Session de 2023
9e & 10e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7113

ECOSOC: l’examen des efforts de coordination des organes du système des Nations Unies démontre une synergie croissante en faveur du développement

Au deuxième jour du débat consacré aux questions de coordination, les nombreux représentants d’organes du système des Nations Unies, en particulier ceux dépendant du Conseil économique et social (ESOCOC), ont fourni une multitude d’exemples des efforts déployés par leurs entités pour travailler ensemble à la réalisation du développement durable dans toutes les parties du monde.  Les États Membres, qui se sont engagés à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) à l’échéance de 2030, mais qui pour beaucoup ne peuvent y arriver sans soutien, ont commenté les actions et les résultats de ce système qui œuvre de plus en plus en synergie. 

La mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 a pris du retard, comme l’ont reconnu les intervenants, notamment le responsable du Comité des politiques de développement qui a pointé le « décalage évident entre l’ambition transformatrice affichée et les efforts déployés au niveau national ».  Il faut selon lui commencer par adopter les bonnes politiques de développement, ce sur quoi ce comité fournit des conseils indépendants, par l’intermédiaire de l’ECOSOC.  Cet exercice lui a permis de dire que les stratégies de mise en œuvre sont trop cloisonnées et ne reflètent généralement pas une approche intégrée.

Si ce manque de coordination au niveau national a été souligné, les divers organes représentés aujourd’hui ont tenté de donner l’exemple en matière d’interconnexion.  Les statisticiens ont ainsi assuré qu’ils œuvrent assidûment avec leurs partenaires pour que l’architecture de données et de statistiques à long terme réponde aux besoins futurs.  L’an dernier, la Commission de statistique a pris un engagement auprès d’autres organes, tels que la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale et la Commission pour la population et le développement, afin de créer et de maintenir des liens entre les besoins en matière de statistiques et de données, a illustré sa présidente.

Les discussions du jour ont abordé le problème des pays coincés dans le piège du revenu intermédiaire, en matière de financement du développement.  Le Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a mis en valeur les travaux menés par cette instance en faveur de ces pays et a plaidé pour que le PIB par habitant ne soit plus le seul critère d’attribution de l’aide.  Des délégations, comme le Portugal et le Maroc, ont abondé en reprenant l’idée du Secrétaire général, exprimée dans son rapport « Notre Programme commun », de cesser de faire du PIB l’unité de mesure de référence du développement.  Ces États Membres ont misé sur les négociations en cours visant à finaliser l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour les petits États insulaires en développement. 

Autre sujet récurrent dans les échanges de cette journée, la dette.  Le Secrétaire exécutif par intérim de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a rappelé que le coût de la dette ne cesse de croître, tandis que son homologue de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) a fait valoir les bienfaits attendus des contrats d’échanges dettes-climat, une initiative régionale qui accompagne les pays de la région à sortir de l’étau de la dette tout en mettant en œuvre des mesures palliatives sur le plan climatique.  L’avis de l’Administrateur du PNUD sur ce sujet est qu’une percée dans le financement du développement est possible si les États Membres y consentent, y compris sur la question de la dette.  Le plan de relance des ODD formule des recommandations sur la manière d’accélérer l’allégement de la dette, notamment par le biais d’assurances financières et d’instruments de dette subordonnés à l’État, a précisé M. Achim Steiner. 

Les acteurs des niveaux « régional » et « local » ont été à leur tour appelés à l’action.  La Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE) a souhaité la mobilisation de tous les acteurs locaux en faveur des ODD.  Elle a signalé à cet égard l’existence d’un forum régional de maires qui permet de présenter des examens volontaires de mise en œuvre des ODD au niveau local.  Cette commission a cependant été critiquée par la Fédération de Russie qui s’est dite déçue de la politisation de sa coopération, qui a selon elle un impact négatif sur les liens économiques et la coopération régionale. 

Au cours de la table ronde du matin, les États Membres ont été invités à fournir des orientations politiques afin d’assurer la cohérence des politiques et des travaux normatifs des organes subsidiaires et des entités du système des Nations Unies.  Les participants se sont également penchés, dans l’après-midi, sur « la voie à suivre: politiques et actions transformatrices ».  L’Administrateur du PNUD a mis l’accent sur le plan de relance des ODD proposé par le Secrétaire général, qui comprend à la fois des réponses cycliques aux crises multiples que connaît le monde et des propositions structurelles liées à l’architecture financière internationale.  La Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a enchaîné en demandant de réformer les économies afin qu’elles puissent donner un sens à la vision de la Déclaration universelle, arguant que la priorité devrait être de remédier aux inégalités et non de les exacerber. 

