Le Forum sur les forêts examine les défis et les progrès réalisés dans la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts
Au troisième jour de sa session 2023, le Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF) a concentré son attention les progrès réalisés dans la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030). Le projet de création d’un bureau du Réseau mondial de facilitation du financement forestier en Chine a suscité de vives critiques de la part de certaines délégations qui ont dénoncé le manque de transparence du secrétariat du FNUF.
La Directrice du secrétariat du FNUF, Mme Juliette Biao, a profité de la présentation, lors de la première discussion générale, de la note portant sur les moyens de mise en œuvre du plan stratégique pour faire le point sur la création d’un bureau temporaire de projets à Beijing, financé par des contributions volontaires et administré par le Département des affaires économiques et sociales (DESA), afin de renforcer les activités de développement du Réseau mondial de facilitation.
Le Japon a cependant relevé une « certaine incohérence » dans la formulation de ce projet, et exprimé son scepticisme face aux consultations officieuses engagées entre le secrétariat et la Chine depuis la dix-septième session du FNUF, sans que les délégations en soient informées. « La transparence devrait être le maître mot des travaux d’évaluation du FNUF », a jugé la délégation, soutenue par l’Union européenne, la Suisse ou encore l’Australie.
En écho à cette déclaration, les États-Unis ont demandé au secrétariat de tenir ses membres informés de ses activités entre les sessions, de suivre les règles applicables de l’ONU en la matière et de se consacrer en priorité à ses activités fondamentales. Pour sa part, la Chine s’est engagée à mettre des bureaux gratuits à la disposition du Réseau mondial de facilitation et à financer ses opérations, auxquelles elle contribue par l’entremise de son fonds d’affectation.
Invité à discuter des défis et des possibilités offertes par le marché du carbone, le cofondateur et Directeur des opérations de Xange.com a noté que les programmes de réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD+) nécessitent la mise en place d’une unité de coordination nationale et d’un fonds dédié. L’essor des marchés du carbone continue cependant de buter sur la fragmentation du marché, le manque de transparence et un mode de fixation des prix « nébuleux », a constaté M. Steven Witte. Quant aux obligations vertes, dont la valeur ne cesse de grimper, il a souligné la nécessité d’en renforcer la transparence et l’intégrité environnementale, notamment au moyen de partenariats public-privé.
Pour réaliser ces objectifs, le Mexique a réclamé un diagnostic du marché du carbone dans le Sud global, qui devrait être régi selon les principes du commerce équitable. Alors que se multiplient les méthodes de calcul et les initiatives carbones qui fonctionnent selon leurs propres critères, le Costa Rica a plaidé pour l’uniformisation des transactions sur les marchés du carbone.
La discussion générale de l’après-midi était consacrée à l’examen du rapport du FNUF sur le suivi et l’évaluation des progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030).
En début de séance, le Canada a présenté une motion d’ordre pour demander que les délégations disposent du temps nécessaire pour présenter leurs points de vue et que le Forum s’en tienne à son ordre du jour. Le manque de temps pour les interventions des panélistes et les questions des délégations constituent à ses yeux un « manque de respect » pour ceux qui ont pris la peine de se déplacer à New York pour participer aux travaux du FNUF. L’Australie a également pris la parole pour demander que les grands groupes aient la possibilité de s’exprimer sur la question des contributions.
Le Forum des Nations Unies sur les forêts poursuivra ses travaux demain, jeudi 11 mai, à partir de 10 heures.
MOYENS DE MISE EN ŒUVRE, Y COMPRIS LES ACTIVITÉS ET LES RESSOURCES DU RÉSEAU MONDIAL DE FACILITATION DU FINANCEMENT FORESTIER
En matinée, la Directrice du secrétariat du FNUF, Mme JULIETTE BIAO, a amorcé la première discussion générale en présentant la note intitulée « Moyens de mise en œuvre, y compris les activités et les ressources du Réseau mondial de facilitation du financement forestier ». Elle a fait le point sur le projet de création d’un bureau du Réseau mondial de facilitation en Chine, qui serait financé par des contributions volontaires des États Membres et administré par le Département des affaires économiques et sociales (DESA).
