La Troisième Commission adopte huit premiers textes, dont un, inédit, ciblant la violence des groupes criminels organisés et terroristes contre les enfants
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a commencé, aujourd’hui, à se prononcer sur ses projets de résolution, faisant siens huit premiers textes, dont un, inédit, qui engagerait les États Membres à tout faire pour prévenir et combattre le recrutement, l’abus et l’exploitation d’enfants par des groupes criminels organisés et des groupes terroristes. Si le consensus a prévalu pour la plupart de ces projets, un vote a été requis pour avaliser ceux relatifs aux droits des peuples autochtones et à la lutte contre la glorification du nazisme. Ce dernier texte a été entériné malgré l’adoption d’un amendement dénonçant l’utilisation par la Fédération de Russie du néonazisme comme prétexte pour justifier son agression contre l’Ukraine.
Recommandé par le Conseil économique et social (ECOSOC), comme les deux autres textes présentés au titre du point sur la prévention du crime et la justice pénale, le nouveau projet de résolution intitulé « Prévenir et combattre la violence perpétrée contre les enfants par des groupes criminels organisés et des groupes terroristes dans le contexte de la prévention du crime et de la justice pénale » (A/C.3/79/L.5) a été adopté sans vote. Outre l’adoption de dispositions légales destinées à interdire et à incriminer ces pratiques, les États Membres seraient tenus par ce texte de combattre le recrutement, l’abus et l’exploitation d’enfants en ligne par des groupes criminels organisés et des groupes terroristes.
L’Assemblée générale engagerait également les États Membres à mettre en œuvre des mesures visant à faciliter la réadaptation et la réinsertion des enfants et des jeunes qui ont été impliqués dans des groupes criminels organisés quels qu’ils soient, y compris des bandes, ainsi que dans des groupes terroristes, tout en protégeant leurs droits.
Ce dernier point a été salué par l’Argentine, pour qui la Convention relative aux droits de l’enfant devrait inclure la nécessité de lutter contre la violence faite aux enfants par les groupes armés. Favorable à la création d’un mandat thématique spécifique sur cette question, la délégation aurait aussi souhaité l’inclusion de la notion de genre, afin de prendre en compte toutes les situations où les enfants sont utilisés à des fins criminelles.
Dans le cadre de ce même point de l’ordre du jour, la Commission a avalisé sans vote et sans débat les projets sur la « Suite à donner au quatorzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale et préparatifs du quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale » (A/C.3/79/L.3) et la « Réduction de la récidive grâce à la réadaptation et à la réinsertion » (A/C.3/79/L.4). Par le premier texte, l’Assemblée générale déciderait que le quinzième Congrès se tiendrait à Abou Dhabi du 25 au 30 avril 2026, avec des consultations préalables le 24 avril 2026. En vertu du second, elle autoriserait le groupe intergouvernemental d’experts à composition non limitée sur les stratégies types propres à réduire la récidive à poursuivre ses travaux dans le cadre de son mandat en vue de présenter un rapport à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à sa trente-quatrième session.
Le consensus a volé en éclat lors de l’examen du texte intitulé « Lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée » (A/C.3/79/L.2). Comme lors des deux dernières sessions, ce projet de résolution présenté par la Fédération de Russie a été modifié par un amendement -soumis cette année par la Norvège au nom d’un groupe de pays- selon lequel l’Assemblée générale « constaterait avec inquiétude que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme » et « soulignerait qu’invoquer le néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau ».
La Fédération de Russie s’est élevée contre ce « stratagème procédural flagrant doublé d’une provocation », rappelant que son projet de résolution a pour vocation d’être un texte thématique et non spécifiquement centré sur un pays. « Il vise à promouvoir le dialogue et la coopération, pas à pointer du doigt », a-t-elle fait valoir, rejointe sur cette position par un grand nombre de pays, de l’Afrique du Sud à la Chine, en passant par l’Arabie saoudite, le Bélarus, Cuba, l’Égypte, le Nicaragua, la République arabe syrienne, la République populaire démocratique de Corée ou encore le Sénégal et le Venezuela, qui, tous, se sont dissociés de l’amendement, adopté par 66 voix pour, 43 voix contre et 51 abstentions.
