L’avenir des villes et les défis des pays à revenu intermédiaire au menu du forum politique de haut niveau pour le développement durable
Pour sa quatrième journée de session, le forum politique de haut niveau s’est penché sur les défis spécifiques rencontrés par les pays les moins avancés et à revenu intermédiaire dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que sur les moyens de bâtir des villes et des communautés durables. Il a aussi fait le point sur les avancées et les défis en matière de développement pour les pays africains, les pays les moins avancés et les pays en développement sans littoral.
Le forum a d’abord entendu la représentante du Costa Rica auprès du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Mme Giovanna Valverde, présenter le rapport sur le Cadre décennal de programmation concernant les modes de consommation et de production durables. Ces modes permettent de remédier aux multiples crises que connaît la planète, a-t-elle dit, en dénonçant le mode de consommation « consommer puis jeter ».
Le forum s’est ensuite penché, lors de la première réunion de la journée, sur la réalisation de l’ODD 11 (objectif de développement durable qui vise des villes et des communautés durables). En 2022, 55% de la population mondiale vivait dans des villes, une proportion qui devrait grimper à 65% en 2050. Le temps fort de cette discussion a été la présentation par M. Sokunpanha You, de la Division statistique du Département des affaires économiques et sociales (DESA), des éléments du rapport du Secrétaire général (édition spéciale) relatif audit ODD.
En 2020, selon ce rapport, près de 1,1 milliard de personnes vivaient dans des bidonvilles ou dans des conditions équivalentes dans les zones urbaines. En ce qui concerne les transports, 51,6% de la population urbaine mondiale bénéficiait cette année-là d’un accès pratique aux transports publics. Fin 2022, 102 pays avaient indiqué que leurs autorités locales étaient dotées d’une stratégie de réduction des risques de catastrophe, une amélioration par rapport à 2015 qui n’en comptait que 51.
« Il est temps d’agir et de donner le pouvoir aux collectivités locales pour la mise en œuvre des ODD », a déclaré la Directrice exécutive d’ONU-Habitat, Mme Maimunah Mohd Sharif. Dans ce droit fil, Mme Ana Ciuti, Cheffe des affaires internationales et du partenariat stratégique de la ville de Buenos Aires, a appelé à des facilités de financement pour les villes, afin de leur permettre d’investir durablement sur des réponses à des défis majeurs comme celui du climat.
Les pays à revenu intermédiaire représentent 75% de la population mondiale et un tiers du PIB mondial, comme l’ont rappelé les orateurs du deuxième débat de la journée. S’ils sont des moteurs de la croissance mondiale, ils abritent également 62% des pauvres dans le monde. En raison des critères actuels, ces pays se voient privés d’accès aux financements concessionnels, a déploré El Salvador qui a parlé d’un véritable « piège ».
Une expression également utilisée par Mme Fiona Tregenna, de la South African Research Chair in Industrial Development, qui a estimé que ces pays ne jouissent pas de l’attention politique nécessaire ainsi que d’un accès satisfaisant aux financements. Le délégué des Philippines a, lui, rappelé que ces pays doivent souvent arbitrer entre stabilité budgétaire et financement de leurs priorités de développement.
Les intervenants ont appelé de leurs vœux une redéfinition des critères d’éligibilité aux financements internationaux, afin d’aller « au-delà du PIB », selon l’expression de la Colombie. L’Espagne a souligné la pertinence d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle qui est en cours d’élaboration. L’allègement du fardeau de la dette a été largement demandé, notamment par le Honduras.
De son côté, la Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), Mme Rola Dashti, a demandé une révision de l’architecture de rééchelonnement des dettes souveraines afin de la rendre plus favorables aux débiteurs. Elle a noté que nombre de pays, notamment dans la région arabe, se tournent vers des créanciers privés, accroissant le service de la dette.
« Le fardeau de la dette des pays à revenu intermédiaire est un défi qui nous concerne tous. » Quatre pays ont dû renégocier des accords de rééchelonnement de la dette avec leurs créanciers après un défaut de paiement, a appuyé M. Homi Kharas, du Center for Sustainable Development Brookings, en soulignant la marge de manœuvre budgétaire restreinte de ces pays. Les banques devront aussi apporter leur pierre à l’édifice pour une dette plus durable, a-t-il indiqué.
