En cours au Siège de l'ONU

9497e séance – matin & après-midi
CS/15516

Le Conseil de sécurité adopte une déclaration présidentielle sur la criminalité transnationale organisée à l’occasion d’un débat public

Sous la houlette du Président de l’Équateur, M. Daniel Noboa Azin, le Conseil de sécurité a adopté, aujourd’hui, une déclaration présidentielle présentée par ce pays et par la France, à l’occasion d’un débat public sur le thème « Menaces contre la paix et la sécurité internationales: criminalité transnationale organisée, multiplication des défis et nouvelles menaces ». 

Si le Conseil souligne, dans ce texte, qu’il incombe au premier chef aux États de prévenir et de combattre la criminalité transnationale organisée, il souligne aussi l’importance de la coopération internationale pour prévenir et éliminer le détournement d’armes et l’approvisionnement illicite en armes par des terroristes et des groupes et réseaux de criminalité organisée.  À cet égard, il encourage les États Membres à renforcer la coopération entre leurs systèmes judiciaires et leurs forces de l’ordre respectifs.

« La criminalité transnationale organisée représente un danger pour la paix et la sécurité internationales », a rappelé le Secrétaire général de l’ONU citant notamment la résolution 2482 (2019) du Conseil, à l’ouverture d’un débat qui a réuni 60 intervenants, dont trois experts du sujet.

M. Guterres a, en conséquence, appelé cet organe à « faire davantage », la coopération multilatérale étant la seule voie permettant de s’attaquer aux dynamiques criminelles qui alimentent la violence et prolongent les cycles de conflit.  Il a dégagé plusieurs domaines d’action prioritaires, à commencer par le renforcement de la coopération, faisant remarquer que les groupes criminels opèrent au-delà des frontières et des zones géographiques. Renforcer l’état de droit ainsi que la prévention et l’inclusion ont été les autres priorités prônées par le Secrétaire général.

Le Président de l’Équateur a appelé à suivre l’approche globale de l’ONU dans laquelle le Conseil de sécurité utilise ses compétences.  Il a cité la résolution 1459 (2003) relative au Processus de Kimberley, qui vise à prévenir « les diamants du sang », pour démontrer la capacité de cet organe à contribuer aux efforts transversaux face aux défis multidimensionnels.  Sur le plan national, le Président équatorien a reconnu une hausse du nombre d’homicides ces dernières années, « de manière inacceptable », et ce, à cause de la pénétration de bandes criminelles internationales sur son territoire. M. Noboa Azin a rejoint d’autres intervenants en évoquant la situation qui règne en Haïti où, au cours des deux dernières années, plus de civils ont été tués que dans plusieurs conflits impliquant plus d’un État. 

Rien que pour les 20 dernières années, la criminalité organisée a fait plus de morts que tous les conflits armés réunis, selon l’Étude mondiale sur l’homicide de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  De plus, les groupes ou bandes criminels sont responsables de près du quart de tous les homicides dans le monde.

En outre, les violences dues à cette criminalité sont en augmentation dans plusieurs régions du monde, notamment l’Amérique latine, la région ayant le taux d’homicide le plus élevé au monde, avec en tête de proue des pays tels que l’Équateur, le Chili et Haïti, a informé la Directrice du Weatherhead Center for International Affairs de l’Université Harvard, Mme Melani Cammett

Victime elle-même de cette violence lorsqu’elle avait 14 ans, Mme Victoria Nyanjura, Directrice de Women in Action for Women, a raconté son enlèvement par le groupe terroriste de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) ainsi que les violences physiques et mentales indescriptibles subies pendant huit ans.  Elle a aussi témoigné avoir vécu des actes d’exploitation sexuelle desquels sont nés deux enfants. 

Les experts et les délégations ont retenu la complexité de la criminalité organisée et l’enchevêtrement de ses diverses manifestations comme raisons d’investir davantage dans la coopération internationale.  C’est ce qu’a recommandé notamment la Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Mozambique, Mme Verónica Nataniel Macamo Dlhovo, visant une coopération pour promouvoir l’état de droit et la justice sociale, l’éducation et la santé ainsi que la lutte contre la corruption à tous les niveaux.

Concrètement, le renforcement de la cybersécurité, l’utilisation responsable de l’intelligence artificielle, la mise en place d’une police prédictive et la promotion de la culture numérique pour prévenir et réduire la criminalité en ligne ont été mis en exergue par le Secrétaire permanent auprès du Ministère des affaires étrangères et de la coopération régionale du Ghana, M. Ramses Joseph Cleland, qui a conseillé de tirer parti de la technologie pour garder une longueur d’avance sur les criminels.  Le Panama a témoigné de la croissance exponentielle du trafic illégal de migrants due aux réseaux criminels qui utilisent des technologies de l’information. 

Le sujet a aussi été abordé sous l’angle financier car, selon les chiffres figurant dans la note de cadrage préparée en amont de cette réunion, le trafic des migrants rapporte entre 5,5 et 7 milliards de dollars annuels.  La criminalité organisée est « une industrie de plusieurs milliards de dollars » qui alimente la violence et l’exploitation, a confirmé la Directrice exécutive de l’ONUDC.  Mme Ghada Fathi Waly a ainsi recommandé au Conseil d’intégrer des mesures contre la criminalité organisée dans les interventions et résolutions en matière de paix et de sécurité.

Le Secrétaire général a par ailleurs noté que, dans le cadre du Pacte mondial des Nations Unies de coordination contre le terrorisme, l’ONU aide à s’attaquer aux liens existants entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme.  Il a formé le vœu que les États Membres parviendraient à un consensus sur un nouveau traité relatif à la cybercriminalité afin d’approfondir la coopération tout en protégeant les droits humains en ligne.

Le Mexique et le Brésil, parmi d’autres, ont cependant établi une distinction entre le terrorisme, alimenté par des considérations politiques et idéologiques, et la criminalité transnationale organisée, qui est, elle, motivée par l’appât financier. Le Costa Rica a, pour sa part, regretté que la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles considèrent ce phénomène en « silos », en le traitant sur le plan de la justice pénale et non comme une menace plus large à la paix et à la sécurité internationales, au développement durable et aux droits humains.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Criminalité transnationale organisée, défis croissants et nouvelles menaces (S/2023/933)

Texte de la déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité rappelle qu’il tient de la Charte des Nations Unies la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Le Conseil rappelle la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 telle que modifiée par le Protocole de 1972, la Convention sur les substances psychotropes de 1971, la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée de 2000 et les Protocoles y relatifs, la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003 et les conventions et protocoles internationaux relatifs à la lutte antiterroriste, ainsi que les résolutions qu’il a adoptées sur la question.

Le Conseil souligne qu’il incombe au premier chef aux États de prévenir et de combattre la criminalité transnationale organisée et que la sécurisation de leurs frontières est leur prérogative souveraine et, à ce propos, réaffirme son attachement aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, notamment aux principes d’égalité souveraine, d’intégrité territoriale et d’indépendance politique.

Le Conseil réaffirme que c’est avant tout aux États qu’incombe la responsabilité de contrer les actes de terrorisme et rappelle sa résolution 2482 (2019) dans laquelle il a prié les États Membres de mieux coordonner leurs efforts à tous les niveaux afin de renforcer l’action mondiale visant à rompre des liens entre terrorisme international et criminalité organisée, qu’elle soit nationale ou transnationale, qui constituent un grave problème et une menace contre la sécurité internationale. 

Le Conseil se déclare préoccupé par les menaces graves et grandissantes que constituent les activités relevant de la criminalité transnationale organisée et constate que des terroristes peuvent, dans des régions et des contextes précis, tirer profit de ces activités, qu’elles  soient nationales ou transnationales, telles que le trafic d’armes, de drogues et de biens culturels et la traite des personnes, ainsi que le commerce illicite de ressources naturelles dont l’or et d’autres métaux précieux, les pierres précieuses, les minéraux, le charbon de bois et le pétrole, le bois d’œuvre, le trafic d’espèces sauvages et autres activités criminelles qui nuisent à l’environnement.

Le Conseil note que la criminalité transnationale organisée risque de menacer la sécurité des pays inscrits à son ordre du jour, notamment des États sortant d’un conflit, et déclare qu’il compte examiner ces menaces, en tant que de besoin.  Il se dit à ce propos vivement préoccupé par l’augmentation du trafic de drogues, le trafic de migrants, la traite des personnes et le trafic et la contrebande d’armes légères et de petit calibre par voie terrestre, aérienne et maritime et autres activités criminelles par des groupes et réseaux de criminalité organisée qui portent atteinte à l’autorité des États et menacent la paix et la sécurité dans bon nombre de régions dans le monde.  Il note avec préoccupation le lien entre la criminalité organisée et le financement du terrorisme dans certains cas et dans certaines régions.

Le Conseil est conscient de l’importance de renforcer la coopération internationale et régionale pour combattre la criminalité transnationale organisée, la piraterie et les vols à main armée commis en mer.

Le Conseil demande aux États Membres d’améliorer la gestion des frontières et la coopération internationale pour juguler effectivement les menaces transnationales et constate que des stratégies distinctes sont nécessaires pour faire face aux menaces liées à la sécurité des frontières et insiste sur l’importance pour les États Membres d’adopter une démarche globale et équilibrée, selon que de besoin.

Le Conseil se déclare préoccupé par le renforcement de groupes et réseaux de criminalité organisée qui sont mieux équipés en technologies numériques de pointe et dont les opérations illicites sont de plus en plus décentralisées, diversifiées et connectées, ce qui, dans certains cas, peut aggraver les menaces contre la sécurité internationale.

Le Conseil demande aux États Membres de prendre des mesures appropriées et conformes au droit international pour lutter contre le trafic d’armes légères et de petit calibre, notamment dans le cadre de la criminalité transnationale organisée et du terrorisme, et exhorte notamment les États Membres au niveau national à renforcer, le cas échéant, leurs capacités judiciaires, leurs capacités de maintien de l’ordre et leurs moyens de contrôler les frontières, ainsi que leurs capacités d’enquêter sur les réseaux de trafic d’armes.

Le Conseil se déclare gravement préoccupé par le fait que le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre dans de nombreuses régions du monde continuent de menacer la paix et la sécurité internationales, causent d’importantes pertes en vies humaines et concourent à l’instabilité et à l’insécurité.

Le Conseil souligne qu’il importe que les États Membres prennent des mesures appropriées, aux niveaux national, régional et international, conformément au droit international et à leurs cadres juridiques internes, pour empêcher que le trafic d’armes profite à des terroristes et à des groupes de criminalité transnationale et pour prévenir, dans ce contexte, le détournement ainsi que les pillages de stocks nationaux par des terroristes et des groupes de criminalité transnationale ou l’acquisition par eux d’armes légères et de petit calibre provenant de ces stocks et souligne à cet égard qu’il importe d’aider, à leur demande, les États, en particulier dans les pays et les régions touchés par les conflits, à surveiller et contrôler les stocks d’armes légères et de petit calibre, afin d’empêcher les terroristes et les groupes criminels d’en acquérir.

Le Conseil souligne l’importance de la coopération internationale pour prévenir et éliminer le détournement d’armes et l’approvisionnement illicite en armes par des terroristes et des groupes et réseaux de criminalité organisée et, à cet égard, encourage les États Membres à renforcer en particulier la coopération entre leurs systèmes judiciaires et leurs forces de l’ordre respectifs, conformément à leurs obligations internationales et à leurs cadres juridiques internes.

Le Conseil préconise le renforcement de la coordination de l’action menée par le système et notamment les organismes, fonds et programmes des Nations Unies, afin d’améliorer l’efficacité de l’action internationale appropriée.

Le Conseil encourage le Secrétariat de l’Organisation et notamment l’ONUDC, le Bureau de lutte contre le terrorisme et les entités du Pacte mondial des Nations Unies de coordination contre le terrorisme ainsi que les organisations régionales et infrarégionales à poursuivre leurs efforts visant à fournir, dans le cadre leurs mandats respectifs, une assistance technique et un renforcement des capacités aux États Membres, à leur demande, pour les aider à prévenir et à contrer la criminalité transnationale organisée et le terrorisme, respectivement, ainsi qu’à continuer d’établir les rapports pertinents.

Le Conseil est conscient de l’importance d’une analyse plus approfondie de la situation politique et du conflit, notamment, le cas échéant, des réseaux criminels appuyant la criminalité transnationale organisée et le terrorisme, et invite le Secrétaire général, selon que de besoin, à examiner ces facteurs dans l’action de prévention des conflits, l’analyse des conflits et l’évaluation et la planification intégrées des missions menées par l’Organisation et à envisager d’intégrer ces éléments dans ses rapports ayant trait aux situations qu’il examine.

Le Conseil est conscient de l’importance de la société civile, notamment les organisations locales de la société civile et les organisations de proximité, le secteur privé, les milieux universitaires, les groupes de réflexion, les médias, les jeunes, les femmes, les personnalités du monde de la culture, les responsables de l’éducation et les chefs religieux, pour ce qui est d’accroître la sensibilisation aux menaces du terrorisme et d’y remédier plus efficacement.

