Commission de la condition de la femme: sept exposés volontaires soulignent l’importance de donner plus de visibilité aux femmes rurales
La Commission de la condition de la femme a entendu, aujourd’hui, sept exposés volontaires sur le thème « Problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural ». Il s’est agi de dénoncer « l’invisibilité » dont pâtissent les femmes rurales pourtant pilier de la production agricole et de la sécurité alimentaire, point sur lequel se sont accordés les sept États Membres qui ont participé à cet exercice, à savoir l’Arabie saoudite, le Brésil, le Chili, la Côte d’Ivoire, la Jordanie, la Mongolie et l’Ukraine.
Dans un premier temps, la Ministre de la femme et de l’égalité de genre du Chili a indiqué que si les femmes rurales contribuent de manière significative à la production alimentaire et à l’économie locale de son pays, elles présentent des niveaux de pauvreté monétaire plus élevés (17,2%) que les femmes des zones urbaines (7,8%). C’est pour remédier à cette situation que le Gouvernement a lancé en 2022 le premier fonds pour les agricultrices afin de leur permettre d’obtenir les ressources nécessaires pour construire des systèmes d’irrigation et mieux faire face à la crise hydrique et aux effets des changements climatiques.
Les disparités croissantes entre le développement urbain et rural ont également été pointées par le Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de la Mongolie qui a constaté que dans les zones reculées, les services sanitaires, sociaux et éducatifs à l’intention des femmes demeurent inadéquats, ce qui entrave leur pleine participation à l’activité politique et économique du pays. Pour y remédier, le Gouvernement mongol entend créer un environnement propice à des moyens de subsistance stables pour les femmes dans les zones rurales, en offrant des services de santé mobiles et en favorisant la « justice salariale » et une sécurité sociale accrue, en particulier pour les bergères.
Soucieuse elle aussi de renforcer le rôle économique des femmes en milieu rural, la Côte d’Ivoire s’y attèle en appuyant le développement industriel en zone rurale et en renforçant l’accès des femmes à la protection sociale, à l’éducation, au crédit et aux nouvelles technologies, a fait valoir la Ministre de la femme, de la famille et de l’enfant qui a précisé que dans son pays, les femmes rurales occupent 40% des emplois agricoles et assurent 80% de la main d’œuvre de la production vivrière.
Déplorant le recul des actions publiques en faveur des femmes par le précédent Gouvernement, la Secrétaire nationale chargée de la coordination institutionnelle, des initiatives thématiques et de l’action politique du Brésil a signalé que l’accès restreint à l’eau touche particulièrement les femmes et les filles qui doivent parcourir de longues distances pour s’en procurer, les exposant à des agressions et entraînant une « explosion » de leurs vulnérabilités. Elle a également cité une étude selon laquelle 31% des agricultrices auraient fait l’objet de menaces de mort, d’intimidation et de racisme, plaidant pour l’élargissement des politiques de discrimination positive à l’endroit des femmes rurales qui demeurent confrontées à des violences sexuelles et sexistes multiformes.
La Vice-Ministre de l’environnement, de l’eau, et de l’agriculture de l’Arabie saoudite a, pour sa part, mentionné l’aide apportée pour appuyer des pratiques agricoles modernes, ainsi que la formation dispensée pour le développement des compétences.
Mais cela reste un grand défi, a concédé la Présidente de la Commission nationale pour les femmes de Jordanie, qui a indiqué que la stratégie jordanienne pour la sécurité alimentaire met l’accent sur l’amélioration du sort des femmes en milieu rural. Parmi les autres mesures prises par son pays, elle a cité le développement du télétravail et la garde d’enfants.
Beaucoup de gens ne sont pas pleinement conscients du prix que les Ukrainiens, y compris les femmes, paient pour semer et récolter les céréales sous le feu des missiles et des bombes russes, a signalé pour sa part la Commissaire gouvernementale pour la politique de l’égalité de genre de l’Ukraine qui a fait savoir qu’en raison du minage et des dégâts provoqués par la guerre, des surfaces considérables ne sont plus cultivables. Qui plus est, l’invasion russe a provoqué de nouveaux déséquilibres entre les sexes, exacerbant les inégalités existantes entre les hommes et les femmes dans l’agriculture, et accentuant la perte des moyens de subsistance. Les femmes ont dû assumer de nouveaux rôles dans le secteur agricole et fournir davantage d’efforts pour s’occuper de leur foyer, a indiqué la dignitaire.
