La Troisième Commission pointe la persistance du racisme systémique et de la discrimination raciale structurelle, notamment dans les contextes de conflit
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La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a poursuivi cet après-midi l’examen du point de son ordre du jour consacré à l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée. Les présentations des intervenants ont fait ressortir la persistance alarmante d’un racisme systémique et d’une discrimination raciale structurelle à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, des peuples autochtones et des minorités. Elles ont aussi permis d’établir un lien direct entre le racisme systémique et certains conflits, en particulier celui qui continue de faire rage au Moyen-Orient.
Racisme systémique et xénophobie à l’encontre des Palestiniens
Venue présenter deux rapports, l’un portant sur les « mesures spéciales », également appelées « action positive », l’autre sur la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et des idéologies connexes, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée a souligné la nécessité urgente de remédier à la détérioration de la situation à Gaza et dans d’autres régions du Moyen-Orient.
Après avoir condamné « sans équivoque » les attaques aveugles contre des civils en Israël, le 7 octobre 2023, et la montée de l’antisémitisme qui a suivi, Mme Ashwini K.P. s’est alarmée de l’aggravation de la crise humanitaire et du « bilan effroyable en vies humaines » dans l’enclave palestinienne. Selon elle, « le racisme systémique et la xénophobie contre les Palestiniens sont profondément ancrés dans divers systèmes et institutions, perpétuant un cycle de violence, d’exclusion et d’élimination ».
Face à ce racisme, qui, « non seulement déshumanise les Palestiniens, mais justifie et perpétue également l’occupation continue et la violence dont ils sont victimes », elle a souhaité que l’appel à l’éradication de la discrimination raciale sous toutes ses formes inclue une prise de position ferme pour que soit mis fin aux « attaques génocidaires » commises contre les Palestiniens. Dans cet esprit, a-t-elle affirmé, l’appel à un cessez-le-feu immédiat doit être la principale exigence des membres de la communauté internationale.
Dans le même ordre d’idées, le Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale s’est dit profondément préoccupé par l’augmentation de la violence brutale, « en particulier la violence ethnique », ainsi que les violations et abus des droits humains et du droit international humanitaire commis dans le contexte des conflits en cours. M. Michał Balcerzak a appelé tous les États à respecter pleinement leurs obligations internationales, en particulier celles découlant de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et à coopérer pour mettre fin aux conflits armés et rétablir la paix, plaidant pour que les responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres crimes internationaux soient traduits en justice.
« Mesures spéciales » et sensibilisation aux stéréotypes racistes
Parmi les rapports présentés, celui de Mme Ashwini K.P. sur les « mesures spéciales » a retenu l’attention de la Commission. Ces mesures, a rappelé la Rapporteuse spéciale, ciblent les groupes raciaux et ethniques sous-représentés ou marginalisés dans le but de les faire parvenir à une égalité et une représentation substantielles. Centré sur les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la représentation politique, ce rapport constate le peu d’adoption de mesures spéciales à l’échelle mondiale. Pour remédier à cette carence, il rappelle aux États que ces mesures constituent une obligation concrète en vertu du droit international des droits de l’homme et font partie intégrante de la lutte contre les inégalités raciales systémiques, « en particulier le manque de représentation, qui sont souvent enracinées dans des schémas historiques d’esclavage, de colonialisme et d’apartheid ».
Le rapport appelle les États à concevoir des mesures spéciales sur la base d’une solide compréhension du racisme systémique et de la discrimination historique, mais aussi de données ventilées et de la participation active des bénéficiaires visés. Il leur demande également de mettre en œuvre des systèmes de suivi pour garantir leur mise en œuvre efficace et éviter leur retrait.
Dans son deuxième rapport, qui traite de la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et des idéologies connexes, Mme Ashwini K.P. note avec inquiétude « l’importance persistante des partis et organisations politiques racistes, nationalistes et d’extrême droite qui opèrent dans divers contextes nationaux ». En réponse à ces tendances, elle recommande aux États Membres de s’attaquer aux différentes manifestations de haine et souligne la nécessité d’améliorer les cadres juridiques nationaux pertinents et d’adopter des plans d’action nationaux pour lutter contre le néonazisme. Elle encourage également les États à recourir à des campagnes d’éducation et de sensibilisation du public pour lutter contre les stéréotypes racistes et promouvoir la diversité.
