Développement durable: le forum politique de haut niveau esquisse les contours d’un « plan de sauvetage pour l’humanité et la planète »
Le forum politique de haut niveau pour le développement durable s’est ouvert aujourd’hui afin de discuter des moyens de parvenir à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) en 2030, dans un contexte mondial qui n’invite en rien à l’optimisme. Dans son rapport spécial soumis à la discussion, intitulé « point sur les objectifs de développement durable: vers un plan de sauvetage pour l’humanité et la planète », le Secrétaire général indique en effet que de nombreux objectifs accusent un « retard modéré ou sérieux ».
Deux chiffres résument son inquiétude. Si la tendance actuelle se maintient, 575 millions de personnes vivront encore dans l’extrême pauvreté en 2030 et il faudra 286 ans pour combler les disparités fondées sur le genre en matière de protection juridique. « Il est temps de tirer la sonnette d’alarme, car à mi-chemin de l’échéance de 2030, les objectifs de développement durable sont en grande difficulté », écrit le Secrétaire général.
Un diagnostic largement partagé par les intervenants de cette première journée de forum dont le thème, cette année, est « l’accélération de la relance après la COVID-19 et la pleine mise en œuvre à tous les niveaux du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ». « Le monde est en difficulté », a reconnu M. Arrmanatha Christiawan Nasir, Vice-Président de l’ECOSOC, en rappelant que seulement 12% des cibles des ODD engagées sont sur de bons rails.
« Nous sommes en retard alors que nous sommes à la mi-temps », a appuyé le représentant des jeunes, M. Edward Ndopu, dans un discours remarqué. Il a évoqué tous ceux qui sont laissés de côté, tous les marginalisés, les pauvres, les gens vivant avec un handicap, les femmes, les enfants et les populations autochtones, qui sont trop souvent oubliés. « Nous avons relégué des millions d’enfants en marge de la société », a-t-il déploré, en dénonçant le potentiel gâché.
Néanmoins, le volontarisme et l’appel à agir ont peu à peu pris le pas sur le pessimisme, à l’image du délégué de la France, qui a appelé à ne pas céder « au fatalisme et à la résignation ». Selon les experts, il n’est en effet pas encore trop tard, a-t-il indiqué. Sur le plan du financement –question essentielle pour la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva– le délégué a rappelé la récente présentation de l’Agenda de Paris pour les peuples et la planète qui vise à un « choc de financement » dans ce domaine.
Le Népal, au nom des pays les moins avancés, a, lui, demandé un véritable « plan de relance » pour les ODD. Comme de nombreux intervenants, le représentant a exhorté les pays développés à augmenter leur aide au développement et à procéder aux transferts de technologie nécessaires. Les États-Unis ont, eux, souligné leur engagement en faveur de la pleine réalisation du Programme 2030, tandis que l’Espagne a dit son intention de consacrer 0,7% de son PIB à l’aide publique au développement d’ici à 2030.
De son côté, M. Steve MacFeely, Directeur des données et analyses à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a appelé à investir dans les données de qualité afin de progresser dans la réalisation du Programme 2030. M. Filippo Grandi, Haut-Commissaire pour les réfugiés, a appelé à transformer « les crises en possibilités », en rappelant que l’inclusion doit être le mot clef. « Je suis ici pour témoigner des triomphes de l’inclusion », a appuyé le représentant des jeunes.
« Mon fauteuil roulant n’est pas une marque de mes limites, mais un témoignage des progrès illimités qu’offre l’inclusion. » M. Ndopu a expliqué que les ODD ne sont pas simplement des cibles couchées sur du papier mais représentent « des espoirs, des rêves et la survie de millions de personnes ». « Alors que nous nous préparons pour la seconde moitié de cette course, réengageons-nous », a-t-il exhorté. Dans son rapport, le Secrétaire général fait cinq recommandations à cette fin.
Il invite notamment les pays à mener pendant sept ans une « action accélérée » afin de tenir la « promesse » des objectifs et à mettre en place des politiques « concrètes, intégrées et ciblées ». Ces politiques doivent viser à éliminer la pauvreté, à réduire les inégalités, à faire progresser les droits des femmes et des filles et à mettre fin à la « guerre livrée contre la nature ». La communauté internationale doit également mobiliser les ressources pour que les pays en développement atteignent les ODD, préconise-t-il.