Au cours des débats interactifs qui ont suivi ces présentations, plusieurs délégations et organisations de la société civile sont montées au front, dénonçant le manque d’accès à l’espace numérique et de connaissance des outils informatiques, en plus du harcèlement en ligne qui entraîne des violences hors ligne à l’égard notamment des populations autochtones. L’Assemblée parlementaire de la Méditerranée a fait état de son côté d’une féminisation de l’agriculture qui inclut des femmes migrantes victimes de traite, évoquant une situation « très complexe ».
La Commission reprendra ses travaux lundi 13 mars à partir de 10 heures.
SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE » - POINT 3
Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives - Point 3 a) (E/CN.6/2023/3, E/CN.6/2023/4, E/CN.6/2023/5)
Thème de l’évaluation: problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural (conclusions concertées de la soixante-deuxième session) - Point 3 a) ii)
Exposés volontaires, suivis d’un dialogue interactif
Déclaration liminaire
Mme SARAH E. HENDRIKS, Directrice de la Division des politiques, des programmes et des relations intergouvernementales d’ONU-Femmes, a présenté le rapport du Secrétaire général E/CN.6/2023/4 qui examine les progrès accomplis par les États Membres dans la mise en œuvre des conclusions concertées de la Commission de la condition de la femme à sa soixante-deuxième session, tenue en 2018, qui avait pour thème « Problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural ».
À moins d’une décennie de l’aboutissement du Programme 2030, le monde est en proie aux répercussions combinées de la pandémie de COVID-19, de la crise du coût de la vie, des crises alimentaire et énergétique, et des urgences environnementales et climatiques. Ces crises en cascade se répercutent de manière disproportionnée sur les femmes et les filles de zones rurales, notamment en les rendant plus vulnérables à l’extrême pauvreté, a déploré la responsable onusienne. Elle a également relevé que les écarts et les inégalités entre les sexes continuent de se creuser en milieu rural, les femmes et les filles de ces zones étant à la traîne pour tous les indicateurs liés aux objectifs de développement durable. Mme Hendricks a plaidé pour des efforts de développement renouvelés et ciblés. Des investissements et des engagements solides sont nécessaires pour transformer les moyens de subsistance, le bien-être et la résilience des femmes et des filles rurales, a-t-elle souligné.
TABLES RONDES
Exposé volontaire du Chili
Mme ANTONIA ORELLANA, Ministre de la femme et de l’égalité de genre du Chili, a indiqué que les femmes rurales contribuent de manière significative à la production alimentaire et à l’économie locale du Chili, mais présentent des niveaux de pauvreté monétaire plus élevés (17,2%) que les femmes des zones urbaines (7,8%). Malheureusement, cet écart persiste en ce qui concerne la pauvreté multidimensionnelle, qui atteint 37,1%, soit 19,3 points de pourcentage de plus que les femmes des territoires urbains, selon des chiffres de 2017. En outre, la participation des femmes rurales au marché du travail n’atteint que 32,2% des personnes employées, soit 10 points de moins qu’en milieu urbain, un écart qui s’est creusé pendant la pandémie de COVID-19.
S’agissant de la participation, la dignitaire a indiqué qu’un système de tables rondes des femmes rurales a été établit dans chaque région. Ces instances public-privé de participation sociale, coordonnées par le Ministère de l’agriculture en collaboration avec les organisations des femmes rurales ont pour mission d’appuyer la formation et l’orientation éducative afin de combler les lacunes qui limitent le développement des femmes dans leurs communautés, a-t-elle expliqué.
En ce qui concerne l’autonomie économique, le Chili a progressé vers l’intégration d’une perspective de genre dans les mécanismes d’État. Cependant, a-t-elle reconnu, les niveaux de participation ne sont pas égaux entre les hommes et les femmes. C’est pourquoi le premier fonds pour les agricultrices a été lancé en 2022, pour près d’un million de dollars, un montant qui pourrait être porté à 3,5 millions de dollars en fonction de la qualité des projets. Elle a précisé que cette initiative vise à permettre aux agricultrices d’obtenir les ressources nécessaires pour construire des systèmes d’irrigation et mieux faire face à la crise hydrique et aux effets des changements climatiques.
