Session de 2023, Forum politique de haut niveau
12e séance – matin
ECOSOC/7139

Devant l’ECOSOC, le Secrétaire général appelle à un « nouveau Bretton Woods » pour financer la course aux ODD avant qu’advienne l’irréparable

Le constat, amer, est dressé par le Secrétaire général de l’ONU: près d’un tiers des cibles du Programme de développement durable à l’horizon 2030 sont au point mort ou enregistrent une régression.  Or « ne pas tenir nos promesses sèmera les graines de la désillusion, de la méfiance et du ressentiment », a prévenu António Guterres dans la salle de l’Assemblée générale des Nations Unies, ce lundi, en s’exprimant en ouverture du débat de haut niveau du forum politique pour le développement durable et du segment ministériel du Conseil économique et social (ECOSOC). 

Énonçant devant l’ECOSOC une poignée de statistiques choquantes –au rythme actuel, il faudrait encore trois siècles pour parvenir à l’égalité des genres; 600 millions de personnes seront encore enlisées dans l’extrême pauvreté en 2030- le Chef de l’ONU a particulièrement insisté sur la course aux financements et à la réforme d’un « système financier international défaillant ».  Un diagnostic partagé par M. Jevanic Henry, membre du Groupe consultatif des jeunes du Secrétaire général sur les changements climatiques, qui a appelé à une réforme de l’architecture financière internationale pour mieux tenir compte de la vulnérabilité des pays. 

Appelant de ses vœux à un « nouveau Bretton Woods », M. Guterres a listé une série exhaustive de propositions pour sortir du marasme.  À commencer par une note d’orientation sur la façon de réformer cette architecture financière, afin qu’elle forme un filet de sécurité pour les pays et donne accès à un financement abordable, à long terme.  Il a aussi rappelé le plan de relance des ODD qu’il a proposé, de 500 milliards de dollars par an, qui doit agir notamment au niveau de la dette, en exhortant les dirigeants à mettre en place un mécanisme d’allègement rapide et effectif, des suspensions de paiements pour les pays subissant des chocs graves, des durées de prêt plus longues et des taux plus bas.  Le plan préconise aussi l’accroissement des fonds propres des banques multilatérales de développement, qui doivent elles-mêmes modifier leur modèle économique, afin de pouvoir mobiliser beaucoup plus de fonds privés, à un coût raisonnable, pour les pays en développement.

L’urgence est évidente côté climat, alors que « des records de températures tombent les uns après les autres », comme l’a observé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva.  Alors que 130 millions de personnes pourraient basculer dans la pauvreté d’ici à 2030 en raison de la hausse des températures d’après la Banque mondiale, le plan de relance du Secrétaire général a été pensé pour investir massivement dans l’action climatique. 

Le Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), M. Hoesung Lee, a désigné le chemin à suivre, aussi simple dans sa définition que compliqué dans sa mise en œuvre: des diminutions importantes, rapides et durables des émissions de gaz à effet de serre pour se limiter à 1,5 degré Celsius de réchauffement.  Ces émissions continuent pourtant d’augmenter à l’heure qu’il est, a constaté l’expert avec amertume, en rappelant qu’environ 79% des émissions de gaz à effet de serre mondiales proviennent de la production et de l’utilisation d’énergie.  Malgré un investissement mondial dans le climat insuffisant, l’expert a relevé cette bonne nouvelle: « nous disposons des capitaux et des liquidités nécessaires pour combler les déficits de financement ».  Il a réclamé des « politiques coordonnées » pour parvenir à une émission net zéro.

Pour agir face à « cette folie » du basculement climatique ressenti actuellement dans tout l’hémisphère nord, M. Guterres a appelé les pays développés à tenir leurs engagements et à fournir les 100 milliards de dollars promis, « cette année », a-t-il insisté.  Il a aussi enjoint à réapprovisionner le Fonds vert pour le climat et à doubler le financement en vue de l’adaptation.  Et pour mettre en œuvre l’action coordonnée réclamée toute la journée durant, le Secrétaire général a proposé un « pacte de solidarité climatique », par lequel les pays fortement émetteurs d’émissions de gaz à effet de serre redoubleraient d’efforts pour les réduire, et les pays les plus riches appuieraient les économies émergentes.  Quoi qu’il en soit, tous les pays doivent accélérer les efforts puisque les pays développés doivent s’engager à parvenir à zéro émission nette « le plus près possible de 2040 », et « les économies émergentes d’ici à 2050 ». 