Tous les intervenants se sont accordés sur l’importance du prochain Sommet sur les ODD qui se tiendra en septembre sous les auspices de l’Assemblée générale. « Emparons-nous de ce sommet pour agir et réaliser ces objectifs », a déclaré M. Nasir, en comparant cette année 2023 au « jour du jugement », s’agissant de l’engagement commun à créer un « monde idéal ». Le délégué de la France a exhorté à prendre lors de ce sommet des « engagements concrets », étant donné que le Programme 2030 doit demeurer « notre boussole ».
« Nos dirigeants seront jugés par l’histoire à l’aune des progrès accomplis », a déclaré le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Li Junhua, à l’unisson des autres orateurs. Enfin, la Présidente a précisé que 38 pays présenteront leur examen national volontaire lors de cette édition du forum de haut niveau sous les auspices de l’ECOSOC. Pour la première fois, l’Union européenne présentera son examen national volontaire, s’est-elle aussi félicitée.
Le forum, qui se déroulera sur huit journées, dont trois conjointement avec le débat de haut niveau de l’ECOSOC, poursuivra ses travaux demain, mardi 11 juillet, à partir de 10 heures.
FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Déclaration d’ouverture de la Présidente du Conseil économique et social
Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué que le forum se réunit à un moment stratégique, à mi-parcours de la mise en œuvre du Programme 2030. Il se réunit ce mois-ci sous les auspices de l’ECOSOC et se réunira en septembre sous les auspices de l’Assemblée générale, dans le même but de mobiliser les énergies en vue de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), a dit la Présidente. Elle a aussi insisté pour parler du financement, « une question clef ». Elle a précisé que le forum se livrera à l’examen approfondi des ODD 6 (eau propre et assainissement), 7 (énergie propre et d’un coût abordable), 9 (industrie, innovation et infrastructure), 11 (villes et communautés durables) et 17 (partenariats pour la réalisation des objectifs). Deux rapports nourriront les débats, le dernier rapport sur le développement durable et le rapport spécial du Secrétaire général, a dit la Présidente. Elle a enfin précisé que 38 pays présenteront leur examen national volontaire lors de cette édition du forum. Et pour la première fois, l’Union européenne présentera son examen national volontaire, s’est félicitée la Présidente.
Discours d’ouverture
Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. LI JUNHUA, a rappelé que « nous sommes à mi-parcours du chemin vers la réalisation des ODD et le maintien de notre promesse de dignité, d’opportunités et de paix pour tous sur une planète saine ». Selon lui, l’importance du forum de cette année est double. Premièrement, il marque un pré-sommet, créant une prise de conscience et un élan vers le Sommet sur les ODD en septembre qui sera « la pièce maîtresse de nos événements de haut niveau en 2023 et le point focal des travaux des Nations Unies sur le développement durable ». Deuxièmement, le forum politique 2023 nous rappelle qu’un changement radical est impératif si nous voulons tenir les engagements pris en 2015 et atteindre les ODD d’ici à 2030. Au cœur de nos discussions, a-t-il poursuivi, se trouvent les examens nationaux volontaires présentés par de nombreux pays, chacun démontrant son engagement à accélérer les ODD et partageant ses réalisations avec la communauté mondiale. Il a salué la participation active de 38 pays, aux côtés de l’Union européenne, rappelant que depuis 2015, 188 pays ont mené cet exercice, témoignage de l’engagement mondial envers les ODD. La participation continue des pays au processus des examens volontaires illustre leur engagement à évaluer de manière transparente et complète leurs progrès, a-t-il souligné.
Le Secrétaire général adjoint a indiqué que les défis sans précédent posés par la pandémie de la COVID-19 ont obligé les pays à réagir avec résilience et innovation. De nombreux pays ont mis en place des mesures pour gérer la crise, en garantissant la gratuité des tests, des traitements et des vaccinations pour leurs citoyens et résidents. Ils ont également travaillé avec diligence pour maintenir les services de santé et apporter un soutien par le biais de plans de relance aux ménages et aux entreprises. Selon lui, de tels efforts témoignent de leur engagement inébranlable à ne laisser personne en arrière et démontre le rôle indispensable de la santé dans le développement durable. Les partenariats, en particulier les collaborations public-privé, ont joué un rôle central pour faire progresser les ODD, a-t-il noté. « Ces partenariats, forgés dans des secteurs comme le logement, le développement des infrastructures, illustrent le pouvoir de la collaboration et de l’innovation comme moteur de progrès vers le développement durable. »
Cependant, « alors même que nous célébrons ces réalisations, nous ne devons pas perdre de vue les défis persistants qui entravent nos progrès », a-t-il rappelé. Ainsi, il a noté que les données restent un obstacle commun, avec des préoccupations concernant leur disponibilité et leur qualité, ce qui affecte le suivi des progrès des ODD. En outre, les ressources financières limitées entravent la pleine mise en œuvre des ODD, en particulier pour les pays aux prises avec des déficits de financement. Dans certains cas, les crises sécuritaires ont exacerbé les défis, entravant les progrès et aggravant les problèmes humanitaires. Et pour surmonter ces obstacles, les pays ont adopté des stratégies innovantes et des politiques qui méritent l’attention, a souligné M. Li. Par exemple, une approche pangouvernementale, impliquant de multiples secteurs et parties prenantes, a joué un rôle déterminant dans la garantie d’une mise en œuvre des ODD dans certains pays, a expliqué M. Li. Il a appelé à mettre l’accent sur l’engagement des parties prenantes, y compris la société civile, le secteur privé, le milieu universitaire et les communautés locales. Il a aussi noté que des modèles de financement et des partenariats innovants ont été proposés, offrant de nouvelles méthodes pour mobiliser des ressources et stimuler le progrès. Il a enfin appelé à faire passer le suivi des ODD au niveau supérieur. Il faut par exemple, a-t-il dit, établir des évaluations nationales indépendantes et œuvrer pour une plus grande implication des scientifiques dans le suivi et l’élaboration des examens nationaux.
