Soixante-septième session,
16e séance plénière - matin
FEM/2229

La Commission de la condition de la femme examine des approches novatrices pour retrouver le chemin de la relance et parvenir à la parité femmes-hommes

La Commission de la condition de la femme a examiné, ce matin dans le cadre d’un dialogue interactif, la question émergente de la réalisation de la parité femmes-hommes dans le contexte d’urgences qui se superposent. 

Alors que nous nous retrouvons dans cette salle, les femmes et les filles, de par le monde, sont confrontées à une série sans précédent de crises qui ont inversé les progrès enregistrés sur le front de la parité, a déploré le Vice-Président de la Commission, M. Māris Burbergs.  Parmi ces crises, experts et délégations ont identifié, entre autres, la pandémie de COVID-19, l’explosion des taux de pauvreté, la crise mondiale du coût de la vie, la crise climatique et les conflits. 

Au rythme actuel, et en raison des conséquences socioéconomiques de la pandémie de COVID-19, l’on estime qu’il faudra encore 300 ans pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, a alerté la Chef de la section autonomisation économique d’ONU-Femmes. 

Une inquiétude partagée par la Directrice adjointe de la Division de la transformation rurale inclusive et la parité hommes-femmes à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a signalé que si la pandémie a accru l’insécurité alimentaire dans le monde entier, son impact sur les femmes a été particulièrement grave.  De fait, a-t-elle détaillé, plus de 939 millions de femmes âgées de 15 ans ou plus ont connu une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2021, contre 813 millions d’hommes de la même tranche d’âge.  Et cette tendance est également à la hausse s’agissant de l’extrême pauvreté qui, selon les prévisions, toucherait 25 millions de plus de femmes et de filles par rapport aux hommes et aux garçons, s’est encore alarmée l’experte.    

Quant aux recommandations et actions concrètes à mettre en place pour renforcer les politiques et les efforts de relance, elles doivent nécessairement passer par une approche intersectionnelle protégeant et promouvant véritablement les droits humains des femmes et des filles dans toute leur diversité, ont estimé plusieurs panélistes à l’instar de la Directrice exécutive du Centre for Social Equity and Inclusion qui a estimé que les  données désagrégées générées par les citoyens et les communautés peuvent être un outil important pour ne laisser personne de côté. 

Les politiques et les gouvernements doivent, en outre, miser et investir dans des services de soins universels et de congés parentaux bien rémunérés car cette approche peut contribuer à créer des emplois et à réduire les inégalités entre les sexes, a insisté, pour sa part, un économiste à l’Open University, au Royaume-Uni.  Pour contribuer à cette transformation, M. Jerome De Henau a estimé, sur la base d’un simulateur lancé la semaine dernière, qu’un tel investissement pourrait créer plus de 300 millions d’emplois dans le monde, dont au moins 240 millions pour les femmes, et 270 millions d’emplois formels, chiffres qui se traduiraient par une hausse du taux d’emploi de plus de 10% pour les femmes. 

Une approche qui a tout son sens, pour le Vice-Président de la Commission de la condition de la femme, sachant, a-t-il dit, que les ménages affectés par la fermeture des écoles pendant la pandémie ont dû assurer près de 700 milliards d’heures non rémunérées de garde d’enfants, un fardeau qui a essentiellement pesé sur les femmes qui en ont assumé près de 70%. 

Parmi les autres mesures préconisées visant la parité, les participants ont insisté sur les moyens de combler les fossés en matière d’éducation et dans le domaine des STIM. L’occasion pour l’assistance de prendre connaissance de l’expérience de la Conseillère en matière de genre dans le cadre du programme SERVIR-Amazonia, au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), qui a expliqué comment les femmes issues des populations les plus vulnérables, notamment en Amazonie, peuvent être impliquées dans des programmes qui encouragent l’utilisation des technologies géospatiales, pour surveiller les changements socioenvironnementaux dans leurs territoires et prévenir les crimes environnementaux. 

Les délégations ont également entendu la Directrice exécutive de la Fondation Allamin pour la paix et le développement, au Nigéria, s’inquiéter de la radicalisation des femmes qui rejoignent Boko Haram et recommander de donner aux femmes et aux jeunes des possibilités de réalisation de soi et un sentiment d’inclusion dans leur communauté.  Il faut également, selon elle, mettre en évidence les récits alternatifs positifs, et élaborer des programmes de formation centrés sur la pensée critique et l’éducation aux médias, afin de les prémunir contre les discours extrémistes. 

