Climat: pour passer à la vitesse supérieure, le Secrétaire général propose un pacte de solidarité climatique et un programme d’accélération
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors de l’ouverture du Sommet sur l’ambition climatique, à New York, aujourd’hui:
Nous nous concentrons ici sur les solutions climatiques – et notre tâche est urgente. L’humanité a ouvert les portes de l’enfer. La chaleur épouvantable a des effets épouvantables.
Des agriculteurs désemparés voient leurs récoltes emportées par les inondations, les températures étouffantes engendrent des maladies et des milliers de personnes fuient dans la peur face aux incendies historiques qui font rage.
L’action climatique n’a pas de commune mesure avec l’ampleur du défi à relever. Si rien ne change, nous nous dirigeons vers une augmentation de la température de 2,8 degrés – vers un monde dangereux et instable.
Mais l’avenir n’est pas joué d’avance. Il sera écrit par les dirigeantes et dirigeants que vous êtes. Nous pouvons encore limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré. Nous pouvons encore construire un monde d’air pur, d’emplois verts et d’énergie propre et abordable pour tous.
La voie à suivre est claire. Elle a été ouverte par des combattants et des pionniers, dont plusieurs sont parmi nous aujourd’hui: des militantes et militants qui refusent d’être réduits au silence, des membres des peuples autochtones qui défendent leurs terres contre les phénomènes climatiques extrêmes, des P.D.G. qui transforment leurs modèles économiques et des bailleurs de fonds qui financent une transition juste, des maires qui avancent vers un avenir sans carbone; et des gouvernements qui s’efforcent d’éliminer les combustibles fossiles et de protéger les populations vulnérables.
Mais si nous voulons respecter la limite de 1,5 degré et nous protéger des phénomènes climatiques extrêmes, les champions du climat, en particulier dans les pays en développement, ont besoin de solidarité, ils ont besoin de soutien, et ils ont besoin que les dirigeantes et dirigeants du monde entier agissent. Agir pour réduire les émissions.
La transition des combustibles fossiles aux énergies renouvelables est en cours, mais nous avons des décennies de retard. Nous devons rattraper le temps perdu à cause des tergiversations, des tiraillements et de la cupidité flagrante de vieux intérêts qui engrangent des milliards grâce aux combustibles fossiles.
Le pacte de solidarité climatique que je propose, exhorte les principaux émetteurs –qui ont le plus profité des combustibles fossiles– à faire des efforts supplémentaires afin de réduire leurs émissions, et les pays riches à soutenir les économies émergentes dans cette voie.
Mon programme d’accélération invite les gouvernements à accélérer le pas, de sorte que les pays développés atteignent l’objectif de zéro émission nette le plus près possible de 2040, et les économies émergentes le plus près possible de 2050.
Il appelle également les pays à mettre en œuvre une transition énergétique appropriée, juste et équitable, tout en fournissant de l’électricité à un prix abordable pour toutes et tous: en mettant en place des plans fiables de sortie du charbon d’ici à 2030 pour les pays de l’OCDE, et d’ici à 2040 pour le reste du monde, en mettant fin aux subventions en faveur des combustibles fossiles, dont le FMI estime qu’elles ont atteint le montant faramineux de 7 000 milliards de dollars en 2022, et en fixant des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables, conformes à la limite fixée de 1,5 degré Celsius.
Mon programme d’accélération appelle également à une justice climatique. De nombreux pays parmi les plus pauvres ont tout à fait le droit d’être en colère. En colère parce qu’ils souffrent le plus d’une crise climatique qu’ils n’ont pas contribué à créer. En colère parce que les financements promis ne se sont pas concrétisés. En colère parce que leurs coûts d’emprunt sont astronomiques.
Nous avons besoin d’une transformation afin de rétablir la confiance. Les États doivent pousser le système financier mondial à soutenir l’action climatique. Cela demande de fixer un prix pour le carbone et de revoir complètement les modèles économiques des banques multilatérales de développement afin qu’elles mobilisent bien plus de fonds privés – à un coût raisonnable pour les pays en développement.
Toutes les parties doivent rendre opérationnel le fonds pour les pertes et dommages à la COP28. Les pays développés doivent respecter l’engagement de 100 milliards de dollars, reconstituer le Fonds vert pour le climat et doubler le financement de l’adaptation. Et tout le monde doit être protégé par un système d’alerte précoce d’ici à 2027 – à travers la mise en œuvre du Plan d’action que nous avons lancé l’année dernière.
Dans le même temps, mon programme d’accélération appelle les entreprises et les institutions financières à s’engager sur des trajectoires de véritable zéro émission nette.
Des promesses douteuses ont trahi la confiance du public. Certaines entreprises ont même essayé de bloquer la transition vers la neutralité carbone, en utilisant leur richesse et leur influence pour retarder, détourner et tromper – c’est honteux.
Les entreprises véritablement sincères doivent élaborer des plans de transition justes, qui réduisent les émissions de manière crédible et garantissent la justice climatique, conformément aux recommandations de mon Groupe d’experts de haut niveau.
L’avenir de l’humanité est entre vos mains, entre nos mains. Un sommet ne changera pas le monde. Mais aujourd’hui peut être un moment fort – pour restaurer la crédibilité, donner l’exemple et créer une dynamique sur laquelle nous pourrons bâtir dans les mois à venir, en particulier à la COP.
Nous pouvons –et nous devons– passer à la vitesse supérieure. Passer des plans à l’action. Et renverser la tendance.