Soixante-dix-huitième session,
93e & 94e séances – matin & après-midi
AG/12610

L’Assemblée générale débat du rapport annuel du Conseil de sécurité, entre progrès sur la forme et critiques de fond

Après avoir entendu un appel de son Président à observer la Trêve olympique, l’Assemblée générale a débattu, aujourd’hui, du rapport annuel du Conseil de sécurité.  Si les délégations ont souligné les améliorations apportées à l’élaboration de ce rapport, elles ont également multiplié les critiques de fond sur l’inaction du Conseil.  Un chiffre a dominé les débats: les six veto exercés en 2023, soit le nombre le plus élevé depuis 1986.

Le Président de l’Assemblée a ouvert cette séance en appelant à observer la tradition de l’ekecheiria ou « Trêve olympique », née dans la Grèce antique au VIIIe siècle avant J.-C.  Il a invité les États Membres à conclure partout dans le monde de véritables cessez-le-feu ouvrant la voie à des règlements politiques.  L’Assemblée a ensuite pris note de cet appel.

En préambule du débat sur le rapport du Conseil, M. Dennis Francis a souligné le rôle résiduel, bien que grandissant, joué par l’Assemblée s’agissant du maintien de la paix.  Il a rappelé que le Conseil agit au nom de tous les États Membres de l’ONU, dont l’Assemblée est l’organe le plus représentatif.  « Ce débat doit permettre d’évaluer comment le Conseil agit en votre nom, vous, les États Membres », a dit le Président.

Il a ensuite détaillé la coopération entre les deux organes, matérialisée notamment par la tenue de réunions mensuelles de coordination entre leurs Présidents.  Il a salué la remise par le Conseil des rapports spéciaux sur le droit de veto, conformément à la résolution 72/262.  « La coopération continue de s’approfondir. »  Enfin, il a indiqué que son bureau est en train de finaliser le manuel numérique sur le rôle de l’Assemblée en matière de sécurité internationale.

Le représentant de la République de Corée et Président du Conseil pour le mois de juin a, lui, présenté le rapport annuel de l’organe, en indiquant que le Conseil a tenu 290 réunions, dont 271 publiques, en 2023.  Cinquante résolutions et six déclarations présidentielles ont été adoptées.  Il s’est félicité de la reprise des missions du Conseil sur le terrain, avec celle effectuée en République démocratique du Congo (RDC) en mars. 

Lors du débat, les délégations ont été nombreuses à souligner les améliorations apportées au processus de rédaction de ce rapport, en saluant d’abord sa remise dans les délais fixés, soit avant le 30 mai 2024.  À l’instar du Portugal, qui s’exprimait au nom du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (Groupe ACT) ou encore de la Malaisie, elles se sont également félicitées des consultations qui ont eu lieu avec les membres de l’ONU en janvier sur ce rapport sous la houlette du Royaume-Uni.

Cette consultation a été la première du genre et a répondu aux appels répétés pour une approche plus collaborative et transparente, s’est félicité le Président de l’Assemblée.  Plusieurs délégations, comme celles de l’Autriche ou encore de la Pologne, ont par ailleurs salué l’inclusion pour la première fois dans ce document des rapports spéciaux sur l’exercice du droit de veto.

Le Brésil a, lui, souligné l’importance de la note présidentielle 945 de décembre 2023 proposée par lui-même et les Émirats arabes unis.  Cette note encourage les membres élus à jouer un rôle accru en tant que porte-plumes de projets de textes, a rappelé la délégation, en soulignant, à l’instar du Mozambique, le dynamisme des membres non permanents.

Des critiques d’ordre procédural se sont néanmoins faits jour.  À l’image du Liechtenstein, de l’Allemagne ou de l’Indonésie, un grand nombre de délégations, comme les années précédentes, ont été nombreuses à demander un rapport plus analytique, ne se réduisant pas à une vue d’ensemble des activités du Conseil. 

Le Groupe ACT a demandé davantage de détails sur les textes rejetés, tandis que la Malaisie a souhaité une évaluation critique des décisions qui ont été prises ou écartées par le Conseil.  Ce pays a également déploré le fait que seule la moitié des présidences tournantes du Conseil ait présenté une évaluation mensuelle de leurs travaux en 2023. 

Mais les critiques les plus vives ont porté sur le fond, à savoir l’inaction du Conseil sur certaines situations.  « Un rapport plus analytique, substantiel et précis ne saurait remplacer un Conseil efficace », a tranché le Liechtenstein, résumant le sentiment général.  Ce pays s’est dit préoccupé par les six veto de 2023 et les six déjà exercés en 2024. « Ces veto sont le symptôme d’un organe qui ne s’acquitte pas de sa mission de protection des civils en temps de conflit. »

Même son de cloche du côté du Président de l’Assemblée qui a rappelé qu’au Soudan, à Gaza, en République démocratique du Congo, au Myanmar, en Syrie ou encore en Ukraine, 2023 a été une année meurtrière pour les civils.  « Trente-trois mille civils ont été tués, soit 72% de plus qu’en 2022», s’est-il alarmé.  L’Afrique du Sud a vivement dénoncé l’inaction du Conseil s’agissant de la situation à Gaza, en déplorant la baisse du nombre de résolutions adoptées par consensus.

Une position partagée par l’Indonésie qui a dénoncé la « paralysie » du Conseil face à la grave situation humanitaire à Gaza.  « Il y a eu trois fois plus de résolutions rejetées en raison de l’exercice du veto que de résolutions adoptées. »  L’Angola a également déploré « la paralysie institutionnelle et la lenteur de la réponse du Conseil » face au conflit à Gaza ou à celui « beaucoup moins médiatisé » au Soudan.

Si le délégué du Myanmar a salué l’inclusion, dans le rapport, d’un paragraphe sur la situation dans son pays, il s’est en revanche dit découragé par le niveau d’inaction du Conseil.  Le coût est immense pour la population, a tranché le délégué.  « Clairement, le Conseil est responsable des morts au Myanmar. »  Le délégué de l’Ukraine a dénoncé le fait que l’agresseur de son pays soit membre permanent du Conseil et en prenne la présidence au mois de juillet.  « Le Conseil est discrédité », a-t-il dénoncé. 

Montrant que forme et fond sont liés, le délégué ukrainien a accusé en outre la Russie de surcharger l’ordre du jour du Conseil afin de « créer de la lassitude » et de détourner l’attention de la guerre en Ukraine.  « Cette guerre a illustré les limites de l’action du Conseil en raison du veto exercé par le pays agresseur lui-même », a appuyé l’Allemagne. 

Enfin, les délégations, comme à l’accoutumée, ont demandé une réforme du Conseil de sécurité pour le rendre plus représentatif.  « Il est temps que le Conseil agisse au nom de tous les États Membres et cela ne pourra être le cas qu’après un élargissement du Conseil dans ses deux catégories de membres », a tranché l’Inde, appuyée par l’Afrique du Sud et le Pakistan.

 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

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