La Ministre a par ailleurs indiqué qu’en 2019, le taux de violences domestiques était plus élevé dans les communes rurales, atteignant 712,7 cas pour 100 000 habitants, comparé à 622,7 dans les communes urbaines.
À son tour, Mme ANDREA MACÍAS PALMALA, Gouverneure régionale d’Aysén au Chili a signalé que les inégalités de genre dans l’agriculture sont particulièrement visibles pour ce qui est de l’accès à la terre et à l’eau, l’autonomie physique, la production locale et la diversité des cultures, ce qui a un impact sur l’autonomie économique des femmes. Elle a parlé du programme pour les micros et petites entreprises Fortalece y Reactiva: Programa para Micro y Pequeñas Empresas, expliquant que celui-ci génère des subventions supplémentaires pour les entreprises dirigées par des femmes, des personnes appartenant au peuple autochtone et à celles qui ont des entreprises rurales. Elle a indiqué que le gouvernement régional d’Aysén appuie une plus grande autonomie régionale, ce qui permet de répondre aux demandes des femmes rurales, paysannes et autochtones dans les domaines qui ont un impact direct sur les besoins, les intérêts et les objectifs de la région.
Suite à ces exposés, l’Argentine s’est interrogée sur la meilleure façon d’intégrer toute la diversité des femmes en milieu rural, notamment les pêcheuses, dans l’approche du Chili.
Comment le Gouvernement chilien aborde-t-il la question de l’intersectionalité dans les politiques publiques au profit des femmes rurales, autochtones et paysannes? s’est enquise la Colombie.
Répondant aux questions des États partenaires, la Ministre de la femme et de l’égalité de genre du Chili a indiqué que la fondation pour l’innovation agraire, qui relève du Ministère de l’agriculture, a créé le premier réseau de femmes innovatrices dans les 16 régions du pays. Le but, a-t-elle expliqué, est d’établir des liens et de renforcer les partenariats, en plus de mettre en place un espace sûr pour tirer parti des talents au niveau local et créer des alternatives économiques dans l’optique de l’autonomisation.
Elle a rappelé la longue tradition ancestrale du Chili en matière de pêche, soulignant que son gouvernement veille à renforcer le développement durable de la pêche artisanale, en tenant compte de la dimension genre. Elle a également évoqué une nouvelle législation qui regroupe les femmes travaillant dans ce secteur dans un registre, en plus de la formalisation des activités des femmes dans ce domaine pour leur permettre de se syndiquer.
Quant à la question relative à l’intersectionalité, la Ministre a fait valoir qu’une femme mapuche occupe un poste relativement élevé au sein du Gouvernement chilien. Dans l’objectif d’améliorer le dialogue avec les peuples autochtones, un premier diagnostic a été établi avec des responsables mapuches ce qui a permis d’identifier et de hiérarchiser les besoins.
Exposé volontaire de la Mongolie
M. ZULPHAR SARKHA, Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de la Mongolie, a d’abord énuméré les principales mesures prises depuis 2018 par son pays afin d’assurer l’égalité des sexes et la protection juridique des droits des filles et des femmes. Il a notamment cité la création d’un groupe de travail indépendant relevant du Comité national du genre, la révision de la loi du travail et l’adoption d’un plan stratégique pour l’égalité des sexes (2022-2031). En outre, un programme de soutien à l’emploi des femmes a été mis en œuvre pour la première fois en 2022, tandis qu’une loi sur les services de garde d’enfants a été adoptée afin de favoriser la conciliation entre travail et vie familiale. Toujours en 2022, un nouveau Ministère du développement numérique et des communications a été créé pour renforcer les infrastructures nécessaires à la transition numérique du pays et fournir des services publics en ligne, via le portail e-Mongolia. Le Vice-Ministre a noté que le projet conjoint avec les institutions spécialisées des Nations Unies en vue de renforcer la protection sociale des éleveurs et des bergers, ainsi que la réponse aux catastrophes en milieu rural, a été mis en œuvre avec succès.
