’enfants ainsi que par le nombre élevé de victimes causées par des restes explosifs de guerre. Il s’est ensuite félicité de l’engagement du Gouvernement à s’engager dans une coopération régionale et internationale pour faire face aux multiples effets des changements climatiques. À cet effet, l’Iraq a besoin d’une aide de la communauté internationale. Il est aussi essentiel de trouver des solutions durables pour les déplacés pour assurer la stabilité à long terme du pays.
Le représentant de la Chine s’est félicité du bon déroulement des élections aux conseils provinciaux, ainsi que des mesures prises par le Gouvernement iraquien en faveur de la réforme économique, de la lutte contre la corruption et de l’amélioration de l’accès aux services publics. Il a appelé à la poursuite du dialogue entre le Gouvernement central et le Gouvernement régional du Kurdistan sur les questions en suspens, afin de parvenir à des solutions durables. Il a également espéré que l’Iraq et le Koweït progresseront sur la question des ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus, ainsi que des biens koweïtiens disparus.
Poursuivant, le délégué a estimé que la MANUI doit procéder à des ajustements en temps opportun, compte tenu de l’évolution de la situation. Il a demandé que le mandat de la MANUI soit optimisé et ses ressources mieux utilisées. Le Conseil doit réfléchir à l’avenir de la Mission, a-t-il dit. Il a exprimé son inquiétude face à l’escalade du conflit israélo-palestinien et au risque inquiétant de débordement, appelant les principaux pays influents à respecter la souveraineté de l’Iraq et à jouer un rôle constructif pour désamorcer la situation.
La représentante du Japon s’est dite très préoccupée par la forte augmentation des attaques menées par des groupes armés non étatiques depuis octobre dernier. Celles-ci risquent en effet de porter atteinte à la stabilité du pays et à la sécurité régionale, ainsi que de bloquer le développement de l’Iraq. Elle a appelé les parties concernées à agir de toute urgence pour apaiser les tensions, soulignant que le maintien de relations de bon voisinage demeurait la pierre angulaire de la stabilité de l’Iraq et de sa région. Jugeant aussi encourageant de voir l’Iraq poursuivre son engagement actif en faveur du renforcement de la confiance entre les pays voisins par le dialogue, elle a salué la coopération constante entre l’Iraq et le Koweït concernant les ressortissants koweïtiens et de pays tiers disparus et les biens koweïtiens disparus.
En cette période difficile, la stabilité politique et les progrès en Iraq sont essentiels. La représentante s’est donc félicitée que les élections aux conseils provinciaux se soient déroulées de manière ordonnée en décembre dernier, comme prévu, et espéré que les élections parlementaires de la Région du Kurdistan aient aussi lieu conformément au calendrier fixé. Enfin, sur le volet humanitaire, elle a souligné l’importance de trouver des solutions durables pour les personnes déplacées et les rapatriés, ainsi que de rapatrier les personnes qui vivent dans le camp de Hol.
Au nom de l’Algérie, du Guyana, du Mozambique, de la Sierra Leone (A3+), le représentant de l’Algérie a salué la tenue des élections dans les 15 provinces, le 18 décembre 2023, pour la première fois en 10 ans. Le délégué s’est aussi félicité de l’engagement des femmes iraquiennes qui étaient au nombre de 1 600 à être candidates. Les A3+ se sont dits encouragés par l’engagement du Gouvernement iraquien à améliorer les services publics et à mener d’importantes réformes économiques et financières, ainsi que dans la protection sociale. Sur le plan de la sécurité, les A3+ ont applaudi la réponse des forces de sécurité iraquiennes aux menaces de Daech, tout en restant préoccupés par la poursuite des attaques de Daech contre le personnel et les biens des forces de sécurité iraquiennes. De même pour l’augmentation des frappes contre le territoire souverain de l’Iraq. Les retombées régionales de la situation actuelle à Gaza, y compris en Iraq, risquent d’anéantir les progrès du pays. Toutes les parties doivent faire preuve de la plus grande retenue et prendre des mesures urgentes pour désamorcer les tensions au Moyen-Orient, a réclamé le représentant des A3+ en appelant à instaurer à Gaza un cessez-le-feu immédiat et un accès humanitaire complet, rapide, sûr et sans entrave.
