En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/21680

« L’heure n’est pas aux petites retouches », prévient António Guterres devant l’Assemblée générale face à l’imminence du minuit apocalyptique

On trouvera, ci-après, l’exposé du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, sur les priorités pour l’année 2023 présenté à l’Assemblée générale, à New York, aujourd’hui:

Avant de commencer, je voudrais faire part de ma profonde tristesse au sujet des tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé la Türkiye et la Syrie.  Je présente mes condoléances aux familles des victimes.  Les Nations Unies se mobilisent pour soutenir la réponse d’urgence.  Travaillons ensemble, en solidarité, pour aider tous ceux qui sont touchés par cette catastrophe, dont beaucoup avaient déjà un besoin urgent d’aide humanitaire.

Pendant mon mandat de Haut-Commissaire aux réfugiés, je suis allé plusieurs fois travailler dans cette région, et je n’oublierai jamais l’extraordinaire démonstration de générosité des habitants de la région.  Il est temps pour nous tous de faire preuve de la même solidarité que celle dont j’ai été témoin dans la région à l’égard des réfugiés fuyant l’un des conflits les plus difficiles de notre époque.

Il y a un mois, nous sommes passés à une nouvelle année.  Or, il y a quelques jours, une autre horloge a tourné, l’Horloge de l’apocalypse.  Cette horloge symbolique a été créée il y a 75 ans par des scientifiques atomiques, dont Albert Einstein.  Chaque année, les experts mesurent à quelle distance l’humanité se trouve de minuit, autrement dit, de son autodestruction.  En 2023, ils ont fait le point sur l’état du monde: l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’emballement de la catastrophe climatique, la montée des menaces nucléaires, l’affaiblissement des normes et des institutions mondiales.  Et leur conclusion est sans appel. 

L’Horloge de l’apocalypse est maintenant à 90 secondes de minuit, soit d’une catastrophe mondiale totale.  L’humanité n’a jamais été aussi près de son heure la plus sombre, même au plus fort de la guerre froide.  En vérité, l’Horloge de l’apocalypse sonne l’alarme pour toute la planète.  Il nous faut nous réveiller, et nous mettre au travail. 

Nous entamons l’année 2023 face à une confluence de défis sans précédent.  Les guerres s’éternisent.  La crise climatique fait rage.  L’extrême richesse et l’extrême pauvreté s’exacerbent.  Le fossé entre les nantis et les démunis clive les sociétés, les pays et le monde entier.  Des divisions géopolitiques abyssales sapent la solidarité et la confiance mondiales.  Cette voie est sans issue.  Il nous faut un changement de cap.  

La bonne nouvelle, c’est que nous savons comment remonter l’horloge, qu’il s’agisse du climat, des finances, du règlement des conflits, etc.  Et nous savons que l’inertie nous coûtera beaucoup plus que l’action.  Mais il nous manque la vision stratégique, la réflexion et l’engagement à long terme.  Les politiciens et les décideurs sont prisonniers de ce que j’appelle une préférence pour l’instant présent.  Dans la vie politique et économique, il y a un parti pris pour le court terme.  Le prochain sondage.  La prochaine manœuvre politique pour s’accrocher au pouvoir.  Ou encore le prochain cycle économique, voire le cours de l’action du lendemain.  L’avenir, c’est le problème de quelqu’un d’autre.

Ce raisonnement à court terme n’est pas seulement extrêmement irresponsable, il est immoral.  Et voué à l’échec.  Car les problèmes que nous connaissons aujourd’hui, ici et maintenant, en deviennent plus insolubles, plus clivants et plus dangereux.  Nous devons changer l’état d’esprit des processus décisionnels.