D’où l’importance d’intégrer une perspective de genre dans les systèmes de justice pénale par le biais de mesures visant à supprimer les obstacles à la promotion des femmes et à leur autonomisation dans les services juridiques pénaux, a noté la Présidente de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale. 

La Commission de la condition de la femme se réunira de nouveau demain, vendredi 17 mars, à partir de 10 heures.

SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »

Questions nouvelles, tendances, domaines d’intervention et approches novatrices des questions ayant une incidence sur la situation des femmes, notamment sur l’égalité entre femmes et hommes

Mme ANNIE NAMALA, Directrice exécutive du Centre for Social Equity and Inclusion, s’est penchée sur les enseignements tirés de son travail avec les femmes et les filles marginalisées en Inde et en Asie du Sud, indiquant que leurs lacunes en matière d’éducation limitent leur accès au numérique.  En Inde, les filles sont deux fois plus susceptibles que les garçons d’avoir moins de quatre ans de scolarité, 30% des filles issues des familles les plus pauvres n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe, tandis que 42% des filles et 39% des garçons sont incapables de faire une soustraction élémentaire en arithmétique, a-t-elle détaillé.  En outre, les femmes âgées de 15 à 65 ans sont 46% moins susceptibles de posséder un téléphone portable et 62% moins susceptibles d’utiliser Internet que les hommes du même âge.  Elle a également expliqué que les niveaux de revenu et d’éducation sont étroitement liés à la possession d’un téléphone portable.  Ainsi, une augmentation de 1% du revenu est associée à une augmentation de 1,6% à 16% de la probabilité de posséder un téléphone portable, tandis qu’une année supplémentaire d’éducation formelle peut entraîner une augmentation de 0,5% à 3,4% de cette même probabilité. 

L’experte a ensuite indiqué que la plupart des études et enquêtes fournissent une image globale de l’écart entre les hommes et les femmes en matière d’accès au numérique.  Dans l’ensemble, les données désagrégées disponibles se limitent au sexe, à la région, à la classe sociale et aux clivages entre zones rurales et urbaines.  Or il est possible d’identifier de nombreuses sous-catégories à l’intérieur de ces grandes catégories, a-t-elle fait remarquer.  Par exemple, l’Inde reconnaît 21 sous-catégories dans la catégorie des personnes handicapées, plus de 3 000 communautés sont identifiées dans la catégorie des « castes répertoriées », et plus de 700 communautés dans celle des « tribus répertoriées ». 

Les réalités vécues, les opportunités et l’accès au pouvoir et aux ressources de chacune de ces communautés sont négociés en fonction de leur situation géographique, de leur langue, de leur identité religieuse, de leur travail, sans oublier leurs normes sociales, et de leurs pratiques culturelles.  Et chacune de ces dimensions comporte des formes d’exclusion et de discrimination.  Les données générées par les citoyens et les communautés constituent donc, à ses yeux, un outil important pour appuyer une approche intersectionnelle ainsi que la participation et l’inclusion des communautés. 

Elle a indiqué que les résultats et les recommandations générés à l’aide de ces données sont compilés dans des « profils communautaires » qui sont utilisés par les membres de la communauté pour dialoguer avec le gouvernement local et, par la suite, au niveau de l’État.  Les données générées par les citoyens et les communautés sont à même de contribuer à la réalisation des principes de « ne laisser personne de côté » et d’« atteindre d’abord les plus éloignés », a-t-elle soutenu. 

Mme LAUREN PHILLIPS, Directrice adjointe de la Division de la transformation rurale inclusive et la parité hommes-femmes à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a expliqué que la pandémie a accru l’insécurité alimentaire dans le monde entier, mais que l’impact sur les femmes a été particulièrement grave.  De fait, a-t-elle détaillé, plus de 939 millions de femmes âgées de 15 ans ou plus ont connu une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2021, contre 813 millions d’hommes de la même tranche d’âge.  Et cet écart ne cesse de se creuser, passant de 1,7 point de pourcentage avant la pandémie en 2019, à 3 points de pourcentage en 2020, pour atteindre 4,3 points de pourcentage en 2021.  Ce creusement est principalement dû à la situation en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi qu’en Asie, a-t-elle précisé. 