La Chine a exprimé son plein soutien aux activités du Réseau mondial de facilitation, auxquelles elle apporte une contribution par le biais de son fonds d’affectation. Elle s’est ainsi engagée à mettre à sa disposition des bureaux gratuits à Beijing et à financer ses opérations. Dans l’intervalle, Beijing poursuit ses consultations avec le secrétariat du FNUF afin que le bureau soit opérationnel le plus rapidement possible, a précisé la délégation.
« La transparence devrait être le maître mot des travaux d’évaluation du FNUF », a considéré le Japon, soutenu par l’Union européenne et l’Australie, en relevant que le secrétariat mène des discussions officieuses avec la Chine depuis la dix-septième session du FNUF sans que les délégations en aient été informées. Son délégué a relevé une « certaine incohérence » dans ce projet de mise en place d’une antenne locale du Réseau mondial de facilitation à Beijing, qui ne relèverait pas du budget ordinaire de l’ONU et dont les objectifs, a-t-il regretté, demeurent inconnus.
Le FNUF doit en outre informer ses membres entre les sessions, ont renchéri les États-Unis, et suivre les règles pertinentes des Nations Unies en la matière tout en accordant la priorité à ses activités fondamentales. La délégation américaine s’est opposée au recours à des financements tirés du fonds d’affection ou du budget ordinaire de l’ONU, tout en exigeant des garanties que le personnel de ce bureau relèverait du FNUF.
En réponse à ces interventions, la Directrice du secrétariat du FNUF a expliqué qu’il s’agit de créer, sous les auspices du DESA, un bureau temporaire de projets permettant de renforcer les activités de développement du Réseau mondial de facilitation. Ce type de protocole d’accord bilatéral est examiné par le Bureau des affaires juridiques de l’ONU et, à ce titre, ne peut être publié, a-t-elle expliqué, en précisant que le statut du personnel serait le même que celui du personnel du Secrétariat. En définitive, le statut du bureau de Beijing serait le même que celui du Centre mondial des Nations Unies pour l’innovation ou encore du Bureau des Nations Unies pour le développement durable (UNOSD), également chapeauté par le DESA. Son financement ferait l’objet de négociations entre le DESA et la Chine, mais n’impliquerait en aucun cas des ressources provenant du budget ordinaire ou du fonds d’affectation spécial, a-t-elle assuré.
Alors que la conservation des forêts et de la biodiversité continue de poser des défis considérables, la Colombie a jugé essentiel d’élaborer des mécanismes novateurs permettant de mobiliser les ressources nécessaires pour protéger les écosystèmes stratégiques tout en offrant un cadre de développement adapté aux communautés locales. Pour le Guyana, la mobilisation des financements internationaux permettrait de soutenir les efforts des États en vue de combattre la déforestation et d’assurer des moyens de subsistance forestiers durables, en établissant des projets-pilotes d’agrosylviculture et en investissant dans les technologies forestières.
Dans cette optique, le Pérou a souligné l’importance de débloquer davantage de fonds facilement accessibles pour reboiser les forêts dans les pays émergents et aider ceux-ci à gérer leurs espaces forestiers de façon durable. Il a proposé la création d’un réseau mondial d’information au sein du Réseau mondial de facilitation du financement forestier, instance appelée selon lui à devenir une institution à part entière.
À l’opposé, l’Union européenne a plutôt suggéré de s’appuyer sur les ressources existantes pour améliorer les activités du Réseau mondial de facilitation. De même, les États-Unis ont exprimé leur préoccupation face au rôle de soutien technologique attribué au Réseau dans la note du FNUF, estimant qu’il existe d’autres mécanismes de ce type au sein des institutions des Nations Unies.
