Soixante-dix-neuvième session,
52e et 53e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4431

La Troisième Commission adopte 9 textes, dont 8 sans vote, mais reste divisée sur les droits sexuels et le moratoire sur l’application de la peine de mort

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La Troisième Commission, chargée des question sociales, humanitaires et culturelles a poursuivi aujourd’hui son examen des projets de résolution à soumettre à l’Assemblée générale, adoptant 9 textes, dont 8 sans vote.  Si le projet appelant à un moratoire sur la peine de mort, le seul mis aux voix lors de cette séance, a fait ressortir le clivage habituel sur cette question, le consensus affiché sur les autres a été amoindri par le rejet exprimé par un grand nombre de délégations de termes « non consensuels » ou contraires à leurs législations nationales, notamment ceux relatifs au genre, aux droits sexuels et procréatifs, à l’éducation complète et aux formes multiples et croisées de discrimination. 

Cette opposition entre deux conceptions des droits humains des femmes et des filles a été particulièrement évidente lors de l’adoption du projet de résolution consacré aux « Mariages d’enfants, mariages précoces et mariages forcés » (A/C/3/79/L.19/Rev.1), en vertu duquel l’Assemblée générale exhorterait les États à adopter, à appliquer et à faire respecter des lois et des politiques visant à prévenir, à combattre et à abolir ces pratiques, notamment en permettant aux femmes de sortir du mariage sans contraintes financières ou administratives excessives.  Présenté par la Zambie, ce texte préconise en outre la mise en place, à l’intention de toutes les filles, de systèmes et mesures de protection sociale adaptés au contexte national, l’accent étant mis sur l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire et sur la formation professionnelle. 

Bien que toutes les délégations aient souligné l’importance de ce texte, l’accent n’a pas été mis au même endroit selon l’appartenance à l’un ou l’autre des deux camps.  D’un côté, le Canada, cofacilitateur du projet, a rappelé qu’aucune région du monde n’est épargnée par ces unions répréhensibles.  La Nouvelle-Zélande s’est, elle, alarmée de l’absence de progrès sur cette question, tout en se félicitant des apports du texte, notamment face aux risques graves auxquels sont exposées les adolescentes mariées précocement.  De l’autre côté, des pays tels que l’Arabie saoudite, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, l’Égypte, l’Iraq, la Malaisie, le Nicaragua, le Niger, la République islamique d’Iran et le Sénégal se sont dissociés de termes qu’ils jugent « controversés », affirmant les interpréter en fonction de leurs législations, de leurs valeurs et de leur culture.  Ils ont été rejoints par le Saint-Siège, lui aussi hostile aux concepts « ambigus et non consensuels ». 

La Tunisie a, quant à elle, exprimé son soutien à l’éducation sexuelle complète, y voyant un moyen pour les femmes et les filles d’asseoir leur autonomie, de mieux gérer leur corps et de résister à la violence fondée sur le genre. 

Le Secrétariat a par ailleurs indiqué que la demande faite au Secrétaire général, au paragraphe 43 du dispositif de ce texte, de présenter un rapport complet à l’Assemblée générale à sa quatre-vingt-unième session nécessiterait des ressources ponctuelles supplémentaires d’un montant de 81 600 dollars, qui seraient incluses dans le projet de budget-programme pour l’année 2026.

La même ligne de fracture est apparue lors de l’adoption du projet de texte intitulé « Traite des femmes et des filles » (A/C.3/79/L.16/Rev.1) et présenté par les Philippines.  Dans sa version actualisée, l’Assemblée générale demanderait aux gouvernements de remédier aux facteurs qui viennent alimenter la traite des filles à des fins d’abus sexuels sur enfants et d’exploitation sexuelle d’enfants, de mariage d’enfants, de mariage précoce et de mariage forcé, de travail forcé et de vente d’enfants, « y compris dans le cadre de l’exploitation commerciale de la gestation pour autrui ».  Le projet inviterait également les gouvernements à redoubler d’efforts pour que les poursuites judiciaires soient efficaces, notamment face aux réseaux criminels, et les encouragerait à exiger des fournisseurs d’accès à Internet, des médias sociaux et des plateformes en ligne qu’ils adoptent des mesures pour promouvoir une utilisation sans risque et responsable de leurs services. 

