Session de 2023, Forum politique de haut niveau 
41e et 42e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7142

Le concept de « transition juste » et le défi pressant de la dette dominent le débat de haut niveau de l’ECOSOC

Le dernier jour du débat de haut niveau du Conseil économique et social (ECOSOC) a été marqué par la présentation du dernier rapport du Comité des politiques de développement par sa présidente, Mme Sakiko Fukuda-Parr.  Ce comité, organe subsidiaire du Conseil, a en effet examiné les questions « pressantes » de la transition juste et de la dette extérieure dans le cadre de sa contribution au thème annuel de l’ECOSOC pour 2023, intitulé: « Accélérer la reprise au sortir de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 à tous les niveaux ».

Mme Fukuda-Parr a ainsi défini une transition juste comme le fait de veiller à ce que personne ne soit laissé ou poussé de côté pendant la période de transition vers des économies et des sociétés sobres en carbone et écologiquement durables.  « Une transition juste à l’échelle mondiale exige que les pays concrétisent leurs engagements climatiques sans aggraver la situation des pays les plus pauvres », a-t-elle ajouté.

Le surendettement de nombreux pays en développement, au cœur déjà du forum de haut niveau pour le développement durable qui s’est achevé hier, a été également abordé.  Pour y remédier, la Présidente du Comité a plaidé pour une « stratégie de financement globale » permettant de répondre aux besoins d’investissement des pays en développement, ainsi que pour des solutions à court terme telles que la renégociation de la dette.

Le Comité a par ailleurs estimé que le potentiel des examens nationaux volontaires en tant qu’outil d’apprentissage mutuel n’est pas encore pleinement atteint.  Alors que cette session a entendu 39 présentations d’examens nationaux volontaires, dont celui de l’Union européenne, pour la première fois, le Comité a recommandé de lancer une « nouvelle génération d’examens ».  Ces examens « deuxième version » devraient recentrer les rapports sur une analyse plus approfondie des réussites et des échecs, plutôt que sur des récits descriptifs, a expliqué la Présidente. 

De son côté, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Li Junhua, a présenté deux rapports du Secrétaire général.  L’un est intitulé « Tendances et scénarios à long terme: incidences sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) », tandis que le second porte sur l’accélération de la reprise au sortir de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre intégrale du Programme 2030. 

Les coûts élevés de la COVID-19, de la guerre en Ukraine et des changements climatiques montrent l’importance pour les pays de s’engager sur la voie d’une transformation structurelle rendant possible un développement durable, a-t-il dit, en ajoutant que la meilleure sortie de crise est la réalisation des ODD d’ici à 2030.  Or, comme cela l’a été abondamment dit lors du forum politique de haut niveau, le monde n’est pas sur la voie de leur réalisation.  Le Secrétaire général adjoint a donc espéré que le prochain Sommet sur les ODD de septembre permettra d’inverser la tendance.

La première table ronde de la journée avait pour thème le renforcement des institutions du système des Nations Unies pour un développement durable résilient.  « L’ONU n’a pas totalement tenu sa promesse après la pandémie », a reconnu l’une des intervenantes, Mme Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), en indiquant que la croissance n’a pas été au rendez-vous. Elle a appelé à redoubler d’efforts en faveur des ODD, d’abord pour les réaliser mais aussi parce que c’est une façon de renforcer la résilience.

Les objectifs liés à la nutrition sont encore plus difficiles à réaliser, a estimé Mme Afsan Khan, Coordonnatrice de Scaling Up Nutrition Movement, en appelant à s’appuyer sur des modes d’alimentation viables.  « Sans investir dans les enfants, les ODD ne peuvent être atteints », a appuyé Mme Najat Maalia M’Jid, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants.  Le débat de l’après-midi a, lui, invité à aller au-delà du court-termisme pour garantir un avenir meilleur.

« Il est capital d’avoir une vision à long terme et de miser sur une collecte de données statistiques de qualité », a reconnu la Vice-Secrétaire générale dans sa déclaration de clôture.  Mme Amina Mohamed a salué la richesse des débats de cette session qui s’achève, jugeant plus pertinentes que jamais les questions débattues par l’ECOSOC, véritable « vaisseau amiral » de l’ONU dans le domaine du développement durable.  À l’instar des autres intervenants, elle s’est inquiétée des retards dans la réalisation des ODD, avant de souligner les progrès qui ont été enregistrés et qui nourrissent l’espoir. 