Lors de la dernière session de la journée, les participants au forum se sont tournés vers les pays africains, les pays les moins avancés et les pays en développement sans littoral. « Inverser la tendance, regagner le terrain perdu et s’engager sur la voie des ODD » était le thème de la discussion qui a entendu notamment des appels à l’équité dans les relations commerciales.
Le forum tiendra sa cinquième journée de session demain, vendredi 14 juillet, dès 9 heures.
FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Liens entre l’objectif de développement durable 11 -Villes et communautés durables-et les autres ODD
Pour les parties prenantes à la session de ce matin, il est évident que la qualité de l’urbanisation détermine si nous allons atteindre les 17 objectifs de développement durable (ODD) ou pas. Il est vrai qu’alors que la population mondiale a atteint la barre des 8 milliards en novembre 2022, 55% des humains vivent dans les villes. La session a ainsi permis d’explorer des solutions qui pourraient accélérer les progrès vers l’ODD 11.
M. SOKUNPANHA YOU, de la Division statistique du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté les éléments du rapport du Secrétaire général (édition spéciale) portant sur les ODD, notamment ceux en rapport avec le onzième. Le rapport souligne qu’en 2020, près de 1,1 milliard de personnes vivaient dans des bidonvilles ou dans des conditions équivalentes dans les zones urbaines, sachant que 2 milliards d’autres personnes risquent de vivre dans ces quartiers au cours des trente prochaines années. En ce qui concerne les transports, 51,6% de la population urbaine mondiale bénéficiait en 2020 d’un accès pratique aux transports publics. En outre, à la fin de 2022, 102 pays avaient indiqué que leurs autorités locales étaient dotées d’une stratégie de réduction des risques de catastrophe, ce qui montre une amélioration par rapport à 2015 qui n’en comptait que 51.
Ces constats ont fait réagir le modérateur de la session, M. STEFANO MARTA, qui a relevé, en citant un sondage, qu’avant la COVID-19, 40% des villes du monde avaient pris en compte les ODD. Celui qui est Coordonnateur de l’approche territoriale des ODD au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a précisé que pour les sondés, le leadership politique est crucial pour intégrer les ODD dans la gestion des villes.
La question du logement est à la base des questions de pauvreté, a noté la Directrice exécutive d’ONU-Habitat. Mme MAIMUNAH MOHD SHARIF a rappelé que les engagements existent déjà en rapport avec les cibles de l’ODD 11. Il est donc temps d’agir et de mettre en pratique les décisions prises, par exemple en donnant tout simplement le pouvoir aux collectivités locales pour la mise en œuvre des ODD. Dans la même veine, Mme ANA CIUTI, Cheffe des affaires internationales et du partenariat stratégique de la ville de Buenos Aires, a appelé à des facilités de financement pour les villes à travers des partenariats internationaux, ce qui leur permettrait d’investir durablement sur des défis majeurs comme celui du climat. Une idée approuvée par la France qui a souhaité que les collectivités locales, y compris celles du Sud, puissent bénéficier de financements internationaux, comme cela a été évoqué au cours du Sommet de Paris sur le pacte financier mondial.
À l’autre bout de la chaîne de financement se trouvent les envois de fonds des migrants à leurs familles, une question mise en avant par M. ANTÓRINO VITORINO, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et Coordonnateur du Réseau des Nations Unies sur les migrations. Il a expliqué que les migrants ont payé le prix cher au moment de la pandémie. Et ce sont eux qui sont encore à l’avant-garde de la reprise par les envois de fonds à leur famille. Il a affirmé que la migration est un accélérateur de la croissance, à condition de mettre en place les bonnes politiques prévues par le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.
Le fait de marcher et d’enfourcher son vélo en ville est crucial pour lutter contre la pollution, a enchaîné Mme MARUXA CARDAMA, Secrétaire générale du Partenariat pour des transports écologiques, à faible émission de carbone. Alors que les piétons représentent près de 70% de utilisateurs des routes dans certaines villes africaines, elle a regretté que celles-ci n’investissent pas pour améliorer les espaces qui leur sont dédiés afin de les rendre plus sûrs. Il est vraiment plus écologique de marcher ou de prendre son vélo, a insisté M. PAUL STOUT, créateur de contenus sur la plateforme TikTok par son compte « TalkingCities », qui parlait aussi au nom des jeunes. Il a regretté que le mode de transport le plus polluant, la voiture, soit paradoxalement le plus utilisé en ville. En tout cas, les jeunes préfèrent marcher, a-t-il assuré.
