Conseil de sécurité: pour le BRENUAC, le coup d’État au Gabon appelle à une réflexion sur les changements non constitutionnels de gouvernement en Afrique
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale, M. Abdou Abarry, a estimé cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, que le récent coup d’État au Gabon, consécutif à d’autres en Afrique de l’Ouest, doit inciter la communauté internationale à mener une réflexion sur la résurgence des changements non constitutionnels de gouvernement sur le continent. À l’approche de scrutins au Tchad et en République démocratique du Congo (RDC), cette question a figuré au cœur des prises de parole des membres du Conseil aujourd’hui.
M. Abarry, qui est également le Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a estimé que le coup d’État du 30 août au Gabon, pays hôte non seulement du BRENUAC mais aussi du siège de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), illustre « la fragilité institutionnelle de certains pays de la sous-région ». Il est intervenu à la suite d’un « processus électoral discutable », marqué notamment par le rejet d’une observation électorale indépendante, y compris celle proposée par la CEEAC.
Le Gabon assurait pourtant la présidence en exercice de la CEEAC, a précisé le Représentant spécial. « Les nouvelles autorités qui, dès les premières heures du coup d’État, ont reçu le soutien de la population, ont démontré leur volonté de donner un nouveau départ au pays à travers l’organisation de consultations avec les différentes couches sociales, prélude à la tenue en avril prochain d’un Dialogue national inclusif », a noté le haut fonctionnaire.
M. Abarry a précisé que la nouvelle donne au Gabon a conduit les ministres de la sous-région à adopter la Déclaration de Kigali sur la prévention et la lutte contre les changements non constitutionnels de gouvernement en Afrique centrale. « Une Conférence régionale sur la résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernements est prévue, en début de l’année prochaine, à Sao Tomé-et-Principe, qui permettra à la sous-région de poser les jalons d’un instrument normatif destiné à faire face à ce fléau. »
C’est dans ce droit fil que le Chef du BRENUAC a dit espérer que le processus de transition au Tchad franchira une étape cruciale avec la tenue, le 17 décembre prochain, d’un référendum destiné à doter le pays d’une nouvelle constitution, en prélude à l’organisation de différents scrutins prévus en 2024. M. Abarry a fait part de son « souhait ardent » que les élections prévues le 20 décembre en RDC permettent de consolider l’ancrage démocratique du pays.
Le Ghana, qui parlait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), s’est dit encouragé par l’élan positif constaté sur le plan politique dans plusieurs pays de la région, pour renforcer et restaurer les institutions en vue de répondre aux aspirations des populations locales. S’agissant du Gabon, les A3 ont noté avec satisfaction les initiatives prises par les autorités de transition pour stabiliser le pays et désamorcer les tensions politiques.
Le groupe s’est dit également encouragé par l’annonce du calendrier de transition. Au sujet du Tchad, il a salué les avancées significatives dans la mise en œuvre de l’Accord de paix de Doha signé en août 2022 par les acteurs nationaux. Des progrès politiques d’autant plus remarquables qu’ils surviennent à un moment où le pays a été durement touché par le conflit au Soudan, ont relevé les A3. Les répercussions régionales de cette crise soudanaise ont d’ailleurs suscité les préoccupations de plusieurs membres du Conseil, de la Chine à Malte, en passant par la Fédération de Russie, les États-Unis ou encore l’Albanie.
La France a souhaité que les transitions engagées dans plusieurs pays permettent un retour à des institutions démocratiques, avec la participation pleine et entière de toutes les composantes de la société, y compris des femmes et des jeunes. Elle a pris note des éléments présentés par le Représentant spécial sur le processus en cours au Gabon, y compris la crédibilité et le soutien dont il bénéficie auprès de la population. S’agissant du Tchad, la délégation française a espéré que le référendum du 17 décembre se déroulerait dans un climat permettant un retour pacifique à l’ordre constitutionnel.
Pour le Royaume-Uni, l’opportunité d’un « tournant » existe au Gabon. La délégation britannique a encouragé les autorités de transition de ce pays à assurer un retour à l’ordre constitutionnel à travers une transition inclusive et crédible. Elle s’est dite rassurée par la feuille de route pour la transition, qui prévoit des élections en août 2025, plaidant pour un dialogue national véritablement inclusif en avril 2024. Plus globalement, le Royaume-Uni a invité les États de la sous-région à s’engager en faveur de processus politiques et transitoires « inclusifs, crédibles et responsables ».
