Troisième Commission: appels à des actions fortes sur le logement, l’alimentation, l’eau, les changements climatiques et l’environnement
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Au troisième jour de son examen de la promotion et protection des droits humains, la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, s’est penchée sur une série de thèmes portant notamment sur l’accès à un logement décent, les droits à l’alimentation, l’eau potable et l’assainissement, de même que le droit à un environnement propre, sain et durable, ainsi que la promotion et la protection des droits humains dans le contexte des changements climatiques. Elle a également discuté des questions liées à la gestion et l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux.
Sur ces questions, les six rapporteurs spéciaux qui présentaient leurs rapports ont exprimé de vives préoccupations liées à l’insuffisance, voire au manque de respect des normes du droit international des droits de l’homme. La situation à Gaza et dans d’autres théâtres d’affrontement en cours a été évoquée à de nombreuses reprises.
L’Assemble générale appelée à agir
Évoquant le « génocide » à Gaza, le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard a exhorté les États Membres à criminaliser la destruction massive de logements, réitérant son appel à reconnaître le domicide –la destruction systématique du logement– comme un crime distinct en vertu du droit pénal international.
À Gaza, où on assiste à « un génocide retransmis en direct pour la première fois dans l’histoire », au Soudan, en Ukraine et ailleurs, les parties ne respectant pas les règles de la guerre universellement acceptées, notamment les protections des logements et des infrastructures civiles, s’est indigné M. Balakrishnan Rajagopal.
« Ce que le monde a appris [du peuple palestinien], c’est qu’aucun degré d’horreur et aucune quantité de morts et de souffrances ne sont suffisants pour déclencher une réponse mondiale à la famine ou au génocide », a constaté pour sa part le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.
Notant que la nourriture est de plus en plus utilisée comme arme contre les civils, M. Michael Fakhri a indiqué que la famine est devenue une « arme géopolitique », dans la mesure où l’augmentation du nombre de famines dans le monde serait en partie causée par le soutien direct ou indirect de tous les membres permanents du Conseil de sécurité et de nombreux pays riches aux campagnes de famine au cours de la dernière décennie. Pour preuve, la famine au Yémen, datant de 2016, avait été déclenchée par un blocus organisé par la communauté internationale, a-t-il fait observer.
Devant cet état de fait, il a demandé à l’Assemblée générale de reconnaître que la famine est « toujours » un cas de génocide, d’extermination ou de torture.
Également critique à l’égard d’Israël, qui, selon lui, utilise l’eau comme arme de guerre, notamment à Gaza, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement a recommandé l’adoption de politiques publiques qui permettent une transition agroécologique et hydrique ainsi qu’une meilleure gestion de l’eau.
M. Pedro Arrojo-Agudo a signalé que les systèmes alimentaires et hydriques dominants actuels ne donnent pas la priorité à la santé publique et aux besoins nutritionnels des populations. Il y a vu pour conséquences le fait que 2 milliards de personnes n’ont pas un accès garanti à l’eau potable, que 800 millions de personnes souffrent de la faim, mais également que 2,5 milliards de personnes sont en surpoids.
Le passage d’un régime alimentaire à base de viande à un régime plus sain réduirait l’empreinte hydrique de plus de 30%, ce qui serait plus que suffisant pour garantir le droit humain à l’eau potable dans le monde, a estimé l’expert qui a appelé à gérer l’eau comme un bien collectif mondial et non comme un facteur de production.
Il a également recommandé aux États de mettre fin à l’irrigation illégale et à la surexploitation des rivières et des aquifères, de protéger la production pluviale et d’éviter les monocultures, entre autres. Mais il faut pour cela réorienter les subventions aux modes de production et de consommation actuels, qui totalisent environ 540 milliards de dollars par an, vers le soutien à la transition agroécologique, a-t-il indiqué.
Agir face aux changements climatiques et en faveur de l’environnement
« Il est urgent de changer la relation que la majorité de l’humanité entretient avec la nature », a exigé la Rapporteuse spéciale sur le droit humain à un environnement propre, sain et durable, tout en se félicitant que ce droit nouveau, soit reconnu par 85% des États Membres. Mais les progrès contrastent fortement avec la réalité, a nuancé Mme Astrid Puentes Riaño, avant de recommander aux États d’inscrire les accords multilatéraux dans une perspective de droits humains en incluant expressément le droit à un environnement sain. Les États doivent aussi mettre en œuvre des changements transformateurs dans l’économie, en plaçant les droits humains et la nature au centre. Elle a également appelé à renforcer la protection des défenseurs de l’environnement, du climat et des territoires, et les protéger de la criminalisation.
De son côté, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements climatiques a attiré l’attention sur l’importance de l’accès à l’information sur les changements climatiques et les droits humains.
« L’accès à l’information est crucial pour garantir la transparence, l’inclusion et l’efficacité des processus décisionnels sur l’action climatique à tous les niveaux », a souligné Mme Elisa Morgera qui a appelé les États à publier des informations sur l’efficacité environnementale de leurs plans d’atténuation et d’adaptation, leurs programmes de transition juste, les financements internationaux alloués à l’action climatique ainsi que sur les subventions accordées aux combustibles fossiles.
La Rapporteuse spéciale a aussi attiré l’attention sur les dangers des campagnes de désinformation sur de fausses solutions pour une transition juste, propagées ou soutenues par des entités commerciales, ainsi que sur les pratiques trompeuses des entreprises, telles que l’écoblanchiment qui implique des déclarations et des objectifs de « zéro net » factuellement incorrects et des étiquettes « neutre en carbone » sans fondement.
La menace des perturbateurs endocriniens
Avant de lever la séance, la Troisième Commission a dialogué avec le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des substances et déchets dangereux qui a averti qu’une « crise chimique planétaire d’une ampleur sans précédent » porte préjudice à un nombre incalculable d’individus et de communautés, s’inquiétant notamment de l’impact sexué et genré des perturbateurs endocriniens.
M. Marcos A. Orellana a expliqué que les perturbateurs endocriniens, dont beaucoup proviennent de l’industrie pétrochimique, contribuent à l’augmentation mondiale des taux de maladies douloureuses mais sous-diagnostiquées affectant les systèmes reproducteurs féminins.
Cette classe de produits chimiques est aussi associée à des taux plus élevés de testicules non descendus chez les nouveau-nés et d’anomalies de l’urètre masculin. En outre, les perturbateurs endocriniens peuvent agir sur les cellules germinales fœtales qui produisent les ovules et les spermatozoïdes, ce qui augmente le risque que les petits-enfants de la personne enceinte souffrent de troubles endocriniens ou neurologiques.
Chez les hommes, le nombre de spermatozoïdes a diminué de plus de moitié au cours des 40 dernières années et l’infertilité féminine est en augmentation, de même que les risques de fausse couche. Cela est particulièrement vrai chez les femmes qui travaillent dans les secteurs de la fabrication électronique, du nettoyage des bureaux et des maisons, des salons de coiffure et les salons de manucure. Par ailleurs, les femmes représentent environ 60 à 70% de la main-d’œuvre agricole dans les pays en développement où les pesticides et leur manipulation sont particulièrement mal réglementés, a révélé le Rapporteur spécial.
La Troisième Commission se réunira à nouveau lundi 21 octobre, à partir de 10 heures.