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a souligné d’emblée le caractère invisible mais « toujours insidieux » de la criminalité transnationale organisée, qui constitue une menace redoutable pour la paix, la sécurité et le développement durable partout où elle sévit.  Notant que ce fléau est présent dans tous les pays, riches ou pauvres, du Nord ou du Sud, développés ou en développement, il a également constaté que le cyberespace est devenu un « eldorado virtuel pour les criminels ».  Selon lui, les ramifications des activités criminelles transnationales sont les mêmes: gouvernance affaiblie, corruption et zones de non-droit, violences effrénées, morts et destructions.  Il a ajouté que les flux financiers illicites se traduisent par des « milliards d’occasions manquées en matière de développement », la perte de moyens de subsistance et l’aggravation de la pauvreté. Ainsi, sur le continent africain, la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites font perdre plus d’argent que l’ensemble des sommes reçues au titre de l’aide publique au développement, a relevé M. Guterres.

Parallèlement, a-t-il poursuivi, la traite des personnes, « violation odieuse des droits humains fondamentaux » qui s’en prend aux plus vulnérables, se poursuit en toute impunité.  Au lieu de s’améliorer, la situation s’aggrave, en particulier pour les femmes et les filles, qui constituent la majorité des victimes de la traite dans le monde.  Le Secrétaire général a également dénoncé les effets du trafic de drogue, « l’activité la plus lucrative » des groupes impliqués dans la criminalité transnationale organisée, qui a atteint des sommets, créant des vecteurs de violence à travers le monde.  De même, a-t-il observé, le commerce illicite des armes à feu ne cesse de croître.  Il alimente les conflits, fait des millions de morts et de blessés et contribue à une augmentation spectaculaire des activités criminelles dans de nombreuses régions du monde, a expliqué M. Guterres, rappelant que cette question a été au cœur des échanges qu’il a eus lors du dernier Sommet de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).

Autre forme de criminalité, le trafic de ressources naturelles, d’espèces sauvages et d’autres produits de base et services est « destructeur pour les populations et pour la planète », a-t-il affirmé, avant de pointer la corrélation entre ces activités et le fait qu’elles sont commanditées par de véritables multinationales de la criminalité internationale. Face à ces dangers, M. Guterres a déploré les répercussions socioéconomiques de la pandémie de COVID-19 et le relèvement inégal qui s’est ensuivi, les inégalités croissantes, la crise du coût de la vie, la réduction de la marge de manœuvre budgétaire ainsi que l’aggravation de la pauvreté et du chômage, qui affaiblissent l’autorité de l’État, détériorent le tissu social et accroissent l’insécurité.

Notant que la criminalité transnationale organisée et les conflits s’alimentent mutuellement, le Secrétaire général a signalé que de l’Afghanistan à la Colombie, la production et le trafic de drogues illicites ont alimenté des conflits violents de longue durée, tandis qu’Haïti est pris dans un cercle vicieux: effondrement de l’État, escalade de la violence en bande organisée et essor du commerce illicite d’armes à feu introduites en contrebande dans le pays.  Au Myanmar, la traite des personnes et les escroqueries en ligne, souvent organisées depuis l’étranger, se développent dans un contexte de violence, de répression et d’érosion de l’état de droit depuis la prise du pouvoir par les militaires en 2021, a-t-il indiqué, avant de constater que les organisations criminelles développent des alliances opportunistes avec des acteurs armés désignés par le Conseil de sécurité comme groupes terroristes, souvent pour tirer profit de diverses formes de trafic.  Au Sahel, a-t-il dit, le commerce illicite de carburant, de drogues, d’armes et de ressources naturelles fournit des ressources opérationnelles aux groupes armés de la région.  Il en va de même en Libye, tandis qu’en Somalie, la mainmise des Chabab sur le commerce illicite du charbon de bois fait régner l’insécurité dans toute la région et dévaste les forêts, ce qui a des répercussions dramatiques.

Le Secrétaire général a rappelé que, par sa résolution 2482 (2019) notamment, le Conseil de sécurité considère que la criminalité transnationale organisée représente un danger pour la paix et la sécurité internationales.  Appelant cet organe à faire davantage, il a évoqué plusieurs domaines d’action prioritaires, à commencer par le renforcement de la coopération, « car les groupes criminels opèrent au-delà des frontières et des zones géographiques ».  Il a prôné une réponse mondiale, la coopération multilatérale étant, à son sens, la seule voie permettant réellement de s’attaquer aux dynamiques criminelles qui alimentent la violence et prolongent les cycles de conflit. M. Guterres a également fait valoir le schéma directeur que constituent la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses trois protocoles additionnels, demandant à tous les États Membres d’appliquer pleinement ces instruments et de s’entraider pour enquêter sur les organisations criminelles et les amener à répondre de leurs actes devant la justice.  Il a par ailleurs noté que, dans le cadre du Pacte mondial des Nations Unies de coordination contre le terrorisme, l’ONU aide à s’attaquer aux liens existant entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme, formant le vœu que les États Membres parviendront à un consensus sur un nouveau traité relatif à la cybercriminalité afin d’approfondir la coopération tout en protégeant les droits humains en ligne, comme énoncé dans « Notre Programme commun ».

M. Guterres a en outre appelé au renforcement de l’état de droit, avec l’appui de toutes les parties prenantes, non sans relever que, des prises de pouvoir inconstitutionnelles au piétinement des droits humains, les gouvernements eux-mêmes contribuent au désordre et à l’impunité.  Face à cette situation, l’ONU est prête à aider les États Membres avec le concours des équipes de pays, a-t-il assuré.  Enfin, le Chef de l’ONU a encouragé au renforcement de la prévention et à la promotion de l’inclusion en redoublant d’efforts pour réaliser le Programme 2030. Mettant l’accent sur le fait que les réponses purement militaires et axées sur des mesures de répression ont montré non seulement leurs limites, mais aussi leurs effets contreproductifs, il a plaidé pour un meilleur équilibre entre prévention et sécurité. La lutte contre la criminalité ne doit jamais servir d’excuse pour bafouer les droits humains, a-t-il insisté, jugeant que le Conseil de sécurité a un rôle essentiel à jouer dans cette lutte collective. 

Mme GHADA FATHI WALY, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a expliqué que la criminalité organisée est un phénomène complexe, motivé par divers facteurs, allant de la pauvreté aux inégalités, à la collusion et aux dynamiques de pouvoir, en passant par la fragilité de l’état de droit et la faiblesse des institutions.  Aujourd’hui, dans un contexte de conflits et d’instabilité croissants, le crime organisé gagne du terrain dans différentes régions du monde, compromettant la paix et la sécurité internationales.  Les marchés illicites se développent et se diversifient partout dans le monde, et les défis émergents prolifèrent aussi, a‑t‑elle signalé, s’inquiétant notamment des phénomènes des drogues synthétiques et de la cybercriminalité qui évoluent plus rapidement que le monde ne peut suivre. Sur tous les continents, la criminalité organisée est une industrie de plusieurs milliards de dollars qui alimente la violence et l’exploitation. 

Elle a indiqué que les groupes ou gangs criminels organisés sont responsables de près d’un quart de tous les homicides dans le monde.  Les trafiquants d’êtres humains exploitent les personnes touchées par la violence, les difficultés économiques et la dégradation de l’environnement, et les réseaux de trafic de migrants prospèrent dans ces mêmes conditions.  L’analyse de l’ONUDC montre également comment les marchés criminels se chevauchent avec les crises et les conflits armés, notamment en Haïti, au Sahel, au Myanmar ou dans le Bassin Amazonien.  De plus, l’impact de la criminalité organisée se manifeste sous de nouvelles façons, allant des actes de violence dans les villes portuaires européennes liées au trafic de drogue, jusqu’aux assassinats politiques et à l’infiltration des prisons de certaines régions d’Amérique latine.  Les réseaux criminels exploitent également les structures financières pour blanchir les produits du crime.  Ils tirent avantage des larges secteurs informels dans de nombreux pays en développement, ainsi que des failles dans la réglementation des actifs virtuels, a ajouté la haute fonctionnaire qui a déploré qu’aujourd’hui, les coûts et les risques liés à la participation à des activités criminelles n’ont jamais été aussi faibles.

Mme Waly a ensuite signalé que la menace mondiale posée par la criminalité organisée a atteint de nouveaux niveaux de complexité.  Cela met en lumière le besoin, pour y répondre, d’institutions capables de rendre justice et de mettre fin à l’impunité, ainsi que de communautés résilientes.  Nous devons renforcer l’état de droit, la coopération internationale, et améliorer la prévention et l’inclusion.  Elle a ensuite passé en revue les réalisations de l’Office, notamment la mise en place de réseaux, de référentiels et de plateformes permettant aux responsables de la justice pénale de collaborer et d’échanger facilement des informations.  Il tisse également des partenariats plus solides avec et entre des organisations régionales comme l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), l’Organisation des États américains (OEA) et l’Union africaine (UA).

Notant que le lien entre la paix, la sécurité et l’état de droit n’a jamais été aussi pertinent, la haute fonctionnaire a appelé le Conseil de sécurité et le système des Nations Unies à agir contre les effets dévastateurs du crime organisé. Dans ce contexte, elle a encouragé le Conseil à soutenir et investir dans une meilleure collecte de données, afin de mieux anticiper et surveiller la dynamique du trafic et de la criminalité organisée et d’y répondre de manière proactive.  Elle a également recommandé au Conseil d’intégrer des mesures contre la criminalité organisée dans les interventions et résolutions en matière de paix et de sécurité; et de promouvoir l’inclusion de la prévention de la criminalité organisée dans les cadres de coopération pour le développement durable.  Avec une volonté politique et une action collective, nous pouvons faire en sorte que la criminalité organisée ne puisse plus maintenir son modèle économique fondé sur l’instabilité et la fragilité, a‑t‑elle affirmé.

Mme MELANI CAMMET, professeure de relations internationales à l’Université Harvard, a fait remarquer que des institutions étatiques sont parfois impliquées dans la criminalité transfrontalière organisée. Elle a évoqué le commerce de produits de la faune sauvage et le commerce de stupéfiants qui sont en plein essor à travers le monde, profitant de l’existence de vastes régions sans présence étatique.  Les avancées technologiques telles que les drones et l’intelligence artificielle sont également mises à profit dans les activités criminelles, a‑t‑elle ajouté.

Mme Cammet a relevé que les violences sont en augmentation dans plusieurs régions du monde, notamment l’Amérique latine, la région ayant le taux d’homicide le plus élevé au monde, avec en tête de proue des pays tels que l’Équateur, le Chili et Haïti.  Certaines formes de criminalité organisée ciblent exclusivement les femmes et les filles, a‑t‑elle regretté, mentionnant le fait que ces dernières représentent 71% des victimes de traite des êtres humains.  Elle a expliqué que les réponses des gouvernements se focalisent souvent sur une plus grande militarisation des opérations de police, estimant qu’une telle approche sape les éléments clefs de la démocratie comme la défense des droits humains.  L’enseignante a aussi mentionné des collusions entre certaines autorités et les réseaux criminels dans les Balkans, en Amérique latine et dans d’autres régions. 

Elle a salué le renforcement de la coopération internationale en la matière, tout en se désolant du manque de collaboration entre des États démocratiques et ceux ayant des régimes autoritaires qui sont parfois proches des réseaux criminels.  Pour endiguer la montée de la criminalité transnationale organisée, elle a appelé à dépénaliser certains stupéfiants.  Elle a aussi souligné que des politiques migratoires restrictives font le terreau de la traite des êtres humains.  En définitive, Mme Cammet a averti que les efforts de répression de la criminalité transnationale organisée auront des effets limités si on ne tient pas compte des facteurs liés à la demande et qui encouragent les marchés illicites transnationaux.

Mme VICTORIA NYANJURA, fondatrice et Directrice générale de Women in Action for Women, a insisté sur son statut de survivante, rejetant le terme de victime.  Elle a expliqué qu’elle avait 14 ans lorsqu’elle a été enlevée par le groupe terroriste de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA).  « Pendant huit ans, j’ai enduré des violences physiques et mentales indescriptibles, ainsi que des actes d’exploitation sexuelle. Par une nuit pluvieuse de 2004, alors que j’avais deux enfants nés pendant ma captivité, j’ai fait le choix courageux de m’échapper ou de mourir en essayant », a-t-elle témoigné.

Elle a indiqué que les violences sexuelles érodent l’estime de soi ainsi que la dignité humaine et qu’elles ont des répercussions sur les familles, les communautés et la société dans son ensemble. Elle a appelé à entendre les survivants, notant que la stigmatisation entourant les violences sexuelles réduit souvent les victimes au silence et permet à la criminalité organisée de prospérer en toute impunité.  Elle a appelé les gouvernements et les organisations privées à appuyer les survivants « qui ne devraient jamais se sentir seul ».  De même, elle a insisté sur la justice réparatrice pour les survivants de la guerre et de la violence sexuelle avant d’appuyer leur participation au processus de prise de décisions qui s’inscrit dans le processus de guérison, a-t-elle ajouté.

En nous unissant, nous pouvons faire en sorte que les récits des survivants deviennent des lueurs d’espoir, nous guidant vers un avenir où la justice prévaudra et où chaque individu pourra vivre à l’abri de l’ombre du crime organisé, a-t-elle conclu.