Parmi les défis que doit encore surmonter la Mongolie pour favoriser l’autonomisation des filles et des femmes, M. Sarkhad a relevé la disparité croissante entre le développement urbain et rural, de même que la hausse du coût de la vie. Dans les zones reculées, les services sanitaires, sociaux et éducatifs à l’intention des femmes demeurent inadéquats, a-t-il reconnu, ce qui entrave leur pleine participation à l’activité politique et économique du pays. Bien que les femmes soient plus éduquées que les hommes, leur participation au marché du travail et leurs revenus ne correspondent pas à leur niveau d’éducation et demeurent inférieurs à ceux de leurs collègues masculins. À cet égard, le Vice-Ministre a noté que les filles et les femmes s’affairent surtout à des travaux ménagers non rémunérés, ce qui affecte négativement leur développement. Pour y remédier, le Gouvernement mongol entend créer un environnement propice à des moyens de subsistance stables pour les femmes dans les zones rurales, en offrant des services de santé mobiles et en favorisant la « justice salariale » et une sécurité sociale accrue, en particulier pour les bergères.
Suite à cet exposé et à la présentation d’une vidéo faisant état du développement technologique des femmes rurales de Mongolie, le Canada a souhaité connaître les mesures prises par ce pays pour favoriser la participation des femmes au marché du travail, compte tenu de ses politiques d’aide à l’enfance ou aux victimes de violence domestique. Le Vice-Ministre en a profité pour revenir sur la loi de 2020 qui vise à concilier la vie familiale et professionnelle des femmes. Alors que la violence envers les femmes a augmenté dans tous les pays, y compris la Mongolie, lors de la pandémie de COVID-19, il a noté la mise en place de structures de protection, avec 35 abris pour les victimes où des services sociaux sont disponibles.
Pays enclavé comme la Mongolie, le Kirghizistan s’est enquis des principaux défis auxquels font face les pays les moins avancés enclavés pour parvenir à la parité entre les hommes et les femmes. « Tout est fonction des ressources financières », a répondu le Vice-Ministre, en ajoutant que son gouvernement souhaite allouer à ces questions les ressources les plus amples possibles.
Exposé volontaire de la Côte d’Ivoire
Mme NASSENEBA TOURÉ, Ministre de la femme, de la famille et de l’enfant de Côte d’Ivoire, a déclaré que l’autonomisation des femmes rurales est un enjeu de souveraineté et de sécurité alimentaire, alors qu’elles occupent 40% des emplois agricoles et assurent 80% de la main d’œuvre de la production vivrière. À ses yeux, leur contribution est essentielle à la cohésion communautaire et à la stabilité du pays. Pour favoriser l’autonomisation des femmes en milieu rural, le Gouvernement ivoirien a renforcé ses cadres législatifs, mis en œuvre des politiques économiques et sociales adaptées et favorise leur développement professionnel. De même, des mesures ont été prises pour renforcer l’accès des femmes à la protection sociale, à l’éducation, au crédit et aux nouvelles technologies. Une couverture maladie universelle touche aujourd’hui 3,2 millions de personnes, et des centres d’accueil à l’intention des personnes vulnérables ou victimes de violence fondée sur le genre ont été aménagés, a expliqué la Ministre.
Le Gouvernement ivoirien s’affaire par ailleurs à mettre en œuvre le Programme d’action de Beijing et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a indiqué Mme Touré. L’Office de l’équité du genre et la Direction de l’autonomisation des femmes veillent à l’application des politiques publiques en la matière. À ce jour, le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire, qui finance des activités génératrices de revenus pour les femmes, est venu en aide à 360 000 d’entre elles. Un programme est également en cours afin d’introduire les technologies numériques dans les habitudes rurales, a expliqué la Ministre, en parallèle à la mise en place, d’ici à 2025, de 3 000 cybercentres, en zone rurale comme en zone urbaine. Dans cet élan, la Côte d’Ivoire entend poursuivre son action en faveur de l’autonomisation des femmes en milieu rural en menant des réformes, en assurant le développement industriel en zone rurale, avec notamment le programme Usines des femmes de Côte d’Ivoire, en finançant l’autonomisation des femmes en zone rurale et en créant un système intégré de gestion des données.