« Plus de temps à perdre », c’est l’initiative lancée par l’UNICEF en lien avec des partenaires, que sa directrice exécutive a cité comme exemple d’action transformatrice menée de manière collaborative.  Cette initiative soutient la prévention, la détection et le traitement précoces de l’émaciation sévère chez les enfants de moins de 5 ans dans les 15 pays les plus touchés par la crise nutritionnelle.  Un exemple très concret qui confirme l’un des trois mots clefs retenus par le Vice-Président de l’ECOSOC après ces deux journées: « interdépendance », « autoévaluation » et « caractère concret ». 

SUITE DU DÉBAT CONSACRÉ AUX QUESTIONS DE COORDINATION

Table ronde 1

Dialogue entre les secrétaires exécutifs(ves) des commissions régionales: perspectives régionales pour une reprise inclusive et résiliente guidée par le Programme de développement durable à l’horizon 2030

La seconde journée de cette session de coordination de l’ECOSOC a commencé par des exposés des secrétaires exécutifs des commissions régionales.  Ces derniers ont donné un aperçu de ce qui se prépare à l’occasion des forums régionaux sur le développement durable.  Ils ont aussi exposé les perspectives régionales et les innovations pour les approches intégrées de mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) pour une reprise inclusive après la pandémie. 

Le ton fut donné par Mme ARMIDA SALSIAH ALISJAHBANA, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour lAsie et le Pacifique (CESAP) et Coordonnatrice des commissions régionales des Nations Unies.  Elle a évoqué un partenariat régional pour accompagner les pays et aller au-delà du produit intérieur brut (PIB) comme indicateur de développement, dans le but de renforcer la mise en œuvre des ODD.  La région entend mieux se préparer aux catastrophes naturelles futures et s’engager vers la transition énergétique, a-t-elle ajouté.  Elle a également fait valoir les contrats d’échanges dettes-climat, une initiative qui pourrait accompagner les pays de la région d’Asie et du Pacifique à sortir de l’étau de la dette tout en mettant en œuvre les mesures palliatives sur le plan climatique. 

M. ANTONIO MARIA AFONSO PEDRO, Secrétaire exécutif par intérim de la Commission économique pour lAfrique (CEA), a rappelé que la pandémie de COVID-19 a conduit à une chute de la croissance en Afrique, une première depuis la Deuxième Guerre mondiale.  Aujourd’hui les conditions de financement sont de plus en plus difficiles pour les gouvernements et le coût de la dette ne cesse de croître, a-t-il constaté en soulignant le recul des gains faits dans la cadre de la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et des ODD.  Pour y faire face, M. Afonso Pedro a appelé à une reprise juste et à une transition énergétique pour combler le déficit des 500 millions d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité.  Un nouveau contrat social exigera aussi des emplois décents, notamment dans un contexte où plus de 60% de la populations africaine a moins de 30 ans et a besoin de formations adéquates pour l’insertion professionnelle, a encore recommandé le Secrétaire exécutif avant d’inviter les gouvernements africains à faire des réformes budgétaires et à réorienter les dépenses vers des projets porteurs de croissance.  Il a aussi plaidé pour la restructuration de l’architecture de la dette. 

Mme OLGA ALGAYEROVA, Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour lEurope (CEE), a appelé à la mobilisation de tous les acteurs locaux en faveur des ODD.  Elle a signalé à cet égard l’existence d’un forum des maires au niveau régional qui permet de présenter des examens volontaires de mise en œuvre des ODD au niveau local.  Elle a plaidé pour une approche multisectorielle qui tienne compte de l’avenir. 

M. RAÚL GARCIA-BUCHACA, Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour lAmérique latine et les Caraïbes (CEPALC), a noté que la performance économique de l’année écoulée est « l’une des pires ».  Il a fait remarquer que le service de la dette est très contraignant pour les pays de la région.  Dans ce contexte, la CEPALC a présenté, en octobre dernier, une stratégie sectorielle pour relancer le développement régional, a signalé le haut fonctionnaire en précisant qu’elle tient compte de plusieurs domaines dont la transition énergétique, l’agriculture durable, l’industrie sanitaire, la numérisation, le secteur des soins, le tourisme durable et l’économie dite solidaire ou sociale.  La Commission régionale travaille également sur la question du financement du développement pour les pays qui sont coincés dans le piège du revenu intermédiaire.  C’est pourquoi le PIB par habitant ne doit plus être le seul indicateur de classement des États, a-t-il plaidé. 