M. DANIEL NOBOA AZIN, Président de l’Équateur, a souligné que le trafic illicite d’armes et de drogues, de migrants et la traite des êtres humains ne sont que quelques exemples des activités des bandes criminelles qui affectent la paix citoyenne et le développement des nations, en rappelant que, « tragiquement », ces activités nuisent de manière disproportionnée aux femmes et aux filles.  Sachant que la criminalité transnationale a fait plus de morts que la plupart des conflits mondiaux des 20 dernières années réunies, il a appelé à suivre l’approche globale de l’ONU dans laquelle le Conseil de sécurité utilise ses compétences.  Il a renvoyé à cet égard à la résolution 1459 (2003) relative au Processus de Kimberley, qui vise à prévenir les diamants du sang, pour démontrer la capacité de cet organe à contribuer aux efforts transversaux visant à relever les défis multidimensionnels.

Prenant l’exemple d’Haïti, il a indiqué que cette année, près de 4 000 personnes ont été tuées, 1 500 blessées et près de 3 000 kidnappées, uniquement en lien avec la violence des gangs.  Au cours des deux dernières années, plus de civils ont été tués en Haïti que dans plusieurs conflits impliquant plus d’un État, a-t-il souligné, en paraphrasant le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Volker Türk, pour qui « cette situation est un cataclysme ».  Le Président équatorien a rappelé que cette situation a conduit le Conseil à autoriser le déploiement d’une mission multinationale d’appui à la sécurité, espérant qu’elle soit formée dès que possible sous la houlette du Kenya. L’Amérique latine et d’autres régions du monde ont également souffert des liens entre la criminalité organisée et l’insurrection, a-t-il poursuivi, expliquant que cette menace génère de l’instabilité et devient la base de conflits frontaliers, ainsi que de tensions régionales et mondiales.

L’Équateur a été touché par la vague de criminalité transnationale organisée, a-t-il reconnu en soulignant que ses liens avec des groupes armés menacent l’état de droit et rendent difficile le contrôle de l’État et la sécurité aux frontières.  M. Noboa Azin a rappelé qu’historiquement son pays a également souffert de l’impact des conflits armés non internationaux qui se déroulent à l’extérieur de l’Équateur.  Il a fait savoir qu’au cours des dernières années le nombre d’homicides s’est accru de manière inacceptable dans son pays à cause de la pénétration de bandes criminelles internationales.

Plaidant en faveur d’une riposte internationale à la criminalité organisée, il a affirmé que tant qu’un État n’est pas en sécurité nul autre ne l’est.  Il a donc invité à relever ensemble les défis posés par la cybercriminalité et à réformer le secteur de la sécurité.  C’est la raison pour laquelle son pays s’est associé à la France pour soumettre la Déclaration présidentielle adoptée ce matin, faisant appel à la responsabilité du Conseil d’appuyer les efforts d’autres délégations.  Cela se fera notamment par la tenue, le 15 décembre, d’un débat public sur la menace que fait peser sur la paix et la sécurité internationales le trafic illicite d’armes.  La paix est un bien public mondial à protéger et à gérer, a déclaré le Président en soulignant que l’Équateur a une dette à solder dans ce contexte puisqu’un candidat présidentiel a été assassiné pendant la dernière campagne électorale et que des ministres ont reçu des menaces de mort. Il a enfin insisté sur la dette à l’endroit des électeurs, principalement des groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables, ainsi que des femmes et des jeunes.

Mme VERÓNICA NATANIEL MACAMO DLHOVO, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Mozambique, a déclaré que la criminalité transnationale organisée constitue l’une des principales menaces à la paix, à la sécurité et à la prospérité de l’humanité.  Non seulement les réseaux criminels se développent, mais ils diversifient également leurs activités, ce qui entraîne aujourd’hui une convergence de menaces aux effets déstabilisateurs, a-t-elle dénoncé, constatant que les ramifications s’étendent au-delà des frontières et affectent la sécurité et le bien-être mondiaux.  Par conséquent, nos efforts doivent viser à résoudre les causes profondes de ce problème, a souligné la Ministre, appelant à investir davantage dans la promotion de l’état de droit et de la justice sociale, dans l’éducation et la santé, dans la lutte contre la corruption sous toutes ses formes et à tous les niveaux, et dans les moyens de lutte contre les réseaux criminels, via la coopération internationale.

Face à la croissance et à la sophistication des réseaux criminels, l’engagement de toute la communauté internationale est impératif, a insisté la Ministre.  Plaidant pour une collaboration et une assistance mutuelle, elle a rappelé que chaque pays a besoin d’un système juridique solide et efficace, de forces de police bien formées et bien équipées et de moyens et technologies avancés pour lutter efficacement contre la criminalité transnationale organisée. Pour illustrer son propos, elle a indiqué que, dans le cadre des instruments pertinents des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), son gouvernement a approuvé, le 28 août dernier, une loi qui établit un régime juridique et des mesures de prévention et de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  Nos politiques, en tant que partie à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visent à supprimer les sources de soutien logistique aux activités criminelles, a précisé la Ministre.

M. RAMSES JOSEPH CLELAND, Secrétaire permanent aux affaires étrangères et à l’intégration régionale du Ghana, a appelé le Conseil de sécurité à identifier les lacunes qui permettent à ces crimes de prospérer.  Il l’a également invité à favoriser la collaboration, à faire progresser les normes internationales et à aider à mobiliser les ressources nécessaires pour lutter contre cette menace.  Selon lui, en mutualisant les ressources et en tirant parti de la technologie, il est possible de garder une longueur d’avance sur les criminels, ce qui implique le renforcement de la cybersécurité, l’utilisation responsable de l’intelligence artificielle, la mise en place d’une police prédictive et la promotion de la culture numérique pour prévenir et réduire la criminalité en ligne. 

Dans le cadre de cette action collective, il importe à ses yeux d’être sensible au genre et de reconnaître l’impact distinct des conséquences de ces activités illicites sur les femmes et les filles, qui en sont souvent victimes.  Il a, en outre, appelé à renforcer les mécanismes de partage d’informations et à faciliter l’entraide judiciaire et la conduite d’opérations conjointes.  Cette approche collaborative permettra aussi de résoudre des problèmes sous-jacents, tels que la corruption et la faiblesse de la gouvernance, réduisant ainsi les vulnérabilités exploitées par les criminels, a‑t‑il ajouté.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a indiqué qu’en Afrique, des bandes criminelles se financent à travers des circuits d’approvisionnements en ressources multiformes, constituant des économies souterraines qui financent les groupes armés, extrémistes et terroristes. Déplorant l’absence d’une réelle coopération interétatique et régionale, il a plaidé en faveur du renforcement de la coopération sécuritaire transfrontalière par des opérations régionales conjointes, l’échange d’informations financières et sécuritaires entre pays.

Il a indiqué que le Gabon est devenu le cinquième pays africain à se doter d’un centre d’analyse criminelle en collaboration avec INTERPOL et que l’Agence Nationale des Parcs Nationaux du Gabon (ANPN) lutte activement contre les trafics illicites des produits ligneux, miniers, d’espèces sauvages, et pétroliers dans les zones et aires protégées. De surcroît, le Gabon a mis en place une « task force » de défense et de sécurité face à la menace de la piraterie maritime, s’est encore félicité le représentant.  Il a ensuite jugé impératif que le Conseil s’attaque aux racines de la criminalité organisée avec plus de détermination, y compris en asséchant les financements des bandes armées et des réseaux de criminalité organisée qui génèrent l’instabilité et la violence dans plusieurs régions du monde. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souhaité fait part de trois recommandations face à un phénomène touchant de manière disproportionnée les femmes et les filles, et représentant un obstacle à la mise en œuvre du Nouvel Agenda pour la paix.  Tout d’abord, il a appelé à lutter contre les flux financiers illicites et produits du crime, indiquant que près de 2,7% du PIB mondial ferait l’objet d’un blanchiment d’argent par les criminels, conduisant également à d’autres activités criminelles.  De plus notant que la criminalité organisée est multidimensionnelle, il a appelé à mettre en œuvre une stratégie de réponses qui le soit également.  En outre, il a plaidé en faveur de l’intégration du genre, rappelant que les femmes et les filles ont des vulnérabilités spécifiques, qu’elles représentent 65% des victimes de la traite d’êtres humains dans le monde et subissent trois fois plus de violences extrêmes que les hommes.  À cet égard, il a souligné la nécessité d’accroître la représentation et la pleine participation des femmes pour mettre en œuvre des stratégies axées sur les survivants. 

Enfin, le délégué a appelé à l’utilisation de nouvelles technologies notamment l’intelligence artificielle, notant que l’utilisation de la cryptomonnaie par les organisations criminelles a augmenté de 80% entre 2020 et 2021.  Après avoir mentionné le partenariat de son pays avec le secteur privé ayant permis la création, à Dubaï, d’un centre mondial d’intelligence artificielle et de cybertechnologies pour lutter contre la cybercriminalité ainsi que la plateforme de suivi des drogues de l’ONUDC, il a estimé que la multiplication de ces projets devrait constituer non pas l’exception mais la règle en la matière. 

M. ROBERT A WOOD (États-Unis) a estimé que tous les pays ont un rôle à jouer dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée.  Indiquant que les États-Unis adoptent une approche globale en la matière, il a rappelé qu’en 2022, le Président Biden a créé un conseil américain sur la criminalité transnationale organisée, qui rassemble toutes les ressources permettant de renforcer les capacités nécessaires à la lutte contre ce fléau. Une stratégie nationale spécifique devrait en outre être bientôt adoptée, a‑t‑il dit.  Le représentant a ajouté qu’en juillet 2023, le Secrétaire d’État Blinken a lancé une coalition mondiale aux fins d’élargir la coopération internationale dans la lutte contre les menaces que représentent les drogues synthétiques, notamment le fentanyl.  Il s’agit de démanteler les chaînes d’approvisionnement et les réseaux qui permettent la fabrication du fentanyl et des produits chimiques précurseurs, a‑t‑il expliqué, jugeant que les instruments internationaux pertinents existants sont une bonne base pour lutter contre ce type de criminalité. 

À cette aune, le représentant a salué les approches s’appuyant sur la justice pénale et la prévention.  Il a toutefois estimé que les voix des personnes touchées doivent également être entendues, avant de plaider pour une plus grande participation de la société civile, et des femmes en particulier, dans l’élaboration de solutions.  Reconnaissant par ailleurs les défis que pose la criminalité transnationale organisée pour l’environnement, la faune, la flore et la pêche, ainsi que les menaces sur les écosystèmes et la sécurité maritime, il a assuré que les États-Unis entendent continuer de travailler avec l’ONU, le Groupe d’action financière (GAFI), le G7, et d’autres entités chargées de lutter contre ces phénomènes

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a relevé qu’en plus de faire partie d’INTERPOL, le Brésil a signé, le mois dernier à Brasilia, le traité qui crée la Communauté des polices d'Amérique (AMERIPOL), un mécanisme de coopération et d’échange d’informations entre les polices et forces de l’ordre des Amériques. La criminalité transnationale organisée peut constituer une menace pour le tissu de nos sociétés, a dit le délégué, arguant que les mesures répressives et l’application des lois ne suffisent pas pour répondre à ces défis.  Il a donc appelé les États à adopter des approches globales qui visent à s’attaquer aux causes profondes des activités criminelles, telles que les disparités socioéconomiques.  Et assurer le respect des droits humains doit être au cœur de toute stratégie de ce type, a-t-il dit.

Selon le délégué, il est nécessaire de se concentrer sur les flux de capitaux qui alimentent les activités de la criminalité organisée.  C’est pourquoi au Brésil, les politiques pour contrer ce fléau accordent une haute priorité à la lutte contre le blanchiment d’argent et la corruption, en vue de démanteler les réseaux criminels.  Il a également précisé que les relations entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme ne sont pas automatiques, mais sont circonstanciées. Malgré l’importance de lutter contre les deux fléaux, il est clair qu’il s’agit de problèmes différents, nécessitant des remèdes différents, a-t-il argué.  Alors que le terrorisme est alimenté par des considérations politiques et idéologiques, la criminalité transnationale organisée est motivée par l’attente de gains financiers, a-t-il tranché.

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a noté que les réseaux criminels opèrent à travers les frontières et mobilisent des moyens substantiels pour alimenter leurs activités, ce qui attise et prolonge les conflits, l’insécurité et la violence.  Cette menace a également des répercussions sur la réalisation des objectifs de développement durable, sape le droit des peuples à la sécurité ainsi que leur confiance dans les autorités publiques, notamment en raison de la corruption.  Elle a appelé à adopter une approche multidimensionnelle, notant que les trafiquants sévissent en ligne et hors ligne, et que les réseaux criminels s’associent également au terrorisme.  Il s’agit notamment de s’attaquer aux causes sous-jacentes de la criminalité comme la pauvreté, l’accès insuffisant aux services publics, les menaces à la sécurité et les défaillances de l’état de droit, ainsi qu’aux répercussions et vulnérabilités engendrées par les changements climatiques, a-t-elle détaillé. 

