En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session,
Sommet de l’avenir, Dialogue 1 – matin
AG/12628

Sommet de l’avenir: le premier dialogue interactif entend des appels à transformer la gouvernance mondiale, dont le cadre commun de remboursement de la dette

Les asymétries « structurelles » et « morales » de la gouvernance mondiale ont donné ce matin de la matière au premier dialogue interactif du Sommet de l’avenir, qui a confirmé les attentes quant à la transformation de cette gouvernance et à l’accélération de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Ces « défaillances » de l’ordre international en vigueur exigent notamment d’améliorer le cadre commun de remboursement de la dette, ont martelé de nombreux responsables gouvernementaux et d’institutions multilatérales, inquiets de voir un « monde de dette élevée sans croissance ».

« Sans la croissance économique issue du commerce international des 30 dernières années, jamais nous n’aurions pu sortir 1,5 milliard de personnes de la pauvreté extrême », a tout d’abord observé la Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  Pour pouvoir poursuivre sur cette lancée, il nous faut un « meilleur commerce », plus inclusif, a-t-elle préconisé en soulignant le besoin d’avoir un système commercial ouvert.  Cette « remondialisation », attendue par plusieurs, implique selon la responsable une réforme des subventions « inéquitables » qui entravent le commerce, notamment les subventions agricoles. 

Si elle a reconnu la résilience « remarquable » de l’économie mondiale face aux bouleversements des dernières années, la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a rappelé que la croissance économique mondiale, qui devrait s’établir à 3% au cours des prochaines années, est à son niveau le plus bas depuis des décennies, ce qui signifie « moins d’emplois et des revenus plus bas ». Une réalité qui touche particulièrement les pays à faible revenu, dont la croissance se situe à 7,5% en deçà des projections, a noté la Directrice, avant de mettre en garde contre le « piège » d’un « monde de dette élevée sans croissance », exacerbé par un environnement politique complexe, une hausse des inégalités et des risques de fragmentation.  Pour éviter un tel scénario, elle a prôné une refonte de l’économie fondée sur la transformation technologique et l’innovation verte, avec le potentiel d’ajouter jusqu’à 0,8% à la croissance mondiale. 

Appels pressants à revoir les critères d’octroi des prêts

Parmi les défis multiples auxquels se heurtent les États dans leur quête de développement, les modalités d’octroi des prêts et du remboursement de la dette souveraine ont retenu l’attention de nombreuses délégations.  Consciente du problème, la Banque mondiale a établi un programme destiné à favoriser l’accès du secteur privé aux marchés émergents, a indiqué son Président, en mentionnant la publication de données concernant les défauts de paiement.  Il a en même temps mis en garde contre la « tyrannie des petites choses » qui entrave les réformes et les flux financiers. 

Cette perception de risques élevés empêche en effet les pays en développement d’utiliser les marchés internationaux à leur avantage, entraînant des coûts d’emprunt élevés, a constaté le Ministre des affaires étrangères de la Zambie, pour qui il est essentiel d’améliorer les mécanismes de réduction des risques. À ce sujet, la firme Morningstar a souligné l’inadéquation des données financières, celles relatives aux ODD s’adressant au premier chef aux gouvernements, et non aux investisseurs qui s’intéressent de près aux informations portant sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). 

« Le fossé entre pays développés et pays en développement s’est élargi », a poursuivi la Première Ministre de l’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, avec l’aval du Ministre de l’enseignement préuniversitaire et de l’alphabétisation de la Guinée qui a fait remarquer que « ces derniers disposent de peu de recours du fait des asymétries structurelles de la gouvernance mondiale ».  Comme le Malawi, elle a expliqué que les prêts consentis au taux du marché aux pays en développement sont en réalité comme un « flux de capitaux inversé » de ces pays vers les pays développés. 

Le Ministre des affaires étrangères du Malawi a ainsi appelé à se « libérer des chaînes » que constituent les conditions « punitives » exigées par les institutions financières mondiales, le monopole technologique des pays développés et les mécanismes « faibles » censés assurer la mise en œuvre des engagements en matière de changements climatiques et de réparations de la part des États qui en sont responsables.  De même, il a prôné l’inclusion d’évaluations selon les critères « paix et sécurité » parmi les critères de prêts afin d’éviter de financer les pays qui entament des guerres aux détriment de ceux qui choisissent la paix.