Outre la dénonciation par la Fédération de Russie, soutenue par le Bélarus, le Burundi, Cuba, le Nicaragua, la République arabe syrienne ou encore la République islamique d’Iran, de la référence faite dans le préambule à la Cour pénale internationale (CPI), l’examen du texte a vu des délégations comme l’Iraq, la Libye et le Saint-Siège se dissocier de termes « non consensuels », en particulier liés au genre et à la santé reproductive. 

Cette division est à nouveau apparue lors de l’examen des projets de résolution intitulés « Intensifier l’action engagée pour en finir avec la fistule obstétricale » (A/C.3/79/L.20/Rev.1) et « Droits humains et extrême pauvreté » (A/C.3/79/L.43/Rev.1)présentés respectivement par le Sénégal et le Pérou. 

Aux termes du premier texte, l’Assemblée générale demanderait aux États d’atteindre la couverture sanitaire universelle pour garantir un accès équitable et rapide aux services de santé, en particulier pour mettre fin à cette lésion grave susceptible de survenir lors de l’accouchement, et de se pencher sur les facteurs de risque que sont les mutilations génitales, les mariages d’enfants, les mariages précoces et les mariages forcés. 

Rappelant que 500 000 femmes dans le monde sont concernées par la fistule obstétricale, le Mexique s’est félicité de l’introduction d’éléments importants, notamment sur les complications sanitaires liées à l’accouchement.  Il a toutefois regretté que le libellé lié à la santé sexuelle et procréative n’ait pu être renforcé, comme il l’avait proposé pour améliorer la disponibilité, l’accessibilité, le caractère abordable et la qualité des soins en la matière, mais aussi l’information en vue de retarder l’âge de la première grossesse. Pour leur part, la Malaisie et la République islamique d’Iran se sont à nouveau dissociées du terme « formes multiples et croisées de discrimination » employé dans le préambule. 

Le projet traitant de l’extrême pauvreté, qui fait état d’estimations selon lesquelles ce fléau pourrait encore toucher 590 millions de personnes en 2030, a été l’occasion pour la Fédération de Russie de se dissocier à son tour des références aux « terminologies controversées » liées au genre et à ses dérivés.  À l’opposé, les États-Unis ont déploré que les libellés ne soient pas assez forts pour dénoncer les inégalités fondées sur le genre liées à la pauvreté, laquelle touche de manière disproportionnée les femmes et les filles.  Loin de ces considérations, l’Argentine a soutenu que le capitalisme et le libre marché sont les meilleurs moyens de parvenir au progrès social. 

Traditionnelle pomme de discorde, le texte dédié au « Moratoire sur l’application de la peine de mort » (A/C.3/79/L.37/Rev.1), présenté par l’Italie, est le seul pour lequel une mise aux voix a été requise aujourd’hui.  Comme lors de son précédent examen en 2022, une longue série d’explications de vote a marqué son adoption.  Après l’ajout d’un paragraphe réaffirmant « le droit souverain de tous les pays d’élaborer leur propre système juridique et notamment de déterminer les peines appropriées, conformément aux obligations que leur impose le droit international » (A/C.3/79/L.54), approuvé par 105 voix pour, 65 voix contre et 13 abstentions, le projet tel qu’amendé a été entériné sous une volée d’applaudissements par 131 voix pour, 36 voix contre et 21 abstentions.  Outre son appel à instituer un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort, le texte exhorterait les États à faire régner la transparence en ce qui concerne l’imposition et l’application de cette peine. 

Lors de la présentation de l’amendement, Singapour a fait observer que celui-ci avait été adopté en 2016, 2018, 2020 et 2022. « Une majorité d’États Membres ont envoyé un message clair et nous ne comprenons pas pourquoi un amendement précédemment adopté est à chaque fois supprimé par les coauteurs du projet de résolution », a indiqué la délégation. L’Égypte a dénoncé le « mépris persistant » des coauteurs qui rejettent le droit souverain des États défendu par la majorité des États. Sri Lanka, la Papouasie-Nouvelle Guinée, au nom d’un groupe de pays, le Qatar, le Cameroun, l’Indonésie, le Niger, la Libye, la Chine, l’Arabie saoudite, la Trinité-et-Tobago et l’Afrique du Sud se sont positionnés sur des lignes similaires. 