Les ODD sont désormais débattus dans les écoles comme dans les conseils d’administration, a-t-elle dit.  Elle a appelé à poursuivre les efforts en vue de disposer d’un système de coordonnateurs résidents qui soit « agile, bien équipé et bien financé ».  Elle a enfin souligné l’élan crucial imprimé par l’ECOSOC en vue du Sommet sur les ODD de septembre.

Même son de cloche du côté de la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva, qui a salué les 39 pays à avoir présenté leur examen volontaire national, ainsi que l’Union européenne.  Elle a également salué la perspective de long terme retenue lors des discussions, avant de s’inquiéter du risque de voir seulement 12% des cibles des ODD réalisées si l’on poursuit les efforts au rythme actuel.  « Le Sommet sur les ODD devra être un moment d’action. »

DÉBAT DE HAUT NIVEAU SUR LE THÈME: « ACCÉLÉRER LA REPRISE AU SORTIR DE LA PANDÉMIE DE MALADIE À CORONAVIRUS (COVID-19) ET LA MISE EN ŒUVRE INTÉGRALE DU PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’HORIZON 2030 À TOUS LES NIVEAUX » 

Renforcer les institutions du système des Nations Unies pour un développement durable résilient

Présidé par M. MAURIZIO MASSARI (Italie), Vice-Président de l’ECOSOC, ce débat interactif a porté sur la manière de renforcer la coordination et les capacités du système des Nations Unies pour le développement qui doit devenir plus résilient et favoriser la confiance, car l’ONU doit se préparer pour l’avenir.  Les participants ont examiné comment le système des Nations Unies peut aider à renforcer les capacités pour des institutions nationales plus fiables, efficaces, responsables et inclusives, capables de réaliser des progrès en matière de développement durable. 

Le modérateur du débat, M. EDDY MALOKA, Président du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, a posé une série de questions aux intervenants notamment comment renforcer le système des Nations Unies pour le développement pour qu’il soit plus inclusif et qu’il rende davantage de comptes.  Comment faire pour progresser dans la réalisation des ODD?  Comment certaines ripostes à la pandémie peuvent être intensifiées et reproduites?  Comment intégrer le principe de résilience dans tous les programmes et les politiques des agences spécialisées?  Comment l’ONU peut accompagner les engagements nationaux?  M. Maloka a attiré l’attention sur le Sommet de l’avenir en septembre 2024 et le rôle de l’ECOSOC dans le cadre du multilatéralisme et dans la réalisation du Programme 2030 ainsi que de Notre Programme commun du Secrétaire général. 

L’ONU n’a pas totalement tenu sa promesse après la pandémie, a reconnu tout d’abord Mme REBECA GRYNSPAN, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), en se souvenant que la croissance n’avait pas été rétablie.  C’est pourquoi elle a appelé à redoubler d’efforts en faveur des ODD, d’abord pour les réaliser mais aussi parce que c’est une façon de renforcer la résilience.  La haute fonctionnaire a souligné l’importance de l’autonomisation avant les crises.  Et quand les crises arrivent, les communautés et le personnel de l’ONU doivent sortir sur le terrain, a-t-elle recommandé en faisant appel à leur responsabilité pour réagir.  Pour cela, elle a demandé de renforcer les capacités des équipes pour obtenir de véritables changements.  Mme Grynspan a aussi attiré l’attention sur la place de choix qu’occupe l’ECOSOC, en ce qu’il peut rassembler toutes les parties et faire le lien entre elles sur les questions essentielles sur lesquelles il existe des accords.  Les points de divergence ne doivent pas nous éparpiller, a-t-elle ajouté. 

Les objectifs liés à la nutrition sont encore plus difficiles à réaliser, a estimé Mme AFSAN KHAN, Coordonnatrice de Scaling Up Nutrition Movement (SUN), en appelant à s’appuyer sur des modes d’alimentation viable.  Les femmes et les filles sont les catégories les plus vulnérables pendant les crises alimentaires, a-t-elle rappelé.  Mme Khan a appelé les gouvernements et le système monétaire international à travailler directement avec la jeunesse, la société civile et le secteur privé, et non en parallèle.  SUN s’attèle à cette tâche et se focalise sur toutes les formes de malnutrition, agissant en lien avec des gouvernements, notamment ceux du Tadjikistan et du Rwanda. Le bilan de ces actions donne un aperçu de ce que peuvent faire les États Membres dans la mise en œuvre de leur feuille de route en matière de système alimentaire avec des éléments concrets. S’agissant de la flambée des prix des aliments, Mme Khan a encouragé les gouvernements, le système onusien, la société civile et le secteur privé à travailler ensemble afin d’améliorer la nutrition en utilisant pleinement les instruments disponibles. 

