Commission de la condition de la femme: société civile et experts recommandent des données ventilées pour un avenir numérique équitable
Experts et ONG se sont mobilisés, aujourd’hui, lors de la poursuite des travaux de la Commission de la condition de la femme pour partager leur vision d’une feuille de route innovante, s’appuyant sur des données ventilées et des approches croisées pour atteindre les femmes et les filles les plus marginalisées afin qu’elles soient en phase avec la technologie 4.0.
Réunies pour mener une réflexion sur ce qui sous-tend les cercles vicieux qui perpétuent ces disparités, les délégations ont suggéré d’aborder cette problématique sous un angle « plus inclusif », relevant notamment que le numérique perpétue les inégalités du monde réel.
Près de 10 ans après le début de la quatrième révolution industrielle, il est difficile de nommer une industrie qui n’a pas adopté la transformation numérique, a constaté la rectrice de l’Université des affaires et de la technologie, en Géorgie. Pourtant, a-t-elle ajouté, les femmes demeurent sous-représentées dans les domaines qui bénéficient du développement technologique, comme le confirme une étude du Global Gender Gap Report qui indique qu’il faudra encore 132 ans pour parvenir à l’égalité en milieu de travail.
Parmi les membres de la société civile et des experts, plusieurs intervenants sont montés au front, à l’instar de la Directrice générale du SUPERRR Lab, pour qui les données mondiales sur l’impact sexospécifique de la technologie numérique sont parfois trop simplistes. De fait, a acquiescé la Directrice exécutive de ICT Africa, pour informer et influencer la prise de décisions, il est nécessaire de produire des données rigoureuses ventilées par sexe capables de mettre en évidence d’autres inégalités et d’isoler les points exacts de l’intervention politique nécessaire.
Consciente de la « vulnérabilité » de la science des données aux préjugés sociaux en matière de genre, la Directrice exécutive de IT for Change a noté pour sa part qu’un système d’intelligence artificielle qui ne tient pas compte de la différenciation de statut social produite par les « opérations intersectionnelles du pouvoir de genre » pourrait entraîner des services inférieurs pour les femmes et les personnes non binaires, et déboucher sur une répartition inéquitable des ressources et le renforcement des stéréotypes.
De son côté, la Directrice générale du SUPERRR Lab a constaté que face à la censure, à la violence sexiste et au retrait de la vie en ligne que vivent nombre de femmes, de filles et de personnes non conformes, les décideurs politiques répondent le plus souvent par des solutions techniques, citant entre autres la modération des contenus, la désanonymisation, la conservation des données et la surveillance en ligne. Or, il ne s’agit pas de problèmes « numériques », mais de problèmes sociaux ancrés dans le monde hors ligne et multipliés grâce à la technologie, a-t-elle fait remarquer. Selon elle, recourir à des solutions techniques pour tenter de régler des problèmes sociaux risque d’ouvrir la voie à des dérives fonctionnelles et d’affaiblir la sécurité de toutes les personnes en ligne. Les femmes et les personnes non conformes seront les premières à être lésées par les conséquences de telles mesures, a-t-elle averti.
Et que dire de la violence dont sont victimes les femmes âgées vivant en milieu rural ou la communauté LGBTQI d’un certain âge, a fait remarquer la Secrétaire générale des droits humains, de la gérontologie communautaire, du genre et des politiques de soins de l’Institut national des services sociaux pour les retraités de l’Argentine, pointant du doigt le peu de données sur cette « violence invisible » dont elles sont victimes, car la recherche sur la violence fondée sur le genre dans le monde couvre en général la tranche d’âge jusqu’à 49 ans.
Malheureusement, la violence sexiste facilitée par la technologie est devenue l’un des outils les plus courants et les plus accessibles, les auteurs pouvant agir de manière anonyme et sans souci quant à leur responsabilité, a dénoncé la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences. Elle a relevé que ces actions sont aidées par le niveau élevé de tolérance des plateformes Internet envers la violence sexiste ainsi que par le cadre juridique national qui ne parvient souvent pas à faire respecter les droits humains de tous les groupes de la société.
Alors si l’objectif est d’exploiter pleinement le potentiel de la technologie, il faut veiller à ce qu’elle soit guidée par les mêmes principes démocratiques que ceux sur lesquels nos sociétés sont fondées, a recommandé la Présidente du Bureau des femmes parlementaires de l’Union interparlementaire (UIP). La technologie n’est pas une simple boîte à outils, elle est un catalyseur du changement social, a-t-elle notamment souligné.
La Commission reprendra ses travaux demain, mercredi 15 mars, à partir de 10 h 30.
SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »
Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives - (E/CN.6/2023/3, E/CN.6/2023/4, E/CN.6/2023/5)
Thème prioritaire: innovation et évolution technologique, et éducation à l’ère du numérique aux fins de la réalisation de l’égalité des sexes et de l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles
Thème de l’évaluation: problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural (conclusions concertées de la soixante-deuxième session)
Questions nouvelles, tendances, domaines d’intervention et approches novatrices des questions ayant une incidence sur la situation des femmes, notamment sur l’égalité entre femmes et hommes
Prise en compte des questions de genre, situations et questions intéressant les programmes (E/CN.6/2023/2, E/CN.6/2023/7, E/CN.6/2023/10)
Suite de la discussion générale
Mme UGOCHI DANIELS, Directrice générale adjointe chargée des opérations à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a rappelé que la moitié des envois de fonds, au niveau mondial, sont effectués par des femmes entrepreneuses. Or, ces transferts reposent sur des méthodes plus traditionnelles, avec un coût de transaction plus élevé, et les femmes migrantes disposent d’informations et d’accès limités à des services de transfert de fonds sûrs et abordables, ainsi qu’à des technologies de télécommunication, telles que le téléphone portable et Internet. Les technologies numériques constituent donc, aux yeux de l’OIM, une voie essentielle vers l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles. Grâce aux progrès technologiques, a indiqué la Directrice générale adjointe, il existe de nouvelles possibilités d’enquêter sur des pratiques telles que les offres d’emploi trompeuses, de renforcer les poursuites grâce aux preuves numériques et de fournir des services de soutien aux survivantes dans les régions où l’accès est limité en raison des conflits, par exemple. L’OIM a pour sa part joué un rôle actif en soutenant diverses plateformes en ligne permettant aux femmes rapatriées de partager leurs expériences migratoires en partenariat avec les pays de destination, afin d’assurer, a dit l’intervenante, des migrations sûres, ordonnées et régulières.
Mme BINETA DIOP, Envoyée spéciale de la Commission de l’Union africaine pour les femmes, la paix et la sécurité, a indiqué que 2023 marque le vingtième anniversaire du Protocole de Maputo sur les droits de la femme, l’occasion de célébrer les progrès considérables accomplis par l’Afrique dans la promotion et la protection des droits humains des femmes, tout en offrant la possibilité de redéfinir les priorités d’action dans des domaines essentiels, tels que l’innovation, la technologie et l’éducation à l’ère du numérique. La jeunesse de la population africaine, dont la majorité est constituée de jeunes femmes, offre une énorme possibilité d’innovation et de transformation numérique, a-t-elle fait valoir, et c’est pourquoi l’UA a fait du développement socioéconomique fondé sur le numérique une priorité absolue. À ce sujet, elle a cité la stratégie de l’UA pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, qui donne la priorité à la maximisation des dividendes de l’e-tech comme moyen de contribuer au développement durable des femmes grâce à une participation accrue dans l’espace technologique. Elle a également évoqué la stratégie pour la science, la technologie et l’innovation en Afrique 2024 (STISA-2024) qui place la science, la technologie et l’innovation à l’épicentre du développement socioéconomique de l’Afrique; de même que la stratégie de l’UA pour l’éducation numérique. En outre, la stratégie de transformation numérique pour l’Afrique (2020-2030) vise à générer une croissance économique inclusive et à réduire la fracture numérique. Par ailleurs, la Commission de l’UA a lancé récemment la feuille de route pour la mise en œuvre de la deuxième Décennie de l’inclusion financière et économique des femmes africaines (2020-2030).
