Soixante-dix-neuvième session,
54e et 55e séances plénières – matin et après-midi
AG/SHC/4433

La Troisième Commission a clôturé ses travaux en adoptant huit projets de résolution, se divisant sur la Déclaration de Durban, la diversité des structures familiales et ses méthodes de travail

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La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a terminé l’examen des 50 projets de résolution et de décision qu’elle soumettra à l’Assemblée générale cette année.  Huit textes ont été entérinés aujourd’hui dont un seul a été mis aux voix, concernant la Déclaration et le Programme d’action de Durban sur l’élimination du racisme.  La question de la diversité des structures familiales et des méthodes de travail de la Commission ont elles aussi polarisé les délégations, sans toutefois entraîner de vote. 

Accusations d’antisémitisme concernant le suivi de la Déclaration de Durban

Première pomme de discorde, le texte intitulé « Appel mondial à une action concrète pour l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et pour l’application intégrale et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban » (A/C.3/79/L.48/Rev.1), présenté par l’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et la Chine, a été adopté par 128 voix pour, 19 contre et 37 abstentions, à l’issue d’un vote demandé par Israël. 

Accusant la Conférence de Durban d’avoir promu le racisme et la haine en ciblant Israël et les Juifs, la délégation israélienne a affirmé qu’elle cesserait de demander la mise aux voix de cette résolution lorsque sa position sur la question serait reconnue.  Les États-Unis ont indiqué ne pouvoir soutenir le texte en raison de la persistance de formulations restreignant la liberté d’expression, ainsi que d’un deux poids, deux mesures à caractère antisémite appliqué à Israël. 

Au nom de l’Union européenne, la Hongrie a expliqué que le texte contenait des éléments qui ne font pas consensus, poussant ses États membres à s’abstenir ou à voter contre. 

Dénonçant les « récits biaisés » sur la Conférence de Durban, l’Afrique du Sud a regretté qu’Israël, « seul État à mener une politique d’apartheid et de génocide contre un autre peuple », cherche à saper les efforts de la communauté internationale, insistant sur l’importance du projet de résolution.  À l’issue de l’examen du projet, Israël, l’Afrique du Sud, et l’Iran ont fait usage de leur droit de réponse. 

En vertu de ce texte, la Commission regrette notamment que le programme d’activités relatives à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine n’ait pas été intégralement appliqué en ce qui concerne les questions de reconnaissance, de justice et de développement.

Dissensus sur la diversité des structures familiales 

Le texte intitulé « Célébration du trentième anniversaire de l’Année internationale de la famille en 2024 » (A/C.3/79/L.12/Rev.1), présenté par l’Ouganda au nom du Groupe des 77 et de la Chine a été adopté par consensus.  Il invite notamment les États Membres à adopter des politiques axées sur la famille pour faire face aux changements démographiques qui la concernent, et à accroître les investissements à cet égard afin de garantir l’instauration d’une couverture sanitaire universelle et l’accès égal et équitable de tout le monde à une éducation de qualité.

Les États Membres sont également invités à investir dans la sécurité sociale ainsi que dans les systèmes de protection sociale, les systèmes de pension et les systèmes de soins pour tous, et à adopter une perspective multigénérationnelle dans les politiques sociales inclusives.

Pointant les mêmes carences, l’Union européenne, par la voix de la Hongrie, et le Canada au nom d’un groupe de pays, ont déploré que le texte ne reconnaisse pas les droits fondamentaux des familles monoparentales, la diversité des structures familiales et que le concept de santé sexuelle et procréative en ait été supprimé.  Le Mexique, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont positionnés sur la même ligne, ces derniers accusant « certains États » d’utiliser l’ONU pour s’en prendre aux personnes LGBTQI+ . 

Le Saint-Siège s’est félicité de l’ajout de nouveaux paragraphes, notamment celui sur la réduction de la mortalité maternelle et infantile.  Il a salué le Groupe des 77 et de la Chine pour avoir évité l’utilisation de termes non consensuels, favorisant une adoption par consensus.  La Russie, le Bélarus, le Nigéria et l’Égypte ont eux aussi salué le texte.  Cette dernière a estimé que le concept de santé sexuelle et procréative mettait en danger l’approche globale nécessaire pour que l’appui voulu soit fourni aux familles. 

L’Argentine a fait valoir que les soins au sein de la famille ne sont pas un travail.  Elle a par ailleurs appelé à se concentrer sur la baisse du taux de fécondité, passé de 3,3 enfants par femme en 1960 à 1,5 enfant par femme aujourd’hui au sein des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), compromettant les générations futures et la viabilité de la famille. 