Sans investir dans les enfants, les ODD ne peuvent être atteints, a enchaîné Mme NAJAT MAALIA M’JID, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, en s’inquiétant en particulier au sujet des millions d’enfants qui sont laissés pour compte à l’échelle mondiale.  La protection des enfants est liée aux 17 ODD, a-t-elle rappelé.  Elle a insisté sur l’importance des investissements sur la prévention et la protection contre les violences, notamment celles basées sur le genre.  Des investissements qui peuvent conduire à des économies à hauteur de cinq points de PIB par an.  Elle a prôné des approches plus participatives et souligné l’importance des collectes de données et de la communication.  Elle a préconisé de s’attaquer aux disparités géographiques dans l’évaluation des coûts de la violence et les retours sur investissement. La Représentante spéciale a conclu en misant sur une coopération internationale et un multilatéralisme qui soient adaptés au contexte et axés sur les résultats. 

Venue en tant que « conférencière » à cette séance, Mme DOROTHY DAVIS, Représentante de Congressional Black Caucus Political Education and Leadership Institute (CBI), a promu les contacts réguliers entre la société civile, les ONG et l’ONU demandant que les ONG aient un accès aux espaces physiques ou aux locaux des Nations Unies. Les représentants de la société civile doivent faire partie des consultations et des processus à l’ONU parce qu’ils connaissent la situation sur le terrain, dans les communautés, les villages et les zones rurales, a-t-elle argumenté.  En outre, elle a fait valoir que ces représentants, face aux crises mondiales, peuvent fournir des informations et des connaissances utiles aux gouvernements.  De l’autre côté, Mme Davis a dénoncé le recours abusif aux jargons diplomatiques dans les décisions prises à l’ONU, demandant la vulgarisation des documents au bénéfice des communautés, notamment autochtones. 

Le débat interactif avec les États Membres, qui a suivi ces présentations, a commencé avec l’intervention de Mme SITI NURBAYA BAKAR, Ministre de l’environnement et de la foresterie de l’Indonésie, qui a rappelé la réactivité de son gouvernement face à la COVID-19 en assurant la disponibilité et l’accès aux vaccins.  Dans la foulée, le Gouvernement a élaboré son plan de croissance et de relèvement misant sur un volet relatif à l’environnement, en particulier la protection des mangroves. La croissance économique de l’Indonésie est passée de 3,6% à 5,3% entre 2021 et 2022, s’est enorgueillie la Ministre qui a ensuite insisté sur l’importance d’un meilleur accès à l’eau et d’une transition énergétique juste.  Le plan de croissance indonésien fait fond sur les accords environnementaux internationaux, a-t-elle assuré.

Pour sa part, la Ministre de l’administration publique de la Slovénie a suggéré de tenir compte les liens entre la science et la politique pour renforcer la résilience.  Ces liens peuvent aider à lever les obstacles au développement en accroissant la souplesse des institutions.  Elle a également défendu le rôle de la société civile et la nécessité d’avoir des fonctionnaires qualifiés capables de mettre en branle les transformations nécessaires.  Il faut passer du modèle linéaire au modèle circulaire et accélérer la décarbonisation, a suggéré la Ministre.  La Coordonnatrice de Scaling Up Nutrition Movement (SUN) a rebondi en insistant sur l’importance de la question de l’eau, « parce que l’eau potable fait partie d’une bonne alimentation », et sur l’importance de la collecte de données et d’informations.  Par ailleurs, elle a conseillé de lier la question de la résilience financière au développement du capital humain.  Selon ses calculs, 20 dollars investis dans le capital humain rapportent 16 dollars de retour sur investissement.  Restant sur la question financière, la Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a exhorté à résoudre d’urgence le problème de la dette des pays en développement, ce qui exige de tenir compte du futur indice de vulnérabilité multidimensionnelle. 