Évoquant également la question de la mobilité urbaine, M. MARC WORKMAN, Président du Conseil d’administration de l’Union mondiale des aveugles, a parlé de l’accessibilité comme droit humain fondamental. Il a appelé à harmoniser les politiques, et surtout, à collecter les données locales ventilées, afin de savoir comment améliorer la mobilité des personnes handicapées. Parlant au nom d’un autre groupe vulnérable, la représentante du grand groupe LGBTIQ a déploré la discrimination dont ses membres font l’objet dans la mise en œuvre des ODD. Ils sont d’ailleurs exclus des initiatives urbaines et les plus affectés par le sans-abrisme, a-t-elle relevé. À ce sujet, la maire adjointe d’Helsinki a loué les initiatives des collectivités locales finlandaises pour lutter contre le sans-abrisme. La Ministre du tourisme et des sports de la Croatie, Mme NIKOLINA BRNJAC, a évoqué pour sa part la construction de logements subventionnés aux jeunes familles dans son pays. Un programme similaire est à pied d’œuvre à Madagascar en faveur d’habitants qui ont perdu leur logis à la suite des catastrophes naturelles, a fait valoir la délégation.
La Türkiye a fait part de ce qui est prévu dans le pays pour reconstruire les centres urbains ayant été démolis par les récents séismes. Pour ce genre d’entreprises, le groupe des parties prenantes volontaires est une ressource de choix, s’est félicitée sa représentante qui a rappelé la contribution des volontaires pour l’essor des collectivités décentralisées et, partant, pour la mise en œuvre des ODD. Le grand groupe des jeunes et des enfants a appelé à leur implication aux initiatives de mise en place de l’ODD 11. Cela fait vingt ans que nous aurions dû agir, a déclaré le délégué, avant de se féliciter d’avoir maintenant une seconde chance de le faire. Une jeune représentante de l’Allemagne a appuyé cette assertion en appelant à inclure les conseils de jeunes et d’enfants dans les villes.
Après l’inclusion des jeunes et des bénévoles, c’est celle des déplacés qui a attiré l’attention. Sur les 110 millions de déplacés à travers le monde, 60 millions vivent en milieu urbain, a rappelé le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui a appelé à une urbanisation plus inclusive. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a évoqué son rôle de prévention des catastrophes par la fourniture de données probantes aux autorités urbaines, tandis que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a expliqué que les petits réacteurs modulaires peuvent aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre en ville, contribuant de ce fait à la lutte contre le réchauffement climatique.
La Malaisie a dit miser sur les centres urbains pour son développement durable. Pour cela, il faut établir un modèle de développement qui donne le pouvoir aux autorités locales, a plaidé la délégation. Même son de cloche pour l’Union européenne qui a même appelé à examiner des examens volontaires « locaux » à l’image de ce qui se fait au niveau national au cours du forum politique. Justement, la ville de Médine s’est soumise à cet examen volontaire, a souligné le représentant de l’Arabie saoudite.
L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a demandé que les initiatives de reconstruction des villes tiennent compte de la culture. C’est d’ailleurs ce que l’Organisation a fait en Iraq en reconstruisant à Mossoul des dizaines de bâtiments historiques détruits. L’UNESCO a mis en place l’initiative « Réponse des villes créatives » afin de mettre l’accent sur la culture dans la reconstruction postCOVID-19. Le Mexique, qui préside l’Assemblée générale d’ONU-Habitat, a appelé à appuyer les autorités locales dans la mise en place de divers instruments de gestion des terroirs. S’exprimant à son tour au nom des amis d’ONU-Habitat, la Pologne a souligné que l’avenir de l’humanité sera urbain. De ce fait, si nous gérons mieux les villes, alors nous parviendrons à réaliser les ODD, a-t-elle conclu.
Surmonter les défis des pays à revenu intermédiaire dans la réalisation du Programme 2030
C’est la première fois que le forum se penche sur les défis de ces pays, comme l’a indiqué le modérateur de cette table ronde, le Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies. L’allègement du fardeau de la dette de ces pays et la redéfinition des critères d’accès aux financements internationaux ont été quelques-unes des pistes explorées.