Sur la question des droits humains, le représentant a dit être préoccupé par le nombre d’enfants tués par les restes explosifs de guerre, demandant la fourniture d’un appui technique à l’Iraq pour l’enlèvement ces engins. Il faut aussi répondre aux besoins humanitaires permanents et trouver des solutions durables pour les personnes déplacées, afin d’assurer la stabilité et la prospérité à long terme de l’Iraq. Au vu des progrès réalisés par le Gouvernement, le délégué a exhorté la communauté internationale à continuer de soutenir le peuple iraquien et son aspiration légitime à la paix et à la prospérité. L’Iraq est aujourd’hui un partenaire important dans la lutte pour le développement régional et la stabilité au Moyen-Orient, a-t-il assuré.
Le représentant du Royaume-Uni a salué la contribution de la MANUI aux progrès enregistrés en Iraq. Ce pays a le potentiel de jouer un rôle stabilisateur dans la région, a-t-il poursuivi. « À cette fin, il est crucial que son territoire ne soit pas usé par des affidés de l’Iran pour déstabiliser la région. » Il a appelé l’Iran à œuvrer à une désescalade des tensions, avant de saluer la tenue des élections provinciales en Iraq, les premières depuis une décennie. Il a espéré que les élections dans le Kurdistan pourront se tenir prochainement. Enfin, il a estimé que la Représentante spéciale, qui est sur le départ, avait apporté sur ce dossier iraquien une contribution personnelle qui sera appréciée pendant longtemps.
La représentante de la France a salué le bon déroulement des élections provinciales le 18 décembre dernier, les première depuis 2013, ainsi que le soutien apporté par la MANUI à la Haute Commission électorale indépendante. Elle a aussi souhaité que les élections parlementaires puissent se tenir au Kurdistan iraquien dans les meilleurs délais. Entre Bagdad et Erbil, la reprise du dialogue est nécessaire, s’agissant notamment du partage des revenus des ressources pétrolières et des questions sécuritaires: il y va de l’intérêt des deux parties, a fait valoir la déléguée. Tout en saluant le rôle essentiel joué par la MANUI pour apporter une assistance à l’Iraq dans de nombreux domaines, elle s’est dite très préoccupée par les allégations de détournement de fonds alloués au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en Iraq, demandant à celui-ci de lancer une enquête.
Concernant les répercussions en Iraq des tensions régionales, elle a de nouveau fermement condamné l’attaque menée en décembre dans la Région du Kurdistan, ainsi que la frappe du 15 janvier 2024 à Erbil revendiquée par les gardiens de la révolution iraniens. Elle a demandé que cessent ces actions violentes et déstabilisatrices, qui constituent des violations de la souveraineté de l’Iraq, avant d’appeler les pays voisins à cesser toute ingérence dans les affaires intérieures du pays. Elle a aussi rappelé que les enceintes diplomatiques doivent être protégées. Saluant enfin l’annonce par l’Iraq de sa disposition à reprendre les discussions avec le Koweït au sujet du différend territorial entre les deux pays, elle a redit l’importance d’une coopération étroite entre les deux pays sur le dossier des Koweïtiens et des ressortissants d’États tiers disparus.
La représentante de la Suisse a salué la tenue des premières élections des conseils provinciaux en 10 ans, se disant satisfaite du fait que le quota prévu par la loi était atteint. Les conseils provinciaux doivent maintenant travailler pour répondre aux aspirations légitimes de la population comme l’accès à des services publics de qualité. Elle a souhaité que les élections législatives dans la Région du Kurdistan pourront avoir lieu rapidement appelant à une intensification du dialogue sur les questions encore en suspens entre Bagdad et Erbil. De plus, a-t-elle poursuivi, la poursuite de la mise en œuvre des plans gouvernementaux pour diversifier l’économie donnera des perspectives économiques à la population également essentielles pour la stabilité et la paix en Iraq.
