SC/15429
Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés
Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du troisième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Nigéria (S/2022/596), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, les messages suivants:
À toutes les parties au conflit au Nigéria:
- condamne vigoureusement l’ensemble des violations et des exactions qui continuent d’être commises contre des enfants par toutes les parties au conflit au Nigeria, note que les groupes affiliés à Boko Haram et les groupes dissidents portaient la responsabilité de la vaste majorité des faits confirmés dans le rapport, note avec inquiétude l’effet négatif disproportionné de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) sur les enfants, exhorte toutes les parties au conflit à prévenir et à faire cesser immédiatement toutes les violations et exactions commises contre des enfants, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les attaques contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements et le refus d’accès humanitaire, et exhorte les parties à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international applicable;
- constate avec préoccupation que les restrictions d’accès aux zones touchées par le conflit pendant la période considérée ont entravé la vérification des six violations graves commises contre des enfants et que les informations figurant dans le rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Nigéria (S/2022/596) ne rendent donc pas pleinement compte des effets du conflit sur les enfants au Nigéria;
- demande à toutes les parties de continuer d’appliquer ses conclusions précédentes concernant le Nigéria (S/AC.51/2020/4);
- souligne qu’il importe d’appliquer le principe de responsabilité concernant toutes les violations et exactions commises contre des enfants dans un conflit armé, d’en traduire les auteurs en justice et de les faire répondre de leurs actes sans retard injustifié, notamment par la conduite systématique et diligente d’enquêtes et, s’il y a lieu, l’ouverture de poursuites judiciaires et des condamnations, et de donner à toutes les victimes accès à la justice ainsi qu’aux services médicaux, à l’aide psychosociale et à la protection dont elles ont besoin;
- insiste sur le fait que, lors de la planification et de l’application des mesures en faveur des enfants dans les situations de conflit armé, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et les vulnérabilités et les besoins particuliers des filles et des garçons, ainsi que ceux des enfants en situation de handicap ou déplacés, doivent être dûment pris en compte;
- condamne énergiquement la poursuite du recrutement et de l’utilisation d’enfants, engage vivement toutes les parties au conflit à libérer immédiatement et sans conditions préalables tous les enfants qui leur sont associés, à les remettre aux acteurs civils de la protection de l’enfance, en coordination avec les autorités nigérianes respectives, et exhorte toutes les parties à prévenir et à faire cesser tout nouveau recrutement et toute nouvelle utilisation d’enfants dans un conflit armé, notamment à ne pas recruter à nouveau des enfants ayant été libérés, conformément aux obligations que leur impose le droit international, y compris, le cas échéant, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;
- s’inquiète profondément de ce que des enfants soient privés de liberté en raison de leur association réelle ou présumée, ou de celle de leurs parents, aux groupes affiliés à Boko Haram et aux groupes dissidents, souligne que les enfants qui ont été recrutés par des groupes armés et qui sont accusés d’avoir commis des crimes pendant un conflit armé doivent être traités avant tout comme des victimes, et réaffirme qu’il importe que tous les acteurs respectent les droits des enfants au Nigéria, y compris, s’il y a lieu, au regard de la Convention relative aux droits de l’enfant et de son protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;
- se dit gravement préoccupé par les meurtres d’enfants et les atteintes à leur intégrité physique, en particulier à la suite de tirs croisés, de frappes aériennes, de l’emploi de restes explosifs de guerre et d’engins explosifs improvisés et d’attentats-suicides, tout en notant la baisse générale du nombre d’enfants tués ou mutilés, comparée à la précédente période considérée, et demande à toutes les parties de se conformer aux obligations que leur impose le droit international humanitaire, en particulier les principes de distinction, de proportionnalité et d’humanité, ainsi que l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire autant que faire se peut les dommages causés aux civils ou aux biens de caractère civil;