Passant aux changements climatiques, la panéliste a constaté que les inégalités entre les hommes et les femmes sont importantes dans les pays fortement exposés aux phénomènes climatiques extrêmes, tels que les petit État insulaire en développement (PEID).  Les moyens de subsistance, les responsabilités et les droits différenciés des femmes et des hommes ruraux, largement façonnés par les normes de genre et les structures sociales, influencent la nature de leur sensibilité aux risques climatiques.  L’élimination des inégalités entre les hommes et les femmes est donc, à son avis, une « étape clef et indispensable » pour renforcer la résilience climatique. 

L’experte a également exhorté à renforcer la résilience des systèmes agro-alimentaires face à l’augmentation de la faim et de l’insécurité alimentaire dans les contextes de conflits armés.  Elle a jugé essentiel de renforcer les liens entre l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, d’une part, et la sécurité alimentaire et la nutrition de l’autre, notant que ces domaines politiques restent souvent déconnectés aux niveaux national et international.  Il est également fondamental de collecter des données ventilées par sexe fiables et à jour, en particulier dans les contextes d’urgence, afin d’élaborer des politiques, des programmes et des plans d’investissement solides dans le secteur agroalimentaire. 

M. JEROME DE HENAU, maître de conférences en économie à l’Open University, au Royaume-Uni, a fait valoir que la pandémie de COVID-19 a montré à quel point nous comptions sur le travail de soins pour soutenir nos économies et la mesure dans laquelle ce type d’emploi demeure sous-évalué et marqué par les inégalités entre les sexes.  Par conséquent, investir dans des services de soins universels et de congés parentaux bien rémunérés peut contribuer à créer des emplois et à réduire les inégalités entre les sexes, tout en favorisant le développement des enfants et améliorant le bien-être de ceux qui fournissent et reçoivent un soutien.  Comme l’éducation et la santé, les soins font partie intégrante de l’infrastructure économique et sociale, et nécessitent, à ce titre, des investissements publics directs et soutenus, a observé M. De Henau.  Pourtant, a-t-il noté, malgré les avantages qu’ils procurent à la société, les investissements dans les services sociaux ne sont pas considérés comme des dépenses d’infrastructure.  Les gouvernements sont également réticents à considérer les dépenses publiques consacrées à ces services comme constituant un investissement, contrairement, par exemple, à celles allouées aux projets de construction.  « Cela doit changer.  Et ça change », a estimé le maître de conférences. 

Pour contribuer à cette transformation, M. De Henau a été chargé par l’Organisation internationale du Travail (OIT), au moyen d’un projet financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, de participer à l’élaboration d’un outil de simulation qui quantifie certains besoins d’investissement annuels et les avantages sociaux liés aux dépenses dans les soins.  Lancé la semaine dernière, ce simulateur estime, à partir de données tirées de 82 pays représentant 87% de l’emploi mondial et 94% du PIB mondial, les besoins en matière de soins pour les enfants d’âge préscolaire.  Il met en exergue les politiques de congés payés et de services universels pour combler le fossé des politiques concernant la garde d’enfants, estimant séparément les besoins en soins de longue durée pour les enfants et les adultes.  Se fondant sur un exemple créé par l’OIT pour 2035, M. De Henau a démontré que les dépenses consacrées aux services de soins de longue durée représenteraient 60% de l’investissement total dans les pays à revenu élevé, reflétant des populations relativement plus âgées ayant des besoins de soins plus importants. 

Selon ses calculs, un tel investissement pourrait créer plus de 300 millions d’emplois dans le monde, dont au moins 240 millions pour les femmes, et 270 millions d’emplois formels, chiffres qui se traduiraient par une hausse du taux d’emploi de plus de 6% dans le monde et de plus de 10% pour les femmes.  De même, les écarts salariaux entre les sexes pourraient être réduits de 13% à l’échelle mondiale, soit une baisse de 21% dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur.  De tels investissements auraient selon lui un effet « transformateur » sur la structure budgétaire des États, la création d’emplois et la hausse des revenus permettant d’élargir l’assiette fiscale.  Considérant que tout le monde a besoin de soins à un moment donné de sa vie, il a estimé que le financement public de tels investissements est le meilleur moyen de mettre en place une économie plus solidaire et plus égalitaire.

