SC/15360

Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du quatrième rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Soudan du Sud (S/2023/99), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, les messages suivants: 

À toutes les parties au conflit armé au Soudan du Sud, notamment aux Forces sud-soudanaises de défense du peuple, et au Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition pro-Machar: 

  • Condamne fermement l’ensemble des violations et atteintes contre des enfants qui continuent d’être commises au Soudan du Sud, notamment les violations du droit international humanitaire; se déclare gravement préoccupé par les conséquences disproportionnées que la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) entraîne pour les enfants; exhorte toutes les parties au conflit à prévenir et à faire cesser immédiatement toutes les violations du droit international applicable liées au recrutement et à l’utilisation d’enfants, aux enlèvements, aux meurtres et atteintes à l’intégrité physique, aux viols et autres formes de violence sexuelle, aux attaques perpétrées contre des écoles et des hôpitaux et au refus d’accès humanitaire, et à s’acquitter pleinement de toutes les obligations que leur impose le droit international, tout en constatant que le nombre global de violations confirmées a diminué depuis le précédent rapport; 
  • Demande à toutes les parties de continuer à donner suite de manière prioritaire aux conclusions précédentes du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés concernant la question des enfants et du conflit armé au Soudan du Sud (S/AC.51/2021/1); 
  • Insiste sur le fait que, lors de la planification et de la mise en œuvre des mesures en faveur des enfants dans les situations de conflit armé, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et les vulnérabilités et les besoins spécifiques des filles et des garçons doivent être dûment pris en compte, notamment ceux des enfants en situation de handicap; 
  • Se félicite que l’Accord de paix revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud comporte des dispositions relatives à la protection des enfants; souligne que la mise en œuvre de cet accord offre une occasion importante de placer les droits et les besoins des enfants au cœur des efforts visant à instaurer une paix durable, la justice et la réconciliation au Soudan du Sud; souligne également que les considérations relatives à la protection de l’enfance doivent être prises en compte dans toute négociation de paix future; demande à cet égard que le Guide pratique des Nations Unies à l’intention des médiateurs pour la protection des enfants dans les situations de conflit armé soit diffusé et appliqué; demande instamment à toutes les parties qui s’emploient à mettre en œuvre l’Accord revitalisé de veiller à ce qu’une place soit faite à la protection, aux droits, au bien-être et à l’autonomisation des enfants touchés par le conflits armé dans toutes les initiatives de consolidation et de pérennisation de la paix, selon qu’il convient et en consultation avec les acteurs de la protection de l’enfance, y compris les activités liées aux programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration et à la réforme du secteur de la sécurité, et d’encourager et de faciliter la prise en compte de l’opinion des enfants dans ces processus, et prend note à cet égard des Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris); 
  • Se félicite des progrès accomplis par les parties à l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud quant à l’application de l’accord de paix et à la formation du Gouvernement provisoire d’union nationale revitalisé; 
  • Appelle les parties à l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud à le mettre pleinement en œuvre, notamment les dispositions relatives à l’interdiction du recrutement d’enfants soldats et des formes de violence sexuelle et fondée sur le genre; souligne à cet égard qu’il importe que l’Organisation des Nations Unies continue à en soutenir et à en surveiller la mise en œuvre; 