M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR, Vice-Président de l’ECOSOC, a évoqué un « monde en difficulté » à mi-chemin du Programme 2030, avec seulement 12% des cibles des ODD engagées sur de bons rails, et certains objectifs en régression par rapport à leur niveau de référence fixé en 2015. En février, M. Nasir a eu l’honneur de présider le débat consacré aux questions de coordination de l’ECOSOC, débat réunissant les États Membres, les commissions techniques et les organes d’experts de l’ECOSOC, les commissions régionales des Nations Unies, les institutions spécialisées et les fonds et programmes des Nations Unies. L’objectif de l’événement était de promouvoir un redressement accéléré, de traiter les impacts persistants de la COVID-19 et de réaliser les transformations nécessaires pour concrétiser le Programme 2030. M. Nasir a résumé les points saillants dudit débat. Tout d’abord, l’interdépendance des défis et le fait qu’ils ne puissent être abordés que par le biais de solutions, d’outils et d’initiatives interdépendants. Pour y parvenir, il a appelé à supprimer les silos persistants, afin de libérer pleinement les outils et les initiatives transformatrices; et d’éliminer les goulets d’étranglement critiques dans des domaines clefs, tels que les données, les technologies numériques et le financement. Il a aussi appelé à encourager la coopération et la solidarité internationales, ainsi qu’à renforcer la cohérence et la coordination entre l’ECOSOC, le système de l’ONU et les institutions financières internationales.
Estimant que le fait de se situer à mi-parcours du Programme 2030 était un moment-clef pour « s’autoévaluer », M. Nasir a encouragé, au cours des prochains jours, à répondre aux questions suivantes: Avons-nous répondu de manière appropriée aux défis de développement auxquels sont confrontées les populations sur le terrain? Nos efforts ont-ils été suffisamment résilients et agiles dans ce monde postpandémique? Avons-nous adopté une approche assez inclusive en intégrant les risques, les défis émergents et les opportunités, tels que les risques de catastrophe, les changements climatiques et la transformation numérique, dans la conception de nos politiques, dans les prises de décision et nos actions concrètes? Le cadre institutionnel actuel, à tous les niveaux, a-t-il la capacité et l’aptitude à mobiliser des ressources adéquates, y compris financières, et à favoriser la confiance et des politiques de développement efficaces?
Troisièmement, il a insisté sur la nécessité d’intensifier les actions concrètes. En l’occurrence, cette année, les « politiques et actions concrètes et transformatrices » du système des Nations Unies ont été recensées et compilées dans l’annexe au rapport du débat consacré aux questions de coordination, a-t-il indiqué, estimant que cet outil, qui contient « plus de 105 politiques et initiatives émanant de 50 organes et entités », constitue une « ressource précieuse » pour renforcer la collaboration entre les États Membres et l’ECOSOC en vue de la réalisation des ODD. M. Nasir a enfin appelé à s’emparer du prochain Sommet sur les ODD en septembre pour agir et réaliser ces objectifs, comparant cette année 2023 au « jour du jugement », s’agissant de notre engagement commun à créer un « monde idéal ».