M. REIN TAMMSAAR (Estonie) a déploré que les mêmes structures de déséquilibre de genre sont présentes à la fois hors ligne et en ligne. Il a indiqué que son pays a essayé, dès 1991, d’être pionnier dans le domaine du numérique en lançant des initiatives notamment pour les opérations de vote. Cette mesure a permis à quelque 50% de citoyens de voter en ligne, dont de nombreuses femmes, s’est-il félicité. Cependant, a-t-il poursuivi, les femmes en Estonie ne représentent que 30% des personnes diplômées dans le domaine des technologies. Il faut donc faire plus pour encourager les femmes à choisir le domaine des STIM. Il a salué les initiatives du secteur privé, notamment un programme d’enseignement de la robotique spécifiquement conçu pour les femmes. De même, des séminaires, ateliers et bourses visent à encourager les femmes et les filles à faire carrière dans ces filières.
M. MELUSI MASUKU, Secrétaire permanent, Bureau du Vice-Premier Ministre de l’Eswatini, a appelé à combattre les stéréotypes de genre, notamment celui qui voudrait que les sciences soient l’affaire des garçons. Il a rappelé que son pays est partie à plusieurs instruments régionaux et internationaux promouvant l’égalité entre les genres. Il a ensuite détaillé les efforts de son pays pour protéger les femmes et filles de toute violence dans le cyberespace. Il a notamment cité la loi sur les violences sexuelles et conjugales adoptée en 2018 qui érige en infraction pénale la réalisation et distribution de contenus pornographiques. L’inclusion numérique des filles est cruciale pour qu’elles puissent exprimer leur plein potentiel, a-t-il dit.
M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan) a condamné l’« apartheid de genre » qui prévaut actuellement dans son pays. Alors que les femmes et les filles avaient enregistré des avancées considérables et pouvaient participer à toutes les facettes de la société, et ce en dépit des défis structurels que connaissait l’Afghanistan, elles sont à présent privées de leurs droits fondamentaux, a dénoncé le représentant. Ces acquis ont volé en éclat avec l’arrivée au pouvoir des Taliban. Et les femmes et les filles sont aujourd’hui effacées de toute la vie sociale et politique du pays. On les prive désormais de leurs libertés et on leur refuse le droit à l’éducation et au travail, s’est-il indigné, rappelant que les établissements d’enseignement leur sont fermés depuis plus d’un an et que des limitations leurs sont aussi imposées dans les transports publics. Après des années de conflit qui ont eu un impact sur tous les aspects de leur vie, les femmes et les filles sont contraintes de rester chez elles et subissent une situation dont elles ne sont pas responsables, a-t-il ajouté, avant d’évoquer la grave crise économique et humanitaire que traverse l’Afghanistan. Appelant la communauté internationale à ne pas oublier les femmes et les filles afghanes, il a souhaité que des pressions soient exercées sur le régime taliban afin qu’il respecte leurs droits et leur permette de participer à toutes les sphères de la vie publique.
Mme NOEMI RUTH ESPINOZA MADRID (Honduras) s’est dite fière de s’exprimer au nom d’un pays dirigé pour la première fois de son histoire par une femme. Elle a indiqué que le plan de refondation national mis en œuvre par son gouvernement vise à faire du Honduras un pays exempt de patriarcat, de xénophobie, de discrimination et d’inégalités, avec une attention prioritaire accordée à l’égalité et à la justice de genre. Dans cet esprit, a-t-elle précisé, un secrétariat aux affaires féminines a été créé, ce qui a permis de lancer un plan national de lutte contre les violences faites aux femmes 2023-2033, aligné sur le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination des toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et de réaliser la première enquête nationale spécialisée sur la violence à l’égard des femmes. Selon la représentante, le nouveau secrétariat s’est également attelé à l’élaboration d’un protocole de prise en charge intégrale des victimes et survivantes de violences sexuelles ainsi qu’à la préparation d’une loi spéciale contre la violence à l’égard des femmes. Tout cela, a-t-elle conclu, ne peut être réalisé que par la mise en œuvre de programmes qui assurent non seulement la protection des femmes et des filles, mais aussi favorisent leur développement, leur accès aux opportunités et leur participation aux activités économiques, éducatives, sociales et politiques.
Mme NELLY BENAKEN ELEL (Cameroun) a reconnu que malgré les possibilités offertes par les nouvelles technologies, la participation des femmes et des filles aux métiers dans ce domaine reste faible. Elle a dénoncé les violences en ligne dont les femmes et les filles sont souvent les premières victimes. Le Gouvernement a mis en œuvre diverses initiatives afin de favoriser la participation des femmes et des filles aux nouvelles technologies, notamment la création de centres multimédias dans les lycées, la mise en place de projets d’accélération de la transformation numérique, des projets visant à réduire la fracture numérique entre les hommes et les femmes, ainsi que l’aménagement de maisons numériques. La mise en œuvre du programme d’appui à l’autonomisation des femmes vise en outre à doter les femmes de matériel informatique afin d’assurer leur formation dans les technologies numériques, a-t-elle expliqué. Au nombre des défis qui subsistent, la représentante a mentionné le besoin de renforcer les capacités des femmes et des jeunes dans le domaine numérique, en particulier dans les zones rurales.
Tout en reconnaissant la portée des technologies numériques comme espaces d’apprentissage, d’échange et de prise de décisions plus inclusifs, Mme LESIA VASYLENKO, Présidente du Bureau des femmes parlementaires de l’Union interparlementaire (UIP), a déploré les écarts entre hommes et femmes qui se creusent de jour en jour. La technologie n’est pas une simple boîte à outils, elle est un catalyseur du changement social, a souligné la parlementaire.
Mais la violence en ligne et la violence facilitée par la technologie affectent les femmes et les jeunes filles de manière très spécifique et néfaste, a observé la parlementaire. Par conséquent, a-t-elle fait valoir, si l’objectif est d’exploiter pleinement le potentiel de la technologie, il faut veiller à ce qu’elle soit guidée par les mêmes principes démocratiques que ceux sur lesquels nos sociétés sont fondées. Enfin, pour être adaptés à leur mission, les parlements doivent être transformés en institutions sensibles à la dimension de genre. Or, seuls 26,5% des parlementaires sont des femmes, soit une augmentation de 0,4 point en un an uniquement. C’est pourquoi la technologie doit être un moyen de réaliser cette transformation dans nos propres parlements pour permettre aux députées de trouver un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de mieux communiquer avec leurs électeurs dans toute leur diversité, a conclu la parlementaire.
Mme VALERIE GUARNIERI, du Programme alimentaire mondial (PAM), a averti contre la crise alimentaire mondiale en cours et son impact disproportionné sur les femmes et les filles en raison des inégalités de genre profondément ancrées qui affectent l’accès à la nourriture et sa disponibilité. En matière d’innovation et de changements technologiques, ainsi que d’éducation pour réaliser l’égalité des sexes, le PAM a débloqué plus de 3 milliards de dollars à environ 50 millions de personnes en 2022, en accordant la priorité aux femmes. Ces dernières années, a-t-elle informé, le PAM s’est efforcé d’accompagner les femmes sur la voie de l’inclusion financière numérique et de l’autonomisation économique. C’est pourquoi il les aide à accéder à des comptes mobiles chaque fois que possible dans le cadre de ses opérations de trésorerie, a précisé l’intervenante, citant l’exemple de l’Ouganda, où après avoir identifié les obstacles, le PAM a travaillé avec la Banque nationale pour augmenter le nombre d’agents bancaires féminins et de femmes disposant de comptes.
