Troisième Commission: « victime de son succès », le Conseil des droits de l’homme a besoin de ressources supplémentaires, prévient son Président
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La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a dialogué, ce matin, avec le Président du Conseil des droits de l’homme (CDH), M. Omar Zniber, avant de poursuivre, dans l’après-midi, ses discussions générales sur la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ainsi que sur le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Intervenant par visioconférence depuis Genève, M. Zniber, a présenté le rapport d’activité du CDH, et a attiré l’attention sur la « situation particulière » dans laquelle se trouve cet organe qui siège dans la ville helvète: « victime de son succès », sa charge de travail a augmenté, faisant du CDH un organe « quasi permanent ». Le financement de ses activités devient donc une « priorité absolue », a-t-il souligné.
Dans ce contexte, les États Membres doivent appuyer les demandes du CDH en faveur de ressources supplémentaires auprès de la Cinquième Commission, en charge des questions administratives et budgétaires, et devant le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), a plaidé M. Zniber. Des délégations, comme celles du Brésil ou de la Lettonie, au nom des pays nordiques et baltiques, ont partagé son point de vue, se disant préoccupées par le report des activités du CDH en raison de la crise de liquidités que traverse l’ONU. Les États Membres devraient payer leurs contributions régulières et envisager d’augmenter leurs contributions volontaires au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a insisté la délégation lettone.
M. Zniber a détaillé que le CDH, créé en 2006, en remplacement de la défunte Commission des droits de l’homme, se retrouve dans une telle situation en raison du contexte géopolitique mondial, de l’apparition de nouvelles thématiques, mais aussi par la hausse croissante des initiatives de la part de certains États. Certes, a-t-il dit, toutes les délégations ont le droit de proposer toutes les initiatives qui leur semblent importantes, mais elles doivent tenir compte des questions de limite de temps, de moyens et de ressources disponibles. Il faut « exercer un contrôle sur soi », a-t-il tancé.
Rejeter la politisation des droits humains
Autre problème que connaît le CDH, la polarisation parmi ses 47 membres et observateurs, de même que la politisation des questions des droits humains, par ailleurs dénoncée par nombre de pays au sein de la Troisième Commission. L’Ukraine a par exemple accusé la Fédération de Russie d’abuser du CDH en déformant les faits pour masquer ses violations, tandis que le Nigéria critiquait la focalisation sélective du Conseil sur certaines questions et situations liées aux droits humains. Cela va à l’encontre de son mandat, a assené la délégation.
Il ne faut pas utiliser les questions des droits humains pour s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres pays, ou pour en faire un levier pour défendre des intérêts géopolitiques, a abondé la Chine. Les États-Unis ont en revanche appelé à prendre le temps d’examiner les situations spécifiques des droits humains dans certains pays, de dialoguer avec les titulaires de mandat et d’honorer les engagements auprès du Conseil des droits de l’homme.
La République islamique d’Iran a dénoncé la prolifération des mandats de pays. De son côté, l’Égypte a noté qu’outre les mandats thématiques sur des questions non consensuelles, il existe un traitement différencié des titulaires de mandat, avec un soutien moins important pour ceux qui importent le plus pour les pays en développement et concernent notamment les droits sociaux, économiques et culturels. La politisation, les approches à géométrie variable doivent être rejetées quand on traite de questions relatives aux droits humains, a renchéri le Koweït.
À ce jour, le Conseil a créé 60 mandats de procédures spéciales, soit 46 mandats thématiques et 14 mandats de pays, qui lui font périodiquement rapport.
Pour éviter la politisation, le CDH dispose de plusieurs outils, comme l’Examen périodique universel (EPU), « dont tout le monde est satisfait », a fait observer M. Zniber, ajoutant qu’il convient aussi de répondre aux demandes et préoccupations de toutes les populations du monde, notamment sur le droit au développement.
Le Président du CDH a également indiqué avoir nommé 17 cofacilitateurs et facilitatrices dans des domaines divers comme l’amélioration, la rationalisation, l’efficience et l’efficacité du travail et des méthodes de travail du CDH. Les résultats de ces consultations seront présentés dans les semaines à venir.
Par ailleurs, dans deux semaines, les membres du CDH se retrouveront à Rabat, au Maroc, pour une « retraite » où il sera discuté de la rationalisation des initiatives au sein du CDH. Un travail en commun avec le Président de l’Assemble générale est également en cours, afin de mieux accroître la coordination entre le CDH et les autres instances de l’ONU, notamment à New York.
Une personne sur six victime du racisme dans le monde
Dans l’après-midi, la Commission a conclu sa discussion générale sur la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée. À cette occasion, les délégations ont continué de dénoncer ces phénomènes qui touchent près d’une personne sur six dans le monde, y compris en ligne. Si le racisme ouvert était facile à identifier, les préjugés racistes prenaient souvent des formes plus subtiles, a fait observer le Saint-Siège qui a appelé à s’intéresser à la situation des migrants et des réfugiés, victimes d’un racisme particulièrement violent, souvent exploité à des fins politiques.
Le continent africain et les personnes d’ascendance africaine ne sont pas au rendez-vous du développement car les systèmes et institutions actuels perpétuent la discrimination raciale, a affirmé la Namibie, tandis que l’Érythrée a appelé à la mise en place de réparations non seulement financières mais aussi morales pour l’esclavage, le colonialisme, l’apartheid et le racisme, crimes ayant notamment affecté et affectant encore les Africains et les personnes d’ascendance africaine.
« Politisation honteuse » de la question des réfugiés
Enfin, la fin de la discussion générale sur le rapport du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) a permis aux délégations d’exprimer à nouveau leurs inquiétudes face à l’aggravation des crises humanitaires dans le monde, notamment à Gaza et au Liban. D’autres en ont profité pour dénoncer, la « politisation honteuse du concept de réfugié », à l’instar de Cuba qui a dénoncé l’inclusion de deux athlètes cubains dans l’équipe olympique des réfugiés lors des Jeux olympiques de Paris 2024.
En validant le statut de réfugiés d’athlètes cubains, le Comité international olympique (CIO), avec l’aval du HCR a perverti l’idéal olympique, a accusé la délégation.
L’Érythrée a pointé pour sa part la « classification erronée » par le HCR de migrants économiques érythréens comme réfugiés « de bonne foi ». Le HCR devrait collaborer directement avec les pays d’origine, plutôt que de s’appuyer sur des informations provenant de tiers, avant de publier des directives d’éligibilité, a-t-elle estimé, ajoutant que cette politisation du statut de réfugié risque de compromettre la crédibilité et l’impartialité de l’organisation.
À l’instar de l’Arabie saoudite, plusieurs délégations ont par ailleurs dénoncé les déplacements forcés des Palestiniens de la bande de Gaza. Le Liban a indiqué pour sa part que la nouvelle agression israélienne avait déjà déplacé 1,4 million de personne à l’intérieur de ses frontières, et poussé 184 000 Libanais et 364 000 Syriens vers la Syrie.
Les délégations de l’Algérie, du Maroc, du Pakistan, de la République de Corée et de la République populaire démocratique de Corée ont exercé leur droit de réponse.
La Troisième commission se réunira à nouveau lundi 11 novembre, à 10 heures, pour commencer à se prononcer sur les projets de résolution qui lui sont soumis à cette soixante-dix-neuvième session.
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