M. HOMI KHARAS, de Center for Sustainable Development Brookings, a rappelé à quel point ces pays ont été secoués par la pandémie. Le choc a été plus durable que pour les pays développés qui se sont relevés plus aisément. Il a souligné la marge de manœuvre budgétaire restreinte des pays à revenu intermédiaire, ainsi que leur accès difficile aux capitaux. Il faudra un soutien international robuste afin d’aider ces pays à réaliser les ODD, a-t-il dit. Il a remarqué que quatre pays ont dû renégocier des accords de rééchelonnement de la dette avec leurs créanciers après un défaut de paiement. Les banques devront aussi apporter leur pierre à l’édifice pour une dette plus durable, a-t-il conclu.
Mme ROLA DASHTI, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), a souligné l’acuité de la crise de la dette qui touche ces pays, notamment dans la région arabe. Cette crise a des coûts humains, au-delà des chiffres, a-t-elle noté. Elle a précisé que nombre de pays arabes se tournent vers des créanciers privés, à l’instar de l’Égypte, parce qu’ils voient le service de la dette s’alourdir. Elle a demandé une révision de l’architecture de rééchelonnement des dettes souveraines afin de la rendre plus favorable aux débiteurs. Ces pays doivent bénéficier d’une marge budgétaire plus importante, a-t-elle résumé, en soulignant l’importance de la lutte contre la corruption. « Le fardeau de la dette des pays à revenu intermédiaire est un défi qui nous concerne tous. »
Les pays à revenu intermédiaire représentent 75% de la population mondiale, a rappelé Mme FIONA TREGENNA, de South African Research Chair in Industrial Development. Elle a estimé que ces pays ne jouissent pas de l’attention politique nécessaire ainsi que d’un bon accès aux financements. « Ces pays se trouvent dans un piège. » Elle a avancé le concept d’industrialisation inclusive et durable, afin que ces pays puissent combler les retards dans ce domaine. Il est crucial que les pays concernés renforcent leurs capacités, accèdent aux marchés des pays développés et accélèrent leur transition verte, a-t-elle prôné.
M. ADRIAN LASIMBANG, de Right Energy Partnership with Indigenous Peoples, Malaisie, a demandé une plus grande sensibilisation aux défis et besoins des peoples autochtones. Leur voix doit être entendue lorsque sont prises les décisions qui les concernent, a-t-il exigé, en demandant l’apport des financements nécessaires aux organisations soutenant ces peuples.
Une juriste, Mme MISHELL NAOMI CABEZAS VILELA, représentante des jeunes de l’Équateur, a, elle aussi, insisté sur la nécessité que ces pays accèdent aux sources de financement nécessaires pour progresser dans la réalisation des ODD. Les jeunes doivent aussi être dotés des formations nécessaires, a-t-elle réclamé, arguant que « les jeunes ont la volonté et le pouvoir de changer les choses ».
Au cours du débat interactif qui a suivi, l’Espagne a appelé à la promotion de toutes les initiatives bénéficiant aux pays à revenu intermédiaire et souhaité une redéfinition des critères d’accès à l’aide publique au développement (APD). Elle a souligné, à cet égard, la pertinence d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle. La Colombie n’a pas dit autre chose en demandant une révision des critères de mesure du développement, exhortant à aller au-delà du PIB. « Il faut répondre aux handicaps structurels de ces pays, dont un niveau élevé de pauvreté. » Le Guatemala a souligné de plus la grande hétérogénéité de ces pays. Il a lui aussi demandé, à l’instar de l’Algérie ou encore de l’Uruguay, une redéfinition des critères d’accès aux financements. Le délégué algérien a évoqué le projet de fibre optique passant par six pays africains qui doit contribuer à faire avancer le développement. El Salvador a, lui aussi, parlé du « piège » dans lequel se trouve ces pays s’agissant de l’accès aux financements concessionnels.
Il faut remédier au fardeau de la dette, a appuyé le délégué des Philippines, qui a rappelé que les pays concernés doivent souvent choisir entre stabilité budgétaire et besoins en développement. Le Honduras a tout simplement demandé un allègement du fardeau de la dette. Les États-Unis se sont dit déterminés à appuyer les pays à revenu intermédiaire en mentionnant leur investissement de 500 millions de dollars pour le développement de l’industrie photovoltaïque en Inde.