M. RAID BREDEL, de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a indiqué que cette agence spécialisée s’est fixé pour objectif de porter 45% de projets contribuant à l’égalité de genre et à l’autonomisation de femmes. À l’ONUDI, a-t-il dit, nous avons la responsabilité de garantir l’accès des femmes à des emplois décents et de créer un environnement porteur pour que les femmes puissent créer des entreprises. Hélas, elles ne représentent que 38% de la main d’œuvre dans le domaine industriel, perçoivent des salaires moyens plus faibles que ceux des hommes et n’occupent qu’une faible proportion des emplois de direction, a-t-il déploré, faisant également état d’une sous-représentation des femmes dans les secteurs d’avenir et dans les postes techniques ou numériques offrant de meilleures rémunérations. De surcroît, les PME et les micro-entreprises dirigées par des femmes détiennent moins de capital que celles pilotées par des hommes. Dans ce contexte, le travail de l’ONUDI consiste à renforcer l’innovation et à accélérer les investissements, tout en tentant de maximiser les effets positifs pour les femmes. Le dispositif de développement de l’apprentissage lancé par l’ONUDI avec l’appui de la Suède permet ainsi de développer les compétences industrielles des jeunes femmes dans les pays en développement. L’ONUDI s’emploie en outre à soutenir les femmes qui font progresser les technologies porteuses de transformation, a ajouté le représentant, non sans reconnaître que les femmes entrepreneurs font face à un triple désavantage: des stéréotypes de genre, une absence de garanties pour les financements et un manque d’accès aux réseaux et aux marchés.
M. PAUL BERESFORD-HILL, de l’Ordre souverain de Malte, a déploré que les femmes et les filles soient de plus en plus exposées à l’exploitation et aux abus de toutes sortes, une situation qui ne changera pas tant que les normes culturelles néfastes ne cesseront pas. À ses yeux, l’éducation représente la solution idoine pour mettre un terme à ces abus. L’éducation est un droit, a poursuivi le délégué, et il n’existe pas d’outil plus puissant pour le développement que l’éducation des femmes et des filles. Pour éradiquer la pauvreté et les inégalités, toutes les salles de classe du monde doivent compter autant de filles que de garçons, a insisté le représentant qui a également misé sur l’éducation de tous pour relever le défi des changements climatiques. « Le temps est venu pour que les femmes aient une influence dans le monde », a-t-il ajouté, en appelant les femmes « à aider le monde à ne pas faillir ». Les investissements dans l’éducation ne doivent pas s’arrêter dans les salles de classe, a encore dit le délégué, en mettant en garde contre l’utilisation de la technologie par les groupes criminels.
Mme ISMAHANE ELOUAFI, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a déploré que des millions de femmes rurales continuent d’être confrontées à des contraintes considérables liées au genre dans l’accès aux solutions innovantes des systèmes agroalimentaires, mais aussi aux actifs, au financement et à la connaissance. Pourtant, elle s’est dite convaincue que les technologies innovantes peuvent réduire la charge de travail des femmes et favoriser l’accès aux ressources productives et aux services. De plus, a-t-elle fait valoir, l’innovation et les technologies peuvent contribuer à la production de statistiques sexospécifiques afin d’éclairer l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes et d’identifier des obstacles institutionnels et politiques à l’égalité entre les hommes et les femmes.
Toutefois, a nuancé l’oratrice, l’innovation peut également générer de nouveaux problèmes et ne pas profiter nécessairement à tous de la même manière. Si elles ne sont pas correctement conçues et mises en œuvre, les interventions en matière d’innovation peuvent aggraver les inégalités existantes, a-t-elle mis en garde. Enfin, l’égalité entre les sexes est également l’un des principes directeurs de la toute première Stratégie de la FAO pour la science et l’innovation, qui a été approuvée par le Conseil de la FAO en juin 2022, a indiqué la représentante. À titre d’exemple, l’Organisation a développé avec des partenaires une série d’applications qui permettront aux jeunes agriculteurs du Rwanda de suivre et d’améliorer leurs opérations agricoles, leurs ventes et leurs achats.
M. ALVARO LARIO, Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), a d’entrée mentionné les nombreux obstacles qui se dressent encore sur la voie de l’égalité numérique entre les sexes, notamment en Afrique, où les deux tiers des femmes n’ont pas accès à Internet. Pour lui, c’est parce qu’elles sont trop chères, conçues sans l’apport des femmes, et ne répondent donc pas à leurs besoins spécifiques, ou encore, en raison de l’absence des compétences nécessaires due à leur accès limité à l’éducation et à la formation. Parmi les autres contraintes supplémentaires, le Président a également mentionné les barrières culturelles et les tâches ménagères disproportionnées. C’est pourquoi le FIDA s’efforce de combler le fossé numérique d’une manière intégrée et inclusive, en mettant l’accent sur les populations rurales. L’objectif, a-t-il expliqué, est de soutenir le développement de solutions numériques sensibles à la dimension de genre et culturellement adéquates. « Nous avons appris à combiner les nouvelles technologies avec les formes traditionnelles de communication », a-t-il fait valoir, en invitant, pour finir, les gouvernements, les entreprises privées et les particuliers à se joindre à ce processus.
Mme CHIDI KING, de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a indiqué que les femmes sont deux fois plus touchées par le chômage que les hommes et que les personnes handicapées ont, quant à elles, deux fois moins de chance de réussir dans la vie, ayant des emplois moins sûrs et moins bien payés. En outre, la différence dans les revenus est de 20% entre les hommes et les femmes. Elle a dénoncé la discrimination à tous les niveaux qui empêche les femmes d’accéder au marché du travail ou d’y être promues. La représentante a également appelé à combler le fossé numérique, notamment en permettant aux femmes d’utiliser ces technologies à la demande et en levant les obstacles culturels qui empêchent les femmes et les filles d’avoir accès à ces outils.
Mme AKULLO, de Action by Churches Together (ACT) Alliance, a jugé essentiel que les technologies numériques et les cadres politiques contribuent à accroître la participation politique des femmes et à renforcer leur autonomie sexuelle et économique. Il est tout aussi important selon elle que les États Membres s’accordent sur un nouveau langage normatif qui s’attaque aux inégalités structurelles entre les sexes et contribue à créer des sociétés inclusives. À cette fin, elle a recommandé d’investir dans les infrastructures afin qu’elles atteignent les plus marginalisés, y compris les communautés rurales, et de rendre les outils numériques et le coût d’Internet abordables. Il faut également prévenir et traiter les violences sexuelles et sexistes, grâce notamment à des outils en ligne, et utiliser les innovations numériques pour promouvoir l’inclusion financière et permettre aux groupes vulnérables, tels que les femmes rurales, de prendre pied dans le domaine du numérique, par le biais, par exemple, de la numérisation des associations volontaires d’épargne et de prêt. La déléguée a demandé en terminant aux États Membres d’intégrer des dimensions de genre dans leurs principaux cadres politiques et législatifs.
Mme ALVA, de l’Association internationale des étudiants en sciences économiques et commerciales (AIESEC International), a indiqué que cette ONG, qui est présente dans plus de 100 pays, représente quelque 30 000 jeunes dans le monde, dont 64% sont des dirigeantes. Depuis sept ans au sein de l’organisation, elle a dit avoir constaté le rôle important des ONG dans le développement du leadership des jeunes et l’élévation de la voix des jeunes femmes, en particulier dans les zones rurales. Elle a cité l’exemple d’une jeune Népalaise qui fréquente l’Université de Katmandou et a rejoint l’AIESEC l’an dernier. En occupant un rôle de leadership au sein de l’association, Suraksha a pu établir des liens mondiaux, accroître sa compréhension interculturelle, développer ses compétences et créer des amitiés qui dureront toute sa vie, a souligné la représentante. Elle a ensuite invité les décideurs à investir dans les ONG offrant aux jeunes des opportunités de développement du leadership.