Sur le plan sécuritaire et régional, la représentante s’est inquiétée des répercussions croissantes des hostilités à Gaza en Iraq où les incidents sécuritaires ont fortement augmenté ces quatre derniers mois. Les parties doivent faire preuve d’un maximum de retenue, a-t-elle insisté, estimant que l’État iraquien doit contrôler l’usage de la force sur son territoire. La souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Iraq doivent être respectées. La déléguée a salué la volonté de l’Iraq de trouver une approche régionale afin de faire face aux effets négatifs des changements climatiques et de la pénurie d’eau. Elle a ensuite dit être préoccupée par la restriction du droit à la liberté d’expression, avant de saluer les efforts concernant le dossier des ressortissants koweïtiens et des pays tiers portés disparus.
Le représentant de l’Équateur a salué la tenue des élections aux conseils provinciaux en Iraq, ainsi que l’élection de 76 femmes sur les 285 sièges pourvus. Il s’est dit préoccupé par la présence de groupes terroristes en Iraq, avant d’appeler à un cessez-le-feu permanent et à un « resserrement » des alliances régionales. Il a salué les consultations entre la Cheffe de la MANUI et les autorités iraquiennes. Enfin, il a espéré que l’examen stratégique de la Mission en cours permettra d’aboutir à un soutien accru de l’ONU aux fins de renforcement des capacités du pays en matière de déminage, de justice et de protection des libertés fondamentales.
Le représentant de la Fédération de Russie a salué les efforts inlassables, malgré la menace terroriste et le contexte régional inflammable, déployés par le Gouvernement iraquien pour améliorer la situation dans le pays, ainsi que la tenue d’élections provinciales tant attendues tenues le 18 décembre de l’année dernière. Notant que le processus électoral dans 15 provinces s’est déroulé de manière organisée et sans violations significatives, il a espéré que les différends existants entre communautés ethno-confessionnelles et groupes sociaux seront résolus par le dialogue, et que la tenue des élections législatives dans la Région du Kurdistan, prévue pour le 25 février de cette année, auront bien lieu. Nous soutenons, a dit le représentant, la poursuite du dialogue politique entre les autorités fédérales et la Région autonome du Kurdistan pour résoudre les différends en cours, dont l’issue est d’une importance fondamentale pour assurer la prospérité, la stabilité et la paix.
Malgré les succès remportés par Bagdad dans le domaine de la sécurité, la situation demeure fragile, y compris à cause des efforts américains pour transformer le territoire en une « arène de règlement de comptes géopolitiques ». Le représentant a rappelé que le 3 février dernier, les forces aériennes américaines ont, sur ordre du Président américain Joseph Biden, lancé une série de frappes en Iraq et en Syrie. Dénonçant une autre agression flagrante justifiée fallacieusement par l’Article 51 de la Charte des Nations Unies et une prétendue coordination avec les autorités iraquiennes, le représentant est revenu sur la réunion que le Conseil de sécurité a tenue hier à l’initiative de sa délégation, pour rappeler les protestations de l’Iraq face à l’ingérence américaine. Il a fermement condamné l’action des États-Unis contre la souveraineté des États, en ce qu’elles créent des menaces supplémentaires à la paix et la sécurité internationales et attisent l’instabilité dans une région déjà en proie à la violence.