M. EDWARD NDOPU a parlé en tant que représentant des jeunes. Il a affirmé prendre la parole « en tant que symbole de ce qui peut être réalisé lorsqu’on libère le potentiel en chacun de nous ». Il a précisé être la première personne vivant avec un handicap à prononcer le discours d’ouverture du forum politique de l’ECOSOC. Au sujet de la mise en œuvre des ODD, il a estimé que c’est le combat de notre planète pour la survie. Or, « nous sommes en retard alors que nous sommes à la mi-temps ». Il a évoqué ceux qui sont laissés de côté, les marginalisés, les pauvres, les gens vivant avec un handicap, les femmes, les enfants et les populations autochtones, qui sont tous trop souvent oubliés. « Nous avons relégué des millions d’enfants en marge de la société, leur potentiel gâché et la pauvreté dominant. » Il a également souligné que la fracture numérique s’élargit, obscurcissant davantage le chemin vers les opportunités pour ceux déjà défavorisés.
M. Ndopu a exigé un système financier mondial au service de tous, pas seulement de quelques privilégiés. Un système qui place les pays en développement au cœur de son agenda, qui favorise l’accès aux finances et soutienne une croissance économique durable et inclusive. À son avis, la question n’est pas de savoir si nous en faisons assez, mais plutôt si nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir. « Pouvons-nous honnêtement dire aux générations futures que nous nous sommes efforcés de transmettre un monde meilleur, plus juste, plus durable que celui dont nous avons hérité? », a-t-il lancé.
« Je suis ici pour témoigner des triomphes de l’inclusion », a clamé le représentant des jeunes. « Mon fauteuil roulant n’est pas une marque de mes limites, mais un témoignage des progrès illimités qu’offre l’inclusion. » Il a expliqué que les ODD ne sont pas simplement des cibles sur du papier, ils représentent des espoirs, des rêves et la survie de millions de personnes qui dépendent de nous pour bien faire les choses. Alors que nous nous préparons pour la seconde moitié de cette course, réengageons-nous, a—t-il dit, appelant à plaider pour l’inclusion, l’égalité et la durabilité. Il a aussi recommandé d’agir dans la technologie, l’éducation, la santé, l’énergie propre et l’action climatique. Reconnaissant que les enjeux sont importants, il a assuré que la détermination l’est également. Il a donc appelé à modifier le scénario et à inverser le résultat de la course.
ACCÉLÉRER LA REPRISE AU SORTIR DE LA PANDÉMIE DE LA COVID-19 ET LA MISE EN ŒUVRE INTÉGRALE DU PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’HORIZON 2030 À TOUS LES NIVEAUX (RÉSOLUTION 75/290 B DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE)
En dépit du pessimisme qui entoure la réalisation du Programme 2030, c’est bien l’urgence à agir qui a animé les intervenants de cette première discussion. L’élaboration d’un plan de relance en faveur des objectifs de développement durable ou bien « un choc de financement » au niveau mondial ont été quelques-unes des pistes évoquées.
M. LI JUNHUA, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a présenté le rapport spécial du Secrétaire général en affirmant que « la promesse du Programme 2030 est en péril ». Si la tendance actuelle se maintient, 575 millions de personnes vivront encore dans l’extrême pauvreté en 2030, a-t-il mis en garde, prévenant aussi qu’au rythme où vont les choses, il faudra 286 ans pour combler les disparités fondées sur le genre en matière de protection juridique et pour supprimer les lois discriminatoires. Il a également souligné les conséquences alarmantes des changements climatiques. Pour lui, « ce rapport est un signal d’alarme ». M. Li a indiqué que le Sommet sur les ODD de septembre sera un moment charnière pour renouveler les engagements en faveur du Programme 2030 et définir ce plan de sauvetage pour la population et la planète. Il a enfin rappelé les cinq recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport. « Nos dirigeants seront jugés par l’histoire à l’aune des progrès accomplis », a-t-il conclu.
« Nous savions que les objectifs étaient dans une mauvaise passe », a reconnu M. QU DONGYU, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), avant d’appeler à une action transformatrice et à la production suffisante, notamment, de denrées nutritives. Il a préconisé d’investir dans les infrastructures et de s’attaquer au problème du gaspillage alimentaire. Face à ces innombrables défis, il a plaidé pour une plus grande résilience des systèmes alimentaires et pour un partenariat renforcé avec les agriculteurs. « Plus que jamais, nous devons renverser la vapeur. »
De son côté, Mme CATHERINE RUSSEL, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a indiqué que 600 millions d’enfants ne savent pas lire ou écrire, et que près de 14 000 enfants meurent chaque jour de maladies pourtant évitables. Elle a aussi rappelé qu’un enfant sur cinq vit dans une zone de conflit. Mme Russel a plaidé pour des programmes ciblés en faveur des enfants et pour que ces derniers soient au cœur du Sommet de septembre.