À l’instar de nombre de ses soutiens, la délégation russe a également constaté que, bien que leur proposition d’ajout soit approuvée, les auteurs de cet amendement récurrent ne votent pas pour le texte dans son ensemble, démontrant ainsi leur motivation politique. Le projet de résolution a été adopté tel qu’amendé par 116 voix pour, 54 voix contre et 11 abstentions, sans les voix des pays occidentaux, à l’exception notable d’Israël, qui, au nom de la mémoire de la Shoah, s’est prononcé en faveur du texte, non sans préciser que ce vote « ne doit pas être perçu comme un feu vert dans le contexte de la guerre en Ukraine ».
L’Union européenne a justifié son vote contre par le fait que la Fédération de Russie tente, par ce texte, de « promouvoir sa propre version déformée de l’histoire sous couvert de lutte contre le néonazisme ». Une position partagée par l’ensemble de ses alliés, dont beaucoup ont aussi dénoncé l’absence de négociations ouvertes et transparentes sur le projet, notamment les États-Unis et la Suède, qui parlait au nom des États baltes et nordiques. La Suisse s’est, pour sa part, abstenue en regrettant que le texte « déforme les obligations des États Membres en ce qui concerne le droit international des droits de l’homme et les dispositions de la Charte des Nations Unies ».
Lui aussi soumis à un vote, le projet de résolution intitulé « Droits des peuples autochtones » (A/C.3/79/L.21/Rev.1) a été entériné par 168 voix pour, une voix contre (Argentine) et 7 abstentions (Bulgarie, France, Lituanie, Mali, République démocratique populaire lao, Roumanie et Slovaquie). Par ce texte, l’Assemblée générale exhorterait les gouvernements et les organismes des Nations Unies à continuer de prendre des mesures appropriées au niveau national pour atteindre les objectifs définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Elle déciderait en outre d’élargir encore le mandat du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones afin qu’il puisse aider les représentants des organisations et des communautés de peuples autochtones à participer aux réunions liées à la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.
Le Secrétariat de la Commission a fait état d’une possible incidence budgétaire liée paragraphe 57 du projet de résolution, selon lequel l’Assemblée générale demanderait à son Président de tenir un groupe de haut niveau pendant la semaine de haut niveau de la quatre-vingt-deuxième session, en 2027, pour commémorer le vingtième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il a cependant reconnu qu’en l’absence de modalités, il n’est pas possible à l’heure actuelle d’estimer les implications financières potentielles des besoins du groupe de haut niveau.
Présenté par la Bolivie, le texte a été décrié par plusieurs pays hostiles aux termes « non consensuels » qu’il recèle, à commencer par les « formes multiples et croisées de discrimination » dont sont victimes les femmes et les filles autochtones. Le Niger, l’Égypte, la Malaisie ou encore la République islamique d’Iran se sont dissociés de ce terme, la délégation iranienne dénonçant également la mention faite aux « questions de genre ». L’Iraq et le Saint-Siège ont, eux, estimé que le terme « genre » devait être entendu comme « sexe ». Un avis repris par la Hongrie, qui a par ailleurs rejeté la référence au Pacte mondial sur les migrations, qu’elle n’a pas ratifié.
Un grand nombre d’États Membres, en particulier l’Australie, le Brésil, le Canada, l’Équateur, les États-Unis, l’Indonésie et le Mexique, ont regretté que ce texte d’ordinaire adopté par consensus soit mis aux voix. D’autres, tels que le Japon et la Bulgarie, qui s’exprimait au nom de la France, de la Roumanie et de la Slovaquie, ont dit ne pas pouvoir approuver ce texte en raison de son usage du concept de « droits collectifs ». Ils ont plaidé en faveur d’un libellé se référant aux « personnes appartement à la population autochtone ».