LA SITUATION EN AFRIQUE CENTRALE ET LES ACTIVITÉS DU BUREAU RÉGIONAL DES NATIONS UNIES POUR L’AFRIQUE CENTRALE S/2023/934
Déclarations
M. ABDOU ABARRY, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a loué le « potentiel considérable » de l’Afrique centrale en matière de développement et de stabilité, avant de féliciter les chefs d’État et de gouvernement de la sous-région qui, ces six derniers mois, se sont réunis cinq fois sur les questions de paix et de sécurité. Il a ensuite détaillé l’impact de l’action des Nations Unies dans la sous-région, mentionnant, en République centrafricaine, la réintégration en cours de centaines d’ex-combattants dans les différentes composantes des forces de défense et de sécurité. « Ceci s’ajoute aux 70 combattants de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) qui se sont démobilisés volontairement et dont certains ont déjà été rapatriés en Ouganda, grâce à l’appui des Nations Unies », a-t-il rappelé. Le Représentant spécial a également salué l’opérationnalisation du Réseau de femmes médiatrices de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), qui selon lui « démontre l’importance que la sous-région accorde à la participation et à l’inclusion des femmes dans la médiation et d’autres processus politiques ». Il a par ailleurs signalé l’appui apporté par le BRENUAC au développement d’une stratégie régionale de lutte contre les discours de haine et la violence en Afrique centrale.
Au Tchad, a-t-il poursuivi, malgré les nombreux défis auxquels le pays est confronté, notamment les répercussions du conflit soudanais, « le processus de transition franchira une étape cruciale avec la tenue, le 17 décembre prochain, d’un référendum destiné à doter le pays d’une nouvelle constitution ». M. Abarry a estimé que l’adoption de cette nouvelle constitution constituera un prélude à l’organisation des différents scrutins prévus en 2024. Il a salué la poursuite de la « politique de la main tendue » de M. Mahamat Idriss Deby Itno, Président de la transition, qui a permis à bon nombre de membres de l’opposition en exil de retourner au Tchad, en particulier M. Succès Masra, qui préside le parti Les Transformateurs. Le Représentant spécial a cependant regretté que, malgré cette politique, d’autres acteurs politiques et certains groupes politico-militaires restent en marge du processus de transition.
M. Abarry a aussi évoqué le « changement anticonstitutionnel de gouvernement » intervenu le 30 août au Gabon, pays hôte de la CEEAC et de son Bureau. Cette nouvelle donne a conduit les ministres de la sous-région, réunis au Rwanda, à adopter la Déclaration de Kigali sur la prévention et la lutte contre les changements non constitutionnels de gouvernement en Afrique centrale, a-t-il indiqué. Dans le prolongement de ces efforts, une conférence régionale sur la résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernement est prévue, au début de l’année prochaine, à Sao Tomé-et-Principe, « qui permettra à la sous-région de poser les jalons d’un instrument normatif destiné à faire face à ce fléau », a précisé le Représentant spécial.
Il a par ailleurs longuement abordé la crise soudanaise, qui continue « avec son lot de destructions et d’atrocités », poussant encore plus de Soudanais à se réfugier au Tchad et en République centrafricaine. Selon lui, les risques sécuritaires sont réels, compte tenu de l’afflux vers le Tchad d’un millier de soldats des Forces armées soudanaises qui ont fui les affrontements au Darfour, sur fond de tensions entre les deux pays. Sur le plan humanitaire, a-t-il ajouté, la réponse humanitaire s’avère insuffisante pour faire face aux besoins de plus d’un million de réfugiés enregistrés, sans compter ceux qui sont hébergés dans des familles d’accueil.