Les pays en développement, qui ont un accès limité aux technologies de gestion durable des forêts, devraient cependant, selon le Malawi et l’Afrique du Sud, bénéficier d’un appui permettant de renforcer leurs capacités en la matière, sur la base d’une analyse des besoins. L’accès des producteurs au financement permet de mettre en place des pratiques d’adaptation durable des forêts, ainsi que des formations et des mesures de renforcement des capacités, notamment au moyen de partenariats avec le secteur privé, a relevé l’Inde.
Pour réaliser ces objectifs, le Mexique a réclamé un diagnostic du marché du carbone dans le Sud global, qui, a-t-il appuyé, devrait être régi selon les principes du commerce équitable. Il convient également d’informer les communautés touchées de l’état du marché, tout en veillant à ce que le prix établi soit juste et compense pleinement les États pour les sommes investies dans les communautés forestières.
Les moyens de mise en œuvre doivent cependant émaner de ressources variées, et non seulement de l’aide publique au développement ou de sources internationales, a argué la Suisse, en ajoutant que le plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030) constitue une base valable pour générer des financements nationaux.
Le cofondateur et Directeur des opérations de Xange.com, M. STEVEN WITTE, a entamé la deuxième partie de la discussion générale avec un exposé sur les défis et les possibilités offertes par le marché du carbone, qui permet de mettre un prix sur les émissions de gaz à effet de serre. La mise en circulation de crédits d’émission de carbone favorise selon lui l’utilisation durable des forêts, contribue aux efforts mondiaux de lutte contre les changements climatiques et renforce les bienfaits socioéconomiques des forêts en améliorant les moyens de subsistance des populations qui en dépendent. Il a fait remarquer que les programmes de réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD+) impliquent la création d’une unité de coordination nationale et d’un fonds dédié pour appuyer les activités. Parmi les obstacles auxquels sont confrontés les marchés du carbone, M. Witte a évoqué la fragmentation du marché, le manque de transparence et un mode de fixation des prix « nébuleux ». Pour aller de l’avant, il a proposé la numérisation des marchés par l’entremise des chaînes de bloc, la mise en place d’un mécanisme centralisé ainsi que des systèmes de vérification et de suivi. Conformément à l’article 6 de l’Accord de Paris, un crédit d’émission de carbone unique ne peut être revendu deux fois pour les mêmes émissions, pas plus qu’il ne peut être revendiqué à deux reprises, a-t-il rappelé. Les obligations vertes, dont la valeur ne cesse de grimper, doivent selon lui renforcer la transparence et l’intégrité environnementale, notamment au moyen de partenariats public-privé.
En réponse à une question de l’Arabie saoudite concernant la contribution des obligations vertes à la réhabilitation du couvert forestier et des mangroves, le Directeur des opérations de Xange.com a expliqué qu’il existe des principes directeurs publiés en 2022 par l’instance chargée des marchés du carbone, des agences de notation ainsi qu’un mécanisme numérique de conformité et de transparence. Ces instruments permettent également d’éviter l’écoblanchiment, grâce à des données qui peuvent être partagées avec des tiers.
Relevant que de nombreuses initiatives opèrent selon leurs propres critères et que les méthodes de calcul du carbone se multiplient, le Costa Rica a plaidé pour l’uniformisation des transactions sur les marchés du carbone. Une opinion partagée par le Directeur des opérations de Xange.com qui a ensuite décrit les progrès réalisés en vue d’harmoniser et de réglementer l’utilisation de ces technologies.
SUIVI, ÉVALUATION ET RAPPORTS: ENSEMBLE COMMUN D’INDICATEURS FORESTIERS MONDIAUX ET PRÉPARATIFS DE L’ÉVALUATION DES RESSOURCES FORESTIÈRES MONDIALES (2025)
Les orateurs ont ensuite débattu des points relatifs aux indicateurs forestiers et à l’évaluation des ressources forestières mondiales, entre autres dans le cadre d’une discussion très technique ouverte par la Directrice du secrétariat du FNUF, Mme JULIETTE BIAO, qui a présenté une note sur ce sujet. Elle a souligné l’importance de l’atelier mondial qui s’est tenu avec la FAO en mars dernier à Rome sur l’établissement des rapports sur les progrès réalisés pour atteindre les objectifs mondiaux relatifs aux forêts et le plan stratégique des Nations Unies sur les forêts.