Dans un message vidéo, Mme ROLA DASHTI, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour lAsie occidentale (CESAO), a déploré l’augmentation des inégalités dans sa région, avec notamment un taux de chômage très élevé chez les jeunes et les femmes.  La Commission économique accompagne les gouvernements dans leur stratégie d’emprunt, a-t-elle indiqué.  Elle a misé sur l’action et l’espoir, dont sa région a grandement besoin. 

Table ronde 2

Réflexions sur l’action des organes subsidiaires du Conseil économique et social

Les présidents des Commissions techniques et des groupes d’experts de l’ECOSOC ont présenté à l’occasion de cette conversation les travaux les plus récents de leurs organes respectifs et donné un aperçu des sessions à venir, tout en mettant en évidence les recommandations, initiatives et cadres normatifs qui ont le potentiel d’accélérer la mise en œuvre du Programme 2030 dans un contexte postpandémique.  Leur collaboration avec d’autres organes subsidiaires et entités de l’ONU a été également mise en évidence, et parfois jugée lacunaire.  Les États Membres ont donc été invités à fournir des orientations politiques afin d’assurer la cohérence des politiques et des travaux normatifs des organes subsidiaires et des entités du système des Nations Unies. 

Le Comité des politiques de développement, par exemple, fournit des conseils indépendants à l’ECOSOC sur les questions de politique de développement, a indiqué Mme SAKIKO FUKUDA-PARR, Professeure daffaires internationales à la New School et Vice-Présidente de la vingt-cinquième session du Comité.  À ce titre, le Comité a suivi de près et évalué la mise en œuvre du Programme 2030, identifiant un décalage évident entre l’ambition transformatrice affichée et les efforts déployés au niveau national.  En effet, les stratégies de mise en œuvre ne reflètent généralement pas une approche intégrée et restent cloisonnées, fragmentées et sans vision cohérente.  Souvent, leur portée est limitée et se concentre sur le soutien aux groupes vulnérables au lieu de s’attaquer aux vecteurs structurels d’inégalités et d’exclusion.  Le Programme, a estimé l’intervenante, est une « liste de souhaits » en faveur de l’éradication de la pauvreté et de la conservation des écosystèmes, mais il est trop superficiel sur les inégalités et les mécanismes de gouvernance et de mise en œuvre.  L’experte a jugé l’objectif 10 (inégalités réduites) trop faible et l’objectif 16 (paix, justice et institutions efficaces) « irrémédiablement » insuffisant sur la gouvernance participative. 

De leur côté, les statisticiens de la Commission de statistique œuvrent assidûment avec leurs partenaires à des synergies.  Ils travaillent pour que l’architecture de données et de statistiques à long terme réponde aux besoins futurs, a expliqué Mme GABRIELLA VUKOVICH, Présidente de lOffice central de la statistique de Hongrie et Présidente de la cinquante-troisième session de la Commission de statistique.  Elle a assuré qu’il y a des changements importants en ce sens dans le domaine des statistiques ainsi que dans les systèmes de données, à savoir davantage d’interconnexions.  Elle a également mis en exergue les liens de ladite commission avec d’autres organes de l’ONU, tels que la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale et la Commission pour la population et le développement: la Commission de statistique a pris l’engagement de créer et de maintenir des liens entre les besoins en matière de statistiques et de données. 

La coordination qui se fait par ailleurs entre les organes de l’ONU et les États Membres a été illustrée, notamment, par le Groupe de travail intergouvernemental dexperts des normes internationales de comptabilité et de publication (ISAR), représenté par M. SANJEEV SINGHAL, Président de sa trente-neuvième session.  Ces experts aident les pays à renforcer leurs infrastructures nationales pour faire rapport sur la viabilité afin de suivre les changements internationaux et promouvoir le financement et le développement durables.  L’ISAR promeut cet effort en collectant et en partageant les leçons apprises et les pratiques optimales dans ce domaine et par le biais de nouveaux partenariats régionaux.  Le groupe d’expert agit en outre de concert avec d’autres organes onusiens.  Lors de sa trente-neuvième session en novembre 2022, l’ISAR a ainsi demandé à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) de soutenir le renforcement des capacités et des infrastructures de préparation de rapports; de suivre les développements concernant l’établissement de rapports sur la durabilité dans le secteur public; et de mener des travaux sur la comptabilité et l’établissement de rapports pour les microentreprises et petites et moyennes entreprises, a précisé son président. 