Pour M. Abarry, le coup d’État au Gabon est venu rappeler la fragilité institutionnelle de certains pays de la sous-région. Il a ainsi relevé que ce coup d’État est intervenu à la suite d’un processus électoral « discutable », jalonné de réformes non consensuelles du cadre électoral et d’un rejet de toute observation électorale indépendante, y compris celle de la CEEAC, dont le Gabon assurait pourtant la présidence en exercice. Il s’est toutefois réjoui que les nouvelles autorités du pays aient, dès les premières heures du coup d’État, reçu le soutien de la population et montré leur volonté de donner un nouveau départ au Gabon, à travers l’organisation de consultations avec les différentes couches sociales, prélude à la tenue en avril prochain d’un « dialogue national inclusif ». Notant que ces mêmes autorités ont décliné un chronogramme de 24 mois, il a indiqué que le BRENUAC travaille à la mise en place d’un « groupe des amis du Gabon » pour accompagner ces efforts « de façon efficace et dans le strict respect des principes des Nations Unies ». Le Représentant spécial a rappelé que ce coup d’État au Gabon fait suite à ceux déjà intervenus dans la sous-région voisine de l’Afrique de l’Ouest, ce qui, selon lui, devrait inciter la communauté internationale, notamment les Nations Unies, à mener une réflexion sur la résurgence des changements non constitutionnels de gouvernement sur le continent africain.
S’agissant de la situation humanitaire en Afrique centrale, M. Abarry l’a qualifiée d’« extrêmement préoccupante ». Au mois d’octobre dernier, plus de 42 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire, alors que les ressources pour les assister deviennent de plus en plus rares, a-t-il alerté. Il a aussi indiqué que la sécurité maritime continue d’être un sujet de grande préoccupation pour la sous-région, laquelle, pendant la période sous examen, a enregistré quatre incidents liés à la sécurité maritime, y compris une prise d’otages.
Avant de conclure, le Représentant spécial a fait part de son « souhait ardent » que les élections prévues le 20 décembre en République démocratique du Congo (RDC) se déroulent dans la paix, « de façon à consolider l’ancrage démocratique dans ce pays et à renforcer le processus d’édification d’une Afrique centrale de paix, de stabilité et de prospérité ».
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’est exprimé au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), s’est dit encouragé par l’élan positif pris sur le plan politique, dans plusieurs pays de la région, pour renforcer et restaurer les institutions en vue de répondre aux aspirations des populations locales. À cet égard, il a salué les avancées significatives dans la mise en œuvre de l’accord de paix de Doha signé en août 2022 par les acteurs tchadiens, d’autant plus que ces progrès politiques remarquables surviennent à un moment où le pays a été durement touché par le conflit au Soudan.
S’agissant du Gabon, les A3 notent avec satisfaction les initiatives prises par les autorités de transition pour stabiliser le pays et désamorcer les tensions politiques. À cet égard, le représentant a également relevé le dialogue en cours entre le Président de la Transition et les pays de la région, se disant également encouragé par l’annonce du calendrier de transition. Sur le plan régional, il a salué la coopération entre le BRENUAC et l’UNOWAS, qui a permis d’organiser une mission conjointe d’évaluation dans les zones des deux régions touchées par les activités terroristes de Boko Haram.
Préoccupé par l’impact des changements climatiques en Afrique centrale, le délégué a également exprimé son inquiétude devant la poursuite des activités des groupes armés dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun. Pour finir, le représentant s’est félicité de la poursuite du processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) en République centrafricaine, qui contribue grandement à apaiser les tensions dans le pays. À cette fin, les A3 invitent donc tous les partenaires à poursuivre leur soutien financier pour que les programmes de DDR en cours soient menés à bien en temps opportun.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a constaté que la sous-région est confrontée à un risque permanent d’instabilité, mis en évidence par les récents coups d’État et la violence. Face à cette vulnérabilité exacerbée par les changements climatiques, il a encouragé les États de la sous-région à s’engager en faveur de processus politiques et transitoires inclusifs, crédibles et responsables et à travailler avec le BRENUAC, y compris sur les questions de sécurité climatique. Le représentant s’est ensuite félicité des progrès accomplis dans la transition politique au Tchad. Il a exhorté les autorités à veiller à ce que le processus référendaire soit pacifique, inclusif et respectueux des droits et libertés fondamentaux. Par ailleurs, il a remercié le Tchad, ainsi que d’autres États de la région, pour leur soutien continu aux réfugiés du Soudan, avant de rappeler que le Royaume-Uni a fourni 18 millions de dollars pour soutenir la réponse humanitaire dans l'est du Tchad.