  • Réaffirme qu’il importe d’assurer la répression de toutes les violations et atteintes commises sur la personne d’enfants touchés par le conflit armé; insiste sur le fait que tous les auteurs de tels faits doivent être traduits rapidement en justice pour répondre de leurs actes sans retard excessif, ce qui suppose notamment de procéder à des enquêtes systématiques et diligentes et, s’il y a lieu, d’engager des poursuites judiciaires et de prononcer des condamnations; souligne qu’il faut mettre fin à l’impunité généralisée des violations et atteintes commises sur la personne d’enfants; demande instamment au Gouvernement de mettre un terme à l’impunité en veillant à ce que tous les auteurs de violations et d’atteintes soient rapidement traduits en justice et aient à rendre compte de leur conduite, notamment en nommant une personne référente chargée de la question des enfants touchés par le conflit armé au Ministère de la justice, en menant rapidement des enquêtes et des poursuites de manière rigoureuse, indépendante et impartiale; note que, dans le plan d’action global conclu le 7 février 2020 pour prévenir et faire cesser toutes les violations graves contre les enfants, les parties se sont engagées à enquêter sur les six violations graves, à les ériger en infractions pénales lorsqu’il y a lieu, et à renforcer les organes judiciaires spécialisés dans la recherche, la poursuite et le jugement des auteurs de tels faits; souligne qu’il est nécessaire de veiller à ce que toutes les victimes et tous les rescapés aient accès  à la justice, et à ce que tous les enfants aient accès à des services de protection de l’enfance complets et non discriminatoires qui tiennent compte des questions de genre, soit adaptés à l’âge des bénéficiaires et incluent les enfants en situation de handicap; encourage le Gouvernement et l’Organisation des Nations Unies à collaborer au renforcement du cadre juridique général pour que les droits des enfants soient garantis; 
  • Condamne le recrutement et l’utilisation d’enfants par toutes les parties au conflit armé pour s’acquitter de divers rôles, y compris au combat, comme cuisiniers, porteurs, messagers, gardes du corps, pour participer à des défilés militaires ou assumer des fonctions de sécurité; note que le recrutement et l’utilisation restent celle des six violations graves commises sur la personne d’enfants qui est la plus confirmée et que les faits de recrutement et d’utilisation sont souvent liés aux cinq autres violations graves; souligne que l’intensification des conflits, l’apparition de nouveaux groupes armés, l’insécurité, la pauvreté et l’absence de perspectives constitueraient un terreau fertile pour le recrutement et l’utilisation d’enfants; et exhorte vivement toutes les parties au conflit au Soudan du Sud à faire cesser immédiatement le recrutement et l’utilisation d’enfants, à libérer immédiatement et sans conditions tous ceux qui se trouvent dans leurs rangs et à les confier aux acteurs civils de la protection de l’enfance, conformément aux protocoles en vigueur, en veillant à ce que ces enfants soient traités avant tout comme des victimes, à permettre leur pleine réinsertion dans la société et à prévenir tout nouveau cas d’enrôlement ou d’utilisation, conformément aux obligations énoncées dans le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés; 
  • Encourage le Gouvernement à continuer de s’attacher à offrir aux enfants touchés par des conflits armés des programmes et des possibilités de réintégration et de réadaptation à long terme, durables et sans délai, qui tiennent compte des questions de genre et des questions liées à l’âge et incluent les enfants en situation de handicap, notamment de la nécessité d’assurer l’accès, dans des conditions d’égalité, aux soins de santé, aux services de soutien psychosocial et aux programmes d’enseignement, et à sensibiliser les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants, de faciliter leur retour, de réduire au maximum le risque d’un nouveau recrutement, tout en tenant compte des besoins respectifs des filles et des garçons, et de contribuer ainsi au bien-être des enfants et à une paix et une sécurité durables; 
  • condamne le fait que toutes les parties engagées dans le conflit armés au Soudan du Sud continuent de tuer des enfants et de porter atteinte à leur intégrité physique, notamment lors d’échanges de tirs entre les Forces sud-soudanaises de défense du peuple et les groupes armés, de violences intercommunautaires et infranationales, d’opérations militaires menées par les Forces sud-soudanaises de défense du peuple et de raids lancés par les groupes armés sur les villages, ainsi que dans l’explosion de restes explosifs de guerre; exhorte toutes les parties à respecter les droits humains et le droit humanitaire international et à prendre toutes les mesures nécessaires pour mieux protéger les enfants et prévenir de telles violations et de telles atteintes; demande au Gouvernement d’investir dans les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration, dans la réforme du secteur de la sécurité et dans les activités de déminage, en particulier pour mettre les enfants à l’abri des restes explosifs de guerre; note que ces restes explosifs de guerre demeurent la principale cause de blessures et de décès parmi les enfants; encourage toutes les parties au conflit à continuer d’œuvrer de concert avec le Service de la lutte antimines de l’ONU, ainsi qu’à investir dans les programmes d’éducation au danger des engins explosifs destinés aux enfants et à les développer, en poursuivant leur collaboration avec l’UNICEF; 