Mon message aujourd’hui se résume à ceci: ne vous limitez pas uniquement à ce qui peut vous arriver aujourd’hui, pour tergiverser.  Regardez ce qui nous arrivera à tous et à toutes demain, et agissez.  Nous avons l’obligation d’agir, en profondeur et de manière systémique.  Après tout, le monde n’évolue pas de façon incrémentale.  Ni la technologie.  Ni la destruction du climat.  Nous ne pouvons pas agir de façon incrémentale.  L’heure n’est pas aux petites retouches.  L’heure est à la transformation.  Une transformation ancrée dans tout ce qui inspire notre action, à commencer par la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Cette année marque le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration, l’expression de notre devoir collectif de défendre et d’exalter notre humanité commune.  C’était un projet osé, ambitieux et audacieux.  Nous devons nous inspirer de son esprit et de sa substance.  Il nous est rappelé dans la Déclaration que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». 

Lorsque je regarde les droits humains dans leur sens le plus large, dans le contexte du XXIe siècle, je vois la marche à suivre pour sortir de l’impasse.  Premièrement: le droit à la paix.  L’invasion de l’Ukraine par la Russie inflige des souffrances indicibles au peuple ukrainien et a de profondes répercussions mondiales.

Les perspectives de paix ne cessent de s’amenuiser.  Les risques d’une nouvelle escalade et d’une effusion de sang ne cessent de croître.  Je crains que le monde ne se laisse pas entraîner en aveugle dans une guerre plus grande.  Il le fait les yeux grands ouverts.  Le monde a besoin de paix.  Une paix dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international. 

Nous devons œuvrer davantage pour la paix partout dans le monde.  En Palestine et en Israël, où la solution des deux États s’éloigne de jour en jour.  En Afghanistan, où les droits des femmes et des filles sont bafoués et où les attentats terroristes meurtriers se poursuivent.  Au Sahel, où la sécurité se détériore à un rythme alarmant.  Au Myanmar, qui connaît de nouvelles vagues de violence et de répression.  En Haïti, où la violence en bande organisée prend tout le pays en otage.  Et ailleurs dans le monde, pour les deux milliards de personnes qui vivent dans des pays touchés par des conflits et des crises humanitaires. 

Si chaque pays s’acquittait des obligations de la Charte, le droit à la paix serait garanti.  Lorsque les pays ne respectent pas ces engagements, ils créent un monde d’insécurité pour toutes et tous.  Il est temps que nous revoyions notre approche de la paix en nous engageant de nouveau à appliquer la Charte, en mettant les droits humains et la dignité humaine au premier plan, et la prévention au cœur de notre action.  Pour ce faire, il faut envisager le continuum de la paix dans sa globalité, cerner les causes profondes des conflits et empêcher les graines de la guerre de germer.  Une approche qui investisse dans la prévention pour éviter les conflits, se concentre sur la médiation, fait avancer la consolidation de la paix et comprend une participation beaucoup plus large des femmes et des jeunes.

Ce sont là des éléments fondamentaux du Nouvel Agenda pour la paix, que nous proposons pour redynamiser l’action multilatérale dans un monde en transition et dans une nouvelle ère de compétition géostratégique.  Le Nouvel Agenda pour la paix doit chercher à faire face à toutes les menaces, anciennes et nouvelles, quels que soient la forme qu’elles prennent ou le domaine dans lequel elles s’exercent.  Au moment même où les opérations de maintien de la paix des Nations Unies célèbrent leur 75e anniversaire, de nombreuses missions manquent de ressources et subissent des attaques, et il n’y a aucune paix à maintenir.  Nous renforcerons notre engagement en faveur de la réforme moyennant l’initiative Action pour le maintien de la paix Plus.

Mais dans le cadre du Nouvel Agenda pour la paix, il faut reconnaître la nécessité d’une nouvelle génération de missions d’imposition de la paix et d’opérations antiterroristes, dirigées par des forces régionales, dotées d’un mandat du Conseil de sécurité établi en vertu du chapitre VII et bénéficiant d’un financement garanti et prévisible.  L’Union africaine est à cet égard un partenaire évident. 