De son côté, Mme MALOGARZATA BUZKO-BRIGGS, experte en foresterie de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a fait une présentation sur l’évaluation des ressources forestières mondiales qui sera rendue publique en 2025. Elle a précisé que cette évaluation se fait selon une périodicité de cinq ans et que 56 experts ont été consultés pour effectuer les évaluations de 2025. Des ateliers régionaux ont également été organisés pour améliorer la cohérence des rapports et affiner les données. Elle a enfin souligné l’importance de la coopération entre la FAO et le FNUF.
M. GERFRIED GRUBER, Directeur de la politique forestière du Ministère de l’agriculture, de la foresterie, des régions et de la gestion de l’eau de l’Autriche, a ensuite fait le bilan de l’atelier précité, dont il est le coprésident, et au cours duquel 40 pays ont pris la parole. Il a appelé à une actualisation des modèles statistiques et souligné l’émergence lors de cet atelier d’une nouvelle catégorie « personne dont la vie dépend des forêts » qui a permis d’alimenter la réflexion.
De son côté, l’autre coprésident, M. CLEMENT NG’ORIARENG, Conservateur en chef adjoint des forêts au sein du Service des forêts du Kenya, a plaidé pour un renforcement des capacités des pays en développement, afin qu’ils disposent de données statistiques forestières plus précises et puissent élaborer les rapports nationaux demandés par le FNUF. Cet atelier a été très animé et couronné de succès, s’est-il félicité.
Lors de la discussion générale qui a suivi, la Chine a insisté sur les progrès accomplis dans l’élaboration des indicateurs forestiers. Elle a dit attendre avec impatience l’évaluation par la FAO des ressources forestières mondiales en 2025. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a souligné l’importance de mesures concrètes de protection des forêts et d’un financement adéquat. « Des pays comme le mien éprouvent de grandes difficultés à accéder aux circuits de financement », a regretté son délégué.
De son côté, l’Union européenne a salué la coopération entre le FNUF et la FAO, avant de demander la poursuite de ces ateliers en vue du renforcement des capacités des pays en développement. Le Malawi a soutenu la proposition de création d’un groupe consultatif sur les rapports et demandé que la parité soit respectée en son sein. Le Forum doit décider de la périodicité des rapports de ce groupe, a insisté la déléguée, en souhaitant que celle-ci soit harmonisée avec la périodicité d’examen des ressources forestières mondiales par la FAO. Il est crucial de se mettre d’accord sur le mandat de ce groupe consultatif, ont réagi les États-Unis à ce sujet.
Les Philippines ont salué la mise en place d’une plateforme en ligne dans le cadre de l’évaluation des ressources forestières mondiales, notant que celle-ci permet notamment d’alléger la charge de travail que représente la rédaction des rapports demandés. Les Philippines remettront le rapport dans les délais fixés par l’ONU, a par ailleurs assuré la délégation.
La tenue de l’atelier a également été saluée par le Japon qui a souhaité que ce genre d’ateliers soit organisé de manière régulière, tandis que le Brésil a de nouveau insisté sur la difficulté des pays en développement à collecter les données demandées, notamment dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. La Fédération de Russie a suggéré que le rapport sur la mise en œuvre du plan stratégique sur les forêts soit disponible dans les six langues officielles de l’ONU. Le délégué de Forest Europe a, lui aussi, insisté sur la nécessité de données forestières rigoureuses, tandis que la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) a, comme de nombreux intervenants, exprimé son inquiétude devant l’insuffisance des financements, notamment pour faire face aux conséquences des changements climatiques.
Enfin, la Thaïlande a salué l’appui prodigué par la FAO et le FNUF en vue du renforcement les capacités des pays en développement et de la promotion d’une gestion durable des forêts.