  • Condamne la perpétration de viols et d’autres formes de violence sexuelle, notamment la forte augmentation de la violence sexuelle liée aux conflits au cours du premier semestre 2022, en particulier les viols collectifs et les tentatives de viol, sur la personne d’enfants, en particulier de filles; exhorte toutes les parties à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants par des membres de leurs forces ou groupes respectifs; souligne qu’il importe que les personnes qui commettent sur la personne d’enfants des violences sexuelles ou fondées sur le genre aient à répondre de leurs actes et que les rescapés bénéficient d’une protection et d’une assistance adéquates ainsi que de mécanismes fiables de recours à la justice; encourage les parties à l’Accord de paix revitalisé à accélérer la mise en œuvre de leurs plans d’action respectifs de lutte contre la violence sexuelle liée au conflit; note que les récentes scissions et défections ont donné lieu à des violences et fait des victimes civiles, et aggravé l’exposition des enfants aux violences sexuelles pendant la période considérée ; note avec inquiétude que l’ampleur des violences sexuelles infligées aux enfants au Soudan du Sud est sous-estimée du fait de la crainte de la stigmatisation, des normes culturelles, du défaut de sensibilisation, de la peur des représailles et du fait de l’impunité et de l’absence de services de soutien adéquats pour les personnes rescapées, souligne qu’il importe de fournir aux rescapés de violences sexuelles des services spécialisés intégrés, sans distinction, dans le domaine psychosocial et dans celui de la santé, y compris la santé sexuelle et procréative, ainsi qu’une assistance et des services juridiques et une aide à la subsistance; 
  • note la diminution de 50 % du nombre d’attaques confirmées contre des écoles et des hôpitaux par rapport à la période précédente; condamne la poursuite des attaques contre les écoles et les hôpitaux en violation du droit international et des attaques contre des personnes protégées qui sont le fait de toutes les parties engagées dans le conflit armé au Soudan du Sud, ainsi que les pillages, les attaques contre le personnel médical et éducatif; se déclare préoccupée par le fait que les forces armées et les groupes armés utilisent des écoles et des hôpitaux à des fins militaires; demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des établissements scolaires et des hôpitaux, et le personnel qui y travaille, et de prévenir et faire cesser les attaques ou menaces d’attaques contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’établissements scolaires et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international, y compris du droit international humanitaire; 
  • Rappelle que le Gouvernement sud-soudanais a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et doit la mettre pleinement en œuvre; encourage le Gouvernement à veiller à ce que les attaques menées contre des écoles fassent l’objet d’enquêtes, à ce que les enfants aient accès à l’éducation et à ce que les responsables de violations du droit international humanitaire et du droit des droits humains soient dûment poursuivis; souligne à cet égard l’importance de mettre en œuvre la résolution 2601 (2021) et de garantir le droit à l’éducation; 
  • Condamne fermement les enlèvements d’enfants, dont plus de 80 % ont été attribués à des acteurs non étatiques, en particulier au Front de salut national, au Mouvement de l’alliance nationale populaire, au Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (M/APLS) et à la faction Kit-Gwang du M/APLS, notamment à des fins de recrutement et d’utilisation, de viol et d’autres formes de violence sexuelle, y compris le mariage forcé; et le fait que d’autres enfants ont également été enlevés pour faire avancer des programmes militaires et démontrer leurs prouesses, ou pour avoir refusé d’obéir à des ordres; demande instamment à toutes les parties de libérer immédiatement et sans conditions tous les enfants enlevés et de les confier aux acteurs compétents de la protection de l’enfance; 