En réponse à une question du Maroc, Mme Touré a indiqué que les Centres d’accueil communautaire pour l’enfance (CACE) apportent une contribution significative à l’autonomisation des femmes rurales mères en leur permettant de réintégrer le marché du travail. La loi de l’école obligatoire a par ailleurs vu le pourcentage de filles qui étudient à l’école augmenter, tout comme « l’école de la seconde chance », qui permet aux filles de reprendre leurs études et d’apprendre un métier. À la rentrée 2023-2024, 24 matières seront proposées, notamment dans les métiers de la communication et du numérique, a-t-elle précisé. Les cantines scolaires gratuites sont également importantes, car les filles affrontent de nombreux dangers, y compris des risques d’agressions, sur la route, parfois longue, qu’elles doivent parcourir pour rentrer chez elles après le cours du matin.
La Côte d’Ivoire a par ailleurs adopté, en 2021, une stratégie de développement du numérique, qui offre aux femmes des possibilités d’autonomisation sociale et économiques, a rappelé la Ministre, en réponse à une question de la Belgique sur la stratégie du Gouvernement ivoirien pour inciter les femmes à faire usage des technologies numériques. La Ministre a également fait savoir que l’électrification est assurée sur 80% du territoire et que la fibre optique appuiera la création de 3 000 cybercentres, dont 75% en zones rurales, améliorant ainsi l’accès de femmes rurales au numérique.
Exposé volontaire de l’Ukraine
Mme KATERYNA LEVCHENKO, Commissaire gouvernementale pour la politique de l’égalité de genre de l’Ukraine, a indiqué que l’invasion russe a provoqué de nouveaux déséquilibres entre les sexes, exacerbant les inégalités existantes entre les hommes et les femmes dans l’agriculture, et accentuant la perte des moyens de subsistance. En outre, les femmes ont dû assumer de nouveaux rôles dans le secteur agricole et fournir davantage d’efforts pour s’occuper de leur foyer.
Malgré tous les défis, les droits des femmes et l’égalité des sexes sont restés les principales priorités du Gouvernement, a fait valoir la dignitaire qui s’est félicitée de la ratification, en juin dernier par son pays, de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ainsi que de la stratégie d’État visant à garantir l’égalité des chances dans le cadre des ODD. Le plan d’action national a toutefois dû être mis à jour en réponse aux conséquences de l’agression militaire russe.
Principal moteur de l’économie ukrainienne, le secteur agricole a connu une croissance régulière de 5 à 6% par an jusqu’au début de la guerre. La part de la production agricole dans le PIB était d’environ 10%, et de 16% avec les produits agricoles transformés. Elle a aussi indiqué que les femmes rurales participent activement aux processus de gouvernance locale et de prise de décisions, précisant que ces dernières représentent 20% des parlementaires. En outre les conseils de village sont constitués à environ 46% par des femmes et chez les chefs de collectivité locale, la proportion est d’un sur deux.
Après avoir salué le travail des femmes ukrainiennes, citant le nom de plusieurs «°héroïnes de guerre°», Mme°Levchenko a évalué à 6,5°milliards de dollars les pertes directes liées à l’invasion russe. De plus, en raison du minage et des dégâts, des surfaces considérables ne sont plus cultivables. Elle a expliqué que la nouvelle politique agraire du pays met l’accent sur la composante genre et les problématiques des femmes. Le pays s’est également fixé comme priorité la transformation économique du complexe agro-industriel et surtout le développement des infrastructures dans lequel la perspective du genre sera intégrée, a-t-elle ajouté.
La Ministre a ensuite relevé que les zones rurales comptent un pourcentage assez élevé des femmes âgées dont les contributions économiques sont notables en dépit du fait qu’elles ne sont pas considérées comme faisant partie de la population active. Elle a souligné que la garantie de l’égalité des droits et des chances pour les femmes dans les zones rurales est une tâche importante pour assurer le développement durable et la sécurité alimentaire en Ukraine ainsi que dans les pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, qui importent des céréales ukrainiennes. Cependant, beaucoup de gens ne sont pas pleinement conscients du prix que les Ukrainiens, y compris les femmes, paient pour semer et récolter les céréales sous le feu des missiles et des bombes russes, a-t-elle signalé.
