Mer Rouge: le Conseil de sécurité exige des houthistes qu’ils mettent fin à leurs attaques et demande une coopération renforcée pour en éviter d’autres
Le Conseil de sécurité a, aujourd'hui, exigé des houthistes qu’ils mettent fin immédiatement aux attaques qu’ils commettent en mer Rouge contre des navires marchands et de commerce depuis le 19 novembre 2023, et qu’ils libèrent immédiatement le Galaxy Leader et son équipage, capturés à cette date. Il a aussi demandé une coopération renforcée pour empêcher cette organisation d’acquérir le matériel qui lui permettrait de mener de nouvelles attaques, notamment par le renforcement des capacités des garde-côtes yéménites pour qu’ils puissent contrôler efficacement l’embargo sur les armes imposé aux houthistes.
Par la résolution 2722 (2024), présentée par le Japon et les États-Unis, et adoptée par 11 voix pour et 4 abstentions (Algérie, Chine, Fédération de Russie et Mozambique), le Conseil prend note du droit qu’ont les États Membres de défendre leurs navires contre les attaques, notamment celles qui portent atteinte aux droits et libertés de navigation. Il salue les efforts que font les États Membres dans le cadre de l’Organisation maritime internationale pour améliorer la sûreté et la sécurité du transit en mer Rouge.
Les États Membres sont également invités à continuer de renforcer leurs capacités et à faciliter le renforcement des capacités des États côtiers et des États du port en mer Rouge et dans le détroit de Bab el-Mandab, notamment en leur fournissant une assistance technique. Quant au Secrétaire général de l’ONU, il est prié de présenter au Conseil, jusqu’au 1er juillet 2024, des rapports mensuels sur toute nouvelle attaque perpétrée par les houthistes en mer Rouge, « afin d’éclairer ses futures consultations ».
La Fédération de Russie avait dans un premier temps présenté trois amendements, mais chacun des votes lui ont été défavorables: les deux premiers n’ont recueilli que 4 voix pour, avec 9 abstentions et 2 voix contre (États-Unis et Royaume-Uni); le troisième 5 voix pour, 9 abstentions et les mêmes 2 contre.
Tout en condamnant les attaques contre les navires civils, la délégation russe a considéré qu’il ne fallait pas « se faire d’illusions » sur l’objectif de ce texte, qui n’est selon lui pas la sécurité de navigation en mer Rouge, « mais une tentative de légitimer les agissements de la coalition » menée par les États-Unis et le Royaume-Uni et, de « façon indirecte », d’obtenir la « bénédiction » du Conseil de sécurité. Cette conclusion, a-t-elle ajouté, découle du paragraphe 3 du dispositif, qui mentionne un prétendu droit des États Membres à protéger leurs navires des attaques, qui n’existe pas dans le droit international. Le délégué russe a fait remarquer que ce droit « traite de la liberté de navigation en temps de paix, pas en temps de guerre ».
Par ailleurs, « comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises », pour corriger la situation en mer Rouge, a poursuivi la Russie, il est indispensable de reconnaître qu’elle est la « conséquence directe » des « opérations militaires israéliennes très violentes » qui durent depuis plus de trois mois à Gaza. L’omission de ce « lien de causalité » dans le libellé de la résolution a également été invoquée par l’Algérie, la Chine et la Sierra Leone pour justifier leurs abstentions. « Nous ne pouvions nous associer à un texte qui ignore les 23 000 vies qui ont été prises » depuis octobre dernier dans la bande de Gaza, a résumé le représentant algérien. Son homologue chinois a vu dans les ambigüités de ce texte une raison de craindre une exacerbation des tensions régionales.
Après avoir fait observer que peu des navires attaqués étaient affrétés par des compagnies israéliennes, les États-Unis ont estimé que ce qui est en jeu n’est pas un conflit particulier, mais plutôt le fait de prendre en otage la liberté de navigation, essentielle pour le commerce international. Les membres du Conseil ayant voté en faveur du texte nippo-américain ont cependant regretté l’absence de consensus, comme le Japon, la Suisse et la Slovénie, laquelle a estimé que certains éléments de langage auraient dû être précisés, en faisant allusion au paragraphe 3 du dispositif.
Le Royaume-Uni a rappelé que 15% du commerce maritime mondial transite par la mer Rouge et que les 26 attaques lancées par les houthistes depuis le 19 novembre dernier, dont la plus sophistiquée a été déjouée hier par les marines britannique et américaine, menacent de faire grimper les coûts énergétiques et les denrées alimentaires. Les premières victimes seraient « les populations les plus pauvres », a-t-il mis en garde.
La République de Corée a elle aussi dénoncé ces attaques, qui n’auraient pas pu être lancées sans des armes acquises illicitement par les houthistes, pourtant visés par un embargo imposé par le Conseil. La sécurité maritime, a relevé Malte, est d’une importance fondamentale pour le bien-être de la population civile yéménite, largement dépendante d’une assistance humanitaire dont l’acheminement sans entrave pourrait être compromis. Au-delà de la nécessité de sécuriser la navigation en mer Rouge, l’Équateur, soutenu sur ce point par la Sierra Leone, a exhorté toutes les parties au conflit au Yémen à redoubler d’efforts diplomatiques pour promouvoir le processus de paix dans ce pays, sous la houlette de l’ONU.