La représentante a également relevé l’importance de réponses adaptées, comme le réseau de l’ONUDC d’aide aux femmes en matière législative et politique en Afrique de l’Ouest et centrale.  De même, elle a salué le lancement récent de la stratégie conjointe de lutte contre la violence faites aux enfants, notant que celle-ci vise à appuyer la création de mécanismes plus efficaces pour détecter, cibler et supprimer les contenus pédopornographiques sur Internet et protéger les enfants en déplacement qui sont confrontés à des risques plus élevés de criminalité et d’exploitation.

M. ZHANG JUN (Chine) a mis l’accent sur le fait que les activités des réseaux de criminalité transnationale organisée sont imbriquées.  Il a évoqué le vingtième anniversaire, cette année, de la Convention des Nations Unies sur cette question, en saluant le travail des organismes spécialisés de l’ONU. Il a appelé le Conseil à faciliter la coordination à cet égard, s’agissant en particulier des trafics en ligne. Il a misé sur l’échange de renseignement et d’information ainsi que sur l’entraide judiciaire pour contribuer à faire cesser ces activités illicites et rendre justice pour que les criminels ne soient pas en mesure de se réfugier dans tel ou tel pays.  Dans le respect de l’appropriation nationale, il a recommandé de venir en aide aux pays en développement pour former les forces de maintien de l’ordre et moderniser leurs capacités de réponse. 

D’autre part, le représentant a appelé les États à rompre tous les liens avec les réseaux illégaux internationaux sans pratiquer le « deux poids, deux mesures » et sans fermer les yeux sur certaines responsabilités.  Certains pays choisissent de pointer du doigt d’autres nations, ce qui n’aidera en rien à régler les problèmes, a-t-il critiqué.  Il a appelé à endiguer le trafic d’armes en Haïti, en rappelant que la Chine lutte contre toutes les formes d’activités criminelles et a obtenu des résultats positifs.  La Chine, a-t-il assuré, continuera à mettre en œuvre activement les initiatives lancées par son Président, en particulier avec la coopération avec l’ONUDC, la coopération transfrontalière ou encore avec l’Organisation de Shanghai pour la coopération et le groupe BRICS. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré que la lutte contre la criminalité transnationale organisée doit faire l’objet d’une concertation des efforts à tous les niveaux -national, régional et international- et simultanément. Pour ce, il faut, premièrement, élargir les capacités opérationnelles et stratégiques, a-t-elle recommandé, ce qui signifie renforcer les réseaux de coopération, de détection, de répression, mais aussi de prévention.  Deuxièmement, il faut tirer profit des avantages comparatifs des acteurs comme l’ONU, Interpol, les agences douanières aux frontières ou encore les agences de lutte contre la corruption.  Il faut par ailleurs, mettre en œuvre les instruments internationaux pertinents existant, par le biais de la coopération, a insisté la représentante. 

Elle a également plaidé pour des politiques plus fortes en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, conseillant aussi de faire le lien entre blanchiment d’argent et financement du terrorisme. Le Conseil doit se pencher sur ces questions, a-t-elle recommandé, affirmant que si l’on ne parvient pas à coordonner ces efforts, la lutte sera vouée à l’échec.  En ce qui la concerne, l’Albanie s’est engagée dans ces efforts, notamment en créant un parquet spécial contre la corruption et la criminalité transnationale organisée.  Ces efforts donnent déjà des fruits, s’est félicitée la représentante. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que la coopération intergouvernementale dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée ne peut pas être efficace dans le contexte d’une politisation continue de ses principaux aspects, notamment lorsqu’il s’agit de mécanismes d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition.  Or, a-t-il poursuivi, nous constatons un nombre croissant de refus de répondre aux demandes d’assistance juridique des agents des forces de l’ordre pour des raisons purement politiques.  De telles actions sapent la nature multilatérale et diversifiée de la lutte contre la criminalité sous les auspices de l’ONU et donnent un signal clair de la volonté des États individuels de poursuivre leurs intérêts opportunistes, même lorsque cela implique de jouer ouvertement le jeu de la criminalité transnationale organisée, a-t-il accusé.

Le représentant a condamné les actions qui encouragent le trafic illicite d’armes, notamment d’armes légères et de petit calibre. L’approche franchement irresponsable d’un certain nombre d’États face à ces questions fait qu’un large éventail d’armes, et pas seulement des armes légères, se retrouvent entre les mains de terroristes et de groupes criminels, s’est-il inquiété, évoquant notamment la situation en Haïti.  Le représentant s’est également préoccupé de la « prolifération incontrôlée » des armes fournies par l’Occident à l’Ukraine, affirmant qu’une part importante va au « marché noir » et se retrouve dans les mains de groupes terroristes et criminels, non seulement en Europe, mais aussi au Moyen-Orient, en Afrique et même en Amérique latine.  L’occasion d’évoquer ce problème en détail se présentera le 11 décembre lors d’une réunion du Conseil de sécurité que nous avons initiée, a-t-il annoncé.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a mis l’accent sur l’impact « considérable » de la criminalité organisée à l’échelle mondiale et sur le fait que les réseaux criminels exacerbent les conflits, l’instabilité et les effets négatifs des changements climatiques, en tirant parti des changements géopolitiques, économiques et technologiques. Cette criminalité ainsi que la corruption et les flux financiers illicites épuisent les ressources et minent les sociétés, tandis que le harcèlement en ligne, y compris la cybercriminalité, la fraude et les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, accroît les risques, a constaté la représentante.  Face à ce fléau multidimensionnel, elle a plaidé en faveur du développement économique, de l’édification de l’État et de la réduction de la pauvreté.  Elle a d’autre part appelé à l’intégration des considérations relatives à la criminalité et à l’égalité entre les sexes dans les approches de développement et de sécurité.

Réaffirmant l’attachement du Royaume-Uni à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, la représentante a également réitéré l’appui de son pays à l’ONUDC, rappelant que Londres a financé l’élaboration d’un ensemble d’outils stratégiques de l’Office contre la criminalité organisée pour aider les États Membres à mettre au point leurs propres stratégies nationales.  Elle a encouragé l’ONU à s’adapter aux défis croissants et à mieux se coordonner avec le secteur privé et la société civile.  Elle a enfin exprimé le soutien du Royaume-Uni aux programmes pour les femmes et les jeunes et la paix et la sécurité, notamment pour contribuer à renforcer la résilience des communautés et à réduire le recrutement dans les groupes criminels organisés.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a constaté que la criminalité organisée alimente la violence et s’en nourrit.  Il s’agit d’un cycle néfaste qui dépasse souvent les frontières et met en péril les efforts des gouvernements nationaux et du Conseil de sécurité, a-t-elle dénoncé.  La représentante a relevé à cet égard que, selon un décompte effectué par l’Initiative mondiale de lutte contre la criminalité transnationale organisée, basée à Genève, près de la moitié des résolutions du Conseil en 2022 mentionnent le crime organisé et les marchés illicites.  À ses yeux, le crime organisé et la violence qu’il engendre ne sont pourtant pas une fatalité: « c’est à nous, dirigeants et dirigeantes politiques, de priver cette herbe nocive de son terreau », a-t-elle plaidé, appelant à miser sur la société civile et la perspective de genre pour parvenir à des analyses de risques pertinentes et à des réponses ciblées.

La représentante a ensuite expliqué que pour briser le cycle de la violence engendré par la criminalité transnationale, tout commence par la prévention.  Dans l’immédiat, il s’agit de contenir la propagation du crime organisé, mais, en même temps, il importe dès maintenant d’éradiquer ses racines, a-t-elle préconisé, estimant que prévenir implique de bâtir la confiance des sociétés dans leurs institutions, de renforcer le cadre démocratique et l’état de droit, de respecter les droits humains sans faille, en ligne comme hors ligne, et de permettre à tous les membres de la société de devenir des agents de changement.  Parmi ces derniers, les femmes sont souvent les piliers essentiels d’une communauté résiliente, a-t-elle souligné.

Au niveau international, a poursuivi la représentante, la Suisse a cofondé, avec le Brésil et la Sierra Leone, l’initiative Pathfinders pour promouvoir des sociétés pacifiques et ouvertes, en accord avec les objectifs de développement durable.  Dans ce cadre, la Suisse s’engage avec 45 autres États à contribuer à la réduction de moitié de la violence mondiale jusqu’en 2030, a-t-elle indiqué, avant d’assurer que « le meilleur antidote au crime organisé et à la violence reste une vie libre et digne, pour chacune et chacun ».

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a noté que les profits issus des trafics illégaux alimentent les réseaux terroristes.  Il a également constaté que l’émergence et la permanence de situations de conflits contribuent à l’essor de la criminalité transnationale organisée.  Rappelant l’attachement de son pays aux cadres de coopération internationale et aux conventions internationales existantes, notamment la Convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée, le représentant a souhaité que le Conseil de sécurité reste investi de cette question, en particulier s’agissant des missions qu’il mandate et des mesures qu’il prend pour lutter contre les trafics d’armes à destination des acteurs non étatiques.  À cet égard, il a salué la récente décision de renforcer les mesures ciblant les bandes criminelles en Haïti dans le cadre de la résolution 2700 (2023).

Le représentant a, par ailleurs, insisté sur la nécessité de lutter contre les nouvelles formes de criminalité, notamment la cybercriminalité et la criminalité environnementale, qui est la troisième activité illicite la plus lucrative au monde.  Les actions prédatrices des réseaux criminels font peser des dangers inacceptables sur la biodiversité, privent les États et les populations des retombées financières liées à l’exploitation légale de leurs ressources nationales et alimentent le financement des réseaux criminels, voire terroristes, a-t-il dénoncé.  Évoquant l’engagement de la France contre les trafics et l’exploitation illégale d’espèces sauvages, de bois, de déchets dangereux et autres déchets, de substances chimiques et de minerais, il a plaidé en faveur d’une définition englobante tenant compte de toutes ces activités illégales, ainsi que des types connexes de criminalité organisée.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a constaté que l’utilisation généralisée d’Internet et des nouvelles technologies a entraîné une augmentation de l’abus du cyberespace aux fins de la criminalité organisée et de menaces émergentes.  Il a mis l’accent sur le renforcement des capacités des pays pâtissant d’une gouvernance vulnérable, celle-ci affectant non seulement leur sécurité, mais aussi celle des régions et de l’ensemble de la communauté internationale.  Il a rappelé qu’en mai dernier à Hiroshima, les dirigeants du Japon et de nombreux autres pays avaient réaffirmé leur ferme engagement à combattre la criminalité transnationale organisée, y compris le trafic de drogues et d’êtres humains.  Le Japon est également activement impliqué dans les discussions multilatérales sur ces questions au sein du G20 et de la Coalition mondiale pour la lutte contre les drogues de synthèse.

Poursuivant, le représentant a évoqué la coopération avec l’ONUDC et INTERPOL en matière de renforcement des capacités d’application de la loi, notamment des ressources humaines dans les pays en développement. Il a mis l’accent sur l’application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, avant de mentionner les négociations en cours sur de futurs instruments juridiques. Le Japon assure d’ailleurs la vice-présidence du comité chargé de l’élaboration d’une nouvelle convention des Nations Unies sur la cybercriminalité.  Il a précisé que, dans le cadre de ces efforts, le Japon prévoit d’inviter des juges des pays d’Asie du Sud-Est en février 2024 à participer à un cours de formation sur la gestion des procès liés au terrorisme qui se déroulera à Malte. 

M. MARIO ADOLFO BÚCARO FLORES, Ministre des affaires étrangères du Guatemala, a dit être conscient que les menaces que fait peser la criminalité transnationale organisée nécessitent une réponse coordonnée au niveau international, ainsi que des mesures globales et l’engagement de divers acteurs.  Il s’agit de relever un défi complexe qui, en plus, évolue rapidement, a-t-il fait remarquer.  Le Ministre a souligné la nécessité de comprendre la criminalité organisée, « clandestine », avant d’observer que l’augmentation de la production et du détournement d’armes légères et de petit calibre contribue significativement à l’autonomisation des organisations criminelles.  Il est préoccupant, a-t-il dit, que les groupes terroristes puissent bénéficier de la criminalité transnationale organisée. Cela souligne la nécessité de faire un lien entre les deux phénomènes et de renforcer, par conséquent, la coopération internationale, régionale et sous-régionale pour prévenir et combattre efficacement le terrorisme. 

Le Ministre a ensuite insisté sur le fait que les groupes criminels profitent des lacunes de la coopération internationale.  Cela montre une fois de plus, a-t-il observé, l’importance de son renforcement pour améliorer les capacités d’application des lois et d’élaboration des stratégies globales incluant des mesures de prévention et de réhabilitation. À cet égard, il a jugé essentiel la coordination entre les agences gouvernementales, les systèmes internationaux et le secteur privé.