Il est également temps de remettre le désarmement et la maîtrise des armements au centre des préoccupations – réduire les menaces stratégiques liées aux armes nucléaires et œuvrer à leur élimination définitive.  Les pays dotés de l’arme nucléaire doivent renoncer au recours en premier à ces armes effroyables.  En fait, ils doivent y renoncer tout court, à tout moment et en tout lieu.  L’utilisation dite « tactique » des armes nucléaires est absurde.  Nous courons le plus grand risque depuis des décennies qu’une guerre nucléaire soit déclenchée, par accident ou à dessein.  Nous devons mettre fin à la menace que font peser les 13 000 armes nucléaires détenues dans les arsenaux du monde entier. 

Et aucun Agenda pour la paix ne peut méconnaître les dangers que représentent les nouvelles technologies.  Il faut prévoir des mesures telles que l’interdiction internationale des cyberattaques contre les infrastructures civiles et fixer des limites au niveau international pour les systèmes d’armes létaux autonomes.  Il faut protéger à tout prix le pouvoir d’action humain.  Le Nouvel Agenda pour la paix vise à tirer parti au maximum du pouvoir de rassemblement de l’Organisation des Nations Unies pour former de vastes coalitions et faciliter les efforts diplomatiques.  L’Initiative céréalière de la mer Noire montre que cette approche peut donner des résultats, même en pleine guerre meurtrière. 

La récente visite de la Vice-Secrétaire générale en Afghanistan et les consultations qu’elle a menées dans la région et ailleurs démontrent que nous chercherons à dégager un consensus autour des droits humains, même dans les situations les plus difficiles.  Cette année, allons de l’avant ensemble en suivant des approches audacieuses et innovantes afin que l’Organisation puisse mieux tenir sa promesse de « préserver les générations futures du fléau de la guerre ».

Deuxièmement: les droits sociaux et économiques et le droit au développement.  Soyons clairs.  Quand la pauvreté et la faim s’aggravent dans le monde...  Quand les pays en développement sont contraints de payer des coûts d’emprunt cinq fois plus élevés que les économies avancées...  Quand les pays à revenu intermédiaire vulnérables se voient refuser un financement à des conditions concessionnelles et un allégement de la dette...  Quand les 1% les plus riches ont accaparé près de la moitié de toutes les nouvelles richesses au cours des 10 dernières années...  Quand les gens sont embauchés un jour et licenciés le lendemain, mais ne bénéficient d’aucune forme de protection sociale...  Quand on voit toutes ces failles béantes et bien d’autres...  De toute évidence, il y a quelque chose qui cloche dans notre système économique et financier. 

L’architecture financière mondiale est au cœur du problème.  Elle devrait être le moyen par lequel la mondialisation profite à toutes et à tous.  Et pourtant, elle échoue.  Il ne faut pas seulement faire évoluer l’architecture financière mondiale; il faut la transformer radicalement. 

L’heure est venue pour un nouveau Bretton Woods.  Un nouvel engagement, celui de placer les besoins extraordinaires des pays en développement au centre de chaque décision et de chaque mécanisme du système financier mondial.  Une nouvelle détermination, celle de s’attaquer aux inégalités criantes et aux injustices effarantes mises à nu une fois de plus par la pandémie et la riposte.  Une nouvelle volonté de faire en sorte que les pays en développement soient bien plus entendus dans les institutions financières mondiales.  Et une nouvelle architecture de la dette qui englobe l’allégement et la restructuration de la dette des pays vulnérables, y compris les pays à revenu intermédiaire dans le besoin, tirant parti de l’impulsion donnée par le programme de Bridgetown. 

Les banques multilatérales de développement en particulier doivent changer leur modèle de fonctionnement.  Elles devraient multiplier leur impact en se servant massivement de leurs fonds pour attirer des flux de capitaux privés plus importants et donner les moyens aux pays en développement d’atteindre les Objectifs de développement durable.  Cela implique d’augmenter les garanties et d’adopter des positions de première perte dans les coalitions d’institutions financières pour soutenir les pays en développement.  Sans réforme en profondeur, les pays et les personnes les plus riches continueront à accumuler les richesses, ne laissant que des miettes aux populations et aux pays du Sud. 

