Soixante-dix-huitième session,
89e & 90e séances – matin & après-midi
AG/12607

Assemblée générale: des délégations fustigent les mesures économiques coercitives unilatérales et appellent l’ONU à s’impliquer davantage

L’Assemblée générale a débattu aujourd’hui de la question de l’élimination des mesures économiques coercitives unilatérales et extraterritoriales utilisées pour exercer une pression politique et économique, un sujet des plus opportuns, au regard de son impact cruel et dévastateur sur le bien-être de plus d’un tiers de l’humanité, ont fait valoir plusieurs délégations, impatientes de prendre connaissance du futur rapport sur l’incidence de ces mesures sur la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

En effet, la résolution A/RES/78/135, adoptée au mois de décembre dernier, prie le Secrétaire général d’étudier avec le soutien et la coopération des coordonnateurs résidents et des équipes de pays des Nations Unies, les répercussions de telles mesures sur les pays touchés, en particulier leurs incidences sur le commerce et le développement.  Ce rapport devrait être présenté à partir du mois de septembre 2025.

Aujourd’hui, les délégations n’ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer ces mesures qui, ont-elles affirmé, s’apparentent à des crimes de guerre, voire de génocide. Elles ont dénoncé un pillage en règle des pays occidentaux, dont les États-Unis et les membres de l’Union européenne.  Ces pays, qui imposent des mesures coercitives, présentent un faux narratif pour justifier leur action et tromper de manière éhontée la communauté internationale, a accusé le Ministre des affaires extérieurs du Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies.

Ceux qui inventent ces sanctions n’ont pas de cerveau, pas de cœur et pas de conscience, a ajouté le Bélarus, précisant que dans certains pays, ces trois caractéristiques se conjuguent aisément.  Ces mesures ne sont ni plus ni moins que l’approche suprématiste et arrogante de ceux qui veulent entraver le développement économique et humain de quelque 30 pays, soit 2 milliards de personnes dans le monde, en supprimant leurs concurrents, en fragilisant les régimes vulnérables ou encore en punissant un État tombé en disgrâce et en en faisant un instrument de soumission, ont dénoncé plusieurs intervenants, à l’instar de Cuba, du Soudan, de la Fédération de Russie, de la Chine ou encore de l’Afrique du Sud.  Certaines délégations ont même vu le visage moderne du colonialisme.

Ces accusations ont été rejetées par l’Union européenne qui a expliqué que les sanctions économiques sont les outils pacifiques les plus puissants dont dispose la communauté internationale pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Elle a cité le cas de la Libye et du Soudan du Sud et la menace terroriste posée par Al-Qaida et Daech.  Certaines des voix les plus fortes ici, a fait remarquer l’Union européenne, sont celles-là mêmes qui ont fait obstacle à la prorogation du mandat du Groupe d’experts chargé d’assister le Comité des sanctions contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC), en pointant la Fédération de Russie.  Les sanctions économiques sont un outil légitime, efficace et approprié en cas de menace à la paix et à la sécurité internationales, ont renchéri les États-Unis.

Qui a fait des pays occidentaux des juges, s’est emportée la Fédération de Russie, avant de les accuser d’abuser de leur hégémonie financière pour exercer un contrôle sur des ressources souveraines.  Ce qui est permis à Jupiter n’est pas permis au bœuf, « quod licet Iovis, non licet bovis », a ironisé la Fédération de Russie dans une affirmation réfutée par l’Australie, au nom du Canada.  Quand nous imposons des sanctions ciblées, nous nous efforçons de minimiser l’impact sur les populations civiles et les activités commerciales et humanitaires légitimes, a-t-elle souligné.  De fait, a appuyé le Royaume-Uni, notre législation prévoit un système transparent et solide de recours.

Que dire des effets paralysants de ces mesures sur les pays ciblés mais également des dégâts considérables sur les pays de leur région? s’est demandé l’Angola, au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), en citant le Zimbabwe.  Des analyses économiques récentes indiquent que les sanctions ont systématiquement réduit la croissance du PIB des nations africaines touchées, a fait observer le Nigéria au nom du Groupe des États d’Afrique.