Les crises financières, économiques, sanitaires et de développement ne doivent pas être considérées comme distinctes, a affirmé la Vice-Ministre des affaires étrangères des Fidji en appelant à consolider les systèmes sanitaires pour faire face aux pandémies, et à renforcer la résilience financière pour réaliser les ODD.  Le Guatemala a souligné l’importance d’une vision renouvelée et intégrée des trois piliers: développement, paix et environnement.  Le représentant a insisté sur l’importance de protéger les migrants et d’intégrer les populations vulnérables.  Il a misé sur une mobilisation des ressources en tenant compte des vulnérabilités climatiques. 

Le Mexique, qui a recommandé de reconnaître les diversités territoriales et de soutenir lascience, technologie, innovation, a mis l’accent sur l’intégration socioéconomique des femmes.  La déléguée a attiré l’attention sur l’incidence multidimensionnelle de la pauvreté épaulée en cela par la Coordonnatrice de SUN.  Toutes les deux ont rappelé le rôle de l’assistance technique fournie par les agences des Nations Unies à cet égard.  Pour être efficaces, l’ONU doit envisager un financement pérenne et durable du système des coordonnateurs résidents, a plaidé le Viet Nam qui a également appelé à renforcer la coopération ONU-organisations régionales. 

Dernier à intervenir lors de ce débat interactif, le représentant du forum saoudien pour les bâtiments-verts a mis en lumière l’importance du bâtiment-vert pour réaliser les ODD.  Il a milité pour une coopération plus étroite avec les municipalités et le secteur de la construction.  Les villes sont importantes parce qu’elles prennent des décisions sur les codes de la construction, a rappelé le délégué pour qui l’ouverture des espaces verts à tous, y compris les femmes et les enfants, doit être promue. 

Pour accélérer la reprise, la Représentante spéciale chargée de la question de la violence contre les enfants a demandé de ne plus répéter à satiété les engagements, mais plutôt d’agir, « réellement ».  Elle a demandé de réagir face au manque de confiance dans les institutions internationales, de renforcer les équipes de pays des Nations Unies pour qu’elles puissent agir directement.  Il nous faut une approche centrée sur la population, sur l’enfant qui est notre avenir, sur l’inclusion des femmes.  « Les femmes, les jeunes et les enfants, ce sont eux les experts car ils connaissent leurs besoins. »  Enfin, il faut mettre en œuvre les 17 ODD ensemble, et pas isolément, a-t-elle conclu. 

Aller au-delà de la vue à court terme pour garantir un avenir meilleur?

La table ronde de l’après-midi a abordé la question de savoir comment surmonter le « court-termisme », et se concentrer sur l’intégration d’approches et de perspectives à long terme, tournées vers l’avenir, afin de faire progresser le développement durable et d’assurer un meilleur avenir pour tous.  Pour cadrer le débat, Mme MARIA-FRANCESCA SPATOLISANO, Sous-Secrétaire générale à la coordination des politiques et aux affaires interinstitutionnelles du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a axé sa présentation sur les projections démographiques d’ici à 2050 et les différents scenarii possibles. Avec une population mondiale qui devrait atteindre 10 milliards de personnes d’ici là, elle a insisté sur le fait que nos actions et nos choix aujourd’hui auront des conséquences demain en termes de niveaux et tendances démographiques futurs.  Elle a pris l’exemple de l’épidémie de VIH/Sida en Afrique centrale: après avoir initialement provoqué une baisse de l’espérance de vie, cette tendance a pu être inversée grâce à des actions ciblées et de la sensibilisation.  Alors que la baisse de la fécondité que l’on constate aujourd’hui s’accompagne généralement d’une augmentation de la croissance économique par personne mais aussi du vieillissement de la population, elle a encouragé les gouvernements à en tenir compte dans leurs politiques à long terme. 