Combler les lacunes des institutions financières internationales

Ces défaillances structurelles, mais aussi « morales », de l’ordre international en vigueur, selon les mots du Ministre des affaires étrangères de Cuba, impliquent la renégociation de la dette souveraine des États, laquelle doit être orientée vers le développement et assortie d’une recapitalisation des banques multilatérales de développement afin d’améliorer les conditions de prêts.  Le « droit au développement » implique en effet l’expansion des politiques d’allégement de la dette à l’aide de programmes à long terme, a plaidé Sri Lanka, afin de combler les lacunes systémiques des institutions financières internationales et d’atténuer les pressions auxquelles sont confrontées les nations émergentes.

Or, à cinq ans de l’échéance du Programme 2030, les Tuvalu ont jugé nécessaire de « réévaluer la position commune par rapport à l’engagement de ne laisser personne de côté ».  À l’heure actuelle, l’archipel est confronté à la menace d’être « soit noyé dans la dette, soit noyé dans la mer », chaque nouvelle catastrophe l’obligeant à s’endetter pour assurer les secours.  Cette situation enferme le pays dans un cycle catastrophe-dette-sous-investissement qui entrave son développement. 

La quatrième conférence des petits États insulaires en développement (PEID) a d’ailleurs souligné que l’architecture financière internationale doit jouer son rôle pour répondre aux circonstances de développement uniques de ces pays, a rappelé le Ministre chargé des finances, du plan national et du commerce des Seychelles, pays où 36% des recettes publiques risquent d’être englouties dans le remboursement de la dette cette année.  À cet égard, l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle constitue un outil crucial, a insisté le Ministre. 

Donner la place qui leur est due aux pays en développement dans la gouvernance mondiale

Fort de ces constats, le Ministre du plan et de la coordination du développement des Îles Salomon a proposé d’améliorer le cadre commun de remboursement de la dette. Il a incité la Banque mondiale et le Fonds monétaire international à promouvoir les investissements liés aux ODD en créant des mécanismes de réduction des risques, en renforçant la voix des pays émergents au sein des institutions financières internationales et en intensifiant le dialogue entre l’ONU et ces institutions.  « Il faut que les pays africains en développement occupent la place qui leur est due dans la gouvernance mondiale », a rebondi la Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de l’Afrique du Sud. 

Pour le Ministre des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger, néanmoins, l’ONU a failli dans sa « mission première » d’assurer un filet sécuritaire aux États dans le besoin, au nom d’une « logique de profits qui vient enrichir des États déjà riches ».  Il a en effet accusé cette logique de livrer des pays vulnérables au « joug » du FMI ou encore de les contraindre à emprunter sur les marchés privés, à des taux plus élevés que ceux accordés aux pays développés. 

Le système financier international doit s’adapter pour donner de meilleurs résultats

Bien qu’il ait assuré stabilité et croissance pendant des décennies, le système financier mondial doit maintenant s’adapter au monde d’aujourd’hui et être plus réactif aux besoins des pays en développement, a observé le Royaume-Uni, en assurant une meilleure représentation de ceux-ci aux prises de décisions ainsi qu’un système de règlement des différends efficace.  Si une « série de crises a porté une série de coups à nos efforts collectifs en vue de réaliser les ODD », la Commissaire chargée des partenariats internationaux de l’Union européenne, principal fournisseur d’aide au développement à l’échelle mondiale, a reconnu que le système financier mondial doit produire davantage de résultats. 

Évoquant le risque d’une « crise du développement » qui se profile à l’horizon, le Président du Kenya a estimé pour sa part que la tenue prochaine de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement pourrait constituer une dernière chance d’apporter les « changements radicaux » nécessaires pour réaliser les ODD.  Dans cette veine, la Confédération des ONG de l’Inde rurale a fait valoir que la création de zones économiques coopératives, englobant les secteurs public et privé, ont le potentiel de créer une chaîne de valeurs « robustes ». 

Mais, pour tenir la promesse de ne laisser personne de côté, la réforme des structures de gouvernance du développement doit aller au-delà de la question du financement, a conclu le Directeur exécutif du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS).  Il a prié de s’attaquer également au déficit de mise en œuvre des projets et d’assistance technique, afin d’éviter de prévenir la fragmentation et l’incohérence.

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