Mme CASTILLO JIMENEZ, d’Amnesty International, a rappelé que les femmes et les filles dans toute leur diversité, en particulier les défenseuses des droits humains, sont souvent ciblées, harcelées, intimidées et attaquées par le biais de tactiques facilitées par la technologie. De plus, a-t-elle relevé, les femmes racialisées, les femmes issues de minorités ethniques ou religieuses, les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, ainsi que les personnes de diverses identités de genre, les travailleuses du sexe et les femmes handicapées sont exposées à des formes uniques et complexes de violence sexiste facilitée par la technologie. Elles sont en outre confrontées à des formes multiples et croisées de discrimination qui entravent leur accès aux TIC. Si nous voulons parvenir à un accès sûr et à une participation pleine, égale et significative des femmes et des filles aux espaces numériques, une approche fondée sur les droits est essentielle, a-t-elle soutenu, avant d’exhorter les États Membres à exprimer leur détermination à cet égard. Pour ce faire, il importe de mettre en œuvre un moratoire immédiat sur la vente, le transfert et l’utilisation de la technologie de surveillance jusqu’à ce que des garanties adéquates en matière de droits humains soient en place, a plaidé la responsable. Il faut aussi, selon elle, rejeter l’utilisation de formes de censure en ligne, les demandes de suppression de compte et les restrictions à la liberté d’expression sous le couvert de lois portant sur la moralité ou l’ordre public. Enfin, elle a exhorté à l’adoption de lois et de politiques qui traitent de la fracture numérique entre les sexes grâce à la participation pleine, effective, égale et significative des femmes et des filles.
Mme JOMS SALVADOR, de Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (APWLD), s’est inquiétée de l’augmentation des réglementations qui pénalisent les activités numériques et empiètent sur les libertés d’expression et d’opinion en ligne et hors ligne. Elle a ensuite appelé à examiner les conséquences de la transformation numérique sur les droits humains et les changements climatiques. Si Internet était un pays, il serait le sixième plus gros consommateur d’électricité de la planète, a-t-elle fait remarquer. Et la production de téléphones portables et d’ordinateurs s’accompagne de sa propre empreinte environnementale, notamment l’extraction et le traitement de minerais rares.
Elle a averti que l’empreinte environnementale de l’infrastructure de la transformation numérique fait peser de graves menaces sur notre planète et les générations futures, déplorant l’absence de discussions politiques sur ces questions. Elle a appelé à tenir compte de la sécurité individuelle et des droits humains dans les discours politiques sur la cybersécurité et à dépénaliser et protéger les actes de résistance en faveur des droits humains des femmes et de l’égalité de genre. Il faut également transformer les politiques macroéconomiques, y compris les règles commerciales, et établir un mécanisme de responsabilité pour réglementer les grandes entreprises technologiques et numériques.
Mme EVELYN BOY-MENA, de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a déclaré que le treizième programme de travail 2019-2025 de l’OMS met l’accent sur les droits humains et la santé numérique pour faire avancer l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes. Ces services de santé ont le potentiel de « changer le paradigme » en augmentant l’accessibilité aux soins de santé, notamment sexuelle et reproductive, et en améliorant la diffusion d’informations en temps de crise. Si les transformations numériques peuvent avoir des retombées positives, elles doivent cependant s’appuyer sur des politiques tenant compte des questions de genre et reposant sur une approche inclusive. Elle a ensuite appelé à combler le fossé numérique dans les zones rurales et isolées afin de parvenir à une véritable égalité des chances.
Mme BIPLABI SHRESTHA, du Centre de recherches et de ressources pour les femmes de l’Asie-Pacifique (AAROW), a relevé que malgré les avantages du dividende démographique, la région Asie-Pacifique, qui abrite 60% de la jeunesse mondiale, continue de rencontrer des obstacles pour éduquer sa jeunesse. Elle a indiqué que la pandémie de COVID-19 a eu un impact sur la transition entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, s’inquiétant de la diminution de l’accessibilité à une éducation de qualité, situation exacerbée par le creusement de la fracture numérique. De fait, a-t-elle dit, Internet n’est toujours pas disponible dans les zones les plus reculées de la région et l’apprentissage en ligne n’est donc pas facile d’accès. La représentante a ensuite appelé à renforcer la culture numérique des femmes et des filles et à leur faciliter un accès à de nouveaux types d’environnements numériques d’éducation à la sexualité qui soient réalistes, adaptés aux jeunes et non moralisateurs. Elle a aussi plaidé pour la mise en œuvre de lois fondées sur les droits pour réglementer la confidentialité des données et garantir la sécurité numérique des personnes de tous âges.
Mme RIVERA, du Centre des cultures autochtones du Pérou (CHIRAPAQ), qui s’exprimait au nom du Réseau continental des femmes autochtones des Amériques (ECMIA), a tout d’abord demandé aux États-Unis de ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes afin que les femmes autochtones de ce pays puissent exercer leurs droits reconnus.
La représentante a ensuite insisté sur la nécessité de reconnaître les contributions et les systèmes de connaissances traditionnelles des peuples autochtones, en favorisant un meilleur accès aux technologies de l’information, de la communication et de l’innovation afin de protéger leurs droits, identités culturelles, ressources et territoires. À cet égard, a-t-elle estimé, les données collectées en tant qu’informations numériques devraient être déposées dans des bases de données librement accessibles aux peuples autochtones. Elle a également plaidé pour l’élaboration de politiques, protocoles et mesures de sécurité numérique pour protéger les droits des femmes, des jeunes femmes et des filles autochtones, ainsi que des défenseurs des droits humains, et éradiquer les violences et le harcèlement virtuel.
Enfin, elle a appelé au respect du consentement libre, préalable et éclairé des femmes autochtones lors de la conception et la mise en œuvre des programmes et des initiatives liés à l’infrastructure technologique dans les territoires autochtones.
Mme MELANIE BESNILIAN, de Human Rights Advocates, a plaidé en faveur de la neurodiversité, terme qui désigne des conditions telles que le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, l’autisme et la dyslexie. Les femmes et les filles neurodivergentes ont été historiquement sous-diagnostiquées et n’ont donc pas été prioritaires dans le système éducatif à l’échelle mondiale, a-t-elle relevé. À l’ère de l’éducation numérique et de la scolarisation en ligne, nous devons veiller à ce que les femmes et filles neurodivergentes aient accès aux soins appropriés. Elle a proposé que les conseils scolaires mettent en place des plans d’enseignement pour d’éventuels programmes d’éducation numérique ou de scolarisation en ligne tenant compte des étudiants neurodivergents. Afin d’assurer une égalité complète entre les sexes et d’assurer aux femmes et aux filles le droit à l’éducation, les femmes et les filles neurodivergentes doivent être prises en compte, a-t-elle argué.
Le délégué de l’Union pour la Méditerranée (UPM) a rappelé qu’en octobre dernier, les 43 États membres de cette organisation ont adopté leur cinquième Déclaration ministérielle sur le renforcement du rôle des femmes dans la société, qui reconnaît que l’innovation et les outils numériques leur offrent la possibilité d’accéder plus facilement à l’information, à l’éducation et aux compétences, tout en leur ouvrant des perspectives d’emploi. Toutefois, alors que la quatrième révolution industrielle crée des opportunités pour des modèles productifs nouveaux et plus écologiques, les entrepreneuses de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord souffrent d’un manque de sensibilisation suffisante aux possibilités offertes par les technologies, a fait remarquer l’intervenant. Parmi les engagements clefs adoptés par les États membres de cette organisation, l’UPM a souligné la promotion de modèles inclusifs de leadership dans tous les domaines, y compris l’éducation et les compétences en matière de STIM. L’investissement dans des programmes visant à accroître la culture numérique et financière des femmes est une autre mesure adoptée, tout comme la nécessité d’accélérer la transformation numérique en tant que vecteur d’innovation et de créativité, a encore souligné l’orateur.