- se déclare vivement préoccupé par le nombre élevé de cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants, notamment les enfants déplacés, exhorte toutes les parties au conflit armé à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle ou fondée sur le genre, perpétrés contre des enfants par leurs membres, insiste sur l’importance d’amener les personnes qui commettent des violences sexuelles contre des enfants à répondre de leurs actes, souligne que les filles ont continué d’être la cible délibérée de viols et d’autres formes de violence sexuelle, y compris l’exploitation sexuelle, l’esclavage sexuel et le mariage forcé, constate avec préoccupation qu’il est difficile de tracer, d’étayer et de confirmer les violations et les exactions commises, faute de dispositifs de signalement sûrs, en raison de la crainte des personnes rescapées d’être victimes de stigmatisation ou de représailles ou faute d’accès de l’équipe spéciale de pays à certaines zones en conflit, d’où le faible nombre de signalements, et souligne qu’il importe de fournir aux personnes rescapées de violence sexuelle liée au conflit des services spécialisés non-discriminatoires et intégrés, notamment dans les domaines psychosocial et de santé mentale et physique, y compris de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’une assistance juridictionnelle et des aides à des moyens de subsistance;
- condamne fermement les attaques commises contre des écoles et des hôpitaux dans le nord-est du Nigéria, qui ont continué d’entraver fortement l’accès des enfants à l’éducation et aux soins de santé, dont la grande majorité ont été attribuées au groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » (ISWAP) et à Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad, demande à toutes les parties de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter comme tel le caractère civil des écoles et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de prévenir et de faire cesser les attaques ou menaces d’attaque contre ces institutions et leur personnel, en violation du droit international applicable, en s’appuyant sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, signée par le Gouvernement nigérian en mai 2015, conformément à la résolution 2601 (2021) du Conseil de sécurité, et note l’effet néfaste que les attaques contre les écoles et leur utilisation peuvent avoir sur l’exercice du droit à l’éducation;
- se déclare particulièrement inquiet que de nombreux enfants dans les conflits armés, en particulier les filles, n’aient pas accès à l’éducation en raison, entre autres, des attaques commises contre les écoles, et se préoccupe de l’extension des opérations des groupes affiliés à Boko Haram et des groupes dissidents au-delà du nord-est du Nigéria en direction du nord-ouest du pays, en particulier de la propagation de la violence visant les écoles et qui comprendraient des enlèvements d’élèves en échange de rançons;
- condamne fermement le nombre élevé de cas d’enlèvements d’enfants par Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et l’ISWAP, notamment à des fins de recrutement et d’utilisation, de mariage forcé et d’autres formes de violence sexuelle, exhorte toutes les parties concernées, en particulier les groupes affiliés à Boko Haram et les groupes dissidents, à mettre immédiatement un terme aux enlèvements d’enfants et à toutes les violations et exactions commises contre des enfants enlevés, note les effets différenciés selon le genre des enlèvements, notamment le mariage forcé de filles à des combattants, et exhorte vivement toutes les parties à libérer immédiatement, sans conditions préalables, tous les enfants se trouvant dans leurs rangs et à les remettre aux acteurs civils de la protection de l’enfance;
- se dit gravement préoccupé par les refus d’accès humanitaire, y compris les attaques, les enlèvements, les meurtres de membres du personnel humanitaire et les menaces dont ils font l’objet, et demande à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence, ainsi qu’aux principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance et de respecter la nature exclusivement humanitaire et l’impartialité de l’aide humanitaire ainsi que les activités de toutes les entités des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires sans distinction défavorable.