Depuis 2005, le nombre de personnes frappées par une catastrophe a augmenté de 80%, a signalé, quant à elle, Mme MAMI MIZUTORI, Représentante spéciale pour la réduction des risques de catastrophe. Rien ne sape autant les progrès vers le développement durable que les catastrophes, a-t-elle dit, avant de saluer le récent examen par l’Assemblée générale du Cadre de Sendaï pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030). Elle a souligné l’interconnexion des crises et plaidé pour un véritable changement de paradigme. Nous devons investir dans la prévention des catastrophes, plutôt que de remédier aux conséquences, a-t-elle dit. « Redoublons d’efforts en faveur de la prévention. »
« Il faut faire montre de volonté politique », a appuyé M. OVIDE MERCREDI, International Longevity Centre Canada, en rappelant les graves conséquences de la pandémie pour les peuples autochtones. Il a souligné le droit à l’autodétermination de ces peuples, ainsi que leur droit de participer à l’élaboration des décisions publiques. « Le Canada n’est pas notre maître, ni notre terre, mais notre partenaire », a-t-il dit, en notant que le pays se trouve sur les territoires des peuples autochtones. Il a souhaité que les peuples autochtones aient le mot de la fin et puissent décider pour eux-mêmes.
Lors du débat interactif avec les États Membres, le Népal, au nom des pays les moins avancés (PMA), a demandé un véritable « plan de relance » pour les objectifs de développement durable. Outre sa demande de restructuration des dettes des PMA, il a exhorté les pays développés à augmenter leur aide au développement et à procéder aux transferts de technologie nécessaires. L’Espagne a dit son intention de consacrer 0,7% de son PIB à l’aide publique au développement (APD) d’ici à 2030, tandis que les États-Unis ont signalé avoir donné 14 milliards de dollars, depuis l’an dernier, pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Le Burkina-Faso a appelé à l’action dans ce domaine, en rappelant que 3 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire dans son pays.
Alors que la délégation américaine a souligné le rôle important des femmes dans la réalisation du Programme 2030, le groupe partie prenante LGBTQ a demandé l’élaboration de lois contre les discriminations dont souffrent les personnes LGBTQ. Celles-ci sont souvent considérées comme des citoyens de seconde zone, a dit le groupe.
« Nous sommes à un moment bien plus défavorable qu’en 2015 mais ne cédons pas au fatalisme et à la résignation », a reconnu la France, avant de rappeler, que de l’avis même des experts, il n’est pas encore trop tard. Le délégué français a souhaité que le prochain Sommet de septembre soit l’occasion de prendre des engagements concrets, en gardant le Programme 2030 comme boussole. Sur le plan « capital » du financement, il a rappelé la récente présentation de l’Agenda de Paris pour les peuples et la planète qui vise à un « choc de financement ». Créons un environnement favorable aux pays en développement, a conclu la Chine, en demandant de s’opposer à l’unilatéralisme et à la création de « blocs exclusifs ».
Lors de la seconde partie de la table ronde, M. FILIPPO GRANDI, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a alerté sur le nombre de déplacés et de réfugiés dans le monde (110 millions), sans compter les personnes apatrides. « Une statistique glaçante. » Il a rappelé que ce n’est pas un problème pour les pays riches, en dépit de ce qu’ils disent, puisque 90% de ces déplacés et réfugiés se retrouvent dans des pays en développement. « Il nous faut transformer les crises en possibilités », a-t-il déclaré, en rappelant que l’inclusion doit être le mot clef.
La Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), Mme ARMIDA SALSIAH ALISJAHBANA, a appelé à remédier aux lacunes de financement, exacerbées depuis le début de la pandémie. Elle a plaidé pour des politiques novatrices, pour un accès pérenne aux technologies et pour un règlement du défi posé par la restructuration des dettes souveraines.
« Les données sont bel et bien le mot clef de notre époque », a déclaré pour sa part M. STEVE MACFEELY, Directeur des « données et analyses » à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en soulignant les difficultés rencontrées par de nombreux pays dans la collecte de données. Il a appelé à envisager les données comme un investissement essentiel, porteur de rendements considérables. Investir dans les données permettra d’avancer grandement dans la voie de la réalisation du Programme 2030, a-t-il assuré, en pointant les sous-investissements chroniques consentis jusqu’à présent.
