Conférence des Nations Unies sur l’eau,
Table ronde # 1- matin
ENV/DEV/2052

Eau, assainissement et santé au cœur de la première table ronde de la Conférence

La Conférence sur l’eau, qui a démarré ce matin à New York, a débattu du thème de l’eau pour la santé, lors du premier échange interactif se tenant en parallèle du débat général et auquel a pris part une trentaine d’intervenants, représentants des États Membres, de la société civile et des agences des Nations Unies.  Coprésidant la réunion, le Ministre dominicain de l’environnement a averti d’emblée qu’à mi-parcours de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » (2018-2028), la mise en œuvre de l’ODD 6 (objectif du développement durable sur l’eau propre et l’assainissement) est insuffisante.  S’il a rappelé que l’accès à l’eau est un droit humain dont tout citoyen doit être en mesure de jouir, le Ministre s’est inquiété des données fournies par l’ONU, selon lesquelles la rareté en eau touche 40% de la population mondiale et 1,8 milliard de personnes utilisent chaque jour une source d’eau potable polluée.

À l’évocation de ces chiffres, et à l’appel du Ministre britannique de l’énergie, du climat et de l’environnement de s’inspirer de la réussite du Gouvernement indien, en passe d’assurer un accès à une eau propre à des « populations gigantesques », les États Membres du monde en développement, notamment, ont répondu en mettant l’accent sur l’état d’avancement des projets WASH (acronyme pour « Eau, Assainissement et Hygiène pour tous ») entrepris dans le cadre de l’ODD 6.  S’ils ont mis en avant leurs réussites, ils ont néanmoins lancé un appel unanime à l’aide internationale pour, selon les termes de la Colombie, « nous sortir de la privation de notre droit humain à l’eau ».  Interpellant les pays les plus riches, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement a relayé, sous les applaudissements de la société civile, le message en faveur de la « justice hydrique » de 500 organisations « dirigées pour la plupart par des femmes autochtones ».

D’entrée, le Ministre de l’environnement et des ressources naturelles de la République dominicaine, M. Miguel Ceara Hatton, a expliqué les raisons de « l’échec » dans la mise en œuvre des objectifs relatifs à l’eau: la crise liée à la pandémie de COVID-19, suivie de celles qu’a entraînée la crise en Ukraine, ont grevé les dépenses publiques des États et fait exploser les coûts de l’énergie.  Or, a-t-il rappelé, « l’eau, c’est la vie, et son accès est un droit humain dont tout citoyen doit être en mesure de jouir ».  Inquiet des chiffres précités, le Ministre a aussi attiré l’attention sur le fait que la majorité des enfants de moins de 5 ans qui meurent dans les pays en développement décèdent de maladies liées à un accès à l’eau.  Pour atteindre l’ODD 6, « il va falloir multiplier par 4 les progrès que nous accomplissons actuellement », a-t-il prévenu car si des pays sont plus en avance que d’autres, l’humanité accuse un réel retard en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène pour tous.

La discussion doit s’orienter sur des exemples concrets de progrès en matière de WASH, a recommandé le Coprésident de la table ronde, M. Zac Goldsmith of Richmond Park, Ministre des territoires d’outre-mer, du Commonwealth, de l’énergie, du climat et de l’environnement du Royaume-Uni.  Pour changer la donne, il faut aider les gouvernements, a-t-il dit, citant la réussite du Gouvernement indien qui est en passe d’assurer un accès à une eau propre à des « populations gigantesques ».  Il a par ailleurs annoncé le lancement par son pays de Wash System for Health, un programme doté de 18 millions de livres et destiné aux populations les plus marginalisés de cinq pays partenaires en développement.

La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Catherine Russell, a insisté sur le fait que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain essentiel à notre survie et au développement économique.  Lorsque les enfants ont accès à l’eau potable, ils ont moins de risque de contracter des maladies véhiculées par l’eau et plus de chance d’être en bonne santé et d’aller à l’école.  Un tel accès favorise en outre la parité hommes-femmes, a ajouté Mme Russell, sachant que ce sont souvent les femmes et les filles qui vont chercher l’eau à pied, les exposant à la violence et à l’épuisement.  Si elle a noté les progrès -depuis l’an 2000, 2 milliards de personnes ont eu accès à l’eau potable et 2,5 milliards à l’assainissement-, elle les a jugés insuffisants alors qu’un million de personnes continuent de mourir chaque année de maladies liées à la mauvaise qualité de l’eau, les enfants au premier chef.  Nous devons donc renforcer l’accès aux services WASH pour sauver des vies et transformer les communautés, comme le fait l’UNICEF depuis 17 ans, a-t-elle lancé en demandant à la communauté internationale et aux partenaires au développement de se joindre à ces efforts.