Mme MARINA IRIGOYEN, Conseillère en matière de genre dans le cadre du programme SERVIR-Amazonia, au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), a expliqué comment les femmes issues des populations les plus vulnérables, notamment en Amazonie, peuvent être impliquées dans des programmes qui encouragent l’utilisation des technologies géospatiales, au bénéfice de leurs communautés, tout en relevant les défis environnementaux. 

À São Félix do Xingu, une municipalité de l’État du Pará, en Amazonie brésilienne, une association dirigée par des femmes produit de la pulpe de fruits et du cacao.  Ces agricultrices subissent quotidiennement une détérioration de la qualité de l’air en raison des épandages aériens de pesticides sur les pâturages, et de l’eau, en raison de la pollution minière des rivières. 

Avec le soutien du programme SERVIR-Amazonia, une application de téléphonie mobile a été conçue pour le suivi géospatial des changements socioenvironnementaux dans les territoires.  Ces femmes ont ainsi bénéficié de formation sur l’utilisation de Google Maps, la création d’un compte e-mail, la connexion à Internet, la gestion des contacts, l’échange de messages, les réunions en ligne, l’utilisation de l’appareil photo et l’installation d’applications. 

À Madre de Dios, dans le sud-est du Pérou, SERVIR-Amazonia a développé l’outil RAMI qui permet de détecter en temps quasi réel les activités d’orpaillage associées à la déforestation en Amazonie, à l’aide de satellites.  Dans cette localité, les femmes utilisent des drones pour défendre leurs territoires.  La panéliste a également cité le projet PREVENIR au Pérou, qui encourage les femmes de l’Amazonie à utiliser la technologie pour prévenir les crimes environnementaux, tels que l’exploitation forestière et minière illégale, en leur proposant des formations et même en fournissant des services de garde d’enfants afin qu’elles puissent y participer pleinement. 

Ailleurs, au Cambodge, Open Development Cambodia utilise une application technologique basée sur le moteur de recherches Google Earth Engine, pour suivre l’impact des inondations sur le taux d’abandon scolaire le long du lac Tonle Sap et dans les zones environnantes.  C’est la première fois que Google Earth Engine est utilisé pour analyser l’impact des inondations sur les femmes, a-t-elle précisé. 

Sur la base de ces expériences, l’intervenante a relevé que la formation orientée vers les femmes nécessite des pédagogies spécialisées, en se basant sur une étude qui a montré que les femmes souhaitaient être formées à la surveillance du territoire, mais étaient limitées par les tâches ménagères et l’éducation des enfants.  À cela s’ajoute le préjugé de la limitation de l’accès des femmes à la forêt.  Elle a appelé à appuyer les campagnes d’alphabétisation numérique dès l’enfance afin de réduire la fracture numérique entre les sexes.  Dans le cas de l’Amazonie, les organisations autochtones sont un allié potentiel à cet égard.  La voie a été ouverte pour une plus grande implication des femmes dans les services géospatiaux visant à relever les défis environnementaux, mais cela nécessite de compléter les efforts publics-privés, avec la mise en œuvre de politiques et de programmes, afin d’en assurer la durabilité, a-t-elle indiqué. 

Mme HAMSATU ALLAMIN, fondatrice et Directrice exécutive de la Fondation Allamin pour la paix et le développement, au Nigéria, a noté que les raisons de l’endoctrinement et de la radicalisation des hommes et des femmes qui se joignent à Boko Haram, groupe terroriste radical qui sévit depuis plus de 13 ans dans le nord-est du Nigéria et dans la région du lac Tchad, vont de l’enlèvement et à la coercition, aux pressions sociales, à la motivation circonstancielle, au besoin d’appartenance et à la recherche de sens.  Pour ces adeptes, tout est permis pour atteindre les objectifs du groupe, y compris rompre les liens avec leur famille et d’autres personnes externes au groupe, ce qui permet de mener des « actions drastiques contre-normatives » pour signaler leur engagement envers leur « nouvelle société », a expliqué Mme Allamin.  Des garçons et des hommes ont également été enlevés et recrutés de force et endoctrinés, des filles et des femmes enlevées dans leurs communautés pour être confrontées à des mariages forcés et des viols collectifs en série.  Celles qui parviennent à échapper à Boko Haram sont souvent stigmatisées et rejetées par leur famille avec des grossesses et des bébés conçus en captivité. 