La Commission pour la prévention du crime et de la justice pénale, par la voix de Mme MARY WANGUI MUGWANJA, Présidente de sa trente-deuxième session, a donné son témoignage d’action menée en soutien aux efforts des pays.  Sachant que les systèmes judiciaires doivent gagner la confiance des citoyens et rendre une véritable justice, la Commission s’efforce de rendre les systèmes de justice pénale plus efficaces, responsables et inclusifs, en cherchant à promouvoir l’objectif 16 relatif à la promotion de sociétés pacifiques et inclusives.  Consciente de la nécessité d’accélérer la reprise postpandémique, la Commission organise depuis 2021 des discussions thématiques annuelles pour mettre en œuvre les engagements énoncés dans la Déclaration de Kyoto et garantir l’accès à la justice pour tous, a précisé cette panéliste. 

Si nous voulons vraiment mettre en œuvre dans les délais impartis le Programme 2030, une volonté politique supplémentaire sera nécessaire pour ne pas choisir certains ODD au détriment d’autres, a recommandé Mme GERALDINE FRASER-MOLEKETI, Chancelière de lUniversité Nelson Mandela et Présidente de la vingt et unième session du Comité dexperts de ladministration publique.  M. ZÉPHYRIN MANIRATANGA, Président de la dix-huitième session du Forum des Nations Unies sur les forêts, a annoncé l’intention de cette instance d’organiser un événement d’une journée en avril 2023 sur les forêts, l’énergie et les moyens de subsistance pour contribuer à la préparation du Sommet sur les ODD de septembre 2023.  Cet événement, a-t-il expliqué, présentera les contributions importantes des forêts et de leur gestion durable aux objectifs d’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes et à ceux relatifs à l’amélioration de la nutrition et à la promotion d’une agriculture durable. 

Discussion interactive

La Fédération de Russie s’est demandé comment, dans un contexte d’affaiblissement du multilatéralisme, les organes subsidiaires de l’ECOSOC, en particulier les commissions économiques régionales, pourraient améliorer leur coopération.  La délégation s’est dite déçue de la politisation de cette coopération au sein de la Commission économique pour l’Europe (CEE) de l’ONU, qui a, selon elle, un impact négatif sur les liens économiques et la coopération régionale, jetant « des doutes sur son avenir ».  Il s’est dit convaincu que le Secrétaire exécutif de cette commission s’efforcera de prendre les mesures nécessaires pour réduire les « tensions politiques » en son sein afin de rétablir une interaction efficace. 

Répondant à une question du Maroc sur l’apprentissage par les pairs, entre pays, la Secrétaire exécutive de la CESAP, qui est la coordonnatrice des commissions régionales de l’ONU, a indiqué qu’une plateforme de collaboration économique régionale a été mise en place à destination des pays émergents, avant de reconnaître, en réaction aux propos de la Russie, la nécessité de rationaliser les approches en vigueur et de renforcer les synergies.  Le Mexique a plaidé de son côté pour une réaction globale holistique, afin de parvenir à un effet catalyseur positif et avoir un réel impact.  À cet égard, il faut que le système des Nations Unies privilégie la coordination, la cohérence et les synergies entre les principaux organes de l’ECOSOC, a-t-il insisté en ajoutant que cela vaut aussi pour les processus intergouvernementaux lancés par l’ONU.  Toutefois, la délégation mexicaine a reconnu le défi que représente la pénurie de ressources, exigeant la gestion rationnelle de celles-ci et un multilatéralisme intégral cohérent et coordonné.  Des propos appuyés par le Portugal, qui a rappelé les limites du PIB, à la suite du Secrétaire général dans son Programme commun, où il était demandé de cesser d’en faire l’unité de mesure de référence du développement.  Comme le Maroc avant lui, il a fait référence aux négociations en cours visant à finaliser l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour les petits États insulaires en développement (PEID).

Table ronde 3

Discussion sur le thème « La voie à suivre: les politiques et mesures porteuses de transformation »

Cette table ronde s’est appuyée sur les conclusions des séances précédentes de ce débat sur la coordination afin d’identifier les principales recommandations politiques transformatrices destinées à accélérer la reprise postpandémie et à atteindre les ODD en tenant compte des crises en cours.  Les débats ont mis en lumière l’importance du Programme 2030, qui reste notre boussole pour surmonter les crises et réaliser la transformation nécessaire aux objectifs de développement durable (ODD), a résumé M. JONIBEK ISMOIL HIKMAT, Représentant permanent du Tadjikistan auprès de l’ONU et corapporteur de ces échanges.  Ce dialogue permet de recenser les questions majeures qui se posent en matière de coordination pour mettre en œuvre les ODD, a ajouté son homologue de la Nouvelle-Zélande, Mme CAROLYN SCHWALGER.  Les discussions ont mis l’accent sur l’importance de financer le développement durable et de réaliser tous les ODD sans exception, a-t-elle souligné, déclarant attendre du prochain Sommet sur les ODD qu’il aide les pays à piloter la transformation. 