Nous attacher à mener à bien ces réformes systémiques, c’est aussi l’occasion pour nous de sauver les Objectifs de développement durable, d’abord à la Conférence sur les Pays les moins avancés qui se tiendra le mois prochain, puis au Sommet sur les objectifs de développement durable de septembre.  Je ne vais pas mâcher mes mots: le Sommet sur les objectifs de développement durable sera LE moment phare de 2023.  À mi-chemin de l’échéance de 2030, la distance qui reste à parcourir pour atteindre les objectifs de développement durable semble pourtant s’allonger.  Les pays devraient venir au Sommet avec des objectifs clairs, pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion et faire avancer l’égalité des genres.  Et le monde entier doit s’unir, dès maintenant, pour mobiliser des ressources.

Cela veut dire veiller de toute urgence à ce que les économies en développement disposent des liquidités nécessaires pour financer les investissements dans l’éducation de qualité, les soins de santé universels et la préparation aux pandémies, le travail décent et la protection sociale.  Ces éléments constituent les bases saines d’un Nouveau contrat social fondé sur l’égalité des droits et l’égalité des chances pour toutes et tous, comme présenté dans mon rapport sur Notre Programme commun. 

D’ici au Sommet sur les objectifs de développement durable, je demande instamment au G20 de s’entendre sur le plan de relance des ODD que j’ai proposé au Sommet du G20 de novembre dernier pour soutenir les pays du Sud.  Bien que ces derniers jours les nouvelles concernant les économies nord-américaine, européenne et chinoise soient un peu meilleures, n’oublions pas les difficultés colossales auxquelles se heurtent les pays en développement et, de fait, les travailleuses et les travailleurs du monde entier.  Je continuerai de faire pression pour une action immédiate et des réformes en profondeur, en mettant le pouvoir fédérateur de l’Organisation au service d’un véritable changement. 

Le droit au développement est indissociable du droit à un environnement propre, sain et durable.  Nous devons mettre un terme à la guerre implacable et insensée que nous menons sans merci contre la nature.  Elle fait courir à notre monde un risque immédiat, celui de dépasser la limite du réchauffement climatique, fixée à 1,5 degré, et de se diriger vers une hausse mortelle des températures de 2,8 degrés. 

Pendant ce temps, l’humanité détruit avec une violence inouïe la riche biodiversité qui l’entoure et cette destruction a des conséquences brutales, parfois irréversibles, pour les populations et la planète.  Nos océans étouffent à cause de la pollution, des plastiques et des produits chimiques.  Et une surconsommation vampirique draine l’élément vital de notre planète: l’eau.  L’année 2023 est une année charnière.  Elle doit être celle d’une action climatique qui change la donne.  Il nous faut une révolution pour stopper la destruction.  Finies les demi-mesures.  Finies les excuses.  Fini l’écoblanchiment.  Finie la cupidité illimitée de l’industrie des combustibles fossiles et de ceux qui la font vivre. 

Nous devons nous concentrer sur deux priorités urgentes: réduire les émissions et réaliser la justice climatique.  Il faut réduire de moitié les émissions mondiales au cours de cette décennie.  Cela signifie qu’il faut prendre des mesures beaucoup plus ambitieuses pour réduire la pollution par le carbone en accélérant le passage des combustibles fossiles aux énergies renouvelables – surtout dans les pays du G20 – et en décarbonant les secteurs industriels qui produisent le plus d’émissions: ceux de l’acier, du ciment, du transport maritime et de l’aviation.

Cela signifie concrétiser les partenariats en faveur d’une transition énergétique équitable avec l’Afrique du Sud, l’Indonésie et le Viet Nam.  Cela signifie développer cette coopération grâce à un Pacte de solidarité climatique au titre duquel tous les grands émetteurs redoubleront d’efforts pour réduire leurs émissions et les pays les plus riches mobiliseront des ressources financières et techniques pour soutenir les économies émergentes dans le cadre d’une action commune visant à préserver l’objectif de 1,5 degré. 