Par ailleurs, estimant qu’il existe une opportunité pour un « tournant » au Gabon, le représentant a encouragé les autorités de transition de ce pays à assurer un retour à l’ordre constitutionnel à travers une transition inclusive et crédible. Il s’est dit rassuré par la feuille de route pour la transition, qui prévoit des élections en août 2025, et a espéré voir un dialogue national véritablement inclusif en avril 2024. Il a exhorté les autorités de transition à répondre aux aspirations démocratiques de tous les Gabonais, avec le soutien du BRENUAC et l’engagement des partenaires régionaux. S’agissant du Cameroun, le représentant a concédé que les progrès « semblent toujours difficiles à réaliser », compte tenu de la violence. Le Royaume-Uni continue de travailler avec des partenaires multilatéraux pour atténuer les pires effets de la violence sur la population, notamment en soutenant les défenseurs des droits humains et les femmes qui œuvrent à la consolidation de la paix, a-t-il dit, appelant les parties à veiller à ce que le dialogue soit inclusif.
M. DAI BING (Chine) s’est félicité que les pays de l’Afrique centrale aient déployé des efforts importants pour améliorer leur gouvernance. À cet égard, il a noté que plusieurs pays de la région, notamment le Cameroun, la République centrafricaine et le Tchad, entameront une transition politique ou organiseront des élections l’an prochain. Le représentant a par ailleurs constaté que les opérations antiterroristes régionales ont porté leurs fruits, comme, par exemple le désarmement d’ex-combattants de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Il a toutefois déploré que, dans le même temps, Boko Haram et Daech aient multiplié les attaques et que le conflit au Soudan ait une incidence en République centrafricaine et au Tchad. Face à ces développements, il a appelé les pays concernés à promouvoir, avec le soutien du BRENUAC, des mécanismes de sécurité collective pour répondre aux menaces transfrontières.
Le représentant a ensuite observé que la piraterie connaît une recrudescence dans le golfe de Guinée, avant d’exhorter la communauté internationale à continuer d’appuyer les opérations de lutte contre ce fléau. Il a également appelé à se focaliser sur les causes profondes des conflits, estimant que la pauvreté et l’inégalité de développement peuvent constituer un terreau pour l’extrémisme et la violence. Enfin, rappelant que les pays en développement ont besoin d’un soutien accru de la communauté internationale pour faire face aux changements climatiques, il a plaidé pour que davantage d’aide soit canalisée vers la région
M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a félicité le BRENUAC du rôle qu’il joue dans la promotion de la diplomatie préventive et de la médiation ainsi que dans le renforcement de la coopération avec les organisations régionales, telles que l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Le renforcement de la coordination et des partenariats est fondamental pour la paix et la sécurité régionales, a-t-il fait valoir, avant d’insister sur l’importance de processus politiques inclusifs, pacifiques et crédibles dans la construction d’une paix durable en Afrique centrale. Préoccupé par les changements anticonstitutionnels de gouvernement dans la région, le représentant a appelé à s’attaquer aux causes profondes, notamment aux problèmes de gouvernance. Le Brésil soutient les efforts visant à rétablir l’ordre constitutionnel, à renforcer l’état de droit et à faciliter les processus électoraux et transitoires inclusifs, a-t-il assuré. Préoccupé en outre par la situation dans le bassin du lac Tchad, où les hostilités ont touché des communautés entières, le délégué a salué les initiatives régionales et les efforts déployés par les États pour relever ces défis, faire respecter les droits humains et prendre en compte le point de vue des femmes et des jeunes. Pour ce qui est de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, il a souligné la nécessité d’une coopération accrue, notamment par le biais de l’architecture de Yaoundé et du Code de conduite de Yaoundé. En outre, le représentant a noté le succès de l’opération Guinex III qui s’est déroulée en août et en septembre derniers, en rappelant qu’il s’agit d’un exercice qui aide les pays du golfe de Guinée à relever les défis en matière de sécurité maritime et à améliorer l’interopérabilité entre la marine brésilienne et les marines et garde-côtes de la région.
M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a indiqué que son pays soutient les processus politiques en cours en Afrique centrale. « Les transitions engagées dans plusieurs pays ces derniers mois doivent permettre un retour à des institutions démocratiques, permettant la participation pleine et entière de toutes les composantes de la société, y compris des femmes et des jeunes », a-t-il souligné, formant le vœu que les prochaines étapes de ces processus se dérouleront de manière inclusive, crédible et apaisée.