Mme ELHAM YOUSEFFIAN, International Disability Alliance, a dénoncé l’approche coûts-bénéfices qui prévaut habituellement à l’endroit des personnes handicapées. Le postulat de départ est que ces personnes n’apportent pas de contribution, ce qui est faux, a-t-elle dit, en rappelant que l’inclusion est une responsabilité de la société. Elle a souligné la question clef du financement pour l’intégration des personnes en situation de handicap.
Lors du débat interactif, le Kenya a détaillé la riposte efficace mise en place face à la pandémie, avec notamment une formation accélérée du personnel de santé kényan. Nous avons pris des mesures renforcées en vue de la réalisation du Programme 2030, avec un souci constant d’inclusion, a dit le délégué. L’inclusion a également été au cœur de l’intervention de l’Organisation internationale de droit du développement (IDLO), qui a plaidé notamment pour que les lois soient mises en œuvre pour réagir à la corruption. Le grand groupe des entreprises et de l’industrie a, lui, assuré que ses membres veulent participer à la solidarité.
Examen de l’ODD 17 (partenariats pour la réalisation des objectifs) et de ses liens avec les autres ODD
Financer notre réponse à la crise et investir dans les ODD
Cette session, présidée par le Vice-Président de l’ECOSOC, M. MAURIZIO MASSARI (Italie), était axée sur les moyens de renforcer la mobilisation des financements en faveur des ODD, notamment dans un contexte marqué par la crise de la COVID-19, la crise climatique et la guerre d’Ukraine.
D’entrée de jeu, Mme YONGYI MIN, de la Division statistique du Département des affaires économiques et sociales (DAES), est revenue sur le rapport spécial du Secrétaire général sur les ODD (E/2023/64), en mettant l’accent sur la mise en œuvre de l’objectif 17. Elle a relevé que la croissance mondiale a baissé du fait des difficultés de nombreux pays. Elle a noté par exemple qu’en 2022, un pays sur 4 de la catégorie du revenu intermédiaire courait un risque élevé de crise fiscale. Pourtant, l’aide publique au développement (APD) a culminé à 206 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 15% par rapport à 2021. Mais cela n’est pas suffisant et l’ambition de parvenir à une APD équivalant à 0,7% du revenu national brut (RNB) des pays développés reste hors de portée, a-t-elle averti. Elle a expliqué cette augmentation de l’APD par la mobilisation internationale en soutien aux réfugiés, y compris ceux d’Ukraine. Dans le même temps, les tensions géopolitiques et la recrudescence des nationalismes ont sapé la mobilisation des fonds en faveur des ODD, a-t-elle rapporté.
Relevant que près de 300 millions de femmes vivent dans la pauvreté, M. JASON ROSARIO BRAGANZA, de l’organisation kényane African Forum and Network on Debt and Development, a observé à regret que les gouvernements des pays en développement n’ont pas les coudées franches pour mobiliser les recettes fiscales nationales face à des crises multiples. De même, leurs efforts de réduction des inégalités sont sacrifiés pour privilégier le remboursement des créanciers privés. De ce fait, des citoyens sont contraints de payer de leur poche pour accéder aux services de base. Il s’est étonné de l’appel à mobiliser les fonds du secteur privé pour financer le développement durable, notamment quand on sait que l’architecture financière internationale favorise les flux financiers illicites dont bénéficie le même secteur privé.
Cette architecture financière internationale, il faut la réformer a tranché M. JAY COLLINS, Vice-Président de la banque d’affaires et d’investissements à la banque Citi. Il a également souhaité que les banques internationales de développement puissent mobiliser davantage de ressources pour le développement durable. Il a ensuite défendu le secteur privé, arguant que le montage des projets et programmes gouvernementaux n’est pas attractif pour le monde des affaires. Le financier a aussi appelé à tenir compte de la vulnérabilité de certains pays, comme ceux en proie aux conflits.
Identifiant les femmes et les filles comme des populations vulnérables, Mme MAYADA ADIL, cofondatrice de La Loupe Creative, une ONG de jeunesse, a appelé soutenir la participation des jeunes à toutes les rencontres internationales en rapport avec les ODD. Un avis partagé et soutenu par le représentant du grand groupe des enfants et de la jeunesse qui a plaidé pour que le système financier international privilégie les groupes vulnérables comme les femmes et les populations autochtones.
Mme CAROLA MEJIA, analyste chargée du financement de l’action climatique au réseau LATINDADD, a relevé quant à elle que depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’attention et les dépenses de la communauté internationale vont vers ce pays-là. Elle a demandé la mise en place d’une nouvelle approche pour gérer la crise de la dette, ainsi que de nouveaux droits de tirage spéciaux (DTS) pour financer spécifiquement l’action climatique. Elle s’est dite opposée aux financements mixtes qui ne suscitent pas l’engouement des investisseurs. Le Programme alimentaire Mondial (PAM) a aussi constaté que les financements privés ne sont pas visibles dans des situations humanitaires comme les cas de famine.