Une conversation informelle a réuni ce lundi hauts fonctionnaires et scientifiques autour du dernier Rapport mondial sur le développement durable, un document rédigé tous les quatre ans par un groupe indépendant de scientifiques nommés par le Secrétaire général.  Le texte compile les connaissances les plus récentes et propose des recommandations en vue de sauver les ODD.  Les échanges ont largement porté sur l’analyse des échecs de la réalisation des ODD, que Mme Imme Scholz, la Vice-Présidente du Groupe indépendant des personnalités scientifiques en charge de la rédaction du rapport sur le développement durable, a expliqués par « une volonté politique déficiente » et des « lacunes institutionnelles ». 

Alors que se profile le prochain Sommet sur les ODD, dans deux mois à peine, le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, a souligné que son principal défi sera celui de la « crédibilité ».  Autrement dit, de convaincre le monde que, dorénavant, « nous ferons mieux en matière de développement durable ». Dans quelques semaines seulement, de nouveaux engagements seront pris « sur lesquels nous devrons nous mettre d’accord », a insisté le Président, en plaçant ses espoirs sur une approche d’évaluation des pays allant au-delà du PIB ainsi que sur la création d’un système d’évaluation scientifique pour la mise en œuvre des ODD.  De son côté, le Chef de l’ONU a espéré de ce futur Sommet des engagements clairs et une « déclaration politique forte ».

La journée s’est poursuivie avec six examens nationaux volontaires examinés par séries de trois (République démocratique du Congo, Guyana, Roumanie; République centrafricaine, Chili, Ouzbékistan) et le début du débat général.  Les trois journées de haut niveau se tiennent ce lundi et jusqu’à mercredi 19 juillet, à partir de 9 heures.

DÉBAT DE HAUT NIVEAU, Y COMPRIS LA RÉUNION MINISTÉRIELLE DE TROIS JOURS DU FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL

Discours d’ouverture

M. JEVANIC HENRY, membre du Groupe consultatif des jeunes du Secrétaire général sur les changements climatiques, a appelé le monde à emprunter une autre voix pour parvenir à la réalisation des ODD.  « Les jeunes vous exhortent à agir. »  La pandémie a montré combien il est urgent de rectifier le tir, a-t-il dit, en agitant le spectre d’un échec dans ladite réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Les jeunes comme moi portent le fardeau des pertes en développement durable, s’est-il désolé.  Il a appelé à une réforme de l’architecture financière afin de prendre en compte les vulnérabilités de tous les pays, avant de souligner l’importance fondamentale de bâtir des villes durables.  Les jeunes ne doivent pas être considérés comme acquis et restent déterminés à réclamer des comptes s’agissant de la réalisation des ODD, a-t-il tranché. « Comment voudrons-nous nous rappeler de l’année 2023, comme l’année de l’espoir ou comme celle de l’échec? »

Pour Mme ASMA ROUABHIA, représentante du groupe des jeunes de la cellule mondiale de coordination de l’ODD 7, plus que jamais, notre programme devrait se concentrer sur « notre humanité, notre rétablissement, notre résilience, notre préparation et notre unité ».  Nous ne pourrons faire face aux défis que si nous sommes unis, a-t-elle fait remarquer. Originaire d’une bourgade à la frontière tuniso-algérienne, Mme Rouabhia rêvait, comme beaucoup d’autres enfants dans le monde, de devenir médecin pour « sauver la vie des gens ».  Elle s’est dite fière de ses origines rurales, « car c’est ce qui m’a encouragée à faire plus, à travailler plus dur et à avoir un plus grand but dans la vie ».  Les filles comme elle, nées dans des zones rurales, des camps de réfugiés, des zones de conflit, ont un grand potentiel, a-t-elle estimé.  Elle a appelé à investir dans leur éducation, leur sécurité, leur bien-être et leur potentiel, recommandant de les encourager à « croire en elles-mêmes et à développer leurs compétences ». 