Pour les États-Unis, il ne faut pas non plus occulter le fait que l’Iran offre son soutien aux houthistes pour s’en prendre à des navires marchands et de commerce passant par la mer Rouge et le détroit de Bab el-Mandeb, en violation de la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité. Les menaces qui pèsent sur les droits de navigation en mer Rouge sont « un problème mondial qui exige une réaction mondiale », a insisté la délégation américaine.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Texte du projet de résolution (S/2024/37)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant que la Charte des Nations Unies lui assigne la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et qu’il est déterminé à ce que les buts et principes consacrés dans la Charte soient observés,
Réaffirmant également que toutes les activités menées dans les océans, y compris la lutte contre les activités illicites menées en mer, sont régies par le droit international, tel qu’il est codifié dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982,
Préoccupé par la menace que font peser les actes illicites contre la sécurité de la navigation sur les gens de mer et les autres personnes,
Soulignant l’importance de l’exercice des droits et libertés de navigation des navires de tous les États en mer Rouge, y compris les navires marchands et les navires de commerce passant par le détroit de Bab el‑Mandab, conformément au droit international, et soulignant également que le passage en transit des navires marchands et des navires de commerce en mer Rouge doit se poursuivre sans entrave,
Soulignant que la stabilité et la prospérité des États côtiers de la mer Rouge contribuent à la paix et à la sécurité internationales,
Soulignant également que la hausse du coût du transport des biens essentiels aura des répercussions négatives sur la situation économique et humanitaire mondiale, notamment pour la population civile yéménite,
Rappelant ses résolutions concernant le Yémen, ainsi que les précédentes attaques menées contre des terminaux pétroliers étant sous le contrôle du Gouvernement yéménite,
Affirmant son attachement à la souveraineté et à l’intégrité territoriale des États côtiers de la mer Rouge, et soulignant de nouveau que les États de la région doivent jouer un rôle moteur, en étroite coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, pour contribuer à la paix et à la sécurité,
1. Condamne avec la plus grande fermeté la vingtaine d’attaques au moins perpétrées par les houthistes contre des navires marchands et des navires de commerce depuis le 19 novembre 2023, date à laquelle les houthistes ont attaqué et capturé le navire de marchandises Galaxy Leader et son équipage;
2. Exige que les houthistes mettent fin immédiatement à ces attaques, qui entravent le commerce mondial et portent atteinte aux droits et libertés de navigation ainsi qu’à la paix et la sécurité de la région, et qu’ils libèrent immédiatement le Galaxy Leader et son équipage;
3. Affirme que l’exercice des droits et libertés de navigation par les navires marchands et les navires de commerce doit être respecté conformément au droit international, et prend note du droit qu’ont les États Membres, conformément au droit international, de défendre leurs navires contre les attaques, notamment celles qui portent atteinte aux droits et libertés de navigation;
4. Salue les efforts que font les États Membres dans le cadre de l’Organisation maritime internationale pour améliorer la sûreté et la sécurité du transit des navires marchands et des navires de commerce de tous les États en mer Rouge;
5. Engage les États Membres à appuyer le renforcement des capacités des garde-côtes yéménites afin qu’ils puissent faire appliquer efficacement les mesures imposées par le paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015), dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Yémen;
6. Engage également les États Membres à continuer de renforcer leurs capacités et à faciliter le renforcement des capacités des États côtiers et des États du port en mer Rouge et dans le détroit de Bab el-Mandab afin d’améliorer la sécurité maritime, notamment en fournissant, selon qu’il convient, une assistance technique, par l’intermédiaire des entités compétentes des Nations Unies, dans le cadre de leurs mandats respectifs et à la demande de ces États;
7. Souligne qu’il faut s’attaquer aux causes profondes, notamment les conflits qui alimentent les tensions régionales et qui contribuent à perturber la sécurité maritime, afin d’intervenir rapidement et de manière efficace et rationnelle, et réaffirme à cet égard que tous les États Membres doivent respecter leurs obligations, notamment celles que leur imposent la résolution 2216, qui établit un embargo sur les armes ciblé, et la résolution 2624 (2022), qui soumet les houthistes audit embargo, et rappelle que le Groupe d’experts du Conseil a constaté, dans son rapport d’octobre 2023 (S/2023/833), que des violations de grande ampleur de l’embargo sur les armes avaient été commises;
8. Condamne la fourniture d’armes et de matériel connexe de tous types aux houthistes, en violation de sa résolution 2216 (2015), et demande que la coopération pratique soit renforcée pour empêcher les houthistes d’acquérir le matériel qui leur permettrait de mener de nouvelles attaques;
9. Appelle à la prudence et à la retenue afin de prévenir une nouvelle détérioration de la situation en mer Rouge et dans la région, et engage toutes les parties à redoubler d’efforts diplomatiques à cette fin, notamment en continuant de favoriser le dialogue et le processus de paix du Yémen sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies;
10. Prie le Secrétaire général de lui présenter, jusqu’au 1er juillet 2024, des rapports écrits mensuels sur toute nouvelle attaque perpétrée par les houthistes contre des navires marchands et des navires de commerce en mer Rouge, afin d’éclairer ses futures consultations;
11. Décide de rester activement saisi de la question.