M. MARKO ŠTUCIN, Vice-Ministre des affaires étrangères et européennes et Secrétaire d’État de la Slovénie, a estimé que les méthodes traditionnelles de prévention et de lutte contre la criminalité transnationale organisée sont remises en question par la situation actuelle.  Fort de ce constat, il a appelé à une approche globale et collaborative, ainsi qu’à une coopération internationale renforcée, notamment en ce qui concerne la criminalité transnationale organisée liée à la drogue et à la traite des êtres humains.  Il a également souhaité que davantage soit fait pour prévenir les crimes avant qu’ils ne surviennent, considérant que « donner à nos enfants et à nos jeunes les moyens de devenir des individus libres et résilients est une stratégie clef ».  Le Vice-Ministre s’est aussi insurgé contre la criminalité environnementale transnationale. L’exploitation illégale des ressources naturelles conduit en effet à la corruption et aux violations des droits humains, tout en accroissant les tensions autour de la répartition et des menaces de conflits violents, a‑t‑il soutenu.  À ce propos, il s’est tout particulièrement inquiété de nouveaux types de crimes environnementaux liés à la gestion de l’eau.  Face à ces fléaux, il a plaidé pour une approche holistique incluant la lutte contre les inégalités sociales et économiques et la promotion d’un développement inclusif et de l’égalité des sexes.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a appelé à ne pas établir de lien automatique entre la criminalité transnationale organisée et les groupes terroristes ou extrémistes violents.  Il s’agit de deux phénomènes qui ont leurs propres cadres juridiques et leurs propres forums, a-t-elle analysé.  Et même si certains groupes ou individus radicalisés sont financés par des activités criminelles transnationales, leurs structures et leurs objectifs sont différents: les groupes criminels organisés recherchent le profit économique, tandis que les groupes terroristes ou extrémistes violents sont motivés par des considérations idéologiques ou politiques.  La représentante a invité à privilégier une approche différenciée capable de s’adapter aux dynamiques et contextes spécifiques, garantissant ainsi une réponse plus ciblée et plus efficace. 

Face aux menaces transnationales, notamment le trafic de drogue, la traite des êtres humains ou l’exploitation illégale des ressources naturelles, la déléguée a également jugé essentiel de mettre un terme aux flux financiers illicites et au commerce illicite d’armes légères et de petit calibre.  À cet égard, elle a invité les États à utiliser davantage les renseignements financiers et les procédures juridiques telles que la confiscation d’actifs pour affecter la structure patrimoniale et financière des groupes criminels organisés.  Concernant le trafic de drogue, elle a appelé à placer l’individu au centre des politiques publiques, en intégrant les jeunes et en prêtant attention au problème de la distribution dans les grands marchés de consommation, où sont générés les profits.

M. OMAR KADIRI (Maroc) s’est dit préoccupé par l’évolution des réseaux criminels, notamment grâce à l’expansion du commerce international et l’exploitation, à des fins criminelles, des technologies de l’information et des communications (TIC).  Il a ensuite condamné le lien avéré entre la criminalité transnationale organisée, les groupes terroristes et les groupes séparatistes en Afrique. Pour combattre ces liens, il faut une coopération internationale accrue, un état de droit ainsi que le renforcement des capacités en matière d’application de la loi.

En ce qui le concerne, le Maroc donne la priorité à la lutte contre le terrorisme, a indiqué le représentant, soulignant les efforts à cet égard, notamment les politiques régionales basées sur l’échange d’informations et les meilleures pratiques, ainsi que la lutte contre la corruption à travers des mécanismes et une stricte application de la loi.  La prochaine Assemblée générale d’INTERPOL se tiendra au Maroc en 2025, a-t-il indiqué, témoignant de l’engagement du pays sur cette question. Il est important d’intensifier les efforts de la communauté internationale pour faire progresser la sécurité internationale et régionale basée sur le respect mutuel, les relations de bon voisinage et la coopération, a-t-il conclu.

Mme PAULA NARVÁEZ OJEDA (Chili) a signalé que le modèle international actuel de la criminalité organisée présente trois dynamiques fondamentales par rapport aux phases précédentes de ce phénomène: une présence à l’échelle mondiale; des connexions transnationales étendues; et, surtout, la capacité de défier l’autorité nationale et internationale.  Partant, la lutte contre ce fléau exige des liens de coopération internationale plus nombreux et de meilleure qualité, ainsi qu’un engagement renforcé aux côtés des organismes multilatéraux et régionaux de sorte à faciliter l’échange d’informations pour la prévention, la poursuite et la condamnation de ceux qui participent à des activités criminelles, et à renforcer les capacités de contrôle et de détection aux frontières. 

La représentante a aussi relevé le risque posé par le blanchiment d’argent sur les systèmes financiers des pays concernés, notant, en outre, que les recettes tirées du blanchiment peuvent être détournées vers des entités extrarégionales pour financer le terrorisme.  De même, elle a relevé que la corruption accompagne à un degré plus ou moins grand tous les crimes associés à ce phénomène, qu’il s’agisse du versement de pots-de-vin à des agents publics, de trafic d’influence, de facilitation du blanchiment du produit de l’activité illicite ou même l’obtention d’informations privilégiées.

Mme CHRISTINA MARKUS LASSEN (Danemark), intervenant au nom des pays nordiques, a établi un lien entre criminalité organisée et conflit, estimant nécessaire de s’attaquer à la criminalité transnationale organisée dans les zones de conflit en privilégiant une approche multilatérale.  Elle a également plaidé en faveur d’une réponse globale intégrant les questions de développement, de lutte contre la corruption, de justice et de sécurité.  Pour adapter sa réponse, la communauté internationale doit en savoir davantage sur les réseaux et leurs liens avec la propagation du terrorisme et des conflits, a estimé la représentante qui a appelé à renfoncer les mécanismes de contrôle et les partenariats avec l’ONU, notamment dans le cadre d’une équipe interinstitutions concernant la police.  Elle a insisté sur la nécessité d’entendre et de protéger les voix locales, en évoquant les militants et les membres de la société civile qui dénoncent les activités criminelles.  Elle a également appelé à distinguer le crime comme moyen de subsistance du crime comme moyen de pérenniser les conflits, prônant une approche globale et multilatérale conforme à l’état de droit.

Le représentant de l’Afrique du Sud a souligné la nature transversale de la criminalité transnationale organisée, alimentée, entre autres, par le trafic illicite de stupéfiants, la traite des êtres humains, les flux financiers illicites, la cybercriminalité et le terrorisme.  Il a également relevé que cette forme de criminalité perpétue les conflits armés et le terrorisme par le biais du trafic illicite d’armes et de l’acheminement des produits illicites de la criminalité vers des terroristes et des acteurs armés non étatiques.  À cet égard, le représentant a noté que, selon une récente évaluation de l’ONUDC sur cette menace au Sahel, la criminalité transnationale organisée peut fournir une source de financement et d’assistance logistique aux groupes terroristes.  Il a donc appuyé les appels au renforcement de la coopération régionale, sous-régionale et internationale en vue d’accélérer la mise en œuvre des engagements internationaux, conformément à la responsabilité première des États d’instaurer et de maintenir la paix et la sécurité. 

L’augmentation des activités minières illégales menées par des organisations criminelles locales et transfrontalières s’accompagne de diverses autres infractions secondaires, telles que la traite des êtres humains et le financement de guerres de gangs, a encore fait remarquer le représentant, qui a aussi constaté que « les guerres de gangs » refont surface dans le domaine des crimes contre les espèces sauvages, notamment le braconnage des rhinocéros.  À cet égard, a-t-il dit, l’Afrique du Sud apprécie l’appui qu’apporte le Bureau régional de l’ONUDC pour l’Afrique australe à l’assistance technique et au renforcement des capacités, qui éclaire l’élaboration de politiques et de législations visant à endiguer ce fléau.

M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a souligné l’importance de la coopération policière et judiciaire.  Constatant que la criminalité organisée a toujours une dimension transnationale, il a estimé qu’une lutte efficace contre ce fléau doit reposer sur des instruments juridiques qui rationalisent la coopération et garantissent la recevabilité, dans les procédures nationales, des preuves recueillies à l’étranger. Selon lui, cette lutte doit aussi s’appuyer sur des équipes communes d’enquête, dont le soutien est crucial lorsque des procédures parallèles liées au même crime sont en cours.  La base juridique de ces équipes se trouve dans l’article 19 de la Convention de Palerme et les protocoles s’y rapportant, a‑t‑il précisé, ajoutant qu’au niveau régional, d’autres accords contraignants prévoient également la création potentielle d’équipes d’enquête communes. 

De l’avis du représentant, la Convention de Palerme, qui est entrée en vigueur il y a 20 ans, est toujours l’outil juridique international le plus efficace dans la lutte contre la criminalité organisée.  Il a donc appelé à œuvrer pour sa pleine mise en œuvre, ainsi que pour l’application pleine et efficace de ses protocoles, en particulier ceux concernant la traite êtres humains et le trafic illicite de migrants.  Il a également souhaité que de nouvelles ratifications et adhésions à ces protocoles soient encouragées et soutenues, car, a‑t‑il souligné, ces crimes odieux nécessitent une réponse et une répression internationales toujours croissantes.

M. ARIEL RODELAS PEÑARANDA (Philippines) a indiqué que son pays est confronté au commerce illicite de drogues et d’armes à feu, ainsi qu’à la traite des personnes migrantes, lesquels alimentent le terrorisme et les conflits armés.  Pour répondre à ces fléaux, il a appelé à un effort international coordonné, soulignant l’importance de s’appuyer sur les cadres établis par les Nations Unies.  Soulignant également le rôle crucial que jouent les mécanismes régionaux, il a cité en exemple le Plan d’action élaboré par l’ASEAN pour lutter contre la criminalité transnationale (2016-2025), illustration de l’engagement commun des pays membres de cette organisation. 

Dénonçant par ailleurs l’utilisation croissante des technologies de l’information et des communications (TIC) par les organisations criminelles pour cibler les victimes, faciliter leurs crimes ou dissimuler les recettes, il a estimé que la future convention sur la cybercriminalité, en cours de négociation, permettra de clarifier et d’accélérer les enquêtes et l’assistance juridique entre les parties.  S’agissant de la lutte contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes migrantes, priorité nationale aux Philippines, il a fait état d’une collaboration active avec d’autres États Membres et le secteur privé.  Il a également indiqué que, face au trafic illicite de stupéfiants, son pays tire parti de l’assistance technique afin d’atténuer les menaces que ces substances font peser sur la population, en particulier les jeunes.  Il a enfin insisté sur le suivi et le démantèlement des flux financiers illicites, plaidant en faveur d’une collaboration avec les banques et les institutions financières internationales dans les efforts visant à confisquer les produits de la criminalité collective. 

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a noté que l’environnement actuel marqué par des conflits est propice aux activités criminelles. Il a salué les efforts déployés par l’ONUDC, y compris l’assistance aux pays en développement pour qu’ils puissent renforcer leurs capacités, appelant néanmoins à augmenter les ressources financières de l’Office de manière pérenne.  Les vols, le financement du terrorisme et les trafics illicites alimentent les conflits, a-t-il poursuivi, soulignant les liens entre criminalité organisée et terrorisme.  Dans le cadre de sa présidence conjointe avec l’Union européenne du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, l’Égypte met l’accent sur le continent africain, la mise en place de cadres conceptuels contre le terrorisme et l’augmentation de la participation des femmes dans cette lutte.  En plus de lutter activement contre la corruption, le délégué a rappelé que l’Égypte fait partie de la Coalition mondiale contre Daech et Al-Qaida.  Soulignant l’importance de la coopération internationale pour combattre la criminalité organisée, il a attiré l’attention sur les risques induits par les nouvelles technologies, en particulier pour les pays en développement.  À cet égard, il s’est dit favorable à une convention sur l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles.  L’Égypte est disposée à échanger avec les différents organes de l’ONU et à coopérer pour lutter contre les nouvelles formes de criminalité organisée, a conclu le délégué.

M. DANIEL ZAVALA PORRAS (Costa Rica) a déclaré que dans la région d’Amérique latine et des Caraïbes, le crime organisé et les gangs ont contribué aux taux d’homicide les plus élevés au monde, notamment en Haïti.  Pour cette raison, il a plaidé pour une coopération entre l’ONUDC et l’Organisation des États américains (OEA), afin de renforcer la capacité d’Haïti à enquêter sur les cas de corruption, de blanchiment d’argent et de crimes économiques.  Cette coopération devrait également améliorer l’échange d’informations avec les enquêteurs internationaux sur la criminalité transnationale organisée.  Le représentant a également plaidé pour un travail rapide et coordonné visant à utiliser les technologies de l’information et des communications dans la lutte contre la traite des êtres humains.  Il a aussi estimé que l’une des conséquences involontaires de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s’y rapportant, est d’avoir considéré ce phénomène en « silo », en le traitant comme un système de justice pénale et non comme une menace plus large à la paix et à la sécurité internationales, au développement durable et aux droits de l’homme.  En ce sens, le représentant a souligné la nécessité d’une approche intégrée qui s’attaque aux multiples dimensions de la criminalité organisée et qui soit capable d’anticiper ses évolutions

M. STEFAN PRETTERHOFER (Autriche) a rappelé que la criminalité transnationale organisée cause tout autant de décès que tous les conflits armés combinés. La plupart des réseaux criminels sont interconnectés, a‑t‑il poursuivi, estimant que des mesures de coopération multilatérale efficaces sont nécessaires pour les contrer, en sus des mesures de lutte contre la corruption et des systèmes juridiques nationaux.  À cet effet, il a rappelé l’importance des outils multilatéraux existants, tels que la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et la résolution 2700 (2023) du Conseil de sécurité.  Par ailleurs, puisque la transition numérique fait évoluer les modes opératoires des groupes criminels et les marchés mondiaux illégaux, il a appelé à adapter les approches de lutte traditionnelles à ces nouveaux défis et à renforcer la coopération internationale en matière de cybercriminalité, notamment via une convention des Nations Unies. 