Les violences sexuelles et sexistes continuent d’augmenter, a poursuivi Mme Allamin, tandis que les opérations antiterroristes s’accompagnent souvent d’une vulnérabilité accrue pour les femmes suite aux arrestations, détentions, meurtres et disparitions de leurs proches.  La Fondation Allamin pour la paix et le développement conteste le récit de l’extrémisme de Boko Haram avec des messages de paix, de tolérance et de coexistence pacifique dans des clubs de paix dans les écoles islamiques.  Pour mettre un terme à l’influence délétère des groupes radicaux, elle a recommandé de donner aux femmes et aux jeunes des buts, des possibilités de réalisation de soi et un sentiment d’inclusion de la part de leur famille et de leur communauté.  Il faut également, selon elle, mettre en évidence les récits alternatifs positifs et élaborer des programmes de formation centrés sur la pensée critique et l’éducation aux médias.

Mme JEMIMAH NJUKI, Chef de la section autonomisation économique d’ONU-Femmes, a indiqué que les retombées économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 ont eu un impact délétère sur l’égalité entre les hommes et les femmes, au point que l’on estime maintenant qu’il faudra encore 300 ans pour atteindre l’égalité.  Elle s’est également inquiétée de l’augmentation de l’extrême pauvreté qui, selon les prévisions, toucherait 25 millions de plus de femmes et de filles par rapport aux hommes et aux garçons.  En outre, le phénomène s’accompagne d’un creusement des écarts entre les sexes pour ce qui est de l’insécurité alimentaire liée à la convergence des conflits nouveaux et prolongés, des changements climatiques, de l’inflation galopante et des coûts de l’alimentation et de l’énergie.  Or, a fait valoir la responsable onusienne, la capacité des femmes et des filles à agir et à construire un avenir résilient dépend justement de l’élimination des obstacles structurels et des disparités entre les sexes, et de l’augmentation de leur inclusion dans les processus de prise de décisions et de consolidation de la paix. 

Pour aller de l’avant, elle a appelé à donner la priorité à des services de soins abordables et de qualité.  Ces services sont non seulement essentiels pour favoriser la réinsertion des femmes sur le marché du travail et le bien-être des enfants et des personnes âgées, mais ils peuvent également offrir des avantages à plus long terme pour l’économie, a-t-elle expliqué. 

Elle a, ensuite, suggéré de privilégier des systèmes de protection sociale universels et sensibles à la dimension de genre afin de constituer un rempart contre les chocs et les conflits économiques et environnementaux et répondre aux défis spécifiques auxquels sont confrontées les femmes et les jeunes filles, notamment la sécurité alimentaire et la nutrition.  L’experte a, en outre, plaidé pour une approche intersectionnelle dans les politiques et programmes en promouvant véritablement les droits humains des femmes et des filles dans toute leur diversité, depuis la conception des technologies et des innovations jusqu’à la garantie d’un accès égal des femmes et des filles aux outils et aux services numérisés.

Mme MARY WANGUI MAGWANJA, Présidente de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, a indiqué qu’en tant que principale institution politique des Nations Unies dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale, la Commission s’efforce d’intégrer la dimension de genre dans les domaines relevant de son mandat.  La Déclaration de Kyoto visant à faire progresser la prévention de la criminalité, la justice pénale et l’état de droit: vers la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, préparée par la Commission, appelle ainsi à intégrer une perspective de genre dans la prévention du crime, au moyen de la prévention de toutes les formes de violence et de criminalité liées au genre, a-t-elle noté.  Elle souligne également l’importance d’intégrer une perspective de genre dans les systèmes de justice pénale par le biais de mesures visant à supprimer les obstacles à la promotion des femmes et à leur autonomisation dans les services juridiques pénaux, tout en assurant la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing. 

Pour y parvenir, Mme Mugwanja a souligné la nécessité de disposer de statistiques sur le genre et de données ventilées par sexe pour une prévention de la criminalité fondée sur des preuves et pour l’intégration d’une perspective de genre dans le système de justice pénale.  Elle a espéré, en terminant, que la communauté internationale saura réaffirmer ses engagements en faveur du renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes d’une manière transparente et inclusive afin de relever ces nouveaux défis, en particulier dans les pays en développement. 

