Assemblée générale: débat annuel sur l’exercice du droit de veto, « un symbole du paradoxe de l’ONU »
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Après avoir finalisé l’élection de membres de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), l’Assemblée générale a tenu, aujourd’hui, son troisième débat annuel sur l’exercice du droit de veto. Exaspérées par la paralysie du Conseil de sécurité face à la multiplication des conflits, près d’une cinquantaine de délégations ont décrié le veto, présenté par Sri Lanka comme « le symbole du paradoxe de l’ONU », un instrument conçu pour maintenir la paix mais qui y fait souvent obstacle.
L’Assemblée générale s’est réunie pour donner suite à l’adoption par consensus de la résolution 76/262 du 26 avril 2022. Cette résolution, connue comme l’initiative relative au droit de veto, permet à l’Assemblée de tenir un débat dans les 10 jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité.
Ce fut encore le cas ce matin au Conseil de sécurité quand les États-Unis ont rejeté un projet de résolution appelant à un cessez-le-feu à Gaza et à la libération de tous les otages, présenté par le Guyana et les neuf autres membres élus de l’organe. Il s’agissait du second veto de la semaine, puisque la Fédération de Russie s’est opposée lundi à l’adoption d’un texte appelant également à un cessez-le-feu au Soudan.
Depuis la résolution de 2022, l’Assemblée générale a tenu 10 débats, démontrant à chaque fois comment l’initiative relative au droit de veto contribue à une transparence et une responsabilité accrues, a souligné le Président de l’Assemblée générale. L’existence même de cette initiative souligne la réalité troublante selon laquelle les divisions au sein du Conseil de sécurité empêchent cet organe vital de l’ONU d’agir, a reconnu M. Philémon Yang. Mais dans de telles circonstances, a-t-il déclaré, « l’Assemblée générale peut intervenir pour agir » . Ainsi, lorsque le Conseil de sécurité n’est pas en mesure de s’acquitter de ses responsabilités, cette Assemblée doit faire valoir sa propre autorité pour agir, a ajouté M. Yang.
Au nom d’un groupe de 60 États déterminés à mettre en œuvre la résolution A/RES/76/262, le délégué du Liechtenstein a estimé que l’Assemblée générale doit combler le vide laissé par le recours au veto en adoptant des recommandations conformément à ses pouvoirs décrits au Chapitre IV de la Charte des Nations Unies. Bien qu’il existe des mesures que l’Assemblée elle-même ne peut clairement pas prendre, comme l’exercice des pouvoirs prévus au Chapitre VII, nous devons, au moins chaque fois qu’un veto est exprimé ou menacé, considérer nos options pour agir avant ou après une réunion en vertu de ce point de l’ordre du jour, a-t-il indiqué.
L’initiative sur le veto, largement inspirée par le Lichtenstein, a commencé à remodeler la relation entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, ainsi que l’approche collective de l’ONU sur les questions de paix et de sécurité, ont salué les délégations. Elle a renforcé la responsabilité du Conseil envers l’ensemble des membres de l’ONU, en particulier lorsque son action est bloquée par le veto. « Il est clair que le veto n’est plus la fin du débat. »
Il a en outre été rappelé que dans le Pacte pour l’avenir adopté par l’Assemblée en septembre dernier, les États Membres sont convenus de « redoubler d’efforts pour parvenir à un accord sur cette question, notamment en examinant s’il faut limiter le champ d’application du droit de veto et son utilisation ».
Selon la Türkiye, le recours au droit de veto démontre que le Conseil de sécurité n’est pas à la hauteur de son mandat, notamment au regard des deux vetos de cette semaine. Grâce à l’initiative de 2022, a apprécié le Royaume-Uni, l’Assemblée peut veiller à ce que les membres dotés du droit de veto rendent compte de leurs actes.
Cependant, l’Inde a fait remarquer que la décision d’organiser un débat dans les 10 jours suivant l’exercice du droit de veto « n’a pas empêché les membres permanents de brandir leur veto ». Un constat similaire a été fait par le Brésil qui a regretté que ces réunions que l’Assemblée générale convoque, servent de « plateformes d’accusations mutuelles » et provoquent « davantage de divisions ».
De l’avis du Mexique, la paralysie du Conseil de sécurité n’est pas seulement le résultat de l’utilisation et de l’abus du droit de veto, elle découle également de la menace d’exercer ce droit. Dans ce cas, il s’agit, a relevé la délégation, d’un aspect aussi important que celui du recours réel au veto. En effet, des projets de résolution dilués qui arrivent au Conseil pour être votés sont « souvent le résultat d’ajustements menés face à un veto imminent ». On en parle peu, soit à cause de l’inconfort généré chez les membres permanents, ou du fait de l’opacité qui persiste dans certaines négociations, a-t-elle avancé.