Le trafic d’êtres humains constitue une violation grave des droits humains, a ensuite déclaré le représentant, soulignant la vulnérabilité exacerbée des femmes et des enfants dans le contexte des conflits armés et citant le cas de l’Ukraine en guise d’exemple.  À ce titre, il s’est félicité du groupe d’étude autrichien pour la lutte contre le trafic d’êtres humains et sa conférence internationale annuelle mettant l’accent sur la prévention et les droits des victimes, entre autres.  Il a également attiré l’attention sur la vulnérabilité des jeunes qui sont recrutés très tôt, particulièrement dans les zones de conflits, prônant la sensibilisation des jeunes à la problématique grâce aux actions de la société civile.  Les réseaux criminels, qui alimentent leurs revenus grâce à la vente illicite d’armes à feu, tendent à financer et prolonger les conflits, a‑t‑il rappelé soulignant l’influence des économies illicites sur les conflits armés en Haïti et dans la région du Sahel.  Le délégué a conclu en appelant à trouver des solutions communes. 

M. KEMAL ONUR EKREN (Türkiye) a estimé que le lien entre criminalité organisée, terrorisme et trafic de stupéfiants ne doit pas été négligé. Après avoir appelé à combattre de manière holistique la traite d’êtres humains, il a indiqué que la Türkiye contribue de manière active aux travaux des organisations régionales et internationales pour combattre le trafic de stupéfiants, relevant que ce dernier alimente le terrorisme.  Il a appelé à mettre en commun les ressources et les meilleures pratiques pour faire face au fléau, mettant notamment en cause Al-Qaida, Daech et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les accusant de se livrer au trafic de stupéfiants dans toute l’Europe.  Il a également appelé à lutter contre le blanchiment d’argent, avant de se pencher sur l’utilisation des technologies de l’information et des communications, estimant nécessaire d’amener une réponse internationale concertée face à des méthodes de plus en plus sophistiquées.

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a relevé que les conflits représentent des terrains fertiles pour la criminalité internationale organisée.  Ce fléau, qui met en péril l’état de droit et la sécurité humaine, exploite les failles de la mondialisation, a-t-il fait remarquer.  Pour contrer les réseaux criminels, le représentant a appelé à lutter contre la corruption sous toutes ses formes et à mettre en œuvre le Programme 2030, notamment l’ODD no 16 sur la paix et la justice et les institutions efficaces.  La lutte contre la corruption et les efforts de consolidation de la paix vont de pair dans le renforcement de la gouvernance et l’application du principe de responsabilité dans le secteur de la sécurité, a rappelé le délégué, estimant essentiel le rôle des mécanismes de contrôle et de recouvrement des actifs volés.

Le délégué a insisté sur l’importance de réprimer la corruption des responsables publics.  Il a aussi mis l’accent sur la nécessité de lutter contre le trafic d’espèces sauvages et l’exploitation illicite ou autres crimes contre l’environnement.  Il faut renforcer la capacité des forces de détection et de répression pour mettre fin à l’impunité des responsables officiels qui exploitent la planète à des fins privées, a lancé le délégué. Il a aussi préconisé de renforcer le rôle des institutions financières dans la lutte contre l’esclavage moderne et la traite d’êtres humains.  Il faut aussi promouvoir les investissements responsables, les innovations financières et étendre les réseaux de partenariats pour mettre en œuvre cette approche entre les partenaires gouvernementaux et les autres parties prenante.

Mme HEDDA SAMSON, de l’Union européenne, a déclaré que la criminalité transnationale organisée nourrit les conflits armés, le terrorisme et la corruption, en plus de compromettre l’état de droit.  Les groupes organisés utilisent les profits issus de leurs activités illicites pour infiltrer l’économie et les institutions publiques, a-t-elle expliqué, ce qui sape les droits fondamentaux, la sécurité et la confiance des citoyens envers les autorités.  Le développement d’activités illicites dans la sphère numérique a rendu la coordination des réseaux criminels plus aisée et leur détection par les autorités plus ardue, a-t-elle précisé, appelant la communauté internationale à se coordonner et à faire de la lutte contre la cybercriminalité une priorité.

Au sein de l’Union européenne, le trafic de drogue est la principale activité des réseaux criminels, a-t-elle informé, constatant une augmentation de la violence dirigée contre leurs membres et des personnes innocentes.  Ces réseaux exploitent les migrants et les personnes vulnérables, a-t-elle déploré, assurant que l’Union européenne poursuit sa lutte contre le trafic d’êtres humains.  Par ailleurs, elle a mentionné les opérations menées en Afrique et dans les Caraïbes avec des partenaires internationaux, ainsi que la négociation d’instruments internationaux pour l’échange d’informations et un programme de lutte contre les trafics illicites par voie aérienne, terrestre et maritime. L’Union européenne contribue également à plusieurs projets d’INTERPOL et soutient une cinquantaine de projets de l’ONUDC à hauteur de 230 millions de dollars.  « Les partenariats internationaux sont cruciaux pour assurer une coopération efficace et l’échange d’informations entre les autorités nationales », a-t-elle conclu.

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a regretté que la criminalité transnationale organisée soit l’un des risques les plus sous-estimés.  Pour y faire face plus efficacement, il a plaidé pour une coopération accrue en matière de gestion des frontières, rappelant que l’Asie du Sud-Est est menacée par des groupes criminels transnationaux qui profitent du degré élevé de connectivité régionale pour étendre leurs opérations de trafic illicite de drogues et de traite des êtres humains.  À cet égard, il s’est félicité qu’en août dernier, les directeurs généraux des services d’immigration et les chefs des affaires consulaires de l’ASEAN aient accueilli favorablement la proposition thaïlandaise de feuille de route sur la coopération frontalière régionale.  Par ailleurs, s’agissant de la transition numérique et des technologies de pointe, il a s’est dit convaincu que la promotion de la culture numérique pourrait apporter des solutions au problème, à travers une approche visant à réduire la vulnérabilité des victimes potentielles. 

Reconnaissant l’importance du soutien apporté par la communauté internationale et le système des Nations Unies pour lutter contre le fléau de la criminalité transnationale organisée, le représentant a appelé à accroître la coopération avec les organisations régionales.  Il a également encouragé le Conseil à poursuivre sa collaboration avec l’ONUDC et d’autres entités compétentes de l’ONU.  Il a enfin demandé à l’ONUDC et à INTERPOL d’appuyer davantage les autorités nationales par le biais d’échanges de bonnes pratiques et d’expériences, notamment dans les domaines du contrôle des frontières, du traçage des flux financiers et de la détection de la corruption. 

M. THOMAS PETER ZAHNEISEN (Allemagne) a noté que la criminalité transnationale organisée alimente les conflits armés, finance le terrorisme et érode l’état de droit. Il a appelé le Conseil de sécurité à maintenir ce sujet à son ordre du jour, afin de donner une impulsion politique et développer le cadre d’action international pour lutter contre la criminalité transnationale organisée.  Évoquant les répercussions dévastatrices de la criminalité organisée en Haïti, il a indiqué que l’Allemagne est prête à soutenir les efforts pour rétablir la sécurité, l’état de droit et le fonctionnement des institutions démocratiques. Il s’est ensuite penché sur la question de la production de drogues indiquant que l’Allemagne soutient les pays touchés, en Amérique latine et dans les Caraïbes, dans leurs efforts pour promouvoir la bonne gouvernance et l’état de droit.

Après avoir évoqué le trafic illégal d’espèces sauvages ayant des conséquences importantes pour la diversité biologique et le maintien de la paix et de la sécurité, il a rappelé que l’Allemagne s’est engagée à soutenir les efforts nationaux et régionaux visant à lutter contre ce trafic en aidant notamment le Nigéria à mettre en œuvre sa toute première stratégie nationale de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts.  Il s’est également félicité du rôle joué par l’Allemagne avec le Gabon concernant la résolution intitulée « S’attaquer au trafic illicite d’espèces sauvages » avant de souligner le lien étroit entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme. À ce sujet, il s’est félicité du soutien de son pays à l’ONUDC pour mener des recherches novatrices montrant que les économies illicites liées à la criminalité transnationale organisée, telles que les enlèvements contre rançon, le vol de bétail ou le trafic d’armes à feu, sont des indicateurs forts d’une augmentation des activités des groupes armés.

M. HARI PRABOWO (Indonésie) a déclaré que le renforcement des capacités des pays est le moyen premier pour les aider à lutter contre la criminalité transnationale organisée, y compris par des moyens technologiques.  Il a indiqué que l’Indonésie met l’accent sur le renforcement de son cadre juridique pour la prévention et la protection des personnes contre le trafic d’êtres humains.  Elle dispose déjà d’un plan national d’action en la matière qui se concentre sur la résilience.  Son second domaine d’action est la coopération régionale, comme le montrent les efforts déployés dans le cadre du Processus de Bali au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), aucun pays ne pouvant affronter seul le phénomène de la criminalité organisée.  Sous la présidence de l’Indonésie, l’ASEAN a notamment pu avancer sur la question de l’utilisation des TIC dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains, a-t-il indiqué.  Le représentant a appelé à appuyer les différentes agences en charge de la lutte contre ce phénomène, notamment en les autonomisant davantage afin de renforcer les mécanismes d’alerte précoce et favoriser des réponses rapides. 

M. MICHEAL IMRAN KANU (Sierra Leone) a exprimé sa vive préoccupation face à « l’explosion » de la criminalité transnationale organisée, estimant qu’elle peut désormais être considérée comme une menace pour la paix et la sécurité internationales.  De la violence des gangs à l’exploitation sexuelle, ce phénomène ainsi que la corruption qui y est associée entravent les efforts visant à bâtir des sociétés inclusives et à assurer un développement durable fondé sur des institutions responsables, a—t-il déploré.  Selon lui, une approche globale et une coopération multilatérale sont nécessaires pour y faire face, notamment pour tarir les flux illicites d’armes et de capitaux.

Le représentant s’est également inquiété du lien existant entre la criminalité organisée et le financement du terrorisme, lequel constitue un important facteur d’instabilité, particulièrement en Afrique de l’Ouest et au Sahel.  Pour s’y attaquer, il a plaidé pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, tout en encourageant les États de la région à renforcer leur gestion des frontières.  À ses yeux, trois domaines sont prioritaires pour progresser sur cette question: la pleine mise en œuvre des conventions contre la criminalité transnationale organisée et contre la corruption, le renforcement des capacités et le transfert de technologies vers les pays du Sud, et enfin l’intensification de la coopération avec les organisations régionales.

Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a constaté que la criminalité transnationale organisée est un phénomène qui se produit dans certaines régions spécifiques et varie en fonction de la conjonction d’éléments. Mais en raison de son caractère transnational, il est essentiel d’harmoniser les règles de la coopération judiciaire internationale, notamment les procédures d’entraide judiciaire. Elle a indiqué qu’El Salvador a renforcé son cadre juridique et politique publique pour assurer une prévention et une lutte efficaces contre les différentes formes de criminalité transnationale organisée, ainsi que contre les différents liens qu’elle peut entretenir avec les actes de terrorisme.  Le Plan de contrôle territorial constitue la principale politique publique pour faire face au phénomène des gangs, qui pendant tant d’années a suscité l’inquiétude de la société salvadorienne. 

Au niveau multilatéral, a-t-elle enchaîné, El Salvador a renforcé sa participation dans le cadre de mécanismes régionaux, comme sa récente adhésion en tant que pays membre du Groupe d’action financière d’Amérique latine (GAFILAT) au sein duquel il pourra mieux lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment à travers sa participation au développement de systèmes de formation et d’échange d’informations agiles pour sa répression. La prévention, la participation et le développement de politiques et de programmes sociaux inclusifs, dans une perspective d’âge et de genre, peuvent également contribuer à ce que les États abordent cette question de manière globale, a estimé la représentante. 

M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a appelé à faire de la lutte contre la criminalité transnationale organisée une priorité puisqu’elle finance également le terrorisme international.  Il a estimé que les cadres de coopération bilatérale et multilatérale représentent la structure idoine pour lutter contre ce phénomène. La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée constitue non seulement un cadre juridique mais également « l’état d’esprit censé guider l’action commune » dans le respect de la souveraineté, la non-ingérence dans les affaires internes et l’égalité souveraine des États, a-t-il ajouté.  Il a cependant prévenu qu’une approche politisée ne pourra jamais permettre l’élimination des mafias criminelles transnationales, mais entravera la coopération qui, a-t-il insisté, demeure le seul moyen viable de lutter contre ce phénomène.

À cet égard, le Conseil de sécurité doit s’en tenir strictement à son mandat, sans créer de déséquilibre dans les structures multilatérales, a-t-il martelé. Selon lui, évoquer la criminalité organisée comme une menace à la paix et à la sécurité internationales pourrait laisser entrevoir une lecture excessive du mandat, ainsi qu’un empiètement juridique et social.  Par ailleurs, l’incrimination d’États ou de migrants pourrait engendrer des répercussions allant à l’encontre des principes de la Charte, a-t-il prévenu, appelant à mettre l’accent sur les trafics de migrants et à lancer un dialogue mondial inclusif sur ce problème.  Après avoir exigé la levée immédiate des listes unilatérales et des mesures coercitives unilatérales, dénonçant leurs effets négatifs sur la prospérité et la coopération, le représentant a appelé à redoubler d’efforts afin d’élaborer un traité sur l’utilisation des nouvelles technologies à des fins de criminalité transnationale.