Nous sommes face à une arme sélective de destruction massive qui menace la paix et la sécurité internationales et à un outil de pression politique, économique et financière, ont critiqué plusieurs pays, y compris la République arabe syrienne dont les ressources sont « pillées » par les États-Unis.  Cuba et la République islamique d’Iran ont parlé de mesures inhumaines, illégales et immorales, alors qu’Israël utilise impunément la faim comme méthode de guerre.

Il faut appliquer le droit international et veiller à ce que les États affectés obtiennent une compensation à la hauteur du préjudice subi, a suggéré l’Ouganda, au nom du Groupe des 77 et la Chine et du Mouvement des pays non alignés.  L’État de Palestine a préconisé deux actions collectives, pour, à la fois, renforcer le rôle des institutions multilatérales, dont les Nations Unies, et accompagner les pays en développement avec une aide économique, technique, sanitaire et humanitaire pour construire un meilleur avenir.

De nombreuses délégations ont accueilli avec satisfaction la question des mesures coercitives économiques dans les conclusions et recommandations de l’édition 2024 du forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le financement du développement. C’est un premier pas dans la bonne direction qui devrait inspirer le prochain Sommet de l’avenir, prévu au mois de septembre.

Dans un droit de réponse, le Venezuela a fustigé les États-Unis, qui ne sont en aucun cas « la police du monde » pour s’être immiscés dans les affaires intérieur d’un État souverain.  Attaquer notre Commission électorale indépendante, avant le scrutin présidentiel, prévu au mois de juillet, c’est confirmer que votre objectif est l’effondrement des régimes qui ne vous plaisent pas et de cibler tous les candidats qui vous déplaisent, a tranché le Venezuela.

Par ailleurs, l’Assemblée générale a adopté, après un amendement adopté par 59 voix pour, l’opposition de l’Angola, du Bélarus, du Burundi, de l’Érythrée, de la Fédération de Russie, de l’Inde, du Maroc, du Nicaragua, de la République arabe syrienne et de la Türkiye, et 40 abstentions, une décision sur la participation d’une liste d’ONG, organisations de la société civile, établissements universitaires et secteur privé à la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement. 

Présentant l’amendement, le Royaume-Uni a souligné l’importance d’une participation significative de la société civile, la transparence étant essentielle à une conférence où est attendu un éventail d’experts.  Il a accusé certains États Membres d’essayer de bloquer la participation des ONG.  En réponse, la Fédération de Russie a dit craindre que certaines organisations laissent le champ libre à une politisation inutile qui compliquerait un dialogue constructif.  « Nous savons que l’on va nous parler de la liberté d’expression alors que les instructions politiques de leurs bailleurs de fonds n’ont rien à voir avec cette liberté. »  Au nom de l’Union européenne, l’Allemagne a insisté sur l’inclusivité du processus, dans l’intérêt de tous.

Le Brésil a aussi fait valoir son attachement à la contribution capitale des ONG: il s’est abstenu, a-t-il dit, par manque d’informations.  Ce point de vue a été partagé par le Timor-Leste et le Viet Nam qui a insisté sur le fait que les processus de l’ONU doivent être pilotés par les États Membres.  « On doit respecter les mécanismes en vigueur », a confirmé l’Indonésie, vivement préoccupée par les tentatives de plus en plus nombreuses de contourner les modalités et mesures agrées, au risque d’alimenter la méfiance.

Tout en appuyant pleinement les ONG et la société civile, tant que leurs activités restent en phase avec les principes de la Charte des Nations Unies, la Türkiye, qui a voté contre l’amendement, a soupçonné certaines ONG de mener des activités politiques contre des États.  La Fédération de Russie, qui a jugé non productive la participation des ONG politisées, s’est désolidarisée de la liste des organisations non gouvernementales qui n’ont pas fait l’objet d’une procédure d’approbation tacite.

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

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