Au Gabon, s’est félicité le représentant, le Gouvernement de transition a annoncé un calendrier, conformément aux demandes du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. Il a également pris bonne note des éléments présentés par le Représentant spécial sur ce processus, y compris la crédibilité et le soutien dont il bénéficie auprès de la population. Au Tchad, a-t-il poursuivi, la France appelle à la poursuite de la transition et espère que le référendum du 17 décembre se déroulera dans un climat qui permettra un retour pacifique à l’ordre constitutionnel. Il a souhaité que les autorités avancent vers l’organisation d’élections libres, crédibles, inclusives et transparentes.
S’agissant du Cameroun, le représentant s’est dit préoccupé par la situation dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest. Il a appelé les autorités à poursuivre le dialogue en vue d’une solution politique à cette crise au profit de la stabilité de l’ensemble du pays et de la sécurité de ses habitants. Pour ce qui est de la République centrafricaine, il a salué l’engagement des autorités en faveur du processus de paix et l’appui apporté par le BRENUAC et la MINUSCA. Il a aussi vu dans la démobilisation de plusieurs factions de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) un signal encourageant pour la consolidation de la paix dans le pays. Le travail de retour à la paix dans les différentes régions doit se poursuivre pour permettre le retour des populations encore réfugiées dans les pays voisins, a-t-il ajouté.
Le représentant a d’autre part réitéré l’inquiétude de la France sur les conséquences alarmantes des changements climatiques en Afrique centrale. Avertissant des risques posés à la stabilité et à la sécurité dans plusieurs pays, il a noté qu’au Tchad et au Cameroun, les inondations et disparitions de terres agricoles entraînent des déplacements de population dans des régions déjà fragiles et renforcent la concurrence autour des ressources qui se raréfient. Face à ces défis, il a salué le travail du BRENUAC, qui, en lien avec les organisations sous-régionales, s’emploie à renforcer les réponses communes.
M. TAKAYUKI IRIYA (Japon) a salué les bons offices du BRENUAC à la suite de la prise du pouvoir militaire au Gabon. Il s’est également félicité de l’élaboration d’une feuille de route devant mener à une transition démocratique et à une élection présidentielle, prévue pour août 2025. Sur le plan politique, le représentant a relevé deux événements clefs prévus dans la région en décembre, à savoir la tenue d’un référendum constitutionnel au Tchad et d’élections générales en République démocratique du Congo (RDC). Toutefois, la poursuite des violences dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun demeure profondément préoccupante. Le délégué a appelé le Gouvernement de ce pays à s’engager de manière constructive en faveur de la reconstruction et du développement dans ces zones, sur la base du dialogue national de 2019.
L’Afrique centrale, a poursuivi le représentant, continue par ailleurs de faire face à une situation humanitaire désastreuse, exacerbée par les changements climatiques, l’insécurité alimentaire et les conflits entre agriculteurs et éleveurs. Pour parvenir à une paix et une sécurité durables, il a jugé essentiel que les gouvernements de la région fournissent des services de base à leurs citoyens, par le biais d’institutions résilientes soutenues par des communautés fortes. Ces efforts doivent être inclusifs et tenir compte des voix des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés. Pour y parvenir, la communauté internationale doit selon lui adopter une approche holistique basée sur le lien humanitaire-développement-paix et intégrant le système des Nations Unies, les institutions financières internationales et les organisations régionales.
M. DARREN CAMILLERI (Malte) a exhorté le Conseil à faire montre d’engagement dans la région. Rappelant que l’Afrique centrale est l’une des régions au monde les plus vulnérables aux chocs climatiques et environnementaux, le représentant s’est alarmé des centaines de morts déjà causés par les conflits induits par le climat, notamment entre agriculteurs et éleveurs. La crise climatique amplifie également les inégalités de genre structurelles, a-t-il prévenu, insistant pour un renforcement des droits fonciers des femmes.