Lançant la discussion, M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a mis l’accent sur le plan de relance des ODD proposé par le Secrétaire général, qui comprend à la fois des réponses cycliques aux crises multiples que connaît le monde et des propositions structurelles liées à l’architecture financière internationale.  Si la croissance mondiale devrait chuter à 2,9% en 2023 avant de remonter à 3,1% en 2024, ce taux de croissance restera trop faible pour offrir une marge de manœuvre budgétaire aux économies en développement, a-t-il relevé, ajoutant que les taux d’intérêt sont trop élevés pour permettre de puiser dans les marchés financiers à des niveaux raisonnables.  Selon lui, le plan de relance des ODD est conçu pour aider les pays à éviter ce « piège parfait » pour l’inaction des ODD, notamment en élargissant l’espace budgétaire et en accélérant la restructuration de la dette. 

Dans ce contexte, l’Administrateur du PNUD s’est félicité que le débat sur le financement du développement ait mûri ces derniers mois, sous l’impulsion des banques multilatérales de développement, de la Banque mondiale et du G20.  Alors que trop d’économies en développement sont aujourd’hui soit exclues des marchés de capitaux ou soumises à des taux d’intérêt insoutenables de 12 à 18% sur les obligations souveraines à 10 ans, M. Steiner a jugé qu’une percée dans le financement du développement est possible si les États Membres y consentent.  Il a fait le même pronostic sur la question de la dette, tout en regrettant sa stagnation actuelle.  Selon le décompte du PNUD, 54 économies en développement sont aujourd’hui en situation de surendettement ou à haut risque, a-t-il rappelé, déplorant que le Cadre commun du G20 n’ait pas été en mesure de traiter la restructuration de la dette à l’échelle et à la vitesse nécessaires.  Le plan de relance des ODD formule des recommandations sur la manière d’accélérer l’allégement de la dette, notamment par le biais d’assurances financières et d’instruments de dette subordonnés à l’État, a-t-il précisé, avant d’appeler à l’élaboration d’une architecture financière internationale adaptée à la fois au développement et au financement climatique.  Pour ce faire, a expliqué le haut fonctionnaire, nous aurons besoin de mécanismes publics de réduction des risques pour attirer les flux privés à grande échelle, mais aussi de nouvelles allocations de droits de tirage spéciaux (DTS) axées spécifiquement sur l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques. 

Mme CATHERINE M. RUSSELL, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour lenfance (UNICEF), a ensuite dépeint un monde où, sous l’effet des conflits, des changements climatiques et des retombées socioéconomiques de la COVID-19, des décennies de progrès en matière de bien-être des enfants ont commencé à s’effondrer.  À l’approche du Sommet sur les ODD prévu cette année et du Sommet sur l’avenir programmé en 2024, elle a plaidé pour que les droits des enfants soient au centre de la planification du relèvement et du renforcement des systèmes.  Nous avons besoin d’une action concertée pour garantir que chaque enfant puisse pleinement accéder et jouir de ses droits à une santé, une nutrition et une éducation de qualité et être à l’abri de tout danger, a-t-elle souligné, appelant à atteindre en priorité les enfants les plus vulnérables et les plus défavorisés, en particulier ceux touchés par les conflits.  Pour cela, la collecte et l’utilisation de données désagrégées aideront à identifier ceux qui en ont le plus besoin et comment les atteindre au mieux, a ajouté Mme Russell.  Enfin, considérant les enfants et les jeunes comme des agents de changement, elle a souhaité qu’ils puissent participer à l’élaboration de solutions, faisant état d’actions menées dans ce sens par l’UNICEF et ses partenaires, notamment l’initiative « Pas de temps à perdre », qui soutient la prévention, la détection et le traitement précoces de l’émaciation sévère chez les enfants de moins de 5 ans dans les 15 pays les plus touchés par la crise nutritionnelle en cours, ou encore l’initiative Giga, destinée à connecter chaque école à Internet.  L’UNICEF aide également les gouvernements à s’engager auprès des institutions financières internationales afin qu’ils puissent accéder au financement du développement pour soutenir les enfants vulnérables, a-t-elle conclu. 