Les nombreux jeunes oubliés et marginalisés par le monde font de leur mieux, malgré un accès limité aux ressources, pour aider leurs communautés et trouver des solutions innovantes, a-t-elle poursuivi. Ils sont en première ligne dans les situations de crise, qu’il s’agisse de la pandémie, de l’explosion survenue au port de Beyrouth, des inondations au Pakistan, du séisme survenu en Syrie et en Türkiye.  Les jeunes sont prêts à donner de leur temps, de leur énergie et de leur dévouement: ils veulent contribuer, ils veulent diriger.  « Nous devons être reconnus, entendus, valorisés, équipés, responsabilisés, consultés, impliqués dans les politiques et disposer de l’espace nécessaire pour avoir un impact », a démontré Mme Rouabhia. 

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué que le monde est à un tournant.  Elle a rappelé le lourd bilan pour le monde des conséquences de la pandémie, puis de la guerre en Ukraine, et des records de température qui tombent les uns après les autres.  « Nous avons atteint la cote d’alerte, pourtant ce n’est pas le moment de paniquer mais d’agir. »  Les pays doivent intégrer les ODD dans leurs plans nationaux de développement et harmoniser leurs priorités avec ceux-ci, a-t-elle dit.  Si elle a pointé la « mauvaise nouvelle » que constitue ces sept années de perdues, la bonne nouvelle est qu’il en reste sept autres pour réaliser les ODD. 

La Présidente de l’ECOSOC a salué les pays, ainsi que l’Union européenne, qui présentent leur examen national volontaire cette année.  Elle a appelé à mobiliser les ressources financières, tant nationales qu’internationales, et a martelé qu’inclusion et participation sont clefs pour garantir la réalisation des ODD, en faisant en sorte de ne laisser personne de côté. Enfin, elle a souligné le rôle crucial des jeunes dans la réalisation des ODD, notamment parce qu’ils ne s’embarrassent pas de modes de pensées conventionnels et parce qu’ils sont prêts à explorer de nouvelles frontières.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que la promesse de 2015 est en péril aujourd’hui et que « le monde est terriblement mal parti » à mi-chemin de l’échéance de 2030. L’édition spéciale de son rapport sur les objectifs de développement durable (ODD) dresse un tableau très sombre, montrant la faiblesse et l’insuffisance des progrès réalisés pour une bonne moitié des cibles de développement durable: près d’un tiers de ces cibles sont au point mort ou enregistrent une régression.  Émissions, inégalités, faim… le Secrétaire général s’est inquiété du manque de progrès et qu’au rythme actuel, il faudrait encore trois cents ans pour parvenir à l’égalité des genres.  En outre, 600 millions de personnes seront encore enlisées dans l’extrême pauvreté en 2030.  Dès avant les bouleversements récents (COVID-19, crise climatique, conflits généralisés et invasion de l’Ukraine par la Russie), le monde n’était déjà pas bien engagé, a rappelé M. Guterres, faute de solidarité, d’ambition et d’un nécessaire sentiment d’urgence. 

Faute de financements également, le Secrétaire général rappelant que de nombreux pays se situent au bord d’un gouffre financier; que le déficit annuel de financement des ODD est désormais estimé à 4,2 trillions de dollars –contre 2,5 trillions avant la pandémie- et que les promesses faites en matière d’aide internationale au développement et de financement de l’action climatique n’ont pas été tenues.  Les gouvernements « croulent sous les dettes », s’est-il inquiété, les pays en développement devant faire face à des coûts d’emprunt très élevés.  Il a souligné que 52 pays se trouvent en défaut de paiement ou en passe de l’être, sans qu’aucun système efficace d’allègement de la dette ne soit en vue. « Ne pas tenir la promesse de 2030 sèmera les graines de la désillusion, de la méfiance et du ressentiment », a prévenu M. Guterres.

