Conférence sur l’eau: les intervenants au troisième débat interactif plaident pour des solutions fondées sur la nature et des systèmes d’alerte précoce renforcés
Lors du dialogue interactif sur le thème « L’eau pour le climat, la résilience et l’environnement: de la source à la mer, biodiversité, climat, résilience et réduction des risques de catastrophe », les États Membres, les agences onusiennes et la société civile ont jugé nécessaire de privilégier des solutions fondées sur la nature pour changer la donne dans un contexte d’insécurité hydrique croissante et en vue de réaliser dans les temps l’ODD 6 (objectif du développement durable sur l’eau propre et l’assainissement). Ils ont également appuyé l’Initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques (CREWS).
Les intervenants, réaffirmant que l’eau est essentielle à la vie des populations et de la planète, ont également plaidé pour des investissements accrus dans les infrastructures vertes et grises afin de répondre ensemble aux enjeux d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques liés à l’eau. En outre, il a été souligné que l’ONU doit, en vue de la COP28, davantage « parler de l’eau », la France recommandant la nomination d’un envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU sur cette question afin d’en rationaliser la gouvernance. La France a aussi préconisé que l’eau soit intégrée à la finance-climat, privée et publique, les ressources hydriques devant être déclarées « patrimoine commun à défendre et protéger ». Concernant la réduction des risques de catastrophes naturelles liés à l’eau, l’Organisation météorologiques mondiale (OMM) a mis l’accent sur la nécessité de parvenir au cours des cinq prochaines années à une couverture planétaire de systèmes d’alerte précoce. La société civile, de son côté, a plaidé pour une préservation des écosystèmes à l’aide de l’eau et pour une plus large participation des communautés à la réalisation « inclusive » du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Lançant la discussion, M. Hani Sewilam, Ministre des ressources en eau et de l’irrigation de l’Égypte, Coprésident de la séance, a souligné combien il est nécessaire lors de réunions de ce type de sensibiliser l’opinion mondiale à l’état critique des ressources hydriques. Cette situation entraîne des retards dans la mise en œuvre de l’ODD 6, ODD sans lequel le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne pourra pas être parachevé, a-t-il prévenu. Pour le Ministre égyptien, il faut aujourd’hui plus que jamais assurer la sécurité hydrique pour garantir le droit à la vie, à la santé et à des conditions de vie décentes. À cet égard, il a appelé à des changements profonds dans les politiques publiques de gestion de l’eau « pour utiliser à bon escient les ressources hydriques existantes et protéger la totalité des flux environnementaux ». Il a également attiré l’attention sur le projet AWARe lancé par la présidence égyptienne de la COP27 pour aborder la sécurité de l’eau dans le cadre de l’adaptation aux changements climatiques. « J’attends avec intérêt d’entendre vos réussites en matière de gestion de l’eau pour la résilience et j’attends aussi de vous que vous formuliez ou réaffirmiez vos engagements liés à l’eau ».
Le Japon est humide et l’Égypte aride, a poursuivi l’Envoyée spéciale du Premier Ministre du Japon et Coprésidente de la discussion, mais cela ne nous empêche pas de souffrir de pénuries d’eau également. Mme Yoko Kamikawa a plaidé pour l’établissement d’un cadre de discussion global où générer des résultats axés sur l’action et le partage d’expériences. Une vague de résilience, telle doit être notre ambition, a-t-elle lancé. Il faut imaginer des solutions innovantes et créatrices pour sensibiliser aux risques, trouver des financements destinés à équilibrer les infrastructures vertes et grises et nouer des partenariats multipartites efficients. À chacune de ces étapes, nous devons pouvoir nous appuyer sur des données scientifiques évaluées, servant de base pour développer des systèmes d’alerte rapide et des solutions pérennes d’atténuation des effets des changements climatiques, a également déclaré Mme Kamikawa. « L’eau étant un socle de paix, je suis convaincue qu’ensemble, forces des secteurs privé et public et simples citoyens, nous pouvons changer la donne ».