Le représentant de la Slovénie a salué l’engagement du Gouvernement iraquien en faveur de la protection des droits de l’homme, la fourniture de services sociaux de base, la lutte contre la corruption, la mise en place d’institutions responsables et de réformes économiques durables. La coopération régionale et transfrontalière en matière de sécurité climatique et hydrique, en particulier en ce qui concerne la désertification et les sécheresses, est d’une importance cruciale pour la stabilité et la résilience. Les dernières élections régionales marquent une nouvelle étape importante dans les progrès de l’Iraq. Le délégué a appelé les parties à soutenir des élections législatives pacifiques dans la Région du Kurdistan. Les efforts visant la participation des femmes aux processus politiques, électoraux et de paix et de sécurité doivent se poursuivre. Le Gouvernement doit aussi renforcer la législation sur les violences sexuelles et sexistes et donner accès à des services centrés sur les survivantes, afin de garantir l’obligation de rendre des comptes pour les violations.
Le représentant a encouragé le Gouvernement à protéger les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique et à protéger l’espace de la société civile. En ce qui concerne les relations entre Bagdad et Erbil, il a exhorté les autorités fédérales et régionales à traiter les questions sur le partage des revenus pétroliers et sécuritaires. Le délégué a dit attendre avec intérêt l’examen stratégique indépendant de la MANUI, avant de déplorer l’instabilité de la situation sécuritaire en Iraq pointant la multiplication des attaques menées par les milices contre la coalition en Iraq.
La représentante de la République de Corée a salué la tenue des élections provinciales en Iraq, les premières depuis une décennie. C’est un pas en avant majeur, a-t-elle dit, en souhaitant la tenue des élections dans la Région du Kurdistan. Elle a salué l’élection de 76 femmes sur les 285 sièges pourvus, un jalon important dans la participation des femmes au processus politique iraquien. La déléguée a également apprécié les mesures prises par le Gouvernement pour autonomiser les femmes tant dans la sphère politique que dans la vie sociale. Elle a aussi souhaité une accélération de la mise en œuvre de la loi de 2021 sur les victimes yézidies en vue de l’établissement des responsabilités dans les atrocités commises par Daech, dont des violences sexuelles ou basées sur le genre.
La représentante a reconnu l’engagement constant du Gouvernement iraquien avec celui du Koweït et d’autres agences internationales pour traiter la question des Koweïtiens et autres citoyens disparus. Elle a aussi salué les efforts du Gouvernement iraquien et l’assistance de la MANUI pour mettre en œuvre les réformes fiscales et de lutte anticorruption, ainsi que les programmes de développement, soulignant que la République de Corée est un partenaire de l’Iraq pour la reconstruction. Enfin, la déléguée a appelé à la désescalade dans la région, reconnaissant le dialogue important du Gouvernement iraquien avec les pays voisins pour traiter la situation de la sécurité transfrontière.
Le représentant des États-Unis a salué les progrès réalisés en Iraq et s’est dit déterminé à renforcer son partenariat pour un Iraq stable et souverain. « Hélas, certains groupes menacent d’hypothéquer les gains de l’Iraq dans sa lutte contre Daech. » Depuis octobre 2023, ils ont attaqué les États-Unis et les forces de la coalition en Iraq, en Syrie et en Jordanie, « plus de 60 fois », a déclaré le délégué en déplorant la mort de trois soldats américains lorsque des groupes de milices se sont attaqués à des forces américaines stationnées en Jordanie. De tels actes sont « inacceptables » et « ne peuvent se poursuivre », a formulé le délégué, qui a souligné également les pertes à déplorer parmi les partenaires iraquiens luttant contre Daech dans leur pays. Ces groupes armés échappant au contrôle de l’État compliquent la tâche de l’Iraq et menacent de mettre à mal une stabilité obtenue de haute lutte, a-t-il constaté. Dans un contexte où les risques sécuritaires évoluent constamment, le représentant a dit attendre avec impatience les recommandations de l’examen stratégique pour savoir comment la MANUI peut aider l’Iraq à atteindre ses objectifs et parachever sa transition politique.