La déléguée de Indigenous Peoples’ International Centre for Policy Research and Education a déclaré que les femmes autochtones se trouvent dans différents contextes de marginalisation, que ce soit dans les centres urbains ou dans les zones rurales et isolées. Elles partagent une histoire commune de discrimination en raison de leur identité de femmes autochtones, du fait notamment de l’inaccessibilité aux fondements de l’autonomisation, soit l’éducation et les services de santé. Elle a signalé que les médias sociaux sont utilisés pour propager la désinformation et dénigrer les femmes et les jeunes autochtones qui défendent leurs terres, aux Philippines notamment. La technologie et l’innovation ont, selon elle, privé les femmes autochtones et leurs communautés du droit de s’approprier leurs connaissances, avec des effets néfastes sur la culture et l’identité autochtones, en particulier chez les jeunes. Des motifs traditionnels de tissage ont ainsi été copiés et reproduits à large échelle sans attribution aux peuples autochtones, a-t-elle fait savoir. En cette ère de progrès technologiques rapides, elle a estimé nécessaire de surmonter les obstacles structurels qui entravent la réalisation du développement inclusif et durable pour les femmes autochtones.
La déléguée de International Federation of Business and Professional Women a appelé à faire de l’éducation, de l’innovation et du changement technologique à l’ère numérique des priorités pour parvenir à la justice et à l’égalité entre les sexes et à l’autonomisation économique de toutes les femmes et filles. Pour ce faire, elle a préconisé l’emploi d’algorithmes et d’applications sensibles au genre qui aident à prévenir la cyberintimidation et le harcèlement des femmes et des filles. Affirmant qu’il faudra recourir à l’agriculture intelligente améliorée pour pouvoir nourrir une population mondiale qui augmentera de 70% d’ici à 2050, elle a plaidé pour l’utilisation de la connectivité sans fil et de l’informatique en nuage pour collecter des données et fournir des informations exploitables qui soient sensibles au genre. Elle a d’autre part souligné que les approches inclusives du genre sont synonymes d’une meilleure gestion des risques de catastrophe, lesquels affectent particulièrement les femmes rurales.
La déléguée de International Federation of Medical Students’ Associations a souligné l’importance de l’innovation, du changement technologique et de l’éducation à l’ère numérique pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et filles. La technologie a le potentiel de donner aux femmes et aux filles l’accès à l’information, aux plateformes d’expression et d’engagement civique, aux services de santé, juridiques et financiers, ainsi qu’aux opportunités d’emploi équitables, a-t-elle fait valoir. Elle a cependant reconnu que la technologie peut aussi exacerber les clivages existants entre les sexes et ouvrir de nouvelles voies de discrimination. Dans ce contexte, elle a appelé les États Membres, les ONG et le secteur privé à mettre en œuvre des avancées technologiques avec une approche transformatrice du genre, afin de favoriser l’égalité des sexes. Pour ce faire, elle a exhorté les parties prenantes à s’autoévaluer et à éliminer les préjugés sexistes, en créant des environnements qui poussent les femmes et les filles à intégrer le domaine des STIM et les postes de direction scientifiques et technologiques. Elle a également plaidé pour que les jeunes, qui sont les plus grands utilisateurs des nouvelles technologies, soient inclus dans les processus de prise de décisions et de mise en œuvre pertinents.
Mme ANNIKA WÜNSCHE, de la Confédération syndicale internationale, a exigé des actions concertées de la part des gouvernements, notamment compte tenu des écarts déjà persistants entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, encore aggravés par de multiples crises. Elle a estimé, en outre, qu’en cette ère de nouvelles technologies et de la numérisation, il est nécessaire de procéder à un changement de priorités pour élaborer des plans, des politiques et des budgets qui garantissent que les sociétés et les économies, à l’échelle locale et mondiale, soient transformatrices et inclusives sur le plan du genre et garantissent des droits et des protections, un travail décent pour les femmes dans toute leur diversité.
Mme DORIS TULIFAU, de International Women’s Development Agency Inc., a plaidé en faveur de la mise en place de politiques strictes sur le harcèlement sexuel en milieu de travail. Selon elle, les outils numériques et technologiques doivent être sensibles au genre, abordables, accessibles et respectueux de l’environnement. Elle a dénoncé la violence et la discrimination basées sur le genre en ligne et facilitées par la technologie, en appelant à une législation plus stricte pour réglementer la sécurité des femmes sur Internet grâce à une approche fondée sur les droits humains. La technologie doit en outre être résiliente et durable afin de permettre aux femmes du Pacifique de réagir aux catastrophes. La technologie numérique doit notamment leur permettre de participer de manière significative à la gestion des risques de catastrophe.
La déléguée de Derechos Digitales a encouragé les États à reconnaître et renforcer les engagements adoptés depuis les premières éditions du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), y compris les efforts pour une participation multipartite à la gouvernance des espaces numériques. Selon elle, les femmes, dans toute leur diversité, doivent être incluses de manière significative dans les processus de décision concernant le développement, le déploiement et la gouvernance technologiques si nous voulons construire l’égalité des sexes dans les contextes d’innovation et technologiques. À cette fin, elle a appelé les États à élaborer des politiques d’accès à Internet en prenant des mesures proactives pour surmonter les fractures numériques entre les sexes. Cela devrait s’accompagner de mesures visant à promouvoir l’alphabétisme numérique afin de permettre aux femmes de comprendre le fonctionnement des technologies et de pouvoir les modifier, a-t-elle avancé, invitant en outre les États à éviter d’adopter des technologies propriétaires dans les systèmes éducatifs publics. Elle a par ailleurs plaidé pour l’établissement de cadres fondés sur les droits pour lutter contre toutes les formes de violence sexiste, y compris la violence sexiste facilitée par la technologie.
La déléguée de Outright Action International, intervenant au nom du Caucus des lesbiennes, bisexuelles, trans et intersexuées (LBTI), a alerté que, dans les environnements technologiques, les personnes et les défenseurs LBTI sont souvent confrontés à des formes multiples et croisées de discrimination et de violence dues à des normes sociales et des culturelles néfastes. Si les technologies numériques donnent aux personnes LBTI la possibilité d’accéder à l’information, de créer une communauté et de faire progresser leurs droits humains, elles comportent aussi des menaces de censure, de surveillance, de harcèlement, d’intimidation et de cyberintimidation, a relevé la responsable associative. En conséquence, les personnes LBTI se trouvent exclues des technologies en ligne, en restant l’une des premières cibles de la violence basée sur le genre facilitée par la technologie. Face à cet état de fait, les États doivent s’assurer que les personnes LBTI peuvent rester en sécurité, exercer et jouir pleinement de leurs droits humains, à la fois en ligne et hors ligne, grâce à des législations, des politiques, des programmes et des partenariats solides, a-t-elle plaidé. Il importe également que toutes les personnes, y compris les femmes, les filles et les personnes LBTI, aient droit à une éducation inclusive et bénéficient des opportunités offertes par la technologie pour améliorer leur vie, a ajouté la militante.
Mme AMINA HERSI, de Oxfam International, s’est inquiétée que le droit à l’éducation soit gravement compromis non seulement par le coût de la nouvelle vague de mesures d’austérité, mais également par leurs impacts sexospécifiques qui touchent désormais 85% de la population mondiale. En raison du fardeau insoutenable de la dette, les gouvernements ont réduit de plus de 70% le financement de l’éducation publique, a dit l’intervenante citant le rapport 2022 Commitment to Reducing Inequality Index (CRI). Il ne fait aucun doute que cela entravera l’accès des filles à l’éducation et à la pleine réalisation de leurs droits, a-t-elle averti.