Pour les 106 signataires de l’initiative franco-mexicaine visant à encadrer le veto en cas d’atrocités de masse, « le droit de veto n’est pas un privilège discrétionnaire mais une responsabilité particulière », a déclaré la France. C’est pourquoi ce membre permanent a fait le choix de ne pas l’utiliser depuis 1989.
À son tour, la Suisse a encouragé tous les États à adhérer à l’initiative franco-mexicaine et à signer le Code de conduite relatif à l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre soutenu par le Groupe ACT (Responsabilité, Cohérence, Transparence).
Le droit de veto est l’une des questions essentielles de la réforme du Conseil de sécurité, ont tenu à rappeler l’Allemagne et le Japon. « La force de l’ONU ne réside pas dans la domination d’une minorité, mais dans la volonté collective du plus grand nombre », a tonné le délégué allemand, tandis que son homologue japonais a vu dans le veto « un autre exemple de l’iniquité qui existe au sein du Conseil de sécurité », en plus du manque de représentation équitable de ses membres permanents et non permanents.
La Belgique, au nom du Benelux, a en outre estimé que tous les membres du Conseil doivent agir dans l’esprit de l’Article 27.3 de la Charte des Nations Unies selon lequel « une partie à un différend s’abstient de voter ». À cet égard, la Géorgie a condamné le fait que la Fédération de Russie ait fait usage du veto alors qu’elle était partie au conflit dans les régions d’Abkhazie et de Tskhinvali en Géorgie, et aujourd’hui en Ukraine. Dans le même esprit, la République de Corée a évoqué une « question morale » quand un membre permanent est partie à un vote le concernant.
Quant à la Finlande, au nom des pays nordiques, elle a appelé l’Assemblée à jouer un rôle éminent en matière de résolution des conflits, surtout lorsque le Conseil est incapable d’agir comme ce fut le cas lundi et ce matin. Selon le Guatemala, les intérêts d’une poignée de pays ne doivent pas prévaloir sur l’intérêt général. Au vu de tous ces constats, la Nouvelle-Zélande a recommandé de mettre en œuvre les mesures préconisées par le Pacte pour l’avenir en lien avec la réforme du Conseil de sécurité.
Outrée par le veto américain sur un texte « qui aurait pu donner une lueur d’espoir au peuple palestinien », l’Algérie a appelé à la réforme du Conseil de sécurité, un processus indispensable et inéluctable selon elle, quelles que soient les pierres d’achoppement, afin de rectifier « les carences fonctionnelles dont pâtit l’ordre onusien ». Pour l’Arabie saoudite, c’est l’abus du droit de veto qui a « enhardi » Israël, lui permettant de poursuivre ses « pratiques abjectes » contre le peuple palestinien, et maintenant contre le Liban. De même, Cuba a estimé que le mandat de l’Assemblée est miné par les actions du Conseil et la Barbade a dit être favorable à l’abolition du droit de veto, ou alors à son extension à de nouveaux membres permanents.
Pour la Fédération de Russie, ce n’est pas le veto en soi qu’il faut critiquer, mais bien « le manque de volonté » de certains membres du Conseil de sécurité pour écouter et prendre en compte les opinions des autres et trouver des solutions de compromis. Selon cette délégation, la réforme du Conseil ne doit en aucun cas toucher au droit de veto qui est la pierre angulaire de l’architecture de paix et de sécurité de l’ONU. « Sans le veto, le Conseil de sécurité deviendrait un organe qui estampillerait des résolutions douteuses, imposées par une majorité conditionnelle, dont la mise en œuvre serait impossible. »
En début de séance, l’Assemblée générale a procédé à un vote à bulletin secret pour élire de nouveaux membres à la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). En dépit du fait que le nombre de candidats correspondait ou était inférieur aux 30 sièges à pourvoir, l’Assemblée avait consenti, le 13 novembre dernier, à suivre la demande de l’Ukraine et de la Fédération de Russie qui appelaient à un scrutin.
Les États suivant ont été élus pour un mandat de six ans à compter du 7 juillet 2025: Afrique du Sud (168 voix), Allemagne (164), Belgique (164), Burundi (172), Canada (163), Chine (174), Congo (171), Côte d’Ivoire (175), El Salvador (175), État plurinational de Bolivie (172), Fédération de Russie (129), France (157), Ghana (175), Hongrie (172), Japon (172), Malaisie (179), Mauritanie (174), Mexique (173), Pérou (174), Philippines (177), République dominicaine (177), République de Corée (169), Royaume-Uni (155), Sierra Leone (174), Singapour (175), Sri Lanka (177), Suède (163), Suisse (168), Uruguay (172), Viet Nam (175) et Zambie (176).
L’Assemblée se penchera ultérieurement sur l’élection de trois autres membres issus du Groupe des États d’Europe orientale et d’un membre du Groupe des États d’Europe occidental et autres États.
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