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de lhomme, a quant à elle souligné le pouvoir de transformation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont on célèbre cette année les 75 ans.  Cette déclaration « révolutionnaire » ne fait pas de distinction entre les différents droits et continue d’inspirer l’action pour changer notre monde, y compris le Programme 2030, qui vise à libérer le monde de la pauvreté, de la faim, de la maladie et du besoin, a-t-elle observé, estimant que ces objectifs ne sont pas hors de portée.  Pour progresser, nous devons changer nos priorités et notre façon de travailler, notamment en réformant nos économies afin qu’elles puissent donner un sens à la vision de la Déclaration universelle, a soutenu la haute fonctionnaire, pour qui la priorité devrait être de remédier aux inégalités et non de les exacerber.  Cela implique selon elle d’aligner les obligations des États en matière de droits humains sur leurs priorités en matière de finances publiques, de fiscalité, de budgétisation, de commerce et de dette.  Au niveau international, cela signifie réformer le système financier international afin d’élargir l’espace budgétaire pour les droits de l’homme et le développement durable, a-t-elle ajouté, avant de présenter quelques exemples du travail effectuée dans cette voie par le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Jordanie, au Kenya, en République démocratique populaire lao et en Serbie.  Enfin, après avoir plaidé pour que l’action environnementale transformatrice soit également guidée par les droits humains, elle s’est réjouie que les examens nationaux volontaires se fondent de plus en plus sur cette approche pour traiter les causes structurelles des inégalités.

Intervenant en visioconférence, M. J. JAIME MIRANDA, Coprésident du Groupe indépendant de scientifiques (IGS) en charge du Rapport mondial sur le développement durable 2023, enseignant-chercheur et Directeur du Centre dexcellence Cronicas sur les maladies chroniques à lUniversidad Peruana Cayetano Heredia de Lima (Pérou), a estimé que les transformations sont inévitables si l’on veut répondre efficacement aux crises géopolitique, socioéconomique, énergétique, alimentaire et climatique actuelles.  À mi-parcours du processus de réalisation des ODD, il convient, à ses yeux, de faire preuve de solidarité et d’utiliser le temps et les ressources à bon escient pour adopter des mesures véritablement transformatrices et durables.  Pour ce faire, il faut renforcer la capacité des États mais aussi des personnes, a-t-il avancé, non sans faire valoir qu’il n’existe pas de solution universelle et que tous les contextes sont particuliers.  Dans cet esprit, a ajouté M. Miranda, le Rapport mondial sur le développement durable n’est pas seulement prescriptif, il fournit un cadre concret pour accompagner la transformation sur la base de données précises.  Jugeant urgent de se remettre sur la voie des ODD et d’accélérer le processus, il a appelé à l’adoption d’une approche stratégique et a encouragé toutes les parties prenantes à s’y engager. 

Discussion interactive

Dans la foulée de ces présentation, M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR, Vice-Président de lECOSOC et responsable du débat sur la coordination, a demandé aux panélistes de préciser leurs vues sur les changements de comportement nécessaires pour se remettre sur la voie de la réalisation des ODD.  L’Administrateur du PNUD a répondu à cette question en se référant aux enseignements tirés de la pandémie.  En 2023, a-t-il dit, nous devons réfléchir à la manière de ne pas tomber dans le piège des illusions à court terme et de rester unis face aux défis.  Selon lui, les conséquences de la COVID-19 sont tellement perturbatrices et transformatrices que la situation actuelle ressemble à celle qui régnait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’ONU est née, notamment en matière de sécurité collective. 

Invitée pour sa part à déterminer si la pandémie a créé une « génération perdue », la Directrice exécutive de lUNICEF a reconnu que le contexte pandémique a été très difficile pour les plus vulnérables, à commencer par les enfants.  Au-delà de leur protection sanitaire et de leur immunisation face au virus, il importe de veiller à ce qu’ils soient instruits, a-t-elle affirmé, rappelant à cet égard que 70% des enfants du monde âgés de plus de 10 ans ne savent pas lire et comprendre un texte simple.  Quel sera l’avenir si les enfants n’ont pas les connaissances élémentaires, s’est-elle interrogée, avant d’appeler la communauté internationale à déployer les efforts nécessaires pour faire de l’enfance la priorité pour bâtir un monde meilleur. 

La Finlande s’est ensuite intéressée à l’ODD 6 et à la sécurité hydrique, souhaitant que l’eau soit considérée comme un bien public mondial et qu’une structure de gouvernance mondiale veille à sa bonne gestion, sous l’égide des Nations Unies.  Il est urgent selon elle de penser à l’ensemble du cycle de l’eau et de faire en sorte que la sécurité hydrique soit garantie pour tous. 

