Le deuxième dialogue interactif du Sommet de l’avenir prône la réforme du Conseil de sécurité et une meilleure inclusion des femmes pour renforcer le multilatéralisme
Le deuxième dialogue interactif du Sommet de l’avenir, qui s’est tenu cet après-midi, s’est concentré sur le thème « Renforcer le multilatéralisme pour la paix et la sécurité internationales ». Alors que le monde fait face à des menaces géopolitiques, économiques, climatiques et technologiques croissantes, les outils traditionnels du multilatéralisme conçus « par quelques heureux élus à une tout autre époque », a rappelé l’Inde, sont aujourd’hui « obsolètes ». Les défis auxquels la communauté internationale est confrontée étant trop importants pour qu’une poignée de nations, même les plus puissantes, puissent les relever seules, le multilatéralisme apparaît comme le seul moyen viable d’instaurer une paix durable.
Un système multilatéral en crise
Pour y parvenir, la voie diplomatique, portée par la Charte des Nations Unies et le droit international, doit être la priorité, ont affirmé la plupart des intervenants. Ces dernières années, l’émergence des guerres en Ukraine, à Gaza ou au Soudan —pour ne citer que les plus brûlantes— a fragilisé un système multilatéral déjà en crise, affaibli par le manque de confiance dans les institutions internationales, à commencer par le Conseil de sécurité. La réforme de cet organe, attendue depuis longtemps, a ainsi été au cœur du dialogue interactif. « Celui-ci doit être plus représentatif, plus équitable et transparent s’il souhaite conserver sa légitimité et son efficacité », a plaidé M. Julius Maada Bio, le Président de la Sierra Leone, qui Coprésidait par ailleurs la réunion. Plusieurs nations africaines, à l’image de l’Angola, de l’Éthiopie ou encore du Libéria, ont insisté sur la nécessité d’inclure au moins deux pays de leur continent parmi les membres permanents et de réformer le droit de veto qui paralyse aujourd’hui le Conseil.
Le Liechtenstein, auteur d’une initiative remarquée sur le veto, entend pour sa part « faire en sorte que le veto ne soit plus le dernier mot et que l’Assemblée générale puisse prendre des décisions lorsque le Conseil n’est pas en mesure de le faire ». L’instance la plus représentative de l’ONU en sortirait ainsi revigorée, et avec elle l’espoir d’un renouveau du système de règlement des conflits.
Le rôle des organisations régionales dans les opérations de paix
Une autre piste à l’étude est de renforcer la Commission de consolidation de la paix en rendant les liens avec le Conseil de sécurité plus étroits — proposition faite notamment par M. Simon Harris, le Taoiseach d’Irlande, autre Coprésident de la réunion. En outre, davantage de partenariats avec des organisations régionales contribueraient à l’amélioration de l’architecture sécuritaire mondiale. Le représentant de l’Union africaine s’est ainsi réjoui du vote de la résolution 2719 (2023) en faveur d’un financement prévisible et durable des opérations de soutien à la paix menés par cette organisation, estimant qu’il s’agit là d’un modèle à suivre.
De son côté, Mme Comfort Ero, Présidente-Directrice de l’International Crisis Group s’est félicitée qu’« un examen opportun des forces et des faiblesses des opérations de paix de l’ONU » figure dans le Pacte pour l’avenir, adopté par acclamation dans la matinée. Même s’il ne s’agit « pour l’instant que de mots sur le papier », elle a voulu y voir une authentique volonté de revitaliser l’ONU. Elle a toutefois regretté « la décision de dernière minute » de supprimer du Pacte « une section sur la manière dont les changements climatiques modifient les risques de conflit ». Le Danemark a abondé dans ce sens et prévenu qu’il reviendrait à la charge pour que soit reconnu cet aspect essentiel de la géopolitique actuelle.