Mme HIQMAT SAANI, de Plan International Inc., a souhaité que sa voix puisse sortir de l’oubli et mettre en lumière « nos voix, nos génies, notre leadership et nos contributions » à la société. Elle a exhorté les gouvernements à donner la priorité aux personnes les plus marginalisées en raison de leurs identités croisées, les appelant notamment à mettre en œuvre des politiques et des législations participatives et inclusives qui encouragent l’innovation et la collaboration des filles et des jeunes femmes. Ils doivent aussi investir dans l’infrastructure numérique, l’éducation à la culture numérique et les programmes de formation professionnelle, et travailler ensemble au-delà des secteurs et des frontières pour s’assurer qu’aucune fille n’est laissée pour compte, a-t-elle ajouté.
La déléguée de Soka Gakkai International, au nom du Comité des ONG de la condition de la femme, qui représente des centaines d’ONG accréditées auprès de l’ECOSOC, a dit attendre avec impatience la poursuite d’approches innovantes et un engagement accru de la société civile en vue du prochain examen des méthodes de travail. Elle s’est dite encouragée de savoir que l’ECOSOC continue d’accréditer davantage d’ONG, dont le nombre atteint maintenant 5 451. Elle a demandé à la Commission de maintenir un cadre des droits humains dans ses conclusions concertées et de mettre en place des mécanismes de responsabilisation.
La déléguée de The Grail a constaté que les filles sont largement privées d’accès à la technologie, en particulier les filles rurales et autochtones, en raison de préjugés sexistes, de problèmes socioéconomiques et d’un soutien éducatif insuffisant. Elle a donc enjoint les États Membres à créer des espaces numériques sûrs pour la représentation inclusive des filles; à améliorer l’accès des filles à l’éducation et l’alphabétisation numériques; et à accroître l’accès aux médias sociaux pour les filles réprimées par des institutions. Elle leur a également demandé de combler les lacunes des politiques de sécurité et de prévoir des processus clairs de signalement du harcèlement numérique. Appelant à donner la priorité à l’éducation numérique, elle a invité les États Membres à promouvoir un enseignement et un apprentissage numériques sensibles au genre en investissant dans la formation des enseignants et en supprimant les préjugés sexistes des programmes. Elle a enfin plaidé pour une augmentation des financements publics des cours d’alphabétisation numérique délivrés par les écoles pour soutenir l’accès des filles au domaine des STIM. Les décideurs politiques doivent doter les filles, en particulier celles issues de communautés traditionnellement défavorisées, d’opportunités éducatives et professionnelles dans les espaces numériques, car, a-t-elle souligné, la pleine protection des droits humains ne sera atteinte que lorsque les filles auront des droits égaux dans le monde numérisé.
La déléguée de African Women’s Development & Communication Network a déclaré que les pays africains continuent de connaître un déficit de TIC marqué par un problème d’accès à Internet et à l’électricité, ce qui affecte particulièrement les femmes rurales. Elle a demandé la mise en place d’infrastructures résilientes et abordables afin de favoriser la participation des femmes aux nouvelles technologies. Pour assurer un accès abordable aux nouvelles technologies, elle a également demandé l’abolition des taxes sur certains produits numériques.
Table ronde d’experts
Mme ALISON GILLWALD, Directrice executive de ICT Africa à la University of Cape Town, Nelson Mandela School of Public Governance, a concentré son propos sur la nécessité de disposer de statistiques publiques pour remédier à la nature sexuée de l’inégalité numérique, déplorant le manque de données sur le genre pour appuyer la formulation de politiques numériques. Pour informer et influencer la prise de décisions, il est nécessaire, à son avis, de produire des données rigoureuses différenciées par sexe capables de mettre en évidence d’autres inégalités entre les sexes et d’isoler les points exacts de l’intervention politique nécessaire.
L’experte a regretté la présentation homogène du genre, souvent réduit à un cadre binaire et biologique étroit (homme et femme) dans le système statistique des Nations Unies, des agences multilatérales et des banques de développement. Ces approches ignorent la nature intersectionnelle de l’inégalité et la nature relationnelle du pouvoir entre les hommes et les femmes, les hommes et les hommes, et les femmes et les femmes. L’écart (ou l’absence) de données sur le genre s’accroît encore lorsqu’il s’agit de femmes de couleur, de femmes de la classe ouvrière et, plus encore, de femmes du secteur informel.
L’experte a également pointé le peu de données pouvant être désagrégées pour identifier ou confirmer l’impact inégal de la numérisation sur différentes catégories de personnes ou de communautés et, par conséquent, les points d’intervention politique pour y remédier. C’est le cas en particulier dans les pays du Sud, où résident la plupart des gens, dont beaucoup sont très éloignés du potentiel de transformation des technologies numériques.
S’appuyant sur le rapport 2021 sur le développement dans le monde de la Banque mondiale, Mme Gillwald a relevé que les lacunes en matière de données ventilées sur les femmes et les filles sont particulièrement graves. Seuls 10 des 54 indicateurs sexospécifiques (19%) des ODD sont largement disponibles, et seuls 24% des indicateurs sexospécifiques disponibles datent de 2010 ou d’une date ultérieure. Pour obtenir des résultats plus équitables, elle a souligné qu’une collecte de données beaucoup plus efficace est essentielle pour permettre des analyses ventilées par sexe, par revenu, par éducation, par emploi et par âge, en vue d’une politique informée et innovante capable de réguler des systèmes d’information dynamiques, complexes et adaptatifs.
Mme NINO ENUKIDZE, rectrice de l’Université des affaires et de la technologie, en Géorgie, a fait remarquer que moins d’une décennie après avoir entendu pour la première fois l’expression « quatrième révolution industrielle », il est difficile de nommer une industrie qui n’a pas adopté la transformation numérique. Au cours de cette période, nous avons été témoins de la façon dont la technologie est devenue le plus grand accélérateur de la croissance économique dans le monde. Pourtant, a-t-elle ajouté, les femmes demeurent sous-représentées dans les domaines qui bénéficient du développement technologique, une impression confirmée par une étude du Global Gender Gap Report qui indique qu’il faudra encore 132 ans pour parvenir à l’égalité en milieu de travail. Ces lacunes mènent selon elle à des écosystèmes d’innovation « médiocres » et au développement limité de talents pour les industries.
En Géorgie, a poursuivi la rectrice, les femmes sont toujours confrontées à la violence sexiste, au harcèlement, à l’inégalité de rémunération, au travail domestique non rémunéré et à la fracture numérique entre les sexes. Seules 15% des filles choisissent de faire carrière dans l’industrie technologique, un domaine où elles demeurent « clairement minoritaires ». Pour y remédier, Mme Enukidze a proposé de susciter l’intérêt des filles pour les technologies en organisant des événements en partenariat avec les secteurs public et privé, de favoriser les opportunités technologiques sans préjugés ni stéréotypes, et de s’attaquer au renforcement des capacités en aménageant des infrastructures inclusives. Des partenariats public-privé peuvent contribuer à rendre la technologie abordable, a-t-elle relevé, en soulignant que les organisations internationales contribuent à la construction d’un écosystème éducatif inclusif dans le monde numérique.
Avec le soutien d’ONU-Femmes Géorgie, l’Université des affaires et de la technologie a lancé le projet « École de codage pour les femmes », un programme d’alphabétisation numérique financé par l’Université et des organisations internationales, ainsi que des ateliers de formation professionnelle pour les femmes. Autre projet phare de l’Université: « 500 femmes en tech », mis en œuvre avec le soutien d’ONU-Femmes Géorgie et du Gouvernement norvégien, offre des formations gratuites à 500 femmes à travers la Géorgie, y compris des réfugiées ukrainiennes. « Nous ne voulons pas nous battre. Mais tant que nous n’aurons pas atteint l’égalité des chances en matière d’éducation pour les femmes à l’ère numérique, nous le ferons », a assuré Mme Enukidze.