Pays africains, pays les moins avancés et pays en développement sans littoral: regagner le terrain perdu et s’engager sur la voie des ODD
Orchestrée par la Présidente de l’ECOSOC, la troisième et dernière table ronde de ce jeudi s’est penchée sur les recettes à utiliser par les pays en situation particulière pour tirer leur épingle du jeu dans leur course contre le temps pour réaliser les ODD, malgré leurs handicaps spécifiques. Il s’est notamment agi, comme l’a précisé Mme LACHEZARA STOEVA en début de séance, de combler leurs lacunes en matière d’accès à l’énergie, aux technologies numériques et en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans une large mesure, ces lacunes se sont élargies ces dernières années, les pays africains, les pays les moins avancés (PMA) et les pays en développement sans littoral (PDSL) ayant été touchés de manière disproportionnée par une confluence de crises mondiales stoppant net leurs progrès. Le groupe des 46 PMA, qui comprend 33 pays africains, demeure économiquement marginalisé: leur situation financière limite tant leur productivité que leurs capacités à investir dans la résilience climatique. La pauvreté et l’insécurité alimentaire comptent parmi les phénomènes les plus inquiétants, a pointé Mme RABAB FATIMA, Haute-représentante pour les PMA, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID), et Secrétaire générale de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA (LDC5) dans sa déclaration liminaire. En 2020, 32 millions d’habitants des PMA ont été plongés dans l’extrême pauvreté. Les progrès sont aussi limités dans l’accès à électricité, l’eau et l’assainissement, sachant que 52% de la population des PMA est sans accès à une quelconque forme d’électricité. Cela signifie, selon Mme Fatima, que « des milliards de dollars seront nécessaires pour s’extraire de cette situation ». La dette n’est qu’une question urgente parmi d’autres puisque les grands investisseurs ont baissé les bras à cause des risques, de la trop petite taille des projets ou de la faiblesse des infrastructures, a-t-elle aussi noté.
Mme Fatima a suggéré de mettre pleinement à profit le Programme d’action de Doha pour les PMA, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et le Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024. Concernant le Programme d’action de Doha plus spécifiquement, elle a cité le projet de création d’une université en ligne, d’un centre de soutien aux investissements et d’un mécanisme de lutte contre les changements climatiques, entre autres.
Au-delà de l’évaluation officielle de la mise en œuvre du Programme, la France a jugé important que certains points spécifiques fassent l’objet d’une analyse indépendante, sur le modèle de ce qui avait été mis en place en 2011 avec le Programme d’action d’Istanbul. La France souhaite reproduire ce genre d’initiatives, « en réunissant à nouveau des groupes de réflexion, ainsi que des institutions de développement et des universitaires du Nord et du Sud, principalement localisées dans les PMA », dans un consortium appelé le « LDC V Monitor ».
L’Afrique du Sud a appelé à intervenir contre le fait que les PMA payent souvent davantage dans le remboursement de leur dette que dans le bien-être de leur population. Dans son sillage, le Malawi a réclamé un accord pour restructurer la dette des PMA et des pays africains afin qu’ils demeurent sur les rails de la réalisation du Programme 2030. La modératrice, Mme MAVIS OWUSU-GYAMFI, Vice-Présidente exécutive de l’African center for economic transformation, a rebondi, arguant que l’architecture financière internationale n’était plus adaptée aux besoins actuels et devait être refondée. Seuls sept pays africains ne sont pas en risque de surendettement, a-t-elle rappelé. « La majorité des économies sont en croissance mais ne se sont pas transformées », ce qui les rend vulnérables aux chocs. Elle a invité les panélistes à réfléchir sur la manière de transformer les économies à mesures qu’elles se développent et sur l’importance du secteur privé, qui doit se trouver au cœur des efforts puisqu’il dispose des technologies et des emplois.