Se plaçant dans la perspective du prochain Sommet sur les ODD, il a enjoint chaque gouvernement à s’y rendre muni « d’engagements et de plans clairs » pour renforcer l’action dans leur propre pays d’ici à 2030.  Il a appelé à des promesses et des interventions nationales ambitieuses pour réduire la pauvreté et les inégalités d’ici à 2027 et 2030; à des politiques, des plans d’investissements et des partenariats clairs, pour faire progresser les transitions majeures liées aux ODD.  Le Sommet doit aussi inciter la société civile et les entreprises à peser de tout leur poids.  Une « déclaration politique forte » doit absolument émerger du Sommet, afin de revitaliser la promesse des ODD et pour envoyer un message clair sur la question du financement. 

Car « le système financier international est défaillant », a poursuivi le Secrétaire général.  Il ne parvient pas à fournir aux pays en développement un financement à long terme et abordable en faveur du développement et de l’action climatique, ni à fournir à ces pays un filet de sécurité face aux chocs. « J’ai appelé à un nouveau Bretton Woods », a formulé le Chef de l’ONU.  « J’ai aussi présenté une note d’orientation sur la façon de réformer l’architecture financière internationale », afin qu’elle puisse opérer comme un filet de sécurité pour tous les pays et donner accès à un financement abordable à long terme. 

M. Guterres a dit avoir aussi proposé un plan de relance des ODD de 500 milliards de dollars par an, en vue d’investissements dans le développement durable et l’action climatique.  L’augmentation du financement doit être « massive », notamment par l’accroissement des fonds propres des banques multilatérales de développement, qui doivent elles-mêmes modifier leur modèle économique afin de pouvoir mobiliser beaucoup plus de fonds privés à un coût raisonnable pour les pays en développement.  Le plan de relance consiste également à agir au niveau de la dette, en exhortant les dirigeants à mettre en place un mécanisme d’allègement rapide et effectif, prévoyant des suspensions de paiements pour les pays subissant des chocs graves, des durées de prêt plus longues et des taux plus bas.  Il prévoit aussi une extension des financements pour imprévus dans les pays qui en ont besoin, notamment en réorientant les droits de tirage spéciaux (DTS), en particulier par la voie des banques multilatérales de développement.  M. Guterres a exhorté les pays du G20 à établir un calendrier, cette année, en vue de la création d’un nouveau mécanisme de règlement de la dette. 

Sur le plan du climat, il a appelé les pays développés à tenir leurs engagements et à fournir les 100 milliards de dollars promis, « cette année », a-t-il insisté.  Il a aussi enjoint à réapprovisionner le Fonds vert pour le climat et à doubler le financement en vue de l’adaptation.  D’après la Banque mondiale, 130 millions de personnes pourraient basculer dans la pauvreté d’ici à 2030 en raison de la hausse des températures.  Déjà, aujourd’hui, les fumées des incendies de forêts asphyxient les habitants de l’Amérique du Nord.  « C’est de la folie », s’est exclamé M. Guterres. Pourtant, il n’est selon lui pas encore trop tard pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré Celsius « si le monde fait un prodigieux bond en avant en faveur d’une action climatique conjointe ». 

Il a proposé à cette fin un « Pacte de solidarité climatique », par lequel tous les grands émetteurs redoubleraient d’efforts pour réduire leurs émissions et les pays les plus riches appuieraient les économies émergentes.  Le Secrétaire général a également proposé un « programme d’accélération » pour intensifier ces efforts.  En substance, tous les pays doivent accélérer leur calendrier de zéro émission nette, conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives.  Les pays développés doivent s’engager à parvenir à zéro émission nette, « le plus près possible de 2040 », et « les économies émergentes d’ici à 2050 », a formulé M. Guterres, listant des mesures concrètes: élimination progressive des combustibles fossiles, justice climatique, transition juste et accélérée, « révolution des énergies renouvelables ».  Il a enfin exhorté toutes les parties à veiller à ce que la COP28 mette en place le Fonds pour les pertes et les préjudices. 