M. David Cooper, Secrétaire exécutif par intérim du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique et modérateur du débat, a rappelé que dans son rapport publié cette semaine, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) adresse un dernier avertissement à l’humanité, à savoir qu’il ne lui reste qu’une décennie pour agir et éviter les pires effets des changements climatiques. Ceux-ci se font déjà sentir dans le cycle de l’eau caractérisé par les sécheresses, les tempêtes et les inondations, qui mettent en péril la sécurité alimentaire et détruisent des vies. Ces catastrophes sont à ses yeux le résultat des changements climatiques mais aussi de la destruction des écosystèmes, de la déforestation, et de l’utilisation excessive des eaux. Une telle dégradation entrave la capacité des écosystèmes à s’adapter aux changements climatiques et à les atténuer, a expliqué M. Cooper, ce qui menace la biodiversité des cours d’eau. Toutefois, le Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité, adopté en décembre dernier, esquisse une voie claire à suivre pour renverser ces tendances. Selon lui, nous devons agir aujourd’hui pour obtenir des résultats avant 2030.
À son tour, M. János Áder, ancien Président de la Hongrie, membre des Water and Climate Leaders, ancien membre du Groupe de haut niveau sur l’eau, a relevé que concevoir et entretenir des infrastructures hydriques représente un défi même pour les pays développés. Le Ghana, a-t-il mentionné, s’est inspiré de solutions mises en avant lors de conférences sur l’eau présentées en Hongrie. S’agissant des expériences de financement de construction de nouvelles stations d’épuration, il a estimé qu’un investissement de 5 ou 6 milliards de dollars par an pendant 15 ou 20 ans permettrait d’assurer l’assainissement de l’ensemble de l’Afrique tout en protégeant l’environnement et la biodiversité. S’il est impossible de mobiliser un tel montant, nous devrions mettre un terme à toutes ces « nobles conférences » et rentrer chez nous, a-t-il tranché ; si au contraire une telle mobilisation est possible, alors les parties prenantes se doivent d’agir dès aujourd’hui.
« Dans un contexte de pression des ressources hydriques et d’explosion du coût de l’énergie », M. Senzo Mchunu, Ministre de l’eau et de l’assainissement de l’Afrique du Sud, a souligné l’importance de mettre en place des services liés à l’eau organisés de manière professionnelle et efficace. Ce n’est que comme cela que nous pourrons continuer à répondre à la demande en eau, a-t-il assuré. « L’environnement fiscal tendu de nos pays rend difficile en effet de répondre aux exigences de développement des infrastructures de fourniture et de distribution de l’eau, d’où l’importance des partenariats multipartites dans le secteur hydrique dont a parlé la Coprésidente ». Pour le Ministre sud-africain, des financements de taille sont nécessaires si l’on veut atteindre les ODD, et « nos populations devront utiliser l’eau de manière plus parcimonieuse dans un contexte de raréfaction de la ressource ».
Mme Mariam bint Mohammed Almheiri, Ministre des changements climatiques et de l’environnement des Émirats arabes unis, a témoigné que les investissements massifs de son pays dans le traitement des eaux et la production agricole avaient produit des solutions, réservées au départ pour des régions désertiques, reprises par des pays d’autres régions. Elle s’est engagée à faire part de ses expériences aux participants. La COP28 se concentrera sur la gestion durable des ressources hydriques, a-t-elle indiqué, rappelant l’importance de trouver des solutions fondées sur la nature pour entreprendre la restauration vitale des fleuves, des océans et des zones humides. Les pays vulnérables et fragiles espèrent des investissements accrus dans les systèmes hydriques, comme l’a dit notre collègue sud-africain, a appuyé la Ministre, qui a souligné la pertinence de systèmes d’alerte précoce à faibles coûts et à haut rendement pour générer des données fiables et exploitables sur le lien entre eau et changements climatiques.
Dans la première partie de la discussion, le Portugal et l’Espagne ont confirmé l’importance de réduire la pollution de l’eau et de réfléchir à de nouvelles formes de traitement des eaux usées cela « pour le bien être, la santé publique, la sécurité et la protection environnementale ». Les deux voisins européens ont évoqué une coalition mondiale en matière d’assainissement, agrée lors de la COP27 en vue d’accélérer la mise en œuvre de l’ODD 6. La nécessité de mutualiser les alliances pour la résilience face aux sécheresses, par le biais notamment de la numérisation des données relatives au cycle et à la gestion de l’eau, a également été soulignée. « Comprendre les risques mais aussi les opportunités pour un développement plus résilient lié à l’eau implique de se fonder sur la responsabilité de ne laisser aucun écosystème et aucune communauté de côté », ont renchéri de leur côté les Philippines.