Durant le débat, plusieurs délégations ont rivalisé d’annonces en matière de contributions financières. L’Union européenne (UE), un des plus grands fournisseurs d’APD avec 23 milliards de dollars débloqués au total pour l’Afrique en 2022, et le Royaume-Uni, se sont déclarés au côté des PMA et du Programme d’action de Doha, tout comme les États-Unis, qui eux ont mis en avant des solutions en matière d’énergie verte, des accords multilatéraux en faveur du développement durable, et des politiques améliorant la vie des citoyens de pays en situation particulière. L’Espagne a dit avoir lancé des initiatives concrètes en matière d’endettement, notamment une contribution au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté du Fonds monétaire international (FMI) à hauteur de 66 millions d’euros de droits de tirage spéciaux (DTS) pour 2023-2024. Quant à l’aide de l’Arabie saoudite, celle-ci s’élève à « plus de 69 milliards de dollars ces dernières années, au profit de plus de 160 pays ».
Parmi les obstacles les plus notables auxquels est confronté le groupe des 32 pays en développement sans littoral (PDSL), qui comprend 17 PMA, « citons des économies très dépendantes de quelques produits de base et de l’extraction de minéraux; le poids de l’économie informelle; des politiques sociales faibles; un taux de chômage élevé et une faible productivité », a exposé M. DULGUUN DAMDIN-OD, Directeur exécutif du groupe de travail international pour les pays en développement sans littoral. Isolés des marchés mondiaux, leurs coûts moyens d’importation et d’exportation par conteneurs maritimes sont plus de deux fois supérieurs à ceux des pays de transit. Ces dernières années ont été très difficiles en raison de la COVID-19 et des tensions géopolitiques mondiales, a ajouté l’expert qui a donc logiquement réclamé la facilitation des échanges commerciaux, notamment l’harmonisation des réglementations, des procédures et des normes douanières, ainsi qu’un soutien pour les investissements dans les réseaux de transport. Les crédits carbone sont également une nouvelle méthode de financement à exploiter pour alléger la pression sur leurs budgets, afin de compenser les coûts de la décarbonation. L’expert a enfin encouragé les pays enclavés à intensifier leur coopération régionale et « les échanges d’électricité renouvelable entre pays voisins ».
Soutenir la résilience et la durabilité par le biais de la coopération Sud-Sud et triangulaire est crucial pour inverser la vapeur, de l’avis de Mme DIMA AL-KHATIB, Directrice du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud, qui a aussi appelé à renforcer l’accès à des financements innovants et surtout à promouvoir le commerce et l’intégration régionale, en soutenant la mise en œuvre de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pour stimuler la reprise économique, tirer profit des chaînes de valeur régionales, créer des emplois et promouvoir le développement durable. Allant plus loin, Mme NAMIRA NEGM, Ambassadrice et Directrice de l’Observatoire des migrations de l’Union africaine, a appelé la communauté internationale à s’éloigner de l’exploitation abusive des ressources naturelles de l’Afrique, à diversifier les économies africaines, ainsi qu’à renforcer la coopération Sud-Sud dans la transition vers l’énergie et l’industrie vertes.
M. YACOUBA IBRAHIM OUMAROU, du groupe de parties prenantes des Communautés discriminées sur la base du travail et de l’ascendance (Niger), a levé le voile sur le sort des membres de communautés discriminées à travers toute l’Afrique de l’Ouest, telles que les Haratin en Mauritanie, les Limalmine ou les Jongo, nés dans une caste perçue comme la plus « basse » de la société, héritée par ascendance et caractérisée par des professions spécifiques. « Nous sommes également appelés « anciens esclaves » par les groupes dominants. Lorsque nos groupes tentent de se libérer, ils sont violemment réprimés pour rétablir ce qui est considéré comme le bon ordre social », a développé M. Oumarou, comparant leur sort à celui des Dalits du sous-continent indien et des Roms d’Europe. Appelant à ouvrir les yeux sur « ces formes précoloniales d’esclavage qui continuent d’exister à ce jour », il a recommandé d’exploiter l’énergie de la musique et de l’art pour toucher certaines des communautés les plus marginalisées, ainsi que d’« établir des titres de propriété foncière clairs, pour tous, y compris et surtout pour protéger les plus marginalisés, notamment les communautés d’ascendance ».
M. HUMPHREY MREMA, représentant de la jeunesse et Président de l’association des jeunes rescapés de Tanzanie, a appelé les décideurs à investir dans la jeunesse pour qu’ils aient voie au chapitre dans la formation de politiques inclusives. « Cela ne sera pas possible sans structures institutionnalisées », a-t-il prévenu.