Mme ELISA LINDINGER, cofondatrice et Directrice générale du SUPERRR Lab, a observé que le débat sur la technologie et l’égalité de genre se concentre trop souvent sur les problèmes qui se posent là où les utilisateurs humains et les applications numériques se rencontrent, c’est-à-dire sur les grandes plateformes ou lors de l’utilisation d’applications et de services numériques, là où la désinformation et les discours de haine ont lieu et où la discrimination par la technologie devient visible. Elle s’est cependant déclarée convaincue que, pour rendre la technologie sensible au genre, il faut en examiner d’autres aspects, notamment les limites du déploiement de solutions techniques aux problèmes sociaux. Face à la censure, à la violence sexiste et au retrait de la vie en ligne que vivent nombre de femmes, de filles et de personnes non conformes, les décideurs politiques répondent le plus souvent par des solutions techniques, a-t-elle noté, citant entre autres la modération des contenus, la désanonymisation, la conservation des données et la surveillance en ligne. Or, il ne s’agit pas de problèmes « numériques », mais de problèmes sociaux ancrés dans le monde hors ligne et multipliés grâce à la technologie, a-t-elle fait remarquer. Selon elle, les solutions techniques aux défis sociaux complexes ne peuvent traiter que les symptômes, sans éliminer les causes de la haine, de la désinformation, de la discrimination ou des abus.
Pour lutter contre la violence sexiste facilitée par la technologie, des organisations de la société civile dirigées par des femmes ont développé des stratégies tenant compte des traumatismes et centrées sur les survivantes, a indiqué Mme Lindinger. À l’inverse de ces stratégies, qui comprennent une aide juridique, un soutien psychologique et une consultation technique, le recours à des solutions techniques aux problèmes sociaux peut, à ses yeux, ouvrir la voie à des dérives fonctionnelles. Ainsi, appeler à plus de conservation des données, à une surveillance en ligne et à la fin de l’anonymat dans le but de lutter contre la violence fondée sur le sexe risque d’affaiblir la sécurité de toutes les personnes en ligne, a-t-elle prévenu, estimant que les femmes et les personnes non conformes seront les premières à être lésées par les conséquences de telles mesures. De fait, a-t-elle fait valoir, si nous voulons apporter des réponses justes et proportionnées à la violence sexiste en ligne, nous devons nous concentrer sur la résolution de ses causes profondes, tout en évitant de se fier à la technique pour résoudre le défi social sous-jacent.
De l’avis de la chercheuse, les données mondiales sur l’impact sexospécifique de la technologie numérique sont parfois trop simplistes. Plaidant pour une ventilation par sexe, elle a cependant averti que la collecte de données à haute résolution et sexospécifiques présente également un risque d’utilisation pour discriminer davantage les personnes à risque. Il importe donc, selon elle, que les données ventilées par sexe ne soient collectées qu’avec les normes de protection des données les plus élevées et jamais sans consultation des groupes concernés. S’agissant par ailleurs des instances de gouvernance d’Internet, Mme Lindinger a constaté que la présence des femmes y est souvent faible, de l’ordre de 27% à la Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet et de seulement 9,45% à l’IETF, ce qui nuit aux décisions liées au genre. Ce n’est toutefois pas le cas du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI), qui compte 43% de femmes dans ses effectifs et traite régulièrement de sujets sur l’égalité femmes-hommes, sans pour autant générer de politiques contraignantes. Il serait donc souhaitable, à son avis, de créer des structures d’appui aux experts de l’égalité femmes-hommes ainsi qu’aux jeunes femmes informaticiennes et ingénieures pour que leur expertise soit entendue plus fréquemment dans ces instances.
Mme ANITA GURUMURTHY, Directrice exécutive de IT for Change, a noté la « vulnérabilité » de la science des données aux préjugés sociaux en matière de genre, qui révèle selon elle la façon dont la « superstructure mondiale de l’innovation repose sur l’exploitation de données aveugles, la déshumanisation des chaînes de valeur de l’intelligence artificielle et des pratiques de données irresponsables ». À ses yeux, un système d’intelligence artificielle qui ne tient pas compte de la différenciation de statut social produite par les « opérations intersectionnelles du pouvoir de genre » pourrait entraîner des services inférieurs pour les femmes et les personnes non binaires, une répartition inéquitable des ressources et le renforcement des stéréotypes.
Une représentation appropriée des divers groupes et intérêts dans les données utilisées pour créer les modèles d’intelligence artificielle est donc essentielle, a fait valoir Mme Gurumurthy. Elle a considéré que la science des données doit créer des « cercles vertueux » entre la collecte de données, le traitement, l’analyse, la création de modèles et la transformation sociale. Le contrôle exclusif d’ensembles de données par quelques plateformes mondiales mène selon elle à l’exclusion. Elle a cité l’exemple du marché mondial de l’innovation femtech, en pleine expansion, qui repose sur des données menstruelles et reproductives. De plus, l’écosystème de l’innovation en intelligence artificielle, qui se situe principalement dans le Nord global, s’appuie sur une main-d’œuvre genrée et racialisée dans les chaînes de travail transfrontalières, exploitant les femmes du Sud global. Le point de départ du féminisme des données est donc la reconnaissance que le pouvoir n’est pas équitablement réparti dans le monde et que nous devons aborder les systèmes de données différemment, a-t-elle expliqué.
Mme REEM ALSALEM, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, a dit avoir été alarmée, lors de ses nombreux déplacements, par la prolifération de la violence sexiste par le biais de la technologie. Elle a ainsi constaté que la violence sexiste facilitée par la technologie est devenue l’un des outils les plus courants et les plus accessibles, les auteurs pouvant agir de manière anonyme et sans souci quant à leur responsabilité. Ces actions sont aidées par le niveau élevé de tolérance des plateformes Internet à l’égard de la violence sexiste et par le cadre juridique national qui ne parvient souvent pas à faire respecter les droits humains de tous les groupes de la société. Lorsque ces cadres présentent des failles, ils ont tendance à encourager la discrimination et à restreindre ou saper le droit à la liberté d’association et d’expression des acteurs de la société civile, y compris les groupes de femmes, permettant ainsi à la violence basée sur la technologie de prospérer, a-t-elle relevé. La Rapporteuse spéciale a, par exemple, noté que si le pouvoir en place incite à la haine contre une minorité religieuse ou dépeint ses membres comme des citoyens de seconde classe, alors les femmes appartenant à ce groupe seront parmi les premières à être attaquées en ligne, en raison de leur vulnérabilité et du symbole d’avenir qu’elles représentent.
Mme Alsalem a d’autre part observé que la violence sexiste basée sur la technologie est profondément ancrée dans l’écosystème plus large du patriarcat et de la misogynie dans toute société donnée. Elle a fait valoir, à cet égard, que la pornographie et la normalisation de son utilisation contribuent à des façons violentes, exploitantes et dégradantes de percevoir et de traiter les femmes et les enfants. Selon elle, le patriarcat se ressent à la fois au niveau individuel et collectif et façonne la manière dont les femmes accèdent à la technologie. Par exemple, même lorsque les services sont disponibles pour les femmes, l’utilisation d’Internet peut être étroitement surveillée par des parents masculins ou autorisée uniquement via des appareils partagés. Il est donc important, selon elle, de veiller à ce qu’un Internet abordable soit disponible, y compris pour les femmes qui sont impliquées dans l’activisme et les organisations de la société civile au niveau local. La violence sexiste fondée sur la technologie ne peut pas non plus être retirée d’un contexte plus large de préjugés sexistes de la part des forces de l’ordre, du système judiciaire et de leur incapacité ou refus systématique de recevoir des signalements de victimes de violence et d’agir en conséquence, a-t-elle poursuivi, affirmant avoir constaté ce type d’environnement dans au moins un des pays qu’elle a visités.