Au Gouvernement nigérian:
- souligne qu’il appartient principalement au Gouvernement d’assurer secours et protection à tous les enfants touchés par le conflit armé au Nigéria, conformément aux obligations que lui impose le droit international, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant et son protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;
- se félicite de la signature, entre le Gouvernement nigérian et l’Organisation des Nations Unies d’un protocole de transfert des enfants pour faciliter la libération et le transfert des enfants, effectivement ou prétendument associés à des groupes armés aux acteurs civils de la protection de l’enfance, et l’encourage à accélérer l’application de ce protocole et à accorder à l’Organisation et aux acteurs civils de la protection de l’enfance l’accès aux centres de détention, tout en notant que l’équipe spéciale de pays n’a pas été en mesure d’établir le nombre total d’enfants encore en détention pour leur association réelle ou présumée avec des groupes armés;
- se félicite des mesures prises par le Gouvernement nigérian, avec l’appui de l’ONU et de ses partenaires, qui ont permis la réintégration de 6 503 enfants anciennement associés à des groupes armés et souligne l’importance d’une réintégration durable, effective et tenant compte des questions de genre de tous les enfants qui ont été libérés au moyen de programmes de réintégration centrés sur la famille et la communauté, ainsi que de l’organisation de programmes d’appui psychosocial, d’éducation et de santé physique et mentale à tous les enfants touchés par le conflit;
- se félicite de la signature par les autorités de l’État de Borno de la loi sur les droits de l’enfant, souligne qu’il importe de continuer de demander des comptes aux auteurs de ces actes, au moyen de l’ouverture d’enquêtes, de poursuites et de condamnations contre toute personne reconnue responsable de violations et d’exactions contre des enfants.
Aux groupes affiliés à Boko Haram et aux groupes dissidents dont Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et l’ISWAP
- condamne énergiquement les violations et les exactions que les groupes affiliés à Boko Haram et les groupes dissidents, notamment Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad et l’ISWAP continuent de commettre contre des enfants, et engage instamment toutes les parties au conflit à prévenir et à faire cesser immédiatement toutes celles perpétrées contre des enfants au Nigéria et dans le bassin du lac Tchad et à libérer immédiatement et sans condition tous les enfants et de prévenir et de faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants, et notamment de ne pas recruter à nouveau des enfants ayant été libérés;
- condamne vivement le fait que l’ISWAP et Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad prennent les écoles pour cibles, les incendient et détruisent des infrastructures connexes;
- exhorte les groupes affiliés à Boko Haram et les groupes dissidents, en particulier l’ISWAP et Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad, à mettre un terme à l’enlèvement d’enfants, notamment de filles;
- rappelle que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2368 (2017), a réaffirmé les mesures de gel des avoirs, d’interdiction de voyager et d’embargo sur les armes concernant toutes les personnes et entités visées, dont les groupes affiliés à Boko Haram et les groupes dissidents, énoncées au paragraphe 1 de la résolution 2083 (2012);
- se tient prêt à communiquer au Conseil de sécurité et au Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) concernant Al-Qaida et les personnes et entités qui lui sont associées toute information pertinente susceptible de les aider à imposer de nouvelles sanctions aux auteurs de violations.
À la Force civile mixte
- Salue le rôle constructif que la Force a joué, en coopération avec le Gouvernement nigérian, dans l’adoption et l’application du plan d’action visant à prévenir et à faire cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants, note que la Force a été radiée de la Liste dans les annexes au rapport de 2021 du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés (A/75/873-S/2021/437), exhorte la Force, avec l’appui constant de l’ONU, de s’acquitter des obligations que lui impose le plan d’action, à savoir la formation de ses unités aux droits de l’enfant et la mise en place de mécanismes de responsabilisation, et de pérenniser les progrès accomplis par l’exécution du plan d’action.
Aux notables locaux et aux chefs religieux
- souligne le rôle important que jouent les notables locaux et les chefs religieux pour ce qui est de renforcer la protection des enfants touchés par les conflits armés et est conscient du rôle important qu’ils jouent dans la mobilisation visant à mettre fin aux violations et aux exactions commises contre des enfants;
- les exhorte à condamner publiquement les violations et exactions commises contre des enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, le viol et autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles et des hôpitaux et à se concerter avec le Gouvernement nigérian, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration des enfants touchés par le conflit armé dans leurs communautés, notamment par des activités de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.