Venant apporter un éclairage du terrain et exposer des expériences concrètes, quatre panélistes se sont succédé à la tribune. Ainsi Mme IZABELLA TEIXEIRA, Coprésidente de l’International Resource Panel au Brésil, a appelé à apprendre des enseignements du passé et de la crise environnementale mondiale pour se projeter dans l’avenir.  Les crises intermittentes ont des impacts à long terme, a-t-elle souligné et le vingtième et le vingt et unième siècle en ont connu leur lot qu’il s’agisse de guerres, de la COVID-19, ou de la crise démocratique actuelle dans le monde.  Alors que faire pour assurer la vie sur la planète, s’est-elle demandé en appelant à changer de position et à minimiser les risques climatiques.  Il faut également tenir compte des droits civils et des droits humains, et de la dimension générationnelle.  Avec 10 milliards de personnes, il va falloir aussi se poser la question des ressources et miser sur la protection de l’environnement et de la biodiversité et sur les économies vertes, a insisté la panéliste.  Concrètement il faut régler les problèmes du passé qui affectent le présent, et regarder vers l’avenir en faisant face aux demandes croissantes dans un monde qui connaît de moins en moins de frontières, a-t-elle recommandé.

Lui emboîtant le pas, Mme JENNIFER DIXON, Directrice générale de la Health Foundation au Royaume-Uni, a souligné que si dans l’éducation et la santé des progrès ont été faits, ces derniers ont été plus lents en ce qui concerne la réduction des inégalités et le logement, notamment, y compris dans son pays.  La COVID-19 n’a fait qu’accélérer cette tendance et ralentir la réalisation des ODD, a-t-elle ajouté.  Soulevant la question du niveau d’implication nécessaire de l’État, notamment pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté et de l’obligation morale vis-à-vis des générations futures, elle a mis en garde contre la fragilité des engagements pris dans le cadre d’instruments internationaux pouvant être balayés d’un revers de la main, au grès des cycles électoraux ou des calculs politiques.  Le rôle des groupes de réflexion et des milieux académiques est dès lors significatif, a fait valoir la panéliste, surtout lorsque ces derniers travaillent avec les investisseurs et les médias.  Elle a également pointé du doigt les lacunes dans la formation des hommes politiques.

Pour Mme SHONALI PACHAURI, Responsable du Groupe de recherche sur les solutions institutionnelles et sociales transformatrices à l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) en Autriche, il ne fait pas de doute que nous sommes tous coupables de « court-termisme » aux dépends de l’avenir.  Elle a souligné le dilemme d’agir aujourd’hui tout en pensant à demain, alors même que les êtres humains et les politiques recherchent la gratification instantanée.  Chaque culture a cette volonté de s’inscrire dans la durée pourtant, a-t-elle relevé, cela signifie qu’il faudra construire un monde meilleur que celui dont nous avons hérité de nos parents.  Mme Pachauri, qui a participé aux rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a brandi un graphique qui documente l’augmentation incontestable des températures dans le monde: elle a exigé une réflexion sérieuse sur l’avenir de la vie dans les décennies à venir et au-delà, sans perdre de vue qu’aujourd’hui déjà nous sommes 8 milliards d’êtres humains sur Terre.  Il faut travailler sans tarder sur les options relatives à la résilience climatique, a-t-elle conclu.

Mme YASMINE KUMI, Fondatrice et Directrice exécutive de Africa Foresight Group au Ghana, a expliqué que son organisation se concentre sur les besoins locaux dans le cadre de plans à long terme.  Elle a une plateforme de petites et moyennes entreprises (PME) sur le continent et travaille avec des jeunes diplômés en Afrique. Axant son intervention sur la perspective africaine, Mme Kumi a insisté sur l’importance de la participation « des citoyens de demain » à la table de négociation pour définir l’avenir.  Le capitalisme est, selon elle, le plus grand moteur du « court-termisme », en voulant pour preuve le fait que la grande majorité des investissements en Afrique se concentrent sur les revenus à court-terme alors que pendant ce temps, les marchés africains dans leur ensemble ont un PIB inférieur à celui de l’Allemagne.  Elle a ainsi pointé du doigt la vulnérabilité des économies africaines qui, aujourd’hui, ne peuvent pas résister aux chocs.

Réagissant à ces remarques, M. ANDRE MOZ CALDAS, Secrétaire d’État à la Présidence du Conseil des ministres du Portugal, a concédé que les crises interdépendantes ont infligé des retards à la réalisation des ODD, mais il a estimé que ces objectifs n’en sont pas moins pertinents pour assurer la résilience des sociétés à l’avenir.  Il faut que les politiques publiques correspondent aux ODD et que toute une série de parties-prenantes, y compris la société civile et les jeunes, participent aux efforts, a-t-il estimé.  Mais, pour ce faire, il faut aussi pouvoir s’appuyer sur des bonnes données, a souligné le Secrétaire d’État en soulignant le rôle de la science et de la technologie à cet égard afin de pouvoir rectifier le tir si besoin. 