Dialogue interactif

« La pauvreté a un visage féminin », a constaté l’Union européenne en ouvrant le dialogue interactif qui a suivi les exposés des panélistes.  Les crises multiples qui se sont succédé au cours des dernières années ont en effet renforcé les inégalités entre les hommes et les femmes, et aggravé les risques de violences sexuelles et sexistes. 

Ces violences s’accroissent en temps de crise et sont utilisées par certains groupes armés comme arme de guerre, ont renchéri les États-Unis, pour qui ces éléments doivent faire partie de la réflexion sur l’octroi de l’aide humanitaire, notamment au profit des organisations dirigées par des femmes. 

Les conséquences des changements climatiques dans les zones rurales sont propices à l’émergence de conflits, a relevé pour sa part le Soudan.  C’est pourquoi le Gouvernement a mis en place des programmes de sécurité alimentaire centrés sur les femmes et assortis de campagnes de sensibilisation.  Au Mali, où plus de 70% de la population vit en milieu rural, la lutte contre les changements climatiques s’articule autour des priorités nationales de la restauration de la sécurité et de la création d’emplois, qui demeurent tributaires des efforts d’alphabétisation et de littératie numérique. 

En Afrique de l’Ouest, le terrorisme continue de gagner du terrain et désorganise nos sociétés, s’est inquiétée à son tour la Côte d’Ivoire, en appelant à la mobilisation pour lutter contre la pauvreté qui fragilise les populations, les femmes au premier chef.  « Il y a urgence de prévenir au lieu de guérir », a martelé la délégation. 

Les points de vue des États Membres du Sahel sur cette question se rejoignent, a constaté la Directrice exécutive de la Fondation Allamin pour la paix et le développement, « mais ne nous arrêtons pas là: les pays du Moyen-Orient et de l’Asie connaissent aussi le fléau de l’extrémisme violent, et maintenant, c’est ensemble de nous devons l’affronter ». 

Cependant, pour Justice Watch Association, toute discussion relative aux droits des femmes en Iran qui ne tient pas compte des effets des sanctions unilatérales imposées par les États-Unis ne nous fera pas avancer. 

Arriver à la parité dans un contexte de crises superposées exige une approche ciblée, a dit le Pakistan, où les inondations ont récemment plongé 33 millions de personnes dans un état de détresse humanitaire, tandis que le plan de réponse reste largement sous-financé.  « La lutte contre l’urgence climatique ne pourra être menée sans les femmes », a ajouté la délégation.  Même constat au Malawi où les dévastations causées cette semaine par le cyclone Freddy ont affecté en premier lieu les plus vulnérables, en particulier les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapés. 

La dimension de genre doit en effet être intégrée aux politiques gouvernementales, a fait valoir le Centre de recherche pour les femmes de l’Asie-Pacifique, en particulier en matière de santé sexuelle et génésique, d’alimentation et d’éducation.  La superposition des crises a largement effacé les avancées enregistrées sur le front de la parité entre les hommes et les femmes, a reconnu le Japon, qui fait désormais appel aux technologies numériques pour que celles-ci puissent acquérir les compétences nécessaires à leur développement professionnel. 

Nous devons en outre valoriser les connaissances traditionnelles des populations locales, qui connaissent le mieux le territoire et l’environnement qu’elles habitent, et qui savent souvent comment elles ont fait face à certains problèmes dans le passé, a ajouté la Conseillère en matière de genre dans le cadre du programme SERVIR-Amazonia au CIAT

Le Comité de coopération internationale médicale a toutefois mis en garde contre les stéréotypes sexistes et les normes sociales négatives qui font que les soins non rémunérés sont souvent considérés comme une responsabilité qui incombe aux femmes, qui consacrent de 2 à 10 fois plus de temps aux soins des enfants que les hommes.  La Malaisie a d’ailleurs mis en place des politiques tenant compte de la dimension de genre afin d’abattre les obstacles systémiques à l’émancipation des femmes, tels que les soins non rémunérés, afin de leur permettre de participer pleinement à la société. 

Les femmes occupant un emploi informel ne bénéficient d’aucun filet de protection sociale et sont menacées d’instabilité, a opiné l’Indonésie, en particulier en zone rurale.  Comme la Fundacion Abba Colombia, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a observé que de nombreuses femmes travaillant dans le domaine agroalimentaire occupent des emplois informels, à temps partiel et peu rémunérés, tout en s’occupant de leur famille, ce qui produit une « dimension biaisée » de la protection sociale en fonction du genre.

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