En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/21697

Ukraine: le Secrétaire général appelle à « encourager chaque effort significatif qui vise à mettre fin à l’effusion de sang »

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée lors du débat du Conseil de sécurité consacré au maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine, à New York, aujourd’hui:

Les buts et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies ne sont pas une question de commodité.  Ce ne sont pas de vains mots sur le papier.  Ils sont au cœur de ce que nous sommes.  Ils reflètent la mission essentielle de nos Nations Unies.  Et ils existent précisément pour faire droit à tout grief – quel qu’il soit. 

Il y a un an, je siégeais dans ce Conseil, et j’ai demandé avec insistance: « Au nom de l’humanité, ne permettez pas que commence en Europe ce qui pourrait être la pire guerre depuis le début du siècle, avec des conséquences non seulement dévastatrices pour l’Ukraine, non seulement tragiques pour la Fédération de Russie, mais avec un impact que nous ne pouvons même pas prévoir s’agissant des conséquences pour l’économie mondiale ».

J’ai dit à ce moment-là: donnons une chance à la paix.  Mais la paix n’a eu aucune chance.  La guerre a pris le dessus.  L’invasion russe de l’Ukraine est une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international.  Elle a provoqué la mort, la destruction et des déplacements à grande échelle.  Les attaques contre les populations et les infrastructures civiles ont fait de nombreuses victimes et causé d’indicibles souffrances.

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a recensé des dizaines de cas de violences sexuelles liées au conflit commises contre des hommes, des femmes et des filles.  De graves violations du droit international humanitaire et du droit international des droits humains à l’égard de prisonniers de guerre, et des centaines de cas de disparitions forcées et de détentions arbitraires de civils, ont également été documentés. 

La vie est un véritable enfer pour le peuple ukrainien.  Quelque 17,6 millions de personnes, soit près de 40% de la population ukrainienne, ont besoin d’aide humanitaire et de protection.  La crise a fait disparaître 30% des emplois d’avant-guerre. 

Le Programme alimentaire mondial estime que près de 40% des Ukrainiens n’ont pas la possibilité ou les moyens de se nourrir convenablement.  La guerre a déclenché en Europe une crise migratoire sans précédent depuis des décennies.  Plus de 8 millions de réfugiés en provenance d’Ukraine ont été enregistrés à travers l’Europe, s’ajoutant aux quelque 5,4 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays.  Plus de la moitié des enfants ukrainiens ont été contraints de quitter leur foyer – les enfants non accompagnés et séparés s’exposant, de surcroît, à de graves risques de violence, de sévices et d’exploitation.

Les infrastructures sont mises à mal: les systèmes d’eau, d’énergie et de chauffage ont été détruits, au beau milieu d’un hiver glacial.  L’Organisation mondiale de la Santé a confirmé plus de 700 attaques contre les établissements de soins de santé.  Plus de 3 000 écoles et universités ont été endommagées ou détruites.  Des millions d’étudiants ont vu leur éducation gravement perturbée.  Moins mesurable –mais non moins important– est l’effet dévastateur de plusieurs mois de déplacements et de bombardements sur la santé mentale des Ukrainiens.  Près de 10 millions de personnes, dont 7,8 millions d’enfants, risquent de souffrir de graves troubles post-traumatiques.  Et ne nous méprenons pas: la Fédération de Russie en subit également les conséquences mortifères.

Nous avons besoin de paix – une paix conforme à la Charte des Nations Unies et au droit international.  Tout en œuvrant pour la paix, nous continuerons d’appeler à agir sur plusieurs fronts.  La protection des civils doit demeurer la priorité absolue.  Les attaques contre les civils et les infrastructures civiles doivent cesser.  L’emploi d’armes explosives à effets étendus dans des zones peuplées, dans les villes et les villages, doit prendre fin.  Un accès humanitaire sûr et sans entrave doit être garanti, afin d’acheminer une aide vitale. 

Il nous faut également investir dans le redressement et la reconstruction de l’Ukraine.  À la demande du Gouvernement ukrainien et au nom du système des Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour le développement procède, conjointement avec la Banque mondiale, à une évaluation des dégâts aux infrastructures énergétiques.

Depuis le début de la guerre, l’Agence internationale de l’énergie atomique a aidé l’Ukraine à assurer la sûreté et la sécurité de ses 15 réacteurs en service dans quatre centrales nucléaires, dont la plus grande centrale nucléaire d’Europe à Zaporijia.  Nous continuons d’exhorter toutes les parties à s’entendre et à mettre en œuvre, rapidement, une zone de sûreté et de sécurité nucléaire à la centrale nucléaire de Zaporijia, afin d’éviter un grave accident qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques.  Les menaces à peines voilées de recours à l’arme nucléaire dans le cadre du conflit ont fait grimper le risque nucléaire à un niveau jamais vu depuis les jours les plus sombres de la guerre froide.  Ces menaces sont inacceptables.

Des progrès continuent d’être faits dans le cadre de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, un accord négocié avec les parties par l’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement de Türkiye.  Plus de 20 millions de tonnes de denrées alimentaires, acheminées à bord de plus de 700 navires, sont désormais reliées en toute sécurité aux chaînes d’approvisionnement mondiales, contribuant ainsi à faire baisser les prix dans le monde entier. 

Je tiens à souligner l’importance pour toutes les parties de continuer à s’investir dans cette initiative, et je réitère notre appel pour qu’elle soit prolongée au-delà de mars 2023.  L’ONU est fermement résolue à œuvrer à l’élimination des derniers obstacles aux exportations de produits alimentaires et d’engrais russes, notamment d’ammoniac.  Ces exportations essentielles s’inscrivent dans le cadre de l’action plus large que nous entreprenons pour faire baisser les prix et atténuer l’insécurité alimentaire dans le monde.  Ce double effort est la preuve que la coopération internationale est essentielle, précieuse et possible, même en plein conflit. 

Au cours de l’année écoulée, ce Conseil a organisé plus de quarante débats sur l’Ukraine.  C’est la voix des armes que l’on entend en ce moment, mais, au bout du compte, nous savons tous que la voie de la diplomatie et de la responsabilité est le chemin vers une paix juste et durable.  Une paix dans le respect de la Charte des Nations Unies, du droit international et de la résolution adoptée hier par l’Assemblée générale. 

Nous devons éviter toute nouvelle escalade.  Nous devons, tous, encourager chaque effort significatif qui vise à mettre fin à l’effusion de sang et donner, une bonne fois pour toutes, une chance à la paix.

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