Pour la Suisse, il faut plus de solutions mondiales à ces problèmes globaux, comme une taxe sur les émissions de gaz carbonique. La délégation a également appelé à une refondation des banques internationales de développement, afin qu’elles accompagnent la mobilisation des fonds en faveur du développement durable. Pour la France, l’APD garde son importance, même si cela reste insuffisant. C’est pourquoi le Sommet sur le financement tenu en France récemment a proposé la réforme des banques internationales de développement. Le pays a aussi appelé à mobiliser davantage le secteur privé et des sources innovantes comme la taxation du carbone ou des remises de dette en échange de services bénéficiant aux écosystèmes.
Les pays les moins avancés (PMA) ne reçoivent que peu de fonds pour financer les ODD, s’est lamenté le Népal qui parlait au nom de ce groupe de pays. La délégation a appelé les pays développés à honorer leur promesse de consacrer 0,2% de leur RNB à l’APD en direction des PMA. Ces derniers sont d’ailleurs contraints d’emprunter à des taux élevés, a dénoncé la délégation. Le Qatar s’est enorgueilli d’avoir déboursé plus de 70 millions de dollars pour l’APD l’an dernier, alors que les États-Unis ont mis en avant les 50 milliards de dollars qui font d’eux « les plus grands donateurs au monde ». Pour l’Union européenne (UE), c’est bien elle et ses États membres qui sont les plus grands donateurs en matière d’APD. L’UE a également insisté sur l’importance de capter les financements privés. Justement la représentante du grand groupe des entreprises et des industries a plaidé pour que les financements mobilisés atteignent les petites et moyennes entreprises (PME). Elle a aussi appelé à la numérisation des systèmes fiscaux pour éviter les fraudes.
Pour Kiribati, il ne faut pas oublier que les petits États insulaires en développement (PEID) manquent de ressources pour réaliser les ODD. Malgré la volonté politique, les ressources font défaut, s’est plainte la délégation. « Nous sommes dans une année cruciale pour changer la donne de la mise en œuvre des ODD. Mobilisons donc les fonds nécessaires », a conclu la modératrice de la session, Mme SARAH CLIFFE, Directrice exécutive du Centre pour la coopération internationale à New York University (NYU).
Science, technologie et innovation: lancer la transformation et un redressement basé sur la science
La troisième et dernière discussion de cette première journée avait pour mission d’explorer le rôle crucial à jouer par la science, la technologie et l’innovation (STI) pour atteindre les ODD, a expliqué Mme PAULA NARVÁEZ, Vice-Présidente de l’ECOSOC.
M. THOMAS WOODROFFE (Royaume-Uni), Coprésident du forum 2023 sur les science, technologie et innovation, a mis en avant les réalisations dudit forum, qui s’est déroulé en mai dernier, insistant sur l’importance des échanges dans le domaine scientifique et soulignant de nouveau les vœux de « numérisation équitable » inscrits dans le Pacte numérique mondial. Ce forum a aussi démontré que les avantages des technologies numériques dépassent de loin les retombées négatives qu’elles peuvent avoir, a-t-il assuré. Le forum a aussi mis en avant une coalition numérique africaine, à laquelle participent notamment le Cameroun et le Ghana. La modératrice de la discussion, Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud), l’autre Coprésidente du forum 2023 sur les science, technologie et innovation, a rebondi en invitant les intervenants à examiner les recommandations de ce forum pour réduire les inégalités de genre.
« L’innovation est le moteur le plus puissant pour régler nos problèmes », a formulé M. JOSÉ RAMÓN LÓPEZ-PORTILLO ROMANO, Président de Q Element Ltd. et membre du groupe de 10 experts pour appuyer le Mécanisme de facilitation des technologies. Mais il faut dresser une liste des priorités, avec, tout en haut de la liste, l’aide aux pays du Sud, qui manquent de moyens techniques et dont les écosystèmes sont rendus déjà vulnérables par les changements climatiques. Tout cela suppose de partager les connaissances et de mettre en place des partenariats, a estimé M. Romano, qui a proposé et brièvement décrit un « système mondial d’innovation » qui « s’alimenterait de lui-même ». Le Mexique fait partie d’un projet pilote illustrant ce vœu, avec une approche permettant de mobiliser les fonds nécessaires pour la mise en œuvre de projets liés aux ODD, avec les banques mettant en commun leurs fonds, permettant aux « idées de prospérer », tout en fournissant des sources de financement. L’orateur a même imaginé un « réseau mondial de banques d’idées sur la base d’une plateforme numérique ».