À l’issue de cet exposé, la Lituanie a voulu savoir comment la numérisation est vécue dans les zones rurales par les femmes et les filles en ces temps de guerre. Le Guatemala s’est ensuite enquis des conséquences spécifiques de l’invasion à grande échelle sur les femmes et les filles en milieu rural.
Répondant à ces deux délégations, la Ministre a indiqué dans un premier temps que le Ministère de la transformation numérique de l’Ukraine a créé un réseau de partenariat regroupant plus de 6°000 centres d’éducation digitale dans le but de promouvoir l’acquisition de nouvelles compétences. Malheureusement, a-t-elle déploré, 200°centres ont été détruits par les troupes russes dans les territoires temporairement occupés.
Elle a ensuite expliqué que les milliers de missiles lancés sur le territoire ukrainien ont détruit environ 5% des terres agricoles et décimé 30% du bétail, avec un impact direct sur les femmes puisqu’elles représentent l’essentiel de la population dans ces zones. La dignitaire a estimé à plus de 38°milliards de dollars le montant des dégâts provoqués à l’environnement de son pays, précisant que 2°200°crimes contre l’environnement ont été enregistrés à ce stade.
Exposé volontaire de la Jordanie
Mme MAHA ALI, Présidente de la Commission nationale pour les femmes de la Jordanie, a indiqué que son pays a progressé sur la voie de l’autonomisation des femmes. Elle a détaillé les mesures prises, en mentionnant les lois récemment adoptées pour une égalité de salaire et pour combattre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. La stratégie nationale pour la sécurité alimentaire met l’accent sur l’amélioration du sort des femmes en milieu rural. Elle a ensuite détaillé les stratégies de protection sociale et de promotion des droits humains de la Jordanie. La loi sur les violences domestiques adoptée en 2017 a été un progrès considérable. La participation politique des femmes est un autre axe majeur, avec notamment l’introduction de quotas, a ajouté l’intervenante qui a précisé que les femmes représentent environ 14% des parlementaires en Jordanie.
Répondant à une question de l’Égypte sur le renforcement du rôle économique des femmes en milieu rural, Mme Ali a indiqué qu’il s’agit d’un grand défi pour la Jordanie, ainsi que pour le monde. Elle a égrené les mesures prises par son pays pour parvenir à cet objectif en mentionnant le développement du télétravail et la garde d’enfants. Elle a indiqué que l’intégration de la question du genre dans le secteur privé comme public est une réalité en Jordanie.
Elle a enfin répondu à une question de l’État de Palestine, sur l’autonomisation politique des femmes en rappelant les quotas adoptés par son pays dans une logique de discrimination positive en faveur des femmes. Les partis doivent présenter 10% au moins de femmes candidates, a-t-elle dit, en ajoutant que ces derniers reçoivent des financements accrus s’ils dépassent cette proportion.
Lors du court débat interactif qui a suivi ces cinq exposés, le délégué du Comité sur la sécurité alimentaire mondial a indiqué que des discussions sont en cours entre États Membres en vue de l’adoption de lignes directives sur l’égalité des genres dans un contexte d’insécurité alimentaire. Si un consensus n’avait pas été possible l’année dernière, il a indiqué avoir bon espoir que cela soit le cas cette année. Le Danemark a ensuite plaidé pour des solutions innovantes afin de remédier au recul des droits des femmes constaté cette année, tandis que les Philippines ont détaillé leur politique d’égalité entre les genres. La déléguée de l’Inuit Circumpolar Council (ICC) a rappelé la marginalisation des femmes autochtones en raison de la colonisation, de même que la stérilisation de ces femmes par le Danemark durant la seconde moitié du siècle dernier. Enfin, la déléguée du Fonds international de développement agricole (FIDA) a tiré la sonnette d’alarme sur les droits des femmes en milieu rural.