Le délégué a également salué l’engagement stratégique du BRENUAC auprès de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) dans l’élaboration d’une stratégie régionale sensible aux conflits liés aux changements climatiques. Il s’est ensuite inquiété des fractures ethniques qui continuent de s’accentuer, notamment le risque croissant de débordement du conflit soudanais au-delà de ses frontières. Enfin, il relevé les mesures de conciliation mises en œuvre par les autorités de transition au Tchad. Pour finir, le représentant a salué la synergie entre le BRENUAC et la CEEAC pour prévenir et combattre les discours de haine.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a salué l’efficacité des actions entreprises par les forces multinationales africaines de la région, souhaitant que la communauté internationale leur fournisse des financements et une assistance prévisibles. Elle a marqué sa préoccupation devant la poursuite d’attaques à main armée contre des navires commerciaux dans le golfe de Guinée. Selon elle, il est important pour la communauté internationale d’engager des ressources pour renforcer les capacités des États côtiers pour lutter contre la piraterie.
Préoccupée par les flambées de violence dans le nord-ouest et le sud-ouest au Cameroun, la déléguée a jugé fondamental de renoncer à la violence et de trouver des moyens de résoudre les désaccords en suspens par le biais de négociations. Nous observons le processus de transition au Tchad, et la mise en œuvre des recommandations du dialogue national intertchadien, a indiqué la déléguée, qui a dit que son pays note par ailleurs les décisions des autorités de transition gabonaises de revenir à l'ordre constitutionnel dans les délais convenus. En ce qui concerne la République centrafricaine, la déléguée a indiqué que les autorités ont réussi à surmonter la phase la plus difficile de la lutte contre les groupes armés. La Russie continuera d’aider Bangui à combattre les groupes armés illégaux et à étendre la présence de l’État dans l’ensemble du pays, a-t-elle annoncé.
La représentante a en outre dit sa préoccupation devant la situation humanitaire difficile dans la région, notamment au Soudan, dont la crise a des conséquences sur les États voisins. Nous sommes convaincus qu’en matière de prévention des crises et de résolution des conflits, un rôle clef doit être joué par les États de la région dotés d’instruments internationaux nécessaires, a-t-elle argué.
M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a plaidé en faveur d’une réponse régionale aux défis régionaux, et de la coopération entre tous les acteurs d’Afrique centrale pour consolider la paix. Il a noté à cet égard que la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans certaines régions affecte l’Afrique centrale dans son ensemble. Le conflit au Soudan a provoqué la plus grande crise de déplacement de populations au monde, crise qui affecte également les pays frontaliers. Des processus démocratiques inclusifs sont à ses yeux nécessaires pour consolider une paix durable dans la région. Le représentant a salué les bons offices du Représentant spécial au Gabon et au Tchad pour renforcer l’espace civique et le dialogue entre les autorités et l’opposition. Il a cependant regretté le rétrécissement de cet espace au Cameroun et au Burundi. Face à l’impact néfaste des changements climatiques sur la paix et la sécurité en Afrique centrale, le représentant a salué la nomination d’un conseiller climat, paix et sécurité au sein du BRENUAC. Des projets tels que le renforcement de l’élevage pastoral au Tchad, appuyé par la Suisse, contribuent selon lui à combattre l’insécurité alimentaire et au développement économique de la région, tout en prévenant la violence.
M. ARIAN SPASSE (Albanie) a plaidé en faveur de solutions qui favorisent une gouvernance inclusive tout en permettant de s’attaquer aux causes profondes des conflits en Afrique centrale, au moyen notamment de réformes démocratiques. Au Tchad, il a pris note des progrès réalisés en vue de la tenue du référendum constitutionnel et des élections générales en 2024. Il a s’est par ailleurs félicité du retour des personnes déplacées et de l’amélioration économique dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun, avant de saluer les efforts visant à soutenir le dialogue national entre le Gouvernement et les groupes armés. Tout en relevant des progrès « encourageants » dans la lutte contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, il a appelé à un soutien international accru à la Force multinationale mixte et à la Stratégie régionale afin de briser le contrôle des groupes terroristes sur les zones où l’autorité de l’État est absente.