La Ministre de l’eau et de l’assainissement du Malawi, Mme Abida Sidik Mia, a justement témoigné des efforts de son pays dans ce sens: les services WASH font partie intégrante de la lutte contre des maladies telles que la typhoïde, la grippe et le choléra.  Elle a souligné l’importance d’investir dans de telles infrastructures en faisant valoir que, malgré la flambée de choléra depuis 2022, la maladie a été largement contenue dans le pays.  Toutefois, le Malawi a récemment été frappé par le cyclone tropical Freddy qui a fait des milliers de victimes et aggravé la vulnérabilité de milliers d’autres, alors que 30% de la population n’a pas accès à une eau propre, a rappelé la Ministre.  Elle aussi a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle appuie financièrement la reconstruction et l’aménagement d’infrastructures d’accès à l’eau et à l’assainissement.  Le Malawi compte pour sa part créer un fonds, mobiliser les ressources et mener des initiatives en vue de canaliser les investissements. 

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, qui s’exprimait au « nom de 103 millions de réfugiés et de personnes déplacées à travers le monde », a souligné combien le manque d’accès à l’eau, les épisodes de sécheresse ou d’inondations, ou encore les conflits causent des déplacements massifs et périlleux de populations.  « Les changements climatiques font en outre que les populations se déplacent de régions en régions plus ou moins dépourvues d’accès pérenne à l’eau. »  C’est dans ce contexte que le Haut-Commissariat a suggéré aux bailleurs de fonds de réfléchir à la question de l’inclusion, en évitant de promouvoir la multiplication de l’implantation de systèmes parallèles d’accès à l’eau, a dit M. Grandi en conseillant plutôt de rapprocher les systèmes existants aux niveaux national et régional.  Il a jugé « bien sûr » vital d’investir dans les infrastructures WASH dans les pays de départs des réfugiés et des déplacés. 

En Inde, en l’espace de cinq ans, les autorités nationales et locales ont construit 110 millions de toilettes individuelles, a déclaré pour sa part le Ministre adjoint au Ministère de la province indienne de Jal Shakti, M. Vikas Sheel, en précisant que l’accès à celles-ci est passé de moins de 30% à 43%.  Ainsi, dès 2018, sa province a atteint l’ODD 6, a-t-il annoncé en se félicitant de cette réalisation six ans en avance par rapport à l’échéance de 2030.  Il a signalé que cette réalisation avait coûté 35 milliards de dollars, précisant que les budgets publics ont investi dans l’amélioration de la qualité de l’eau et la durabilité de son accès.  « Parce que nous sommes convaincus que la participation des communautés est de la plus haute importance, nous avons confié un rôle à chacun dans toutes les étapes de la réalisation de l’ODD 6, de la planification à la maintenance en passant par l’opérationnalisation », a-t-il aussi fait valoir.

Pour appuyer les communautés en vue d’améliorer leur accès à l’eau, M. Jagan Chapagain, Secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), a appelé à se concentrer sur des actions efficaces assorties de partenariats.  Pour lui, l’un des moyens les plus efficaces est d’accroître l’accès aux services WASH et d’intégrer ceux-ci aux systèmes de santé publique, en prévoyant des programmes WASH « ciblés et inclusifs ».  Il a aussi conseillé d’intégrer à ces programmes les grands objectifs mondiaux de santé, tels que la couverture médicale universelle et la lutte contre les pandémies.  La FICR et les Pays-Bas ont lancé à cet effet le programme intitulé « L’eau au cœur de l’action climatique » afin de renforcer les interventions précoces dans ce domaine.  S’agissant du Malawi, il a relevé que ce pays déjà aux prises avec le choléra et frappé par un cyclone ne doit pas recourir à des solutions à court terme face aux changements climatiques.

Concernant le suivi de la réalisation de l’ODD 6 dans la région indienne de Jal Shakti, M. Sheel, reprenant la parole, a précisé apporter un service en eau a plus de 110 millions de personnes et se concentrer sur la mesure des progrès et la communication au plus grand nombre sur ce point.  Il a donné comme exemple le « tableau de bord » des agences d’exécution qui permet à tout un chacun de suivre les opérations.  Les gouvernements locaux tiennent compte des griefs et des plaintes sur la qualité d’eau, ce qui permet de rationaliser d’autant plus le suivi d’exécution des projets WASH, a expliqué M. Sheel.  Des comités de responsables de l’eau dans les villages, « dont 50% sont des femmes », contribuent aussi à ce suivi, a-t-il ajouté.