« Les États-Unis sont partenaires de l’Iraq », a répété le délégué en observant que le pays a encore beaucoup à faire. Appuyant pleinement la poursuite du mandat de la MANUI, qui a apporté une vaste assistance dans divers domaines, y compris politiques et environnementaux, le délégué a salué des élections provinciales du 18 décembre organisées de façon pacifique et régulière. Il a enfin encouragé la MANUI à continuer de soutenir la Haute Commission électorale indépendante afin que soient organisées sans retard des élections dans la Région du Kurdistan.
Le représentant de l’Iraq a indiqué que son gouvernement mène une diplomatie préventive aux niveaux régional et international et qu’au niveau national, il s’efforce d’améliorer la sécurité et les conditions de vie des Iraquiens, en luttant contre la corruption, en renforçant la décentralisation et en organisant les premières élections provinciales depuis 2005, y compris à Kirkouk. S’agissant des discussions avec le Gouvernement provincial du Kurdistan, elles portent sur le renforcement de la coopération politique et la coordination pour parvenir à des accords importants, par exemple sur le budget. Les discussions portent sur la remise en service de l’oléoduc, qui est inactif depuis un an.
Pour ce qui est des pourparlers sur la présence militaire américaine en Iraq, nous discutons, a relevé le représentant, du calendrier du retrait pour assurer une transition sans heurt. Il a réitéré la nécessité de réduire à néant la menace terroriste et le trafic de stupéfiants. L’Iraq, a-t-il souligné, ne menace pas ses voisins et honore son engagement en ce qui concerne la protection des missions diplomatiques. Le Gouvernement est déterminé à mettre en œuvre son plan de développement soutenu notamment par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Quant aux liens avec le Koweït, le Gouvernement privilégie le dialogue pour régler les questions en suspens, notamment celles sur les sites d’inhumation et la recherche des Koweïtiens et des ressortissants d’États tiers disparus. En la matière, nous bénéficions de l’aide du Royaume-Uni, des États-Unis et de la Croix-Rouge, a dit le représentant, avant de lancer un appel à de nouveaux témoins, en particulier, les anciens soldats américains, et de réclamer un accès aux archives, y compris les images satellites.
Le représentant du Koweït a indiqué que la question des personnes portées disparues et des prisonniers de guerre, Koweïtiens et nationaux de pays tiers, ainsi que le retour des biens koweïtiens, sont les domaines clefs de la politique étrangère de son pays. Il a estimé que ce dossier est de nature humanitaire, plutôt que politique. « Nous ne l’avons pas politisé par le passé, nous ne le ferons pas à l’avenir. » Le délégué a par ailleurs salué la façon dont le Conseil de sécurité a assumé ses responsabilités dans les relations entre son pays et l’Iraq, citant la mission de maintien de la paix, le mécanisme de réparation, en plus des mécanismes de démarcation des frontières entre les deux pays. Selon lui, l’intervention de l’ONU depuis 1990, en ce qui concerne les relations Iraq-Koweït, constitue « une extraordinaire réussite ». Ce Conseil a montré qu’il est possible, avec les instruments adéquats, d’imposer l’état de droit, a-t-il salué.
Le représentant a aussi rappelé que le Conseil de sécurité et toutes les autres parties concernées avaient joué un rôle équilibré et central dans l’opération de recherche et d’identification des dépouilles des prisonniers koweïtiens et des personnes disparues, ainsi que des biens koweïtiens. Il a exprimé sa gratitude aux « frères de l’Iraq » qui ont prêté main forte dans ce dossier et en ont compris l’importance pour tout le peuple koweïtien, les appelant à poursuivre et à accélérer cette coopération afin de panser les blessures des familles des prisonniers et des personnes disparues. Enfin, il a souhaité que des rapports périodiques sur cette question continuent d’être soumis au Conseil. Tout abandon de ces mécanismes qui ont montré leur efficacité ne ferait que saper les efforts consentis depuis 1991, a-t-il conclu.