Lutte globale contre la drogue

Également adopté par consensus, le projet de résolution intitulé « Aborder et combattre le problème mondial de la drogue dans le cadre d’une stratégie globale, intégrée et équilibrée » (A/C.3/79/L.6/Rev.1), présenté par le Mexique, demande aux États Membres de promouvoir la coopération bilatérale, régionale et internationale avec les États les plus directement concernés par la culture illicite de plantes servant à fabriquer des drogues et par la production, la fabrication, le transit, le trafic, la distribution et la consommation illicites et l’abus de stupéfiants et de substances psychotropes. 

Les États Membres sont également appelés à adopter des mesures exhaustives pour mettre fin à la consommation excessive, au détournement et à l’usage impropre de médicaments délivrés sur ordonnance, et à intensifier l’action menée aux niveaux national et international face au problème de l’apparition de nouvelles substances psychoactives et à la menace évolutive que représentent les stimulants de type amphétamine, dont les méthamphétamines. 

Saluant un « instrument utile » ne banalisant pas la consommation de drogue, la Fédération de Russie s’est félicitée, comme le Saint-Siège, que ce projet promeuve un mode de vie sain.  Elle s’est cependant dissociée des alinéas 11 et 31 du préambule qui renvoient à des documents non adoptés par les Nations Unies, tout comme l’Égypte, qui a notamment fait allusion à celui sur la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). 

Bien qu’évoquant un texte équilibré sur la question de l’offre et de la demande, la Chine, Cuba et Singapour ont regretté qu’il reste loin des ambitions, notamment car il n’intègre pas les passages consensuels des résolutions de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale.  L’Algérie a estimé que le projet aurait dû inclure les questions relatives à la culture, la transformation, le transport de la drogue, ainsi que les liens avec le financement du terrorisme. 

De leur côté, la Suisse, le Brésil et le Canada ont regretté que la réduction des risques ne soit pas incluse dans le texte, espérant qu’elle le serait dans les prochaines moutures. 

Les technologies numériques comme outils de développement

Présenté par l’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, et adopté par consensus le texte sur la « Suite donnée au Sommet mondial pour le développement social et à la vingt-quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale » (A/C.3/79/L.13/Rev.1), exhorte les États Membres à mobiliser davantage de financements internationaux pour développer les capacités numériques des pays en développement.

Les États-Unis se sont inquiétés des transferts de technologies « non volontaires » pouvant entraver l’innovation.  Concernant les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle, ils ont regretté que le texte ne prenne en compte que de manière « incomplète et déséquilibrée » les formulations de la déclaration de Doha (2001) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  À l’instar d’Israël, ils se sont dissociés du libellé « occupation étrangère » du paragraphe 31 du préambule. 

Calendrier d’examen prévisible, harmonisation et numérisation des organes de traités

S’agissant des « Organes conventionnels des droits de l’homme » (A/C.3/79/L.38/Rev.1), la Commission a insisté sur l’importance de la coordination et du caractère prévisible du processus d’établissement de rapports, en vue de parvenir à l’élaboration d’un calendrier clair et régulier pour l’établissement des rapports des États parties.

Présenté par l’Islande, au nom de la Belgique, de la Slovénie et des pays nordiques, et adopté par consensus, ce texte invite en outre les organes conventionnels à redoubler d’efforts pour favoriser l’utilisation des technologies numériques dans leur travail, notamment dans le cadre de l’examen des rapports périodiques et des communications émanant de particuliers.

Rappelant qu’elle était l’État hôte des organes de traité, la Suisse a affirmé qu’elle aurait souhaité un langage plus fort, tout en saluant les compromis trouvés concernant un calendrier d’examen prévisible, l’harmonisation des méthodes de travail et la poursuite de la numérisation.  Sur des positions similaires, El Salvador et le Pérou ont appelé les États Membres à garantir un financement adéquat. 

Estimant de son côté que les avis des organes de traité n’acquièrent de force obligatoire que lorsqu’ils sont intégrés dans les systèmes juridiques nationaux, le Niger a dénoncé les « approches purement philosophiques » tentant de remettre en cause la « nature humaine pourtant immuable ». 

Liberté de religion et liberté d’expression 

La Troisième Commission a adopté par consensus et sans modifications cette année le texte intitulé « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondés sur la religion ou la conviction » (A/C.3/79/L.39), présenté par l’Égypte, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI).

Après l’adoption, les États-Unis ont souligné que la lutte contre ce fléau doit être menée sans limiter la liberté d’expression.  Appuyant cet argument, l’Argentine a estimé que le terme « intolérance » devrait avoir une définition claire pour ne pas être utilisé de façon abusive contre la liberté d’expression.  Elle a également souhaité que les efforts de défense de la liberté religieuse concernent l’ensemble des religions, et pas uniquement l’islam. 