En réponse à cette intervention, l’Administrateur du PNUD a fait observer que l’ODD 6 est lié à l’alimentation et à l’agriculture, mais aussi à la gestion des ressources hydrique et au recyclage de l’eau.  Comprendre le cycle hydrologique de l’eau est la seule façon de procéder dans un monde qui connaît un stress hydrique de plus en plus fort, a-t-il estimé, appelant à réfléchir à tout ce qui peut servir l’ODD 6, notamment la réduction de la pollution et la protection des forêts.  L’accès à l’eau est également fondamental pour les enfants, a renchéri la Directrice exécutive de lUNICEF, pour qui une attention particulière doit être accordée aux femmes et aux filles qui vont chercher de l’eau au quotidien.  La Sous-Secrétaire générale aux droits de lhomme a, pour sa part, déclaré attendre de la prochaine Conférence des Nations Unies sur l’eau qu’elle mette au cœur de ses travaux les liens entre cette ressource vitale et les droits humains, tandis que le Coprésident du Groupe indépendant de scientifiques appelait à davantage de synergies pour faire avancer les ODD.   

Prenant à son tour la parole, l’Égyptea rappelé que les moyens mis en œuvre constituent le principal défi pour les pays en développement.  Rappelant que la COP27 organisée l’an dernier à Charm el-Cheikh a exhorté les institutions financières internationales à réfléchir à leur rôle en matière de financement de l’action climatique, elle a souhaité que le sommet de septembre permette de combler le fossé existant dans ce domaine entre pays développés et en développement.  Sur cette même ligne, l’Inde a voulu savoir quelles options sont sur la table dans le cadre du plan de relance des ODD.  L’Indonésie s’est, elle, demandé si la longue liste des politiques porteuses de transformation aidera à pousser les pays à trouver les voies et moyens de réaliser les ODD. 

Abordant la question démographique, la Fédération de Russie a de son côté fait valoir que la famille est le cœur des sociétés et l’environnement naturel pour l’épanouissement des enfants, comme le souligne la Convention internationale sur les droits de l’enfant.  Comment le système des Nations Unies peut-il apporter une assistance à la famille et promouvoir son rôle de véhicule des idéaux du Programme 2030? a-t-elle demandé. 

L’Organisation météorologique mondiale (OMM) est ensuite revenue sur la nécessité d’une approche intégrée tenant compte des liens entre les ODD, invitant l’ONU et l’ECOSOC à renforcer la collaboration et la solidarité entre les nations sur des questions fondamentales comme celle de la gestion de l’eau.  Si certains pays ne partagent pas beaucoup de données à ce sujet, c’est qu’ils n’en ont pas les capacités, a-t-elle relevé, avant d’appeler l’ECOSOC et les autres acteurs pertinents à dégager des ressources pour aider les pays à réaliser les ODD, et en particulier l’ODD 6. 

Le monde n’est pas sur la bonne voie pour réaliser l’égalité femmes-hommes d’ici à 2030, a pour sa part déploré la représentante d’ONU-Femmes, constatant que les femmes restent frappées de manière disproportionnée par la violence, la pauvreté et la perte d’emploi et de moyens de subsistance.  Les progrès face aux crises seront impossibles si nous n’abattons pas les barrières structurelles que représentent les lois et les normes discriminatoires, a-t-elle soutenu, avant d’appeler à libérer l’accès des femmes aux postes à responsabilité et à prendre des mesures sur les droits sexuels et reproductifs, l’éducation des filles et l’aide aux femmes sur le marché du travail. 

Enfin, la Bulgarie a souhaité connaître les priorités de l’ECOSOC alors qu’approche le forum de haut niveau pour le développement durable.    

En réaction à ces commentaires et questions, l’Administrateur du PNUD s’est concentré sur la question du financement.  Évoquant les défis financiers externalisés par certains pays et la dette qui souvent paralyse leurs marges de manœuvre budgétaires, il a mis en avant les leviers susceptibles de débloquer ces situations.  Outre les prêts concessionnels, les restructurations de la dette et les assurances pour les risques sanitaires ou climatiques, il a rappelé que les gouvernements ont aussi la capacité à collecter des impôts.  Il a par ailleurs déclaré miser sur la taxation des entreprises multinationales à 15% pour combler en partie le fossé entre pays pauvres et développés.  Il a enfin souligné l’importance des outils de financement internationaux, dont l’aide publique au développement et les investissements des acteurs privés.  Citant l’exemple de l’Inde, il a plaidé pour que ces derniers puissent investir dans les pays les moins avancés.  Il faut trouver une formule pour coinvestir et accélérer les progrès vers les ODD, a ajouté M. Steiner, pour qui le plan de relance des ODD est un premier pas dans cette direction. 