M. CSABA KŐRÖSI, Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, a rappelé que le forum politique de haut niveau sous les auspices de l’ECOSOC est la seule plateforme dédiée exclusivement à offrir un leadership politique et à fournir des orientations concrètes pour la réalisation du Programme 2030.  Le fait est, selon lui, qu’aucun pays ne sera en mesure d’atteindre ces objectifs d’ici à 2030 si un bond en avant n’est pas accompli.  Des mesures urgentes sont nécessaires pour lutter entre autres contre la pollution de l’eau et la pénurie d’eau, ainsi que contre les pressions environnementales exercées par l’industrie et la croissance urbaine, a poursuivi le Président, qui a appelé à réduire sans délai les émissions de gaz à effet de serre, la pollution atmosphérique et à accélérer la décarbonation. 

Une coordination plus efficace entre sciences et politique, ainsi qu’une meilleure intégration des dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable, n’ont jamais été aussi urgentes: en fait, pour le Président, « la seule bonne nouvelle est que nous sommes, en général, toujours dans la course; mais la course elle-même doit changer ».  Il est désormais impératif que « nous nous fassions les champions d’une action innovante, holistique et audacieuse », a-t-il appuyé.

Martelant que dans deux mois aura lieu le Sommet sur les ODD, un sommet de nature non conventionnelle, il a souligné que son principal défi sera, selon lui, celui de la « crédibilité »: « comment convaincre le monde qu’à partir de maintenant, nous ferons mieux en matière de développement durable? » s’est-il demandé.  La vision du Président -son « espoir »- est que le Sommet aboutisse à une accélération drastique de la mise en œuvre des ODD. L’événement sera l’occasion de produire un changement qualitatif majeur dans nos efforts, a-t-il espéré.  En quelques semaines seulement, de nouveaux engagements seront pris pour de nouveaux changements « sur lesquels nous devrons nous mettre d’accord », a espéré le Président. Pour que cela se produise néanmoins, il faut reconnaître l’étendue du problème au niveau mondial et admettre de devoir impérativement changer les façons de penser et d’agir, a étayé M. Körösi. 

Il a aussi cité le développement d’une approche allant « au-delà du PIB », ainsi que la création d’un système d’évaluation scientifique pour la mise en œuvre des ODD, comme des éléments transformateurs que les États Membres doivent s’engager à mettre en œuvre.  Le monde doit dorénavant avoir compris que « nos vies sont impactées par des événements échappant à notre contrôle » et ne pouvant être gérés que par « une coordination et une coopération mondiales améliorées, fondées sur la confiance et la bonne foi », a enfin formulé le Président de l’Assemblée générale.  Des changements climatiques au terrorisme biologique, en passant par les règles relatives à la confidentialité des données ou à l’utilisation de l’intelligence artificielle, le Président de l’Assemblée a appelé à un « front commun » pour construire un monde meilleur, pour tous.  « Transformons le monde.  Sauvons le monde », a-t-il scandé en conclusion.

« Limiter les changements climatiques est essentiel pour le développement durable », a d’emblée rappelé M. HOESUNG LEE, Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en faisant remarquer que ces changements multiplient les menaces, qu’elles soient climatiques ou pas.  Il s’est inquiété de constater que seules 12% des 140 cibles des ODD sont sur la bonne voie.  L’expert a énuméré toutes les conséquences négatives des changements climatiques qui ont notamment exposé près de la moitié de la population mondiale à une insécurité alimentaire aiguë; ralenti la croissance dans la productivité agricole dans le monde entier au cours des cinquante dernières années; aggravé les phénomènes climatiques comme les cyclones tropicaux.  Ces changements font en outre augmenter les décès liés aux inondations et aux sécheresses, tandis que les extrêmes climatiques provoquent de nombreux déplacements.  Les attaques sur la santé humaine et les risques accrus d’extinction des espèces ont été également cités par M. Lee avant qu’il ne parle de l’élévation du niveau des mers.  Par conséquent, des diminutions très importantes, rapides et durables des émissions de gaz à effet de serre sont la meilleure option pour le développement durable, a tranché l’expert. 