Lors de l’échange entre les panelistes et les États Membres, la société civile et les agences de l’ONU, le Sénégal a indiqué que les projets WASH sont essentiels dans son pays pour assurer que l’eau est bien mise au service de la santé des populations.  Il a parlé de la coopération interministérielle qui veille à ce que les lois sur l’eau, la santé et l’assainissement soient appliquées de manière coordonnée.  « En outre, c’est aussi une approche WASH qui commande nos politiques de prévention des infections véhiculées par l’eau ainsi que la professionnalisation des plaidoyers publics auprès des personnels de santé. »  Le Liban, qui a rappelé que le programme WASH libanais a été créé pour répondre à l’afflux de 5 millions de réfugiés syriens, a indiqué qu’en 2020, une nouvelle stratégie a été adoptée pour relancer les efforts d’assainissement, en attirant de nouveaux investissements auprès des bailleurs spécialisés dans cette approche.

De son côté, la Tunisie, soulignant que 98,4% de la population tunisienne a accès à une eau potable, a jugé difficile de garantir un tel droit « quand la ressource devient aussi limitée ».  La situation de pénurie va s’aggraver dans les pays en développement en raison du réchauffement climatique, intensifiant l’impact socioéconomique qui risque de freiner l’accès au développement durable, a prévenu la délégation qui a, à cette aune, demandé aux bailleurs internationaux et aux États Membres d’honorer leurs engagements financiers au titre de la lutte contre les changements climatiques « en vue de façonner des sociétés plus équitables ».

Ses propos ont trouvé un écho similaire auprès de l’Ouganda, du Zimbabwe et du Mozambique, qui ont appelé à la mobilisation de financements novateurs pour que leurs projets WASH puissent être parachevés d’ici à l’horizon 2030.  L’Éthiopie a indiqué que la Corne de l’Afrique, « qui subit l’alternance cruelle de sécheresses et d’épisodes violents d’inondations », a besoin de 5 milliards de dollars d’aide internationale pour atteindre l’ODD 6 à cette date.  À ses homologues africains, le Bénin a recommandé de hisser leur budget de financement de l’accès à l’eau potable au-dessus de 50%, la part restante pouvant être abondée par le secteur privé et les partenaires financiers de l’ONU.

La Colombie et l’Argentine ont également demandé aux partenaires internationaux de les accompagner sur la voie de la modernisation des infrastructures WASH, soulignant que les communautés de leurs zones rurales peuvent jouer un rôle essentiel de porteurs de projets innovants, à faible coût et facilement appropriables localement par les entrepreneuses en gestion locale de l’eau.  La Thaïlande et les Îles Salomon ont à leur tour demandé l’aide des partenaires internationaux, en particulier pour donner un coup d’accélérateur au développement des compétences et des équipements nécessaires à l’instauration de réseaux d’agence de l’eau maillant la totalité des territoires.

« La guerre aussi détruit l’environnement et les infrastructures hydrique », a lancé la Pologne, pour qui l’agression russe en Ukraine compromet les stratégies WASH et l’atteinte de l’ODD 6 dans les pays de la région.  Or sans ODD 6 réalisé, les autres objectifs ne pourront être pleinement accomplis, a-t-elle prévenu.  La Russie a préféré évoquer l’efficacité de l’action publique russe dans la lutte contre la circulation des maladies transmissibles par l’eau.  D’autres États Membres ont pris part à ce débat interactif: la Mauritanie, le Niger, la Barbade, le Pérou, l’Italie, le Togo, l’Arménie et la Namibie.

Du côté de la société civile, le Parlement des jeunes nigérians sur l’eau, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, les Femmes autochtones et l’organisation Congo Handicap ont plaidé pour une société inclusive donnant aux groupes vulnérables le rôle de décideur qui leur revient localement dans la gestion de l’eau.

Pour ce qui est des agences du système onusien, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont réaffirmé leurs engagements d’améliorer le sort des réfugiés, des migrants et des femmes, autant de populations souffrant d’un accès restreint à l’eau salubre.

Le secteur privé, par la voix de l’Organisation panafricaine de l’assainissement et du Groupe UNILEVER, ont lancé un appel à une collaboration accrue entre autorités nationales et locales et monde de l’entreprise.  La représentante d’UNILEVER a annoncé le lancement d’une coalition sur l’hygiène « forte de l’engagement du Gouvernement britannique et de conventions signées avec près de 30 ONG spécialisées dans l’eau ».

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