Exposé volontaire de l’Arabie saoudite
Mme MAHA ALDHAHI, Vice-Ministre de l’environnement, de l’eau, et de l’agriculture de l’Arabie saoudite, a détaillé la transformation sociale « extraordinaire » de son pays, se qualifiant d’exemple vivant de l’autonomisation de la femme saoudienne. Elle a rappelé que la femme est le pilier de la société, précisant que son pays s’était fixé l’objectif de 30% de femmes dans la force de travail d’ici à 2030. En 2022, cette proportion était de 36%, s’est-elle félicitée. Elle a également précisé que cinq femmes occupent des postes d’ambassadrices et que 39% des postes à responsabilité sont occupés par des femmes, ce qui n’existait pas il y a encore cinq ans. « Mais le chemin reste encore long », a-t-elle reconnu. Elle a détaillé la politique d’autonomisation de son pays, en mentionnant l’initiative « WARFA » pour appuyer les femmes en milieu rural. La loi est venue instaurer l’égalité salariale. La vie de la femme saoudienne a changé du tout au tout, a-t-elle tranché.
S’agissant de l’autonomisation de la femme en milieu agricole, elle a mentionné l’aide apportée pour appuyer des pratiques agricoles modernes, ainsi que la formation dispensée pour renforcer le développement des compétences. Enfin, elle a déclaré que le secret de la réussite dans ce domaine est d’appliquer des politiques qui soient différenciées et adaptées, loin de toute recette unique.
Répondant à des remarques de l’Indonésie, qui s’est intéressée aux meilleures pratiques, elle a mentionné le projet de création d’un programme d’enseignements au bénéfice des agriculteurs et agricultrices à des fins d’autonomisation. En réponse à une question du Koweït sur les mesures incitatives, elle a souligné le leadership du Prince Mohammed ben Salmane dans le domaine de l’autonomisation des femmes. Il faut donner aux femmes des zones rurales la possibilité d’occuper des postes décisionnels, a-t-elle tranché, en assurant qu’une femme exploitante agricole dans son pays recevra une aide si elle rencontre des difficultés de gestion. L’Égypte est également intervenue pour réclamer des précisions se rapportant aux critères internationaux.
La Malaisie s’est ensuite enquise de la stratégie de l’Arabie saoudite pour empêcher l’exode rurale des jeunes adultes, suivie de la Mauritanie qui s’est intéressée à l’autonomisation numérique des femmes, et du Cameroun qui a voulu en savoir plus sur le partage des bonnes pratiques. Après l’Institut de technologie du Costa Rica qui a cité les mérites des technologies émergentes, Cuba a indiqué que 32% des Cubaines sont propriétaires de leurs terres et que 57% des femmes rurales cubaines ont une éducation supérieure.
À son tour, l’Assemblée parlementaire de la méditerranée a souligné que les femmes rurales ne sont que 18,7% à faire partie de la main d’œuvre, soit, a-t-elle déploré, le niveau le plus bas dans le monde. Elle a également fait état d’une féminisation de l’agriculture qui inclut des femmes migrantes victimes de traite, évoquant une situation très complexe.
Le Groupe international pour les affaires autochtones a dénoncé les défis majeurs que rencontrent les femmes autochtones, y compris un manque d’accès à l’espace numérique et de connaissance des outils en ligne, en plus du harcèlement en ligne qui entraine des violences hors ligne. Outre le manque de données ventilées, la délégation s’est inquiétée de l’absence de reconnaissance juridique des connaissances autochtones. Clôturant cet échange, la représentante de l’Arabie saoudite a assuré que dans son pays, les femmes rurales peuvent accéder à des postes de décision, et que celles qui ont des moyens limités reçoivent un soutien financier pour, par exemple, augmenter la productivité de leur ferme grâce aux nouvelles technologies.