Invitée par la modératrice à se pencher sur plusieurs exemples de changements profonds, Mme ANA CRISTINA AMOROSO DAS NEVES, Présidente de la Commission de la science et de la technique au service du développement (CSTD), a évoqué les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle, qui « offre des occasions en or » mais pose aussi des « dilemmes éthiques ». Elle a évoqué les pays en développement manquant d’accès à ces nouvelles technologies et appelé à son tour à combler la fracture numérique.
Tout en approuvant les orateurs précédents sur la collaboration nécessaire entre pays et l’aide aux pays du Sud, M. PETER GLUCKMAN, Président du Conseil international des sciences, a émis un important bémol: « Nous n’avons pas du tout parlé du coût social de la transformation numérique ni des problèmes de désinformation ». Avec des changements technologiques aussi rapides et profonds, nous avons besoin d’une approche intégrée, de tenir compte des préoccupations en matière de santé mentale si nous voulons progresser, a insisté le scientifique. Axant la suite de son intervention sur les malentendus entre l’espace politique et l’espace scientifique, il a critiqué le fait que les scientifiques soient « marginalisés dans l’espace multilatéral » et soient inclus « de façon sporadique plutôt que de manière stratégique ». Il a enfin appelé à la mise en place de programmes conjoints pour lutter contre la défiance des populations face à de nombreux consensus et de nombreuses vérités scientifiques aujourd’hui décriées, ainsi qu’à établir des ponts entre la science et le monde politique.
Mme CAROLINA ROJAS, représentante des jeunes, a mis en avant les atouts de la jeunesse, en pointant que cette jeunesse n’était « pas un bloc monolithique ». Appelant à imaginer un nouvel avenir pour les jeunes, elle a plaidé pour la prise en compte de la jeunesse dans toutes les discussions, et à tenir compte du fait que les jeunes générations vivent dans un monde différent, beaucoup plus virtuel, influencé par les réseaux sociaux et les forums en ligne.
Une oratrice s’exprimant au nom de Mme PAMELA MATSON, professeure d’études environnementales au sein du Department of Earth System Science et Senior Fellow au sein du Woods Institute for the Environment de l’Université Stanford, qui n’a finalement pas pu se rendre à New York à cause de l’annulation de son vol, a parlé de l’expérience acquise par Mme Matson: celle-ci lui a appris que « la science devait être fiable, crédible et pertinente », et qu’elle gagnerait la confiance du monde politique grâce à « la recherche collaborative des scientifiques avec le monde politique et d’autres secteurs ».
Lors du débat interactif incluant les délégations, la Norvège a jugé capital que la prochaine conférence sur le financement du développement fasse preuve d’ambitions et que l’architecture du financement international soit renforcée. Les États-Unis ont jugé que les science, technologie et innovation devaient accompagner le renforcement de l’égalité de genre et le développement durable, avant de mettre en avant ses programmes nationaux dédiés à la participation des femmes dans les science, technologie et innovation ainsi que l’ambition américaine de les voir déclinés en programmes internationaux via l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture), une organisation que les États-Unis « vont réintégrer rapidement ».
Le Kenya, lui, met en œuvre son plan décennal dédié à l’économie du numérique, a déclaré son représentant, tandis que le grand groupe des femmes a appelé à un apprentissage fondé sur l’équité et l’inclusivité, afin de garantir un accès équitable aux connaissances scientifiques. La Chine a mis en avant son expérience en matière de collaboration scientifique et ses ambitions dans ce domaine via « la route de la soie ». La Pologne a déploré que la méfiance vis-à-vis de la science perturbe les efforts d’accélération de ODD, tandis que la France a promu les réformes en cours au sein de l’Institut de recherche et de développement (IRD), qui a réorganisé sa communauté des savoirs afin de faire converger les connaissances vers une plateforme interdisciplinaire en ligne. Celle-ci mêle savoirs locaux et implication du monde académique, afin de faire émerger des problématiques transdisciplinaires.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a rappelé le rôle fondamental joué par l’énergie nucléaire pour alimenter un monde en énergie fiable et bas carbone, qui pourrait servir d’épine dorsale à un monde se convertissant à l’énergie propre, de concert avec les énergies renouvelables. Il a insisté sur le caractère disponible à toute heure de l’énergie nucléaire. Derrière lui, la Suède a évoqué les promesses de l’énergie basée sur la fusion nucléaire.