L’Union européenne, par la voix de la Hongrie, a en revanche dénoncé un amendement qui « détourne l’attention du but principal de la résolution », à savoir l’institution d’un moratoire pour l’abolition de la peine de mort, et qui implique en outre que les États peuvent invoquer leur souveraineté pour ignorer l’universalité des droits humains. Cet amendement introduit une incohérence dans le texte en faisant primer le droit national sur le droit international des droits de l’homme, qui est universel, a renchéri la Suisse, appuyée par le Liechtenstein, l’Italie, l’Albanie, l’Australie, le Mexique, le Canada, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Chili. 

À l’issue de l’adoption de la résolution dans son ensemble, les États-Unis ont estimé que les processus démocratiques de chaque État devaient prévaloir, ajoutant que l’application de la peine de mort n’était pas en soi, contraire aux droits humains. Ils ont également indiqué pratiquer actuellement un moratoire sur les exécutions fédérales.

Le consensus a en revanche prévalu pour les projets de résolution intitulés « Le rôle des ombudsmans et des institutions de médiation dans la promotion et la protection des droits humains, de la bonne gouvernance et de l’état de droit » (A/C.3/79/L.30), soumis par le Maroc, et « Réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination » (A/C.3/79/L.29), présenté par le Pakistan.  Ce dernier texte a donné lieu à des échanges nourris, y compris des droits de réponse, entre d’un côté l’Espagne et l’Argentine, et de l’autre le Royaume-Uni, sur la souveraineté de Gibraltar et des îles Falkland (Malvinas). 

Adopté lui aussi par consensus, le projet intitulé « Institut africain des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants » (A/C.3/79/L.10/Rev.1) et présenté par l’Ouganda, au nom du Groupe des États d’Afrique, a opposé les tenants d’un financement de l’Institut par ses seuls 28 États membres et ceux favorables à un accroissement de la subvention de l’ONU pour couvrir les dépenses de personnel.  Par le truchement du Royaume-Uni, les premiers ont présenté une proposition d’amendement (A/C.3/79/L.68) visant à remplacer la demande de subventions accrues figurant au paragraphe 26 du dispositif par un appel au Secrétaire général pour qu’il prenne en considération, « dans la limite des ressources existantes », la requête de l’Institut.  La proposition a été rejetée par 98 voix contre, 42 voix pour et 31 abstentions. 

Un autre vote, appuyé par les délégations occidentales, a été demandé sur le paragraphe 26 tel qu’il apparaît dans le projet de texte afin d’insister sur le fait que les questions budgétaires relèvent de la responsabilité de la Cinquième Commission, et non de la Troisième Commission.  Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Cameroun a rejeté cette argumentation, réaffirmant que l’objectif du paragraphe 26 est de constater qu’il n’y a pas assez de moyens mis à la disposition de l’Institut, « ce qui est du ressort de la Troisième Commission ».  Cet avis a été partagé par de nombreuses délégations, dont le Bélarus, Djibouti, la Fédération de Russie, le Nigéria, le Pérou et la République-Unie de Tanzanie.  Le paragraphe a été maintenu dans l’état par 120 voix pour, 40 voix contre et 19 abstentions. 

La Commission a enfin fait sien, sans vote, le projet intitulé « Action préventive et lutte contre la corruption et le transfert du produit de la corruption, facilitation du recouvrement des avoirs et restitution de ces avoirs à leurs propriétaires légitimes, notamment aux pays d’origine, conformément à la Convention des Nations Unies contre la corruption » (A/C.3/79/L.15/Rev.1).  Parmi les mesures préconisées par ce texte présenté par la Colombie figurent le renforcement des moyens dont disposent les institutions publiques pour prévenir et combattre l’infiltration de groupes criminels organisés, la lutte contre le commerce illicite et le trafic de biens culturels enlevés en période de conflit armé et la collecte d’informations visant à combattre la corruption spécifique au sport. 

Ce texte encourage en outre les États à faire savoir que le fait d’exiger des rapports sexuels ou des actes de nature sexuelle dans une situation d’abus d’autorité peut constituer une forme distincte de corruption et à combler toute lacune législative, le cas échéant, afin de prévenir et de poursuivre efficacement ce type de corruption. 

La Troisième Commission poursuivra son examen des projets de résolution mercredi 20 novembre, à partir de 10 heures.  

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