Exposé volontaire du Brésil
Mme CARMEN FORO, Secrétaire nationale chargée de la coordination institutionnelle, des initiatives thématiques et de l’action politique du Ministère de la femme du Brésil, a réitéré les engagements pris par son pays en faveur des femmes dans toute leur diversité depuis l’élection du Président Lula da Silva, engagements qui se sont vus renforcés par la mise en place du Ministère des femmes. Les besoins des femmes et des filles des zones rurales figurent en effet au premier plan des priorités du Ministère, a-t-elle noté, alors que la population rurale brésilienne souffre depuis des décennies de sous-investissements dans le secteur de l’agriculture familiale. La pauvreté affecte les femmes rurales de manière plus significative que les hommes en raison de l’inégalité entre les sexes qui trouve, selon elle, son origine dans le modèle patriarcal traditionnel de la société. La Ministre a déploré le recul des actions publiques en faveur des femmes par le précédent Gouvernement, qui a supprimé de nombreux programmes et initiatives publiques en leur faveur, exacerbant les inégalités entre les sexes et contribuant à un appauvrissement général qui affecte au premier chef les populations vulnérables et les communautés noires. Le déclin de la qualité de vie qui en découle a affecté en particulier les enfants. De même, l’accès restreint à l’eau touche particulièrement les femmes et les filles qui doivent parcourir de longues distances pour s’en procurer, les exposant à des agressions et entraînant une « explosion » de leurs vulnérabilités.
Le programme-phare de transfert de liquidités Bolsa familia a mis en exergue l’importance du rôle des femmes dans la gestion des ressources, permettant aux jeunes filles de poursuivre leurs études et d’avoir accès à de meilleurs emplois, a encore dit la Ministre. Selon une étude menée par la Commission des terres pastorales, 31% des agricultrices ont fait l’objet de menaces de mort, d’intimidation et de racisme. Nous devons donc élargir les politiques de discrimination positive à l’endroit des femmes vivant en milieu rural qui demeurent confrontées à des violences sexuelles et sexistes multiformes, a plaidé Mme Foro. Nous devons en outre renforcer la représentation des femmes dans les institutions, tout en mettant en œuvre des politiques publiques renforçant le rôle et l’autonomisation des femmes, en collaboration avec les institutions des Nations Unies, le Marché commun du Sud (MERCOSUR), la Banque interaméricaine de développement et autres institutions multilatérales. À cette fin, a ajouté la Ministre, il nous faut prendre en considération la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les femmes rurales du Brésil, « pays de la taille d’un continent » afin d’assurer leur accès à l’innovation technologique et une transition agroécologique tenant compte des connaissances traditionnelles.
En réponse à une question du Mexique à propos des actions qui doivent être engagées pour assurer le bien-être des femmes et des filles des milieux ruraux, Mme Foro a souligné l’importance d’acquérir des titres de propriété afin de bénéficier pleinement des programmes gouvernementaux. Elle a décrit les programmes publics d’acquisition alimentaire qui obligent à acheter la production agricole de femmes pour les repas scolaires, dont 30% doivent provenir d’exploitations familiales. Afin de mettre fin aux inégalités dont elles sont victimes, elle a appelé à rendre « visible » le rôle des femmes dans le monde rural. Avec 18 millions d’habitants, la campagne continue en effet d’être un lieu stratégique d’un point de vue économique, du fait de l’importance de la production alimentaire. Le nouveau Gouvernement brésilien entend donc mettre en place un dialogue avec la société civile et les groupes de femmes, a-t-elle ajouté.
À l’occasion du débat interactif qui a suivi l’exposé du Brésil, le Soudan a fait état de l’économie rurale stratégique, qui se déploie au moyen de partenariats nationaux et internationaux, en espérant que d’avantage de ressources y seront allouées. Pour la Mauritanie, le rôle des femmes rurales revêt une importance particulière alors que se poursuit l’exode des hommes vers les villes. Toutefois, près de 43% des femmes rurales demeurées à la campagne sont analphabètes et victimes de traditions culturelles négatives qui ne compensent pas les femmes pour leur travail familial.
La participation à part entière de toutes les populations, notamment des femmes et des filles autochtones, est essentielle au bien-être économique et à la santé du monde, ont fait valoir les États-Unis. La délégation a notamment exprimé sa solidarité envers les femmes afghanes dont les droits fondamentaux sont bafoués, tandis que l’Iran poursuit sa campagne de violence envers les femmes et les filles.
Combler les écarts existants dans les systèmes agroalimentaires est essentiel pour lutter contre la pauvreté des filles et éradiquer la faim, élément central du développement durable, a indiqué pour sa part l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) selon qui les technologies numériques peuvent obvier au manque d’accès des femmes aux ressources et aux marchés.