Cela signifie que les entreprises, les investisseurs et les villes doivent avoir des objectifs de réduction de leurs émissions plus ambitieux à l’horizon 2030, étayés par des mesures crédibles et immédiates; je parle ici d’émissions réelles et non de faux crédits carbone.  Toutes les entreprises, villes, régions et institutions financières qui ont pris l’engagement d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050 devraient présenter leurs plans de transition d’ici septembre, assortis d’objectifs crédibles et ambitieux pour 2025 et 2030, qui soient conformes aux normes établies par mon Groupe d’experts de haut niveau. 

J’ai un message particulier à l’intention des producteurs de combustibles fossiles et consorts qui se démènent pour accroître la production et engranger des bénéfices monstrueux: si vous ne pouvez pas vous engager de manière crédible sur la voie de la neutralité carbone et fixer des objectifs pour 2025 et 2030 qui couvrent toutes vos opérations, vous ne devriez pas être en activité.  Votre produit principal est notre problème principal.  Nous avons besoin d’une révolution des énergies renouvelables, pas d’une résurgence autodestructrice des combustibles fossiles. 

L’action climatique est impossible sans un financement adéquat.  Les pays développés savent ce qu’ils doivent faire: au minimum, respecter les engagements pris lors de la dernière COP; tenir la promesse de mobiliser 100 milliards de dollars en faveur des pays en développement; finir le travail commencé et mettre sur pied le fonds pour les pertes et les préjudices dont la création a été convenue à Charm el-Cheikh; doubler le financement de l’adaptation; réalimenter le Fonds vert pour le climat d’ici à la COP28; faire progresser les plans visant à mettre en place des systèmes d’alerte rapide de sorte que chaque personne sur terre soit protégée d’ici cinq ans; cesser de subventionner les combustibles fossiles et orienter les investissements vers les énergies renouvelables. 

Avant la COP28, qui se tiendra en décembre, j’accueillerai en septembre le Sommet sur l’ambition climatique.  L’invitation est lancée à tous les leaders, qu’il ou elle soit membre d’un gouvernement, chef d’entreprise, représentant ou représentante de la société civile.  Mais il y a une condition: venez avec le projet d’accélérer l’action au cours de cette décennie et avec des plans renouvelés et ambitieux pour atteindre la neutralité carbone – ou bien, je vous en prie, ne venez pas.  La COP28 sera l’occasion de dresser le tout premier Bilan mondial – un moment de vérité collective – et d’évaluer où nous en sommes et ce que nous devons faire au cours des cinq prochaines années pour atteindre les objectifs de Paris.  Nous devons également donner vie au Cadre mondial de la biodiversité et établir clairement comment mobiliser des ressources suffisantes. 

Quant aux gouvernements, ils doivent élaborer des plans concrets pour transformer les subventions qui sont nocives pour la nature en mesures d’incitation en faveur de la préservation de la nature et du développement durable.  Agir en faveur des océans, cela veut dire conclure de nouveaux partenariats et faire davantage pour lutter contre la pollution marine, mettre fin à la surpêche, sauvegarder la biodiversité marine, et plus encore.  Le Sommet consacré à l’eau, qui se tiendra en mars, doit déboucher sur un programme d’action audacieux en faveur de l’eau, témoignage du degré d’engagement accordé à cet élément vital pour notre planète.  L’action climatique est la plus grande opportunité du XXIe siècle de faire progresser tous les Objectifs de développement durable.  Le droit à un environnement propre, sain et durable est un droit que nous devons rendre réel pour toutes et tous. 

Quatrièmement: le respect de la diversité et l’universalité des droits culturels.  Quelle que soit notre origine, où que nous vivions, la culture est l’âme de l’humanité.  Elle donne un sens à notre vie.  L’universalité et la diversité sont essentielles aux droits culturels.  Ces droits perdent tout leur sens si une culture ou un groupe est élevé au-dessus d’un autre.  Mais qu’il s’agisse de destruction de sites funéraires sacrés, de conversions religieuses parrainées par l’État ou de programmes dits de rééducation, les droits culturels universels sont attaqués de toutes parts. 