Autre réalité choquante qui concerne une personne sur 70 dans le monde, le déplacement forcé des populations a été évoqué par le représentant du Haut- Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), venu tirer la sonnette d’alarme sur la situation financière préoccupante d’un système humanitaire « à son point de rupture ». Se demandant comment sortir de cette ornière, il en a appelé à une « galvanisation de la volonté politique ».
À l’inverse, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a cité comme modèle de multilatéralisme les travaux qui ont abouti au projet de Convention des Nations Unies contre la cybercriminalité. Bien qu’au départ, « les positions des pays étaient très divergentes, la menace de la cybercriminalité a permis de les rapprocher pour approuver un texte par consensus », s’est réjoui le délégué. « Se concentrer sur des faits mondiaux en repérant des mesures très concrètes pour répondre à ces menaces mondiales peut réunir les États », a-t-il encouragé. La Lettonie a pour sa part fait un lien entre l’intégrité territoriale et la résilience face à la désinformation, proposant son « retour d’expérience ».
Le numérique, aussi bien en ce qui concerne ses opportunités que ses risques, est un des enjeux majeurs des années à venir, où la coopération multilatérale sera vitale, a insisté le représentant de l’Inde, se réjouissant de la finalisation du Pacte numérique mondial et appelant à une régulation internationale de l’intelligence artificielle. Le Comité international de la Croix-Rouge s’est, lui, demandé comment faire en sorte que ces nouvelles technologies, à commencer par l’intelligence artificielle, respectent le principe de « ne pas nuire ». Parmi ses recommandations, citons la mise en place de systèmes de détection d’informations nuisibles sur les réseaux sociaux lors de conflits armés, ainsi que la stricte séparation par les États des données militaires et des infrastructures civiles.
Donner du pouvoir aux femmes et aux jeunes
Enfin, pratiquement tous les intervenants ont insisté sur les liens entre inclusivité et multilatéralisme. « Donner du pouvoir aux femmes est crucial pour la prévention des conflits et le maintien de la paix », a ainsi affirmé le Ministre des affaires étrangères et européennes et du commerce de Malte. Citant l’exemple des négociations entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui lui ont d’ailleurs valu le prix Nobel de la Paix en 2016, l’ancien Président de la Colombie, M. Juan Manuel Santos, a rappelé comment il était parvenu à désenliser le processus de paix, alors que celui-ci en était « au point mort ». « J’ai envoyé un groupe de femmes victimes pour qu’elles confrontent les deux parties, pour qu’elles exigent des progrès. L’effet produit a été incroyable! », s’est-il exclamé.
La participation des jeunes « à la gouvernance, à la consolidation de la paix et au développement économique » est également un pilier du Pacte pour l’avenir, a souligné le Président de la Sierra Leone. En tant qu’agents du changement, ces derniers ont « les idées, l’inspiration et l’espoir pour diriger l’avenir », a-t-il défendu. « Les femmes et les enfants, au Soudan, en Ukraine, à Gaza ou ailleurs n’ont pas la possibilité de penser à notre Sommet de l’avenir », s’est pour sa part émue Ellen Johnson Sirleaf, ancienne Présidente du Libéria et elle aussi prix Nobel de la paix en 2011. « Mais nous devons, pour eux, nous efforcer d’élaborer un nouveau monde enfin débarrassé du fléau de la guerre », a-t-elle poursuivi, avant de citer Nelson Mandela: « Tout a toujours l’air impossible. Jusqu’à ce qu’on le fasse. »
Comme l’a rappelé dans sa conclusion Mme Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, « l’ONU est née d’une volonté commune de préserver les générations futures du fléau de la guerre. Vous avez peut-être remarqué les mots clefs: engagement commun. L’ONU est fondamentalement façonnée par la volonté -c’est-à-dire l’engagement- de ses États Membres à coopérer ». Comme l’a déclaré le Secrétaire général dans le Nouvel Agenda pour la paix, « si la guerre est un choix, la paix peut l’être aussi. »