La Directrice exécutive de lUNICEF a, elle aussi, plaidé pour une finance intelligente, qui prévoit des investissements ciblés pour la réalisation effective des ODD.  Elle a d’autre part applaudi la prise de position d’ONU-Femmes, avant de confirmer à l’attention de la Fédération de Russie que la famille et les donneurs de soins sont en première ligne dans la protection de l’enfance.  Lui emboîtant le pas sur la question du financement, la Sous-Secrétaire générale aux droits de lhomme a souhaité que le Sommet sur les ODD, cette année, et le Sommet sur l’avenir en 2024 donnent l’occasion d’avancer.  Il faut décloisonner les choses, le financement n’est pas l’affaire des seuls financiers, a-t-elle déclaré, appelant à des mesures innovantes et respectueuses des droits humains. 

Concluant cette table ronde, le Coprésident du Groupe indépendant de scientifiques a recommandé aux différentes parties prenantes de « penser au-delà du statu quo ».  Selon lui, « la question du financement est l’éléphant dans la pièce » et ne peut donc être ignorée.  De même, chaque acteur de la société a un rôle à jouer, ce qui implique de multiplier les synergies, a-t-il préconisé, invitant notamment à impliquer davantage la jeunesse dans la réalisation des ODD.  Il a également exhorté les différents acteurs du développement à réfléchir au fait que les solutions viennent souvent du niveau local.

Déclarations de clôture

M. LI JUNHUA, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a estimé qu’au cours des deux derniers jours, les organes subsidiaires et les groupes d’experts de l’ECOSOC, ainsi que les commissions régionales des Nations Unies avaient démontré leur engagement en faveur du Programme 2030 et la réalisation des ODD.  Simultanément, les États Membres ont identifié les domaines dans lesquels elles souhaiteraient que le système des Nations Unies et les organes subsidiaires de l’ECOSOC approfondissent leur travail analytique sur le financement des ODD, l’égalité entre les sexes, les changements climatiques et l’économie solidaire.  Des recommandations ont également émergé sur les domaines dans lesquels le système des Nations Unies pourrait travailler plus étroitement, en s’appuyant sur les interrelations entre ODD pour multiplier l’impact de l’expertise de chaque agence.  Pour le haut fonctionnaire, la Conférence des Nations Unies sur l’eau en mars sera l’occasion de générer des actions et des engagements concrets en vue de faire progresser l’ODD 6 sur l’eau potable et l’assainissement, avec des retombées forcément positives sur les autres ODD tous étroitement interdépendants. 

M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie), Vice-Président de lECOSOC, s’est félicité de la discussion très fructueuse de ces deux derniers jours.  « Nous avons identifié des politiques et des initiatives transformatrices susceptibles de donner un coup de pouce à la mise en œuvre du Programme 2030 », a-t-il assuré.  Il a tenu à souligner trois points, qu’il a résumés en trois mots clefs –à savoir « interdépendance », « autoévaluation » et « caractère concret ».  Si les défis sans précédent auxquels nous sommes confrontés sont interdépendants, nous avons également appris que les solutions pour relever ces mêmes défis sont liées entre elles.  Comprendre la nature interdépendante d’une solution constitue donc une bonne base pour commencer à s’éloigner de l’approche en silo, pour nous diriger vers une approche globale et intégrée.  La notion d’autoévaluation a quant à elle résonné à plusieurs reprises dans les discussions pour savoir si les politiques de développement mondial actuelles ont fourni un environnement propice au progrès des pays.  « Qu’il s’agisse des politiques et programmes des organes subsidiaires de l’ECOSOC, des entités du système des Nations Unies et des agences spécialisées, ou des politiques, actions et objectifs mondiaux que nous nous sommes fixés, 2023 nous offre une bonne occasion de nous autoévaluer », a insisté M. Nasir. 

Enfin, le « concret »: selon lui, tout au long de la discussion, nous avons été informés des pratiques optimales et des actions qui ont été adoptées pour accélérer la mise en œuvre des ODD.  Nous devons donc traduire les différents accords, plans d’action ou objectifs en programmes et projets concrets.  Garantir un financement adéquat et permettre aux organes subsidiaires de l’ECOSOC, des entités du système des Nations Unies et des agences spécialisées de fonctionner de concert est donc essentiel à cet égard, a conclu le Vice-Président.

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