M. JORGE EDUARDO FERREIRA SILVA ARANDA (Portugal) a plaidé en faveur du renforcement de la gouvernance mondiale, estimant nécessaire d’adopter des approches coordonnées au niveau multilatéral et régional, sur terre, en mer et dans le cyberespace.  Il a particulièrement insisté sur le renforcement de la sécurité maritime et la lutte contre la piraterie et la pêche illégale.  Il a, par ailleurs, évoqué la prochaine session de clôture du Comité spécial chargé d’élaborer une convention internationale globale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles, formant le vœu qu’elle aboutira à un résultat équilibré et consensuel.

Le représentant a également souhaité que la priorité soit donnée à l’assistance juridique et technique pour renforcer les capacités institutionnelles des pays et la coordination internationale entre les services répressifs et les praticiens de la justice par le biais de réseaux régionaux et interrégionaux.  Jugeant nécessaire de mettre à profit les nouvelles technologies, notamment en matière de collecte de données et de réponses politiques, il s’est prononcé pour la création d’outils permettant d’identifier la nature et l’ampleur de la criminalité transnationale organisée.  Il a, d’autre part, estimé que le Conseil de sécurité devrait s’employer à répondre au rôle préjudiciable joué par la criminalité organisée, les flux et marchés illicites, ainsi que les acteurs criminels dans les zones de conflit. Enfin, il a invité le Conseil à utiliser les travaux de ses organes subsidiaires pour mieux combattre l’impact de la criminalité organisée dans la violation des régimes de sanctions et d’embargo.

M. JAMES MARTIN LARSEN (Australie) s’est inquiété de la menace croissante que représente la cybercriminalité et a appuyé la négociation d’une nouvelle convention pour combattre ses formes actuelles et émergentes.  Il a fait état de nouvelles combinaisons de crimes, notamment les centres d’escroquerie en ligne qui appuient la traite des êtres humains et le travail forcé.  Le représentant a aussi insisté sur la nécessité de s’adapter à l’évolution des marchés des drogues illicites, en particulier à l’augmentation des drogues synthétiques.

En outre le rôle du financement illicite en tant que catalyseur de la criminalité transnationale organisée est un défi persistant, a‑t‑il relevé, notant que des systèmes solides de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme profitent à tout le monde.  L’Australie s’est d’ailleurs récemment engagée à réformer en profondeur son système afin de mieux prévenir l’exploitation et de produire les renseignements nécessaires à la lutte contre la criminalité transnationale organisée. Enfin, il a jugé indispensable de reconnaître et traiter les inégalités entre femmes et hommes, lesquelles concernent toutes les formes de criminalité transnationale organisée. 

Mme CAROLYN RODRIGUES-BIRKETT (Guyana) a exhorté le Conseil de sécurité à promouvoir une gouvernance solide et l’état de droit, qui sont les fondations de sociétés stables dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée. Elle a préconisé une plus grande collaboration à tous les niveaux, y compris avec le secteur privé, afin de renforcer les cadres d’application de la loi et les services de renseignement. Elle a conseillé des politiques efficaces de protection sociale et d’accès à la justice, axées sur la sensibilisation et le renforcement des capacités du personnel de la justice pénale, l’amélioration de la représentation et de la participation des femmes et des groupes vulnérables dans les systèmes de justice pénale.  Le Guyana, a informé la déléguée, a mis en place un cadre législatif pour contrer la criminalité transnationale organisée et lutter contre le trafic de drogue, la traite des personnes, la migration illégale et la cybercriminalité.  Le Guyana est également favorable à une coopération renforcée entre le Conseil et d’autres entités des Nations Unies, ainsi qu’avec les organisations internationales, régionales et sous-régionales, afin de s’attaquer aux causes profondes de ce fléau. 

M. JOSÉ EDUARDO PEREIRA SOSA (Paraguay) a déclaré que les marchés illégaux génèrent d’énormes revenus pour les réseaux criminels, procurant des fonds parfois supérieurs aux budgets nationaux de nombreux États en développement.  Par conséquent, un travail international coordonné apparaît comme l’option nécessaire pour faire face à ces fléaux. Il a jugé important de mettre l’accent sur la surveillance aérienne, maritime et terrestre.  De même, les efforts doivent être orientés vers la prévention de la criminalité transnationale organisée sur les routes fluviales nationales et internationales, de manière coordonnée, en respectant l’intégrité territoriale des pays et en conformité avec les traités internationaux de ce domaine.  Le représentant a également mis l’accent sur le rôle de plus en plus prédominant des technologies, y compris celles de l’information et des communications.  Il a appelé les États à renforcer les capacités nationales en la matière, étant donné que les groupes criminels ont pris de l’avance. 

S’exprimant au nom des pays baltes, M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a jugé essentiel de renforcer les capacités des forces de l’ordre et de favoriser la coopération internationale afin de réaliser les objectifs de développement durable.  Il a estimé que les menaces qui résultent de l’interaction des dynamiques de conflit et de la criminalité servent de catalyseur aux migrations et aux déplacements, touchant de manière disproportionnée les femmes et les enfants. De fait, le trafic illicite de migrants, la cybercriminalité et les activités mercenaires sont, à ses yeux, les trois principaux domaines dans lesquels la criminalité transnationale organisée affecte la sécurité internationale et régionale.

S’agissant de la migration, le représentant a dénoncé son instrumentalisation par des réseaux de passeurs criminels, une activité facilitée depuis 2021 par le Bélarus et la Fédération de Russie.  Selon lui, Minsk a recours à la menace et à la force pour pousser illégalement les migrants à franchir les frontières des pays baltes afin de les déstabiliser.  Pour ce qui est de la criminalité en ligne, il a appelé la communauté internationale à accroître la sécurité dans le cyberespace en renforçant son action face aux menaces croissantes qui émanent d’États comme d’acteurs non étatiques. Enfin, il a constaté que le recours accru à des mercenaires dans les zones de conflit entraîne une augmentation de la violence contre les civils, aggravant les souffrances des populations et provoquant des catastrophes humanitaires.  L’un des groupes de mercenaires les plus connus, le groupe Wagner, qui fait l’objet de sanctions de l’Union européenne, est selon lui responsable de crimes graves commis en Ukraine et au Mali.

Mme LEONOR ZALABATA TORRES (Colombie) a affirmé que la criminalité transnationale organisée se trouve à la racine de la violence, notamment en Amérique latine et dans les Caraïbes.  Dans le cas de la Colombie, où les activités criminelles sont venues alimenter le conflit, la réalité montre que les efforts visant à lutter contre le trafic de stupéfiants, source première du financement des activités criminelles, ont malheureusement échoué, a-t-elle observé.  À l’appui de ce constat, elle a noté que la production de stupéfiants atteint des niveaux historiques, que la demande au niveau mondial augmente et que les réseaux criminels s’étendent, génèrent davantage de profits et renforcent leur influence.

Parallèlement, a poursuivi la représentante, l’approche punitive a entraîné des conséquences sur les communautés les plus défavorisés, notamment les femmes vivant en milieu rural ou les personnes d’ascendance africaine. Insistant sur le fait que cette politique n’a pas eu de conséquences sur la criminalité, elle a indiqué que, pour ces raisons, le Gouvernement colombien a décidé de changer de méthode et d’approche. La nouvelle politique se concentre aujourd’hui sur les droits de la personne et s’attaque aux revenus des groupes criminels générés par le trafic d’armes, d’espèces exotiques ou des personnes, a-t-elle précisé, ajoutant que cette stratégie cible aussi le blanchiment d’argent.  Pour que cette politique soit couronnée de succès, une coopération internationale plus étendue est nécessaire, a plaidé la représentante.

M. ZENON NGAY MUKONGO (République démocratique du Congo) a mis en évidence le rapport étroit existant entre la criminalité transnationale organisée et les conflits armés en Afrique, notamment dans son pays.  La République démocratique du Congo vit depuis 30 ans les affres des conflits armés récurrents dans sa partie est, devenue le théâtre d’activités de groupes armés, a rappelé le représentant.  Accusant en particulier le Mouvement du 23 mars (M23) de tirer profit de l’exploitation illicite des ressources minières pour se procurer des armes en vue de semer l’insécurité, il a souligné que l’Afrique centrale est affectée par les activités criminelles de groupes armés tels que l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), Boko Haram, les Forces démocratiques alliées (ADF) et d’autres qui entretiennent des liens avec Daech.

Face aux défis et aux nouvelles menaces qu’entraîne la criminalité transnationale organisée, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à appuyer les mesures de prévention des crimes, de justice pénale et de lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles.  Il l’a également invité à se pencher sur le renforcement du cadre juridique portant sur la lutte contre la cybercriminalité.  Il a enfin souligné l’importance de la coopération avec les organisations sous-régionales, régionales et nationales pour renforcer les stratégies de riposte face à ces formes de criminalité organisée.

M. KIM SANGJIN (République de Corée) a constaté que l’accroissement des échanges entre les pays a entraîné une augmentation de la criminalité transfrontalière, notamment le trafic des êtres humains, de drogue et d’armes, qui s’ajoutent au terrorisme et à la corruption.  Dans ce nouvel environnement, la criminalité transnationale organisée est devenue une menace tangible qui affecte la sécurité nationale et régionale.  Elle a indiqué que son pays soutient un programme de renforcement des capacités de réponse à la criminalité et de la coopération entre les pays d’Asie du Sud-Est, notamment par l’entremise du Réseau pour la justice en Asie du Sud-Est (SEAJust), avec l’appui de l’ONUDC.  En tant que membre de la Commission des stupéfiants pour la période 2022-2025, la République de Corée s’efforce également de répondre au problème international de la drogue, en tenant compte du lien entre la fabrication et le trafic de stupéfiants.  Le représentant a ensuite appelé à mettre un terme au flux illicite d’armes, notamment le détournement et le trafic d’armes et de munitions entre les mains de groupes criminels transnationaux.  Il a également dit être préoccupé par les transferts illicites d’armes dans le cadre des embargos décrétés par le Conseil.

Mme NJAMBI KINYUNGU (Kenya) s’est dite préoccupée par l’évolution des gangs qui ressemblent de plus en plus à des milices, une évolution alimentée par les crimes transnationaux.  Ces groupes, a‑t‑elle rappelé, sont de plus en plus audacieux au point d’assumer le pouvoir d’un État « sur des quartiers, des villes, voire des pays entiers ».  La déléguée a appelé le Conseil de sécurité à reconnaître cette « tendance alarmante » qui pose un défi direct à l’ordre international et jugé que ce phénomène pouvait être combattu par la mise en place de partenariats efficaces en matière de sécurité pour éradiquer les réseaux criminels transnationaux, y compris dans le cyberespace, par le renforcement de la collaboration entre les organes et agences des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales, et par l’utilisation par le Conseil de sécurité des « outils dont il dispose », comme l’imposition de sanctions aux réseaux criminels.  La déléguée s’est félicitée de l’adoption de la résolution 2699 (2023) autorisant la création d’une mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, mission que le Kenya a proposé de diriger, a‑t‑elle rappelé.  Elle a remercié les pays prêts à soutenir cette mission aux niveaux du personnel, de l’équipement, de la logistique et des fonds.  Elle a enfin salué le plan stratégique de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), qui prévoit des programmes de prévention de la criminalité et une facilitation de la réforme de la justice.

Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) s’est alarmée de l’impact mondial de ce phénomène complexe qui a augmenté de manière considérable et permis aux groupes criminels de s’adapter aux nouvelles technologies et de diversifier leurs activités. « La criminalité transnationale organisée pèse désormais sur la sécurité des États et entrave le développement politique, socioéconomique et culturel des peuples. »  La traite des êtres humains, les trafics illicites de migrants et d’armes et le blanchiment d’argent minent la capacité des États à offrir des services de base à leurs citoyens, et alimentent les conflits armés, a poursuivi la représentante.  À cet égard, elle a pressé les États parties à la Convention de Palerme de promouvoir la pleine mise en œuvre des dispositions de la Convention et de ses trois protocoles.  Il faut intégrer dans le droit interne tous les délits et crimes prévus, a‑t‑elle insisté.  De même, la représentante a préconisé un renforcement de l’ordre juridique interne, de l’état de droit, de l’entraide judiciaire et des mécanismes d’extradition. Enfin, elle a appelé à un dialogue entre les pays d’origine, de transit et de destination, et à consolider la coopération technique entre les États. 

M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a déclaré qu’en Asie du Sud-Est, la cybercriminalité est l’une des principales menaces émergentes posées par la criminalité transnationale organisée.  Sur le plan national, il a parlé des victimes des escroqueries à l’investissement et des jeux d’argent en ligne.  Depuis le coup d’État militaire de 2021, la « junte illégale » mène une campagne de violence brutale pour contraindre le peuple du Myanmar à se soumettre, a dénoncé le représentant, énumérant ensuite une longue liste des graves crimes internationaux commis contre la population civile, comme les massacres, les actes de torture et les violences sexuelles.  L’effondrement de l’état de droit, la corruption endémique, le chômage de masse et l’instabilité, assortis du manque de légitimité de la junte, sont des conditions parfaites pour que la criminalité transnationale organisée s’enracine et prospère dans le pays, a prévenu le délégué.