Sur ce segment, la société civile, par la voix du réseau HELP, a mis l’accent sur le fait que bâtir des sociétés durables, résilientes et inclusives exigent que les États investissent sans tarder dans les services d’information hydrologiques mondiaux de demain. À cet égard, les agences onusiennes ont, comme le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), rappelé qu’elles se tiennent prêtes à aider les États Membres dans l’organisation de leurs dispositifs de protection des systèmes hydriques axés sur la préservation des écosystèmes marins et d’eau douce « compte tenu de leur utilité dans les mécanismes d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques ». Sur ce dernier point, il a été répété par la Ministre du Japon et l’Union européenne que si l’objectif est de bâtir des sociétés résilientes, il faut mettre à l’épreuve les politiques et solutions à la lumière de la vulnérabilité hydrique. Dans cette perspective, les solutions fondées sur la nature -protéger et restaurer les écosystèmes et les paysages– peuvent, face à un environnement lourd de menaces, contribuer ensemble à l’adaptation et à l’atténuation. « La CNUCC appelle tous les pays à galvaniser leurs ressources techniques ou autres à l’appui de ses efforts », a appuyé Le représentant de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
Les Coprésidents égyptien et japonais de la discussion ont en outre appelé à accroître l’investissement dans les infrastructures vertes et grises pour de nouveau renforcer parallèlement adaptation et atténuation, lesquelles doivent être les piliers des sociétés inclusives futures. L’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources a aussi défendu les solutions fondées sur la nature. Leur mise en œuvre doit passer par l’implication de toutes les parties prenantes, « celles qui détiennent terres et eaux, celles touchées par les changements climatiques et mêmes celles à l’origine de la dégradation des systèmes naturels », pour devenir des vecteurs de changement des comportements.
Concernant la résilience aux catastrophes hydriques et la conservation de la biodiversité, la France et les États-Unis ont rappelé que 9 catastrophes sur 10 sont liées à l’eau et que, à cette aune, l’action prioritaire repose sur le développement rapide de systèmes d’alerte précoce. La moitié des pays les moins avancés (PMA) en sont dépourvus, a souligné la France, qui a soutenu pleinement l’ambition du Secrétaire général, à travers l’Initiative sur les systèmes d'alerte précoce aux risques climatique (CREWS), de parvenir à une couverture universelle dans les cinq prochaines années, l’accent étant mis sur les PMA et les petits États insulaires en développement (PEID). L’Initiative CREWS a déjà mobilisé 100 millions de dollars depuis 2015 et permis le lancement de projets dans plus de 75 pays vulnérables, a-t-il été dit. À cet égard, le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes a appelé les États Membres à financer ladite Initiative.
L’Organisation météorologique mondiale (OMM)a également attiré l’attention sur les programmes de développement des systèmes d’alerte adoptés lors de la COP27 et qui nécessiteront l’injection de 3,5 millions de dollars par an au cours des cinq prochaines années. À terme, la couverture universelle offrira un réseau mondial partagé de surveillance hydrologique renforcée et améliorera la disponibilité des données hydriques et hydrologiques.
Face à une gouvernance mondiale de l’eau trop « éclatée », la France a donc réclamé la nomination d’un envoyé spécial sur l’eau rattaché au Secrétaire général « pour enclencher une dynamique de mobilisation des États en vue de construire une vision partagée et de réunir les conditions de sa mise en œuvre ». Autres acteurs majeurs du climat, la Chine s’est toutefois contentée de préconiser sur le plan juridique la promotion de normes de protection face aux inondations et le renforcement de la sécurité des locaux des infrastructures hydriques, tandis que le Brésil a réaffirmé l’engagement « zéro déboisement » du nouveau Gouvernement.
D’autres États Membres ont pris part à ce débat interactif: Madagascar, la Jamaïque, les Îles Salomon, le Laos, la Slovaquie, la Grèce, les Fidji, l’Ouganda, le Mexique, la Suède, le Royaume-Uni, la Türkiye, la Russie, Malte, les Pays-Bas, l’Iraq, la Slovénie et le Chili.