Au cours du dialogue combiné qui a suivi ces deux présentations, l’Ukraine a regretté que la Rapporteuse spéciale ne traite pas du « prétexte de dénazification » censé justifier l’invasion russe, avant de lui demander de s’intéresser à la résurgence d’une idéologie de type « néonazie », qu’elle a qualifiée de « russisme » ou de « fascisme russe ». La Fédération de Russie a, elle, déploré l’absence de réaction du Comité face aux législations discriminatoires adoptées par les États baltes contre leurs populations russophones, l’appelant à rendre un avis public dénonçant ces actions inacceptables. La délégation russe s’est également élevée contre les affirmations « diffamatoires et politisées » reproduites dans le rapport de Mme Ashwini K.P. quant à une soi-disant répression des Tatars de Crimée. Plusieurs États musulmans, parmi lesquels l’Iran, la Malaisie et le Pakistan, se sont quant à eux inquiétés de la montée de l’islamophobie, en ligne et hors ligne.
Pour une deuxième décennie des personnes d’ascendance africaine
En marge de ces présentations, la Rapporteuse spéciale s’est faite l’écho des appels en faveur de la proclamation d’une deuxième décennie internationale des personnes d’ascendance africaine qui commencerait l’an prochain. À ses yeux, cette nouvelle décennie internationale devrait s’appuyer sur les expériences vécues, les connaissances, l’approche intersectionnelle et l’expertise des personnes d’ascendance africaine, en vue de conduire à « une action résolue pour inverser la culture du déni, démanteler le racisme systémique dans tous les domaines de la vie et rendre une justice réparatrice pour l’oppression et l’exclusion historiques ».
Un avis partagé par le Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui, tout en reconnaissant que des progrès ont été réalisés depuis 2015, a jugé que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les objectifs de reconnaissance, de justice et de développement pour tous poursuivis par la première Décennie internationale. « Il est donc souhaitable qu’une autre décennie soit adoptée, sous une forme ou une autre », a-t-il préconisé.
Appel au soutien des organes conventionnels
Pour ce qui est des travaux du Comité depuis août dernier, M. Balcerzak a indiqué que son organe a pu examiner 17 rapports soumis par les États parties et formuler des recommandations sur les préoccupations soulevées. Il a cependant reconnu que les retards et l’absence de déclaration restent un défi, précisant que 62 rapports d’États parties accusent un retard de plus de cinq ans, et ce, bien qu’une procédure simplifiée soit proposée par le Comité. À cet égard, il a encouragé les États parties à soutenir le renforcement des organes conventionnels, en particulier leur demande de ressources supplémentaires, pour permettre au Comité de mettre pleinement en œuvre cette procédure simplifiée.
M. Balcerzak a indiqué en outre que le Comité a publié sa Recommandation générale n°37 sur la discrimination raciale dans l’exercice du droit à la santé, ajoutant qu’il travaille actuellement, en collaboration avec le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à une recommandation générale commune relative aux politiques visant à lutter contre la xénophobie dans le contexte de la migration.
Criminaliser les actes de nature raciste et xénophobe
La Commission a ensuite pris connaissance du rapport de la Présidente-Rapporteuse du Comité spécial chargé d’élaborer des normes complémentaires, essentiellement consacré aux progrès réalisés dans la rédaction d’un protocole additionnel à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale visant à « criminaliser les actes de nature raciste et xénophobe ».
Mme Kadra Ahmed Hassan a indiqué que, lors de sa dernière session en date, le Comité spécial a examiné les rôles du droit pénal et du droit civil dans la lutte contre les actes de nature raciste et xénophobe, et la portée des comportements susceptibles d’être érigés en infractions pénales sur la base de l’article 4 de la Convention. Il s’emploie à présent à déterminer comment les concepts d’intersectionnalité, de xénophobie, de profilage racial et de discrimination fondée sur la religion et la croyance pourraient être abordés dans le protocole additionnel, tout en réfléchissant aux questions liées aux garanties juridiques, à l’accès à la justice pour les victimes et au droit de recours.
Selon la Présidente-Rapporteuse, les experts juridiques continueront à fournir des contributions sur les éléments à examiner lors de la prochaine session du Comité spécial, notamment une liste d’actes de nature raciste et xénophobe, des projets de définition de ces actes et des éléments concrets pour leur interdiction explicite et leur criminalisation. Ils examineront aussi les projets de dispositions sur les garanties procédurales pour les prévenus et sur la protection des victimes. Enfin, a-t-elle précisé, le Comité spécial poursuivra son étude des éléments nécessaires à l’incrimination des actes de nature raciste et xénophobe commis en ligne et dans le cyberespace.
À la suite du dialogue entre Mme Ahmed Hassan et les délégations, la Commission a repris sa discussion générale sur le point à l’ordre du jour.
Elle reprendra ses travaux demain, mercredi 6 novembre, à partir de 10 heures.
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