Ces dernières années, a-t-il poursuivi, le Myanmar est devenu un hôte majeur de l’arnaque en ligne et de la traite des êtres humains, à cause de la junte militaire, notamment les généraux impliqués dans des activités d’escroquerie en ligne.  Leurs victimes proviennent de plus de 46 pays, a-t-il précisé.  Le représentant a souhaité que les syndicats de la criminalité organisée au Myanmar soient éliminés et que les responsables rendent des comptes.  À cette fin, a conseillé le représentant, il faut un partenariat entre le Gouvernement d’unité nationale, les pays voisins, les mouvements de résistance ethnique et les forces de défense populaires.

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a recommandé de renforcer la coopération et les partenariats stratégiques avec les organisations internationales et régionales pour contrer la criminalité transnationale organisée et ses répercussions sur la sécurité internationale.  Conformément à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, son pays a établi des politiques et des législations destinées à lutter contre le terrorisme et son financement, le blanchiment d’argent et la traite des êtres humains.  Il s’est félicité, à cet égard, du travail effectué par le Comité national de lutte contre la traite des personnes et de la création d’un centre intégré de protection et de soutien des travailleurs expatriés.  Le Royaume poursuit également sa coopération dans la lutte contre le terrorisme en gelant les avoirs des personnes et entités terroristes figurant sur les listes du Conseil de sécurité et en remplissant ses obligations à titre de membre du Groupe d’action financière (GAFI).  Le représentant a ensuite exhorté la communauté internationale à répondre à l’initiative de son pays en vue de l’adoption d’une convention internationale visant à criminaliser les discours de haine et à prévenir l’utilisation abusive des médias et des plateformes numériques pour inciter à l’intolérance et au terrorisme. 

M. HOANG NGUYEN NGUYEN (Viet Nam) a déclaré que pour répondre aux défis posés par la criminalité transnationale organisée, il faut « de la coopération et de la détermination ».  Il ne s’agit pas seulement de lutter contre ce fléau mais aussi de s’attaquer à ses causes profondes.  La coopération implique en outre une gestion commune des frontières, de la cybersécurité et de l’information sur les tactiques des groupes criminels, a poursuivi le délégué, en tenant compte des besoins sécuritaires de chaque État.  Il faut dès lors créer des canaux de communication efficaces.  En ce qui le concerne, le Viet Nam est pleinement engagé dans cette coopération, sur les plans national, bilatéral et régional, a assuré le délégué, et ses lois relatives au trafic de stupéfiants, des personnes, du blanchiment d’argent et autres activités illicites ont été renforcées. Le Gouvernement a également mis l’accent sur l’élaboration et la mise en œuvre d’accords d’extradition, de même que sur l’application du Plan d’action de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) contre la criminalité transnationale organisée.  Le Viet Nam est engagé à s’acquitter de toutes ses obligations relatives à la Convention de Palerme et ses protocoles facultatifs, et reste disponible pour partager son expérience. 

M. AMAR BENDJAMA (Algérie) a expliqué que la frontière entre la criminalité organisée et le terrorisme était de plus en plus floue, car ces deux phénomènes « se renforcent mutuellement » et déstabilisent régions et États.  Évoquant les menaces que représentent les terroristes en Afrique, financés par des réseaux criminels de trafic d’armes, de drogue et de personnes à travers les frontières, il a rappelé les ressources importantes engagées par son pays pour lutter contre la criminalité organisée par le biais de partenariats bilatéraux et multilatéraux.  Le représentant a rappelé que la communauté internationale devait donner la priorité à la stabilité et à la gouvernance de l’Afrique pour lutter contre ces fléaux, en soulignant le rôle déstabilisateur joué par le trafic de drogue, le paiement de rançons aux terroristes dans les affaires d’enlèvement ou encore les flux financiers illicites.  L’Algérie a mis en place des capacités de cybersécurité et compte sur la collaboration internationale « pour réguler l’écosystème en ligne », a-t-il poursuivi en saluant la proposition de convention des Nations Unies sur la cybercriminalité et en rappelant que l’Algérie disposait d’une législation solide contre les réseaux de traite des êtres humains.  L’assistance de l’ONUDC et d’autres agences des Nations Unies, ainsi que des réseaux communautaires d’ONG, est vitale en la matière, a-t-il conclu, en disant sa détermination à trouver des solutions multilatérales contraignantes à ces problèmes.

M. ROBERT RAE (Canada) a souligné les liens existants entre la criminalité organisée et la pandémie de COVID-19, la dépendance accrue au numérique et la cybercriminalité, qui, toutes, ont favorisé le développement de la criminalité transnationale organisée.  Rappelant que cette dernière contribue aux conflits et à l’instabilité politique et socioéconomique, il a relevé que la corruption a un effet multiplicateur sur ladite criminalité, tout en entravant la mise en œuvre de mesures de lutte efficaces.  À cet égard, il a souligné que la prévention et la lutte contre la corruption, ainsi que la promotion de la primauté du droit, sont des éléments essentiels des efforts contre la criminalité transnationale.

Au Canada, a poursuivi le délégué, la prévention et la lutte contre la criminalité organisée sont centrées sur les victimes, en tenant compte de leurs droits et des facteurs sociodémographiques, afin de mieux cibler les efforts et de protéger les victimes.  À ce titre, il s’est félicité de la contribution de son pays à la boîte à outils de l’ONUDC sur l’intégration de la dimension de genre et des droits de la personne, appelant les États à consulter cette boîte à outils pour élaborer leurs politiques de lutte.

Mme MARKOVA CONCEPCIÓN JARAMILLO (Panama) a jugé impératif de renforcer les cadres juridiques nationaux et d’améliorer les capacités d’application de la loi pour mieux lutter contre la criminalité organisée en incluant des stratégies globales qui s’attaquent aux causes sous-jacentes de la criminalité.  La création d’équipes d’enquête conjointes et l’harmonisation des lois et des protocoles permettent d’apporter des réponses plus efficaces, a noté la représentante soulignant le rôle des organisations régionales en matière de facilitation de la coordination entre États Membres.

Relevant la croissance exponentielle du trafic illicite de migrants, encouragée par des réseaux criminels utilisant des technologies, la déléguée a noté que depuis le début de l’année, plus de 500 000 personnes ont traversé le Panama en passant par le parc national du Darien.  Signalant les opérations stratégiques de sécurité menées par le centre régional des opérations aéronavales pour lutter contre le trafic de migrants par voies maritime et aérienne, la représentante a estimé que son pays agit de manière cohérente et responsable par rapport à ses engagements internationaux.  En outre, un système coordonné de lutte globale contre les activités criminelles liées à la criminalité transnationale organisée a été créé par une commission nationale de haut niveau, s’est félicitée la représentante.  Elle a également signalé que son pays était doté de cinq lois sur la fiscalité, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, modifiées en 2021, et qu’un projet de loi relatif à l’extinction de la propriété des biens liés aux activités illicites était à l’examen.  Le Panama pratique aussi une étroite collaboration avec des partenaires régionaux et internationaux en matière de partage d’informations, a-t-elle encore indiqué.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a jugé nécessaire de s’attaquer à la « complicité politique ou étatique » croissante dans la répression des activités des groupes criminels transnationaux, dénonçant les États qui continuent de fournir un soutien et un refuge aux membres de syndicats du crime.  Ces États devraient être tenus pour responsables de leurs actions, a-t-elle estimé. Elle a également dénoncé le fait que de nombreux États accordent la citoyenneté économique à des criminels et à des délinquants économiques en leur fournissant des sanctuaires afin de leur permettre d’échapper à leur arrestation et à leur extradition vers d’autres pays, en échange de quoi ces individus versent d’importantes sommes en devises étrangères. 

Notant que les États Membres qui souffrent d’une mauvaise gouvernance et d’une surveillance inadéquate des institutions financières sont plus vulnérables à l’exploitation par les entités terroristes et le monde du crime organisé, la représentante a appelé à la mise en œuvre des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) sur le renforcement des structures de gouvernance des actifs financiers et économiques pour contrer cette menace.  Elle a encouragé la coopération entre les services répressifs et les gouvernements du monde entier en matière de collecte, d’échange de renseignements et de mesures dissuasives.  Il convient notamment de renforcer et de rationaliser la coopération dans les procédures judiciaires en ce qui concerne le gel effectif des produits du crime, le retour rapide des délinquants et le rapatriement efficace des produits du crime, a-t-elle plaidé, avançant l’idée d’une plateforme commune pour partager les expériences et les meilleures pratiques.  Avant de conclure, elle s’est posé la question de savoir si le monde dispose d’une infrastructure de paix représentative de l’époque actuelle et des réalités contemporaines.  À ses yeux, « le Conseil de sécurité d’hier semble être toujours en retard aujourd’hui ». 

M. PAUL BERESFORD-HILL, de l’Ordre souverain de Malte, a dénoncé le fléau de la traite des êtres humains comme une pratique qui s’attaque surtout aux femmes et aux enfants et qui rapporte chaque année au moins 150 milliards de dollars aux organisations criminelles.  Il a rappelé que 50% des victimes de la traite sont condamnées à l’exploitation sexuelle alors que d’autres tombent dans le système transnational de l’esclavage moderne.  Ce fléau touche tous les pays qu’ils soient d’origine, de transit ou de destination.  Faisant état de l’implication de l’Ordre de Malte dans les efforts de prévention en Ukraine, où les trafiquants d’êtres humains ont afflué pour exploiter les personnes en fuite, il a expliqué que l’Ordre a notamment collaboré avec les opérateurs de téléphonie mobile et les entreprises de télécommunication pour diffuser l’information le plus efficacement possible, en envoyant des textos en plusieurs langues pour informer les réfugiés sur la traite. 

Le représentant a mis le Conseil de sécurité en garde contre les risques une fois que les hostilités cesseront enfin dans la bande de Gaza.  Selon des rapports non confirmés, de 10 000 à 17 000 enfants sont séparés de leur famille, a‑t‑il relevé, en appelant les agences des Nations Unies et les ONG présentes dans la région à tout faire pour empêcher une recrudescence de la « commercialisation » de ces enfants par des criminels transnationaux sans scrupules. 

Mme BOLA ASAJU (Nigéria) a jugé que la nature interconnectée des activités criminelles exige des stratégies innovantes et une coopération internationale pour contrecarrer leurs répercussions sur la stabilité et la sécurité mondiales.  Insistant sur la nécessité de traduire les auteurs d’activités criminelles en justice, elle a évoqué l’expérience du Nigéria concernant les activités terroristes de Boko Haram dans le nord-est du pays et la criminalité connexe du banditisme dans les régions du nord-ouest et du centre.  Au-delà de l’approche répressive, il est essentiel, selon elle, de s’attaquer à l’économie sociopolitique de la criminalité organisée de manière globale.  Pour ce faire, il importe de renforcer les capacités des États face à la menace que représente la criminalité organisée, y compris le terrorisme, a-t-elle souligné.

La représentante a ensuite souhaité que la dixième session de la Conférence des États parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption, qui se tiendra en décembre à Atlanta, aux États-Unis, constitue une véritable plateforme pour discuter des mesures de lutte contre ce problème afin d’endiguer la criminalité et de promouvoir la paix et la sécurité à l’échelle mondiale. Rappelant par ailleurs le rôle joué par les Nations Unies pour sensibiliser au sort des victimes de la criminalité organisée, elle a appelé à renforcer l’éducation des communautés, à intensifier les partages d’expérience et d’informations entre les États et à tirer parti de la technologie pour perturber les activités criminelles. Enfin, elle a souligné l’importance de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité organisée, notamment la pauvreté, les conflits et les drogues illicites.

La joie du mois de décembre, a dit M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka), est assombrie par des milliers de morts dues aux conflits, dans un contexte où les revenus de la criminalité internationale organisée dépassent l’aide publique au développement (APD), sans parler des innombrables vies humaines qu’elle emporte chaque année.  C’est un phénomène qui ne cesse d’évoluer, transcendant les frontières culturelles, linguistiques et géographiques.  C’est un phénomène qui ne connaît ni règle ni frontière et qui va de pair avec les violations des droits humains, profitant des progrès technologiques pour s’adapter et garder un pas d’avance. 

Comment relever ce défi?  Par la coopération internationale, les lois, une forte répression et le démantèlement des réseaux criminels, a répondu le représentant.  Sri Lanka, a-t-il indiqué, a pris plusieurs mesures pour répondre à ce phénomène mais l’important est d’adopter des stratégies et des mécanismes contre la nature sans cesse changeante de ce type de criminalité.  À cet égard, il a salué le rôle de l’ONU qui promeut la coopération grâce à des conventions et des initiatives de renforcement des capacités juridiques et d’échanges d’information entre États Membres.  Le représentant a jugé efficace d’appuyer les agences de détection et de répression et leur coopération avec les organismes des Nations Unies comme l’ONUDC.  Il a également insisté sur la lutte contre la corruption et les partenariats judiciaires au niveau mondial. 

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