Aucun vote n’a, en revanche, été nécessaire pour adopter le texte sur la « Suite donnée à la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement » (A/C.3/79/L.8/Rev.1). Présenté par l’Ouganda, au nom du G77 et de la Chine, ce projet de résolution demanderait notamment aux États Membres de promouvoir le transfert de connaissances entre générations sur le lieu de travail et les encouragerait à mettre en œuvre des politiques axées sur les familles et favorables aux familles qui les soutiennent. L’Assemblée générale déciderait par ailleurs de mettre officiellement fin au mandat du Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement, créé dans sa résolution 65/182.
À cet égard, la Fédération de Russie a fait observer que ce mandat s’arrête « non pas parce que le Groupe de travail a atteint ses objectifs mais parce qu’il a épuisé son potentiel pour promouvoir et protéger les droits humains des personnes âgées ». La délégation s’est d’autre part dissociée de l’utilisation faite par le texte des termes « inégalités » et « genre », de la notion de fracture numérique « entre les femmes et les hommes », de la proposition d’intégrer des plans sensibles au genre dans les politiques et de la promotion d’une « terminologie ambiguë » s’agissant de l’accès aux systèmes et aux services de santé.
Le consensus a aussi prévalu pour le projet intitulé « L’alphabétisation, enjeu vital: définir les futurs programmes d’action » (A/C.3/79/L.11), présenté par la Mongolie, par lequel l’Assemblée générale demanderait aux États Membres de continuer d’accroître leurs investissements dans une éducation de qualité inclusive et équitable pour tous et de promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, la formation technique et professionnelle et l’habileté numérique, en permettant l’acquisition et le transfert intergénérationnels de connaissances et de compétences afin d’améliorer les perspectives des générations futures.
Le même sort a été réservé au texte issu des dernières versions du « Rapport du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles sur les travaux de la reprise de la session de clôture » (A/78/986 et A/79/196), adopté sans vote tel qu’amendé par une proposition d’ajout du Viet Nam sur le lieu de la signature, elle aussi approuvée par consensus.
S’exprimant avant l’adoption, les États-Unis ont dit redouter que des États utilisent cette convention pour justifier des violations des droits humains, appelant à mettre en place des garanties. Le Canada, le Royaume-Uni et la Suisse ont partagé la même crainte. La délégation américaine s’est aussi inquiétée d’une réouverture du texte par le Viet Nam, alors que le lieu de la signature de la future convention n’a pas été déterminé lors de négociations formelles. L’Union européenne a également exprimé sa préoccupation quant au précédent créé par la signature au Viet Nam en matière de procédure.
Dans une déclaration prononcée en début de séance, les États-Unis ont fait valoir que les résolutions adoptées par la Troisième Commission ne changent pas le droit coutumier ou le droit international, et ne créent pas de nouvelles obligations juridiques. Ils ont dit comprendre que toute réaffirmation d’instruments dans ces textes ne s’applique qu’aux États qui ont précédemment adopté lesdits instruments. Affirmant être pleinement attachés à la réalisation du Programme 2030, ils ont souligné que ce document non contraignant ne crée pas de droits ni d’obligations au titre du droit international. Ils ont par ailleurs relevé que le droit au développement n’a pas de définition approuvée à l’échelle internationale. S’agissant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ils ont rappelé qu’ils n’y sont pas partie et ont précisé que les droits inclus dans ce Pacte ne sont pas applicables dans les cours américaines. Ils ont enfin affirmé que les sanctions ne sont pas des violations des droits humains. Entre autres objectifs légitimes, les sanctions peuvent jouer rôle important pour lutter contre les violations des droits humains, promouvoir la redevabilité et répondre aux menaces à la paix et à la sécurité, ont-ils ajouté.
La Troisième Commission continuera à se prononcer sur ses projets de résolution mercredi 13 novembre, à partir de 15 heures.
NOUVEAU - Suivez la couverture des réunions en direct sur notre LIVE