L’antisémitisme, le sectarisme antimusulman, la persécution des chrétiens, le racisme et l’idéologie suprématiste blanche sont en marche.  Les minorités ethniques et religieuses, les réfugiés, les migrants, les populations autochtones et les membres de la communauté LGBTQI+ sont de plus en plus la cible de la haine, en ligne et hors ligne.  Le fait de caricaturer la diversité comme une menace profite à de nombreuses personnes en position de pouvoir.  Ils sèment la division et la haine, et utilisent les différences culturelles comme d’une arme.  Les plateformes de réseaux sociaux utilisent des algorithmes qui amplifient les idées toxiques et banalisent les opinions extrémistes.  Et les annonceurs financent ce modèle économique.  Certaines plateformes tolèrent le discours de haine: le premier pas vers le crime de haine. 

Le Programme de communication sur l’Holocauste et les Nations Unies et celui sur le génocide des Tutsis au Rwanda, ainsi que la Stratégie et le Plan d’action des Nations Unies pour la lutte contre les discours de haine, sont des exemples de notre engagement à protéger les droits culturels et la diversité dans le monde entier.  Nous appelons à l’action toutes celles et ceux qui peuvent influer sur la diffusion de fausses informations et la désinformation sur Internet – gouvernements, autorités de contrôle, décideurs, entreprises technologiques, médias, société civile.  Faites barrage à la haine.  Installez de solides garde-fous.  Soyez responsable de mots qui peuvent être destructeurs.

Dans le cadre de mon rapport sur Notre Programme commun, nous réunirons toutes les parties prenantes autour d’un Code de conduite portant sur l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques.  Nous nous pencherons également sur l’impact que la mésinformation et la désinformation ont sur de grandes questions d’ordre mondial, notamment la crise climatique. 

Cinquièmement: le droit à la pleine égalité des genres.  L’égalité des genres est à la fois un droit humain fondamental et une solution à certains des plus grands défis de notre monde.  Et pourtant, la moitié de l’humanité est bridée par la violation des droits humains la plus répandue de notre époque.  En Afghanistan, les femmes et les filles sont des exilées dans leur propre pays, bannies de la vie publique, et voient chaque aspect de leur vie contrôlé par les hommes.  Comme l’a dit une jeune femme: « Nous sommes mortes, et pourtant vivantes. »  En Iran, des femmes et des filles sont descendues dans la rue pour réclamer le respect des droits fondamentaux, au prix d’un lourd tribut personnel. 

Si les exemples les plus extrêmes retiennent l’attention, la discrimination fondée sur le genre est mondiale, systématique, omniprésente – et elle entrave le développement de chaque pays.  Les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes restent énormes, même dans les économies les plus avancées.  Moins d’un quart des pays ont atteint la parité des genres dans l’enseignement secondaire supérieur.  Au rythme actuel, il faudrait 286 ans pour que les femmes obtiennent le même statut juridique que les hommes partout.  Et la situation ne fait qu’empirer.

Au niveau international, certains gouvernements s’opposent désormais à l’inclusion même d’une perspective de genre dans les négociations multilatérales.  Nous assistons aussi à une intense remise en cause des droits des femmes et des filles.  Les droits sexuels et reproductifs des femmes et leurs protections juridiques sont menacés.  Je me retrouve souvent face à des panels exclusivement masculins –ou « manels »– sur des thèmes qui touchent aussi bien les femmes et les filles que les hommes et les garçons.  Cette pratique doit être bannie.  L’égalité des genres est une affaire de pouvoir.  Le patriarcat, s’appuyant sur des millénaires de pouvoir, se réaffirme. 