  • Exprime sa grave préoccupation face aux incidents de refus d’accès humanitaire, notamment les meurtres et les attaques visant des membres du personnel humanitaire, les restrictions d’entrée imposées au personnel humanitaire, ainsi que les menaces et les violences à son encontre, les pillages et les embuscades contre des convois humanitaires, qui ont également touché des organisations non gouvernementales (ONG) humanitaires; demande à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire ainsi qu’aux principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, de respecter le caractère exclusivement humanitaire et impartial de l’aide humanitaire et de respecter également le travail de tous les organismes des Nations Unies et des acteurs humanitaires, sans distinction préjudiciable; 
  • Est profondément préoccupé par la nature prolongée du conflit, l’escalade de la violence intercommunautaire et les flambées de violence à l’échelle infranationale partout dans le pays, qui exposent les enfants à un risque majeur d’être victimes des six violations graves; note que tout au long de la période considérée, les groupes armés se sont scindés et désintégrés, ce qui a souvent entraîné des combats localisés et pourrait accroître le risque d’une multiplication des actes relevant des six violations graves; exhorte toutes les parties au conflit à participer aux efforts de réconciliation au niveau local et à s’engager dans des initiatives de dialogue intercommunautaire, en particulier celles que soutient le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS); 
  • Rappelle que le Conseil de sécurité, par ses résolutions 2206 (2015), 2521 (2020), 2577 (2021) et 2633 (2022) a décidé d’imposer des mesures financières et des restrictions aux déplacements aux personnes et entités désignées par le Comité créé en application du paragraphe 16 de la résolution 2206 (2015) pour des activités pouvant inclure, sans s’y limiter: 
  • Le fait de préparer, de donner l’ordre de commettre ou de commettre au Soudan du Sud des actes contraires au droit international des droits humains ou au droit international humanitaire, ou qui constituent des atteintes aux droits humains; 
  • Le recrutement et l’emploi d’enfants par des groupes armés ou des forces armées dans le cadre du conflit armé au Soudan du Sud; 
  • Le fait de préparer, de donner l’ordre de commettre ou de commettre des actes de violence sexuelle ou fondée sur le genre au Soudan du Sud; 
  • Le fait de prendre pour cible des civils, notamment des femmes et des enfants, en préparant, en donnant l’ordre de commettre ou en commettant des actes de violence (notamment des meurtres, des mutilations, des actes de torture ou des viols), des enlèvements ou des disparitions et des déplacements forcés, en perpétrant des attaques contre des écoles, des hôpitaux, des lieux de culte ou des lieux où des civils ont trouvé refuge, ou en commettant d’autres actes qui constitueraient des violations du droit international des droits humains, y compris les atteintes graves aux droits humains, ou des violations du droit international humanitaire; 
  • Le fait d’entraver les activités des missions de maintien de la paix ou des missions humanitaires ou diplomatiques déployées par la communauté internationale au Soudan du Sud, y compris celles du Mécanisme de vérification et de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité, l’acheminement ou la distribution de l’aide humanitaire ou l’accès à cette aide; 
  • Les attaques contre les missions des Nations Unies, les présences internationales de sécurité ou d’autres opérations de maintien de la paix ou contre le personnel des organisations humanitaires; 
  • Déclare qu’il se tient prêt à communiquer au Conseil de sécurité toutes informations utiles pour l’aider à adopter des mesures ciblées contre les auteurs de violations.    

Aux notables locaux et aux chefs religieux: 

  • Souligne le rôle majeur que jouent les notables locaux et les chefs religieux dans le renforcement de la protection des enfants touchés par le conflit armé; 
  • Les exhorte à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, le viol et autres formes de violence sexuelle, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles et des hôpitaux et le refus de l’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour faire cesser et prévenir ces violations et atteintes, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration et la réadaptation, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.
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