La Rapporteuse spéciale a également averti que si les gouvernements se taisent lorsque les acteurs de la société civile sont accusés de corrompre la moralité de la société ou sont dépeints comme des agents étrangers, cela fournit une justification à l’attaque. Il est par conséquent essentiel que les États condamnent publiquement et enquêtent dûment sur les campagnes de diffamation contre les femmes exerçant leurs droits légitimes à la liberté de réunion et d’association pacifiques, et que tout comportement de ce type soit criminalisé, a-t-elle plaidé, avant de rappeler que les acteurs de la société civile et les mouvements civiques, y compris ceux dirigés par des femmes, utilisent la technologie comme moyen de lutter contre les abus et la violence qu’ils subissent via cette même technologie. Ils l’utilisent également pour défendre leurs droits, tels que leurs droits sexuels et reproductifs, et ce, à un coût personnel et collectif élevé, a souligné Mme Alsalem.
Mme MONICA ROQUÉ, Secrétaire générale des droits humains, de la gérontologie communautaire, du genre et des politiques de soins de l’Institut national des services sociaux pour les retraités de l’Argentine, a axé son intervention sur les femmes âgées, qui représentent 56% de la population âgée de plus de 65 ans et leur accès aux nouvelles technologies. Elle a constaté que le revenu est fondamental pour l’accès aux TIC, notant que dans la région Amérique latine-Caraïbes, les femmes âgées de 75 ans et plus sont deux fois plus susceptibles d’être pauvres que les femmes âgées de 26 à 40 ans. Et dans l’Union européenne, en 2019, le risque de pauvreté et d’exclusion sociale au-delà de 75 ans, était plus élevé pour les femmes que pour les hommes, avec 23% pour les femmes et 16% pour les hommes. L’éducation de base est un autre facteur déterminant, a-t-elle ajouté, notant que dans le monde, 30% des femmes âgées de 65 ans et plus sont analphabètes, contre 19% des hommes. Sachant que le fossé en matière d’éducation pour les personnes âgées et surtout pour les femmes est encore très important, elle a recommandé de commencer par combattre ces inégalités afin de réduire la fracture numérique pour les femmes âgées.
Sur la base d’une étude de l’Union européenne, Mme Roqué a par ailleurs relevé que si 81% de la population de l’UE utilise l’ordinateur quotidiennement, ce chiffre tombe à 74% pour les personnes âgées de 65 à 74 ans. De même, 51% des personnes âgées ont des compétences technologiques faibles ou inexistantes, contre 32% de la population générale, les femmes âgées enregistrant 10 points de moins que les hommes. L’experte a également signalé qu’en Amérique latine, en 2018, 54% des personnes âgées de 65 ans et plus n’avaient pas de connexion Internet. Et selon un rapport de Latinobarómetro en 2020, l’utilisation des réseaux sociaux par les personnes âgées en Amérique latine et dans les Caraïbes était très faible, WhatsApp étant utilisé par 8% des personnes âgées comparé à 49% des personnes âgées de 26 à 59 ans.
Les femmes âgées, fondamentalement, sont les plus désavantagées dans ces nouveaux scénarios numériques, a analysé l’experte, détaillant d’autres inégalités dont souffrent ces dernières, telles que la solitude, l’isolement et la violence. Cette dernière situation est largement invisible, car la recherche sur la violence fondée sur le genre dans le monde couvre en général la tranche d’âge jusqu’à 49 ans. Or, une étude menée dans les pays européens a montré que 25% des femmes âgées avaient subi des violences émotionnelles, environ 10% avaient été victimes d’abus financiers et 3% avaient été victimes d’exploitation sexuelle. En outre, selon l’Institut national des services sociaux pour les retraités d’Argentine (PAMI), 50% des demandes d’aide formulées par des femmes âgées de 60 ans et plus l’ont été par WhatsApp et 10% par courrier électronique. Cela démontre, a-t-elle fait valoir, l’importance des TIC pour prévenir et traiter ces situations, tout en favorisant l’indépendance et l’autonomie.
Dialogue interactif
Suite à ces exposés, le Pakistan s’est inquiété du creusement continue de la fracture numérique, non seulement entre hommes et femmes ou entre pays développés et pays en développement, mais aussi à l’intérieur même de ces derniers. Dans les pays en développement, la proportion de femmes qui œuvrent dans le numérique est faible, et elles occupent souvent des emplois subalternes, a reconnu le Burundi. Pourtant, la majorité des solutions présentées devant la Commission visent au premier chef les femmes urbaines, a relevé la Guinée équatoriale en s’inquiétant de l’écart avec les femmes rurales.
Constatant à son tour que l’analphabétisme et la pauvreté continuent de sévir parmi les filles et les femmes des milieux ruraux, la Mauritanie a expliqué qu’elle offre des bourses aux filles et aux familles dont les enfants sont scolarisés. La Côte d’Ivoire a proposé pour sa part aux délégations d’examiner le moyen d’assurer le suivi des inégalités numériques entre hommes et femmes et entre femmes du Nord et du Sud afin d’y mettre un terme.
Reprenant la parole, la Secrétaire générale des droits humains, de la gérontologie communautaire, du genre et des politiques de soins de l’Institut national des services sociaux pour les retraités de l’Argentine a ajouté au « caractère croisé et multiple » des inégalités numériques en évoquant les femmes âgées vivant en milieu rural, qui doivent selon elle, faire l’objet de politiques publiques spécifiques. Bien que les problèmes augmentent avec l’âge, les données les concernant demeurent très fragmentaires, a-t-elle noté.
Les politiques publiques doivent non seulement contribuer à refermer la fracture numérique mais également les inégalités entre les sexes dans cette nouvelle réalité qui est la nôtre, a opiné El Salvador. Considérant que la fracture numérique renforce les inégalités socioéconomiques existantes entre les hommes et les femmes, les États-Unis ont publié une mise à jour de leur stratégie de prévention en réaction à la violence fondée sur le genre, notamment dans le domaine de l’innovation et de la technologie.
Pour combler ce fossé et faire en sorte que 80% de la population européenne puisse utiliser le numérique d’ici à 2030, avec une parité hommes-femmes, l’Union européenne a conseillé d’intégrer les questions relatives à l’égalité hommes-femmes au développement technologique, en mettant en avant des solutions qui tiennent compte des besoins des femmes, afin qu’elles puissent participer pleinement à la vie politique.
La Directrice exécutive de Research ICT Africa a toutefois estimé qu’en l’absence de statistiques publiques suffisantes sur l’inclusion numérique, les gouvernements ne disposent pas des données nécessaires pour aborder ces questions de façon globale. Les algorithmes doivent se fonder sur des données fragmentées et ventilées, partagées par l’ensemble des acteurs concernés, y compris les entreprises, pour parvenir à une appréciation juste de la situation des technologies numériques, a renchéri la Directrice exécutive de IT for Change.
L’ONG RFSL a estimé pour sa part que les membres de la communauté LGBTQI devraient être consultés à chaque étape de la conception des produits numériques afin de prévenir la cyberviolence et la marginalisation en ligne. Une opinion partagée par le Danemark, qui a plaidé pour une technologie inclusive. À cette fin, nous avons besoins d’une technologie numérique qui tienne compte des droits humains, a fait valoir Derechos Digitales, pour qui l’accès à la technologie constitue en lui-même un droit fondamental.
Pour le Kenya, la cybercriminalité a permis à la criminalité transnationale organisée d’évoluer et affecte en premier lieu les femmes et les filles, qui sont menacées par l’exploitation sexuelle en ligne, la pornographie et la publication de contenus sexistes.
Enfin, l’Ukraine a indiqué que depuis son invasion par la Fédération de Russie, les enfants, y compris les filles qui étudiaient dans le domaine des STIM, doivent se terrer dans des abris anti-bombes pendant que les écoles se font bombarder. « Tant que les Russes resteront, l’avenir de nos enfants sera compromis », s’est désolée la délégation.