L’Organisation des Nations Unies s’y opposera et continuera de défendre les droits des femmes et des filles partout dans le monde.  Dans ce cadre, j’ai demandé un examen indépendant de nos capacités en matière d’égalité des genres à travers tous les piliers de notre travail.  Les conclusions et recommandations porteront sur les structures, le financement et le leadership, afin que nous puissions mieux servir les femmes du monde entier.  Je redoublerai également d’efforts pour soutenir les mesures –y compris les quotas– visant à combler les écarts de représentation des femmes dans les élections, les conseils d’administration ou les négociations de paix.  La Commission de la condition de la femme se concentrera sur les disparités fondées sur le genre dans le domaine des sciences et des technologies, qui exacerbent les énormes inégalités dans le monde numérique.  Au sein de notre organisation, je préserverai et consoliderai les progrès réalisés dans les postes de haute direction et je développerai nos efforts à tous les niveaux. 

Sixièmement: les droits civils et politiques comme fondement de sociétés inclusives.  La liberté d’expression et la participation à la vie politique constituent l’essence même de la démocratie et renforcent les sociétés et les économies.  Or, nombreuses sont les régions du monde où ces droits sont menacés, tandis que la démocratie recule.  Sous couvert de pandémie de COVID-19, nous avons vu se développer une pandémie de violations des droits civils et politiques.  Des lois répressives restreignent la liberté d’exprimer des opinions.  Les nouvelles technologies fournissent bien souvent un alibi et des moyens de contrôler la liberté de réunion et même la liberté de circulation.  Les militants des droits humains sont souvent harcelés, maltraités, mis en détention et pire encore.  L’espace de la société civile se réduit sous nos yeux.  Dans un nombre de croissant de pays, les médias sont en ligne de mire.  L’année dernière, le nombre de journalistes et de professionnels des médias tués a grimpé de 50 pour cent.  Beaucoup d’autres encore ont été harcelés, emprisonnés et torturés. 

Pour contribuer à la réalisation de mon Appel à l’action en faveur des droits humains, nous nous employons à faire progresser les libertés fondamentales, à promouvoir une participation plus systématique de la société civile à tous nos travaux et à protéger l’espace civique dans le monde entier.  Et nous renforçons notre soutien aux lois et politiques qui protègent les droits à la participation et à la liberté d’expression, y compris la liberté et l’indépendance des médias. 

Enfin, nous devons prendre conscience que les menaces auxquelles nous sommes confrontés portent non seulement atteinte aux droits de nos contemporains, mais également aux droits des générations futures.  Il s’agit là d’une responsabilité fondamentale – et d’un indicateur déterminant de bonne gouvernance.  Pourtant, les générations futures sont trop souvent oubliées.

Le Sommet de l’avenir qui se tient l’an prochain doit placer ces droits au cœur de notre débat mondial: notamment faire la paix avec la nature; garantir un avenir numérique ouvert, libre et inclusif pour tous – avec un Pacte numérique mondial; éliminer les armes de destruction massive; et construire une gouvernance plus juste et plus inclusive.  Et qui de mieux placés que les jeunes pour défendre cet avenir.  Le nouveau Bureau des Nations Unies pour la jeunesse, qui sera opérationnel cette année, nous permettra d’accroître nos efforts en la matière. 

Ce sera également l’occasion de renforcer l’action mondiale et de bâtir une Organisation des Nations Unies prête pour une nouvelle ère – une ONU plus créative, diverse, multilingue et plus proche des personnes que nous servons.  Je me réjouis de pouvoir, lundi prochain, informer l’Assemblée générale plus en détail sur Notre Programme commun.  Alors que nous évoquons les priorités pour cette année, il est essentiel d’appliquer une approche fondée sur les droits si nous voulons atteindre, à terme, notre priorité absolue: un monde plus sûr, plus pacifique et plus durable. 

La Charte et la Déclaration universelle des droits de l’homme indiquent la voie à suivre pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.  Elles sont une source de solutions et une source d’espoir.  Puisons dans cet espoir et agissons résolument avant qu’il ne soit trop tard.  Le temps presse.  Et chaque minute compte. 

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