S’agissant de la guerre civile au Soudan, le délégué a salué l’ouverture du Tchad et de la République centrafricaine aux réfugiés, malgré leurs propres difficultés. Il a invité la communauté internationale à ne pas laisser ces deux pays supporter seuls le poids de cette crise humanitaire. Face à ces défis, qui s’ajoutent aux effets de la crise climatique tels que l’insécurité alimentaire, la pénurie d’eau et les affrontements entre communautés, les efforts communs du BRENUAC et de la CEEAC demeurent cruciaux, a-t-il conclu.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a réaffirmé l’engagement de son pays à appuyer les aspirations démocratiques des populations d’Afrique centrale. À cet égard, il a estimé que l’heure est venue pour le Gouvernement tchadien de créer les conditions d’un avenir démocratique. Félicitant le Tchad pour l’ouverture de ses frontières aux réfugiés soudanais, il s’est toutefois dit préoccupé par la recrudescence de la violence dans la région. Il a encouragé le Tchad à appuyer un règlement pacifique de la guerre au Soudan et à éviter le retour de matériel aux forces belligérantes. Le représentant a également exprimé l’appui des États-Unis au Gabon dans sa transition vers un gouvernement démocratique et civil. Il a par ailleurs déclaré compter sur ce pays pour préserver la sécurité dans le golfe de Guinée. S’agissant de la République centrafricaine, le représentant a appelé le Gouvernement et l’opposition à travailler de manière constructive et transparente avant et pendant les premières élections locales et régionales du pays depuis 1988. Ces élections sont un élément clef de la décentralisation et de la création d’institutions locales à même de satisfaire les besoins des citoyens, a-t-il souligné. Évoquant enfin le Cameroun, il s’est dit préoccupé par la recrudescence des violences, notamment dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du pays, avant de condamner les attaques de Boko Haram et de Daech qui ont provoqué des déplacements de milliers de personnes dans la région.
Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a estimé que les défis sécuritaires qui pèsent sur la région supposent une stratégie multidimensionnelle cohérente. Elle a recommandé d’intensifier la coopération régionale afin de contrer les menaces transfrontalières, telles que l’extrémisme, le terrorisme et le trafic d’armes, tout en renforçant les capacités nationales et la résilience communautaire. Pour la représentante, la démobilisation récente de groupes armés avec la participation d’acteurs régionaux démontre l’importance d’une action multilatérale pour renforcer la sécurité et la stabilité dans la région. Elle a fait le même constat s’agissant de la riposte coordonnée de la République centrafricaine et du Tchad pour éviter les retombées des conflits dans la région. Poursuivant, la représentante a appelé à se concentrer sur la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, en s’attaquant à leurs causes profondes et en promouvant les valeurs de tolérance et de coexistence. À cet égard, elle a dit attendre avec intérêt la prochaine réunion ministérielle à Bangui, qui sera l’occasion de débattre de la stratégie régionale pour prévenir et lutter contre les discours de haine en Afrique centrale.
M. JOSÉ JAVIER DE LA GASCA LOPEZ DOMÍNGUEZ (Équateur) a relevé, sur le plan politique, une vague d’instabilité en Afrique centrale liée au mécontentement des populations face à la détérioration du niveau de vie, le manque d’opportunités professionnelles et l’accès limité aux services de base, entre autres facteurs. Il a aussi regretté l’effondrement de l’ordre constitutionnel dans plusieurs pays de la région, appelant au retour à la vie démocratique. Le délégué a ensuite apprécié les efforts déployés, avec le soutien du BRENUAC, dans les préparatifs du référendum constitutionnel organisé dans quelques jours au Tchad. De même, il a salué le plan de transition proposé au Gabon et souhaité plein succès au Président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, qui dirige la facilitation politique de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) dans ce pays.
Concernant la sécurité, le délégué s’est dit préoccupé de la poursuite des violences causées par des groupes non étatiques opérant dans la région. Il a constaté qu’une menace supplémentaire y est l’expansion de la criminalité organisée et ses liens avec l’exploitation illégale des ressources naturelles. Pour juguler ce fléau, le représentant a encouragé la coopération interétatique, ainsi qu’avec les agences spécialisées des Nations Unies, à laquelle invite la déclaration du Conseil de sécurité en date du 7 décembre 2023. Nous constatons avec inquiétude les effets du conflit soudanais et apprécions l’accueil que les pays de la région offrent aux civils fuyant les violences, a-t-il ajouté. Enfin, inquiet des informations faisant état de restrictions de l’espace civique et d’arrestations lors de manifestations pacifiques dans certains pays de la région, le représentant a exhorté les gouvernements concernés à respecter les droits humains et les libertés fondamentales.