Alléger la charge de travail

À la suite d’un examen long et houleux, la Troisième Commission a adopté par consensus et tel qu’oralement révisé le texte intitulé « Méthodes de travail de la Troisième Commission » (A/C.3/79/L.67).  « L’intention de ce projet est simple: alléger la charge de travail de la Troisième commission qui a augmenté de façon spectaculaire au cours de la dernière décennie », a indiqué la Côte d’Ivoire, au nom du Groupe des États d’Afrique, en le présentant.  À l’instar du Nigéria, nombre de délégués ont d’ailleurs fait état de leur très grande lassitude, avouant ouvertement être épuisés après huit semaines de travaux ininterrompus.

Par ce texte, l’Assemblée générale demanderait de ramener progressivement à un nombre raisonnable le nombre de dialogues interactifs organisés lors de chaque session annuelle, notamment en envisageant d’y fixer un plafond.

Le Japon, appuyé par la Hongrie qui intervenait au nom de l’Union européenne, a toutefois estimé que l’examen de la situation d’un pays en particulier ne doit pas se faire lors de séances combinées, surtout si cette situation représente une menace.  Les États-Unis se sont eux aussi opposés au plafonnement des débats interactifs, en particulier pour les situations de pays.

Avant l’adoption du texte, El Salvador, au nom du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a présenté une proposition d’amendement oral demandant la suppression du paragraphe 13, qui prévoit que la Troisième Commission réexamine ses méthodes de travail en 2031.

La délégation a expliqué que son objectif principal est de garantir la consultation avec tous les États Membres, afin de permettre à toutes les régions et tous les pays, en particulier les petits États comme le sien, de ne pas perdre le droit de décider d’une question aussi importante que les méthodes de travail d’une grande commission de l’Assemblée générale.  Cette position a été appuyée par l’Union européenne, par la voix de la Hongrie.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Burundi a estimé au contraire que cette proposition n’ajoute rien au texte mais pourrait affecter la révision future des méthodes de travail en supprimant le pouvoir de décision des États Membres et en le déléguant au Bureau de la Troisième Commission.

Le projet d’amendement a été rejetée par 80 voix pour, 87 voix contre et 12 abstentions.  Le vote a été demandé par le Cameroun, au nom du Groupe des États d’Afrique.

La République de Corée a ensuite demandé un vote sur le paragraphe 4 qui a été maintenu par 103 voix pour, 69 contre, et 7 abstentions. 

L’Égypte a rappelé que ce paragraphe, selon les termes duquel les dialogues interactifs pourraient être combinés chaque fois que possible, notamment sur une base régionale, a fait l’objet de consultations approfondies, regrettant la décision d’appeler à un vote après qu’un consensus a été trouvé.  A contrario, le Pérou a estimé que tous les efforts n’ont pas été déployés pour parvenir à un consensus. 

Malheureusement, ce projet de résolution est devenu l’otage des divisions entre États. L’incapacité à s’entendre sur un texte aussi court et technique est de mauvais augure, s’est lamenté le Bélarus.

1 321 déclarations dans le cadre des dialogues 

La Troisième Commission a terminé ses travaux en adoptant le texte « Projet de programme de travail de la Troisième Commission pour la quatre-vingtième session de l’Assemblée générale » (A/C.3/79/L.75).

Le Président a clôturé cette session en se félicitant du travail accompli.  « Ce fut un grand honneur pour mon beau pays, le Burundi, et pour moi-même », a déclaré M. Zéphyrin Maniratanga, précisant qu’au cours des huit dernières semaines, la Commission a engagé des dialogues interactifs avec 77 titulaires de mandat, présidents d’organes conventionnels et experts.  Au total, nous avons enregistré 1 321 déclarations dans le cadre des dialogues et 634 lors des discussions générales, a-t-il indiqué.  Nous avons aussi entendu 598 déclarations en lien avec les propositions de projet et adopté 49 projets de résolution.  Ces réalisations sont le fruit d’un engagement collectif et témoignent de notre détermination à faire avancer les priorités mondiales en matière de justice sociale et d’équité, s’est-il félicité. 

La traditionnelle déclamation des poèmes de clôture a cette année été assurée par les délégués du Royaume-Uni, de la Tunisie, du Koweït, de Sri Lanka, du Bélarus, de la Jordanie et de l’Égypte, sans oublier Cuba pour la résolution sur le « droit à la fête », amendée par l’Afrique du Sud.

Se distinguant par sa brièveté, le poème de la Jordanie semblait résumer un certain état d’esprit: « What the heck? »

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