Pour se limiter à 1,5 degré Celsius de réchauffement, les émissions de gaz à effet de serre devraient déjà diminuer en 2025 puis rapidement jusqu’à zéro d’ici à 2050.  Pourtant, elles continuent d’augmenter, a-t-il observé avant de prôner le développement de l’énergie durable et l’utilisation durable des terres.  Il a rappelé que 79% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, approximativement, proviennent de la production et de l’utilisation de l’énergie dans les secteurs de l’industrie, du transport et de la construction, le reste venant de l’agriculture, de la foresterie, de l’utilisation des forêts et d’autres utilisations foncières.  Les émissions varient fortement en fonction des pays, a-t-il aussi rappelé en citant les moins émetteurs: les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID). Pour M. Lee, les émetteurs importants doivent réduire de façon plus significative leurs émission pour atteindre le net zéro et les pays développés doivent utiliser leurs moyens financiers et technologiques plus grands pour apporter leur aide aux autres pays, comme ils l’ont promis dans l’Accord de Paris.  « Ils est temps d’accomplir cette promesse. » 

Le Président du GIEC a conclu que les engagements ainsi que l’investissement mondial dans le climat sont insuffisants, celui-ci devant augmenter fortement.  Il a appelé à renforcer le soutien aux pays en développement.  « La bonne nouvelle est que nous avons des capitaux et les liquidités nécessaires pour combler les déficits de financement. »  Un net zéro nécessite des politiques coordonnées, a aussi fait valoir M. Lee en invitant à renforcer la coopération internationale, notamment pour un meilleur partage des connaissances.  « Nous devons faire les bons choix. »  Il a lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles renforcent leurs efforts pour accomplir le développement durable.

Conversation informelle sur le Rapport mondial sur le développement durable 2023

L’insuffisance des progrès dans la réalisation des ODD a été au cœur de cette conversation. 

Mme IMME SCHOLZ, Vice-Présidente du Groupe indépendant des personnalités scientifiques en charge de la rédaction du rapport sur le développement durable, a expliqué ces progrès insuffisants par une volonté politique déficiente et des lacunes institutionnelles. Celle qui est Coprésidente de la Heinrich Böll Foundation a noté que les reculs sont inhérents à tout changement dans les manières de faire, puisqu’il faut surmonter les résistances et réticences de ceux qui ont à perdre d’un tel changement.  Les politiques publiques sont capitales pour accompagner cette transformation, a-t-elle dit, en appelant à une évaluation de leur impact. Elle a aussi indiqué que la science doit s’adapter et mettre l’accent sur la coopération.  Il faut également mettre sur pied les coalitions capables de porter la transformation et de résister aux pressions, a-t-elle dit, en défendant « une vision commune » de l’intérêt général.

« Je suis marqué, épuisé et blessé par la pandémie », a déclaré son collègue M. JAIME MIRANDA, Vice-Président du Groupe indépendant des personnalités scientifiques en charge de la rédaction du rapport sur le développement durable, qui est à la tête de l’École de santé publique de l’Université de Sydney (Australie) et qui a été invité à faire le bilan de la pandémie.  « J’ai perdu mon père et j’ai perdu également nombre d’amis, de collègues, de voisins. »  Je vous parle de souffrance parce que c’est cette souffrance qui nous a encouragés à aller de l’avant, en tant qu’humanité, sur le chemin de la résilience, a-t-il dit, en rappelant que l’ONU est née également d’une souffrance.  Il a indiqué que cette pandémie nous a appris à être « humains et unis ».  Il nous reste sept ans pour réaliser les ODD, a-t-il dit, en confiant son « espoir ».  Il a aussi décrit la courbe en S décrite par toute transformation sociale, avec notamment une phase d’accélération, qui doit s’accompagner des politiques publiques idoines afin d’éliminer les externalités négatives.  « La science nous unit en faveur de l’intérêt général. » 

Mme MARILYNN HOLGUIN CLOVER, représentante des jeunes, de The Millennials Movement, a noté que ce rapport cherche à changer le monde pour le meilleur.  Ce rapport pourrait encourager les jeunes à agir en faveur du développement durable, a-t-elle dit, en souhaitant une large diffusion.  Elle a enfin exhorté les États à faire fond sur ce rapport en vue de réaliser les transformations nécessaires.

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