Pour Mme LENORA QEREQERETABUA, Ministre adjointe des affaires étrangères des Fidji, les jeunes sont l’avenir.  Nos décisions d’aujourd’hui auront un impact sur ces générations.  Elles risquent de devenir un fardeau pour eux à moins de changer nos modes de consommation radicalement, a-t-elle mis en garde en citant les changements climatiques et les multiples crises qui viennent s’ajouter à cela.  Elle a tenu à souligner que le problème n’est pas toujours un manque de vision mais plutôt de moyens en martelant que l’accès au financement est une composante critique de la relève durable des économies et de la réalisation des ODD, en particulier dans les petits États insulaires en développement. 

Mme LORRAINE CORTES-VAZQUEZ, Commissaire du Département du vieillissement de la ville de New York, est venue faire part des progrès et pratiques de New York qui peuvent apporter à cette discussion.  L’objectif est de maintenir la dignité des personnes âgées, a-t-elle expliqué, en détaillant ce que fait la ville à cet égard: elle est en train d’analyser les structures existantes et les lacunes en vue d’y remédier, grâce à un cabinet, composé des 20 agences new-yorkaises au sein de la mairie, qui se penche sur ce que signifie avoir une ville inclusive du point de vue de l’âge. La Commissaire a mis en avant l’importance d’une approche intergénérationnelle partout dans le monde, parce que « l’âgisme » a un impact sur l’économie, et peut devenir un frein aux progrès sociétaux.

Le monde de l’entreprise fait beaucoup en termes d’anticipation des tendances et des évolutions, a remarqué pour sa part M. JEROME BELLION-JOURDAN, Secrétaire général adjoint de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), Organisation qui fédère un réseau de 150 organisations d’employeurs dans le monde.  L’OIE se consacre à demander aux gouvernements d’élaborer des politiques basées sur une réflexion à long-terme, en vue d’appuyer la création d’entreprises et d’emplois dans un monde qui connaît de profondes transformations dans le monde du travail.  Soucieux de garantir une transition juste, il a mis l’accent sur l’importance de la formation des jeunes et la contribution des migrations. Son argument était que les entreprises peuvent contribuer à façonner les politiques migratoires nationales en favorisant la mobilité de la main-d’œuvre notamment.

Mme KEHKASHAN BASU, Fondatrice-Présidente de la Green Hope Foundation au Canada, a expliqué que sa fondation œuvre à reconstruire les vies des gens « brique par brique » quand l’attention du monde s’est détournée des communautés frappées, qu’il s’agisse de mariage d’enfants, de relève post-incendies en Amazonie et autres exemples, en appelant à s’appuyer sur les technologies modernes et l’innovation pour bénéficier à ceux qui sont le plus durement touchés par les changements climatiques. Le coût de l’inaction est littéralement notre absence de survie, a-t-elle mis en garde en appelant à surmonter le court-termisme et à sauver l’environnement.

Les panélistes ont ensuite dialogué avec les délégations, pour commencer avec le Danemark qui a lui aussi souligné l’importance de la représentation des jeunes aux tables de négociations sur l’avenir.  Il a regretté que, bien souvent encore, leur participation ne signifie pas pour autant qu’ils sont entendus.  Souvent, dans les réunions internationales les jeunes sont cantonnés, sans interactions avec les preneurs de décisions et les diplomates, a regretté la représentante.

Pour la Croatie, il faut corriger le tir dans la réalisation des ODD en adoptant des cadres politiques nationaux adaptés, avec des stratégies sur le long-terme articulées autour de ces objectifs mais aussi autour de la transformation numérique et de la transition verte.  Autre point de vue du côté de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), qui a souligné que le plus grand frein à la réalisation de ces objectifs reste la mobilisation des ressources, notamment des finances publiques dans un monde aux prises avec des chocs et des crises multiples.  Beaucoup de pays en développement sont surendettés et allouent une grande partie de leurs ressources au remboursement de la dette, au lieu de financer leur développement à long-terme, a noté la représentante en appelant à y répondre.  La Chine est revenue sur l’importance d’éradiquer la faim et la pauvreté parce qu’elles empêchent les gens de se projeter dans l’avenir.

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