9465e séance – matin
CS/15477

Réfugiés: le HCR a urgemment besoin de 600 millions de dollars d’ici à la fin de l’année, déclare M. Filippo Grandi devant le Conseil de sécurité

Alors que le nombre de réfugiés dans le monde bat de « tristes records » et que les perspectives pour l’année prochaine sont « sombres », le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a besoin de 600 millions de dollars d’ici à la fin de l’année, a déclaré ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi.

Le HCR n’est pas seul dans cette situation, a-t-il en outre informé, en signalant que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), le Programme alimentaire mondial (PAM), l’UNICEF et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sont tous confrontés à la même crise financière.  Ces agences ont été obligées de supprimer des rations, des abris, du personnel, dans l’espoir de maintenir une bouée de sauvetage pour ceux qui en ont besoin. « Mais la bouée de sauvetage s’amincit de jour en jour. »

Ces besoins en financement urgent s’expliquent par plusieurs facteurs, notamment le nombre croissant de réfugiés dans le monde, 114 millions selon les derniers chiffres. Ils s’expliquent aussi par la réduction du nombre de grands donateurs et de l’aide qu’ils apportent; par le nombre de donateurs qui pourraient aider, mais ne s’engagent pas dans un soutien multilatéral; par le « désordre extrême » qui règne dans le monde aujourd’hui; et par le non-respect des règles fondamentales de la guerre.  Cette tendance devient même la norme et non plus l’exception, a déploré M. Grandi.

Pour illustrer ses propos, le haut fonctionnaire onusien a pris les exemples de l’Italie où affluent des migrants fuyant leurs pays; du Liban où une personne sur quatre est un réfugié palestinien ou syrien; de la République démocratique du Congo (RDC) où la violence horrible contre les femmes est répandue comme outil de guerre; de l’Arménie où 100 000 réfugiés ont fui le Karabakh en quelques jours; ou encore de l’Ukraine où plus de 11 millions de personnes ont été forcées de quitter leurs maisons après l’invasion russe.  Quant à Gaza, ce sont plus de deux millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, qui vivent « l’enfer sur terre ».

Le Haut-Commissaire a déploré, dans ce contexte, que l’on demande aux humanitaires de recoller les morceaux et d’aider davantage de personnes, dans davantage d’endroits, sans qu’ils ne disposent des fonds nécessaires.  Il a appelé le Conseil de sécurité à ne pas sous-estimer la gravité du moment, à surmonter ses divisions et à exercer son autorité dans la situation de Gaza.  « Les choix que vous faites ou que vous ne parvenez pas à faire nous marqueront tous, ainsi que les générations à venir », a-t-il prévenu.

Cet appel à l’action a été retenu par nombre de membres du Conseil, estimant, comme la Suisse, qu’on ne peut rester indifférent face à la réalité de ces personnes qui ont dû fuir la guerre, la violence ou encore les catastrophes naturelles.  Les donateurs ont été appelés à augmenter leur soutien financier au HCR, d’autant que le déblocage de seulement 32% sur les 10,8 milliards de dollars qui lui étaient promis pour 2023 est insuffisant, a mesuré le Ghana.

La France assume sa part de responsabilité, a assuré son représentant: elle a augmenté sa contribution au HCR en 2022 et fera de même cette année, ayant déjà versé près de 95 millions d’euros.  Les États-Unis ont déclaré avoir contribué à l’UNRWA à hauteur d’un milliard de dollars depuis 2021, en plus des centaines de millions de dollars versés au HCR.  Le Japon a également fait valoir qu’il reste un grand contributeur du HCR, tandis que le Royaume-Uni a annoncé un soutien humanitaire supplémentaire de 5,5 millions de dollars en faveur des réfugiés Rohingya.  Le Gabon, lui, va contribuer à hauteur de 2 millions de dollars au HCR en soutien aux conséquences de la crise au Soudan dans les pays voisins comme le Tchad et la République centrafricaine.

Au-delà du soutien financier à apporter à l’action humanitaire, des délégations ont aussi plaidé pour des approches innovantes, d’autant, a relevé l’Équateur, que les conditions qui conduisent au déplacement sont présentes dans toutes les régions du monde.  « Nous ne pouvons plus dépendre des solutions du XXe siècle », ont estimé les États-Unis, disant attendre que le deuxième Forum global sur les réfugiés, qui se tiendra en décembre à Genève, ouvre la voie à une nouvelle coalition rassemblant le secteur privé et d’autres acteurs.  L’Albanie a d’ores et déjà lancé, en septembre dernier, une alliance entre les secteurs privé et humanitaire, qui devrait servir de plateforme pour mobiliser les ressources dès les premières heures des crises humanitaires, a indiqué sa délégation.

Dans toute approche à la question des réfugiés, l’importance du respect des principes d’égalité, de non-discrimination et de non-refoulement a été rappelée, notamment par le Brésil et la Chine.  La Fédération de Russie a dénoncé à ce propos le fait que les pays côtiers de l’Union européenne, au lieu de porter assistance aux personnes en détresse en mer, les poussent délibérément hors de leur juridiction, les condamnant à la mort, et ce, afin de préserver leur « jardin fleuri » des « invités de la jungle ».

Concernant la situation spécifique de Gaza, où plus de 60% des civils ont été déplacés, des membres du Conseil ont aussi appelé à une action plus ciblée d’Israël et du Conseil de sécurité.  Le premier doit entendre l’appel de la résolution de l’Assemble générale et renoncer à son ordre d’évacuer la bande de Gaza.  Le second doit faire tout son possible pour parvenir à un cessez-le-feu humanitaire et soutenir financièrement et de manière durable l’UNRWA, ont demandé Malte, la Chine, les Émirats arabes unis et le Brésil.  Un cessez-le-feu humanitaire peut au moins arrêter cette spirale de mort.  « Le monde attend que vous le fassiez », a conclu M. Grandi.

EXPOSÉ DU HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS

Déclarations

M. FILIPPO GRANDI, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a donné les derniers chiffres sur les personnes déplacées et réfugiées dans le monde: elles seraient 114 millions.  Il y a vu un symptôme tangible, mais parfois négligé, du désordre extrême qui règne dans le monde aujourd’hui, ainsi que du non-respect des règles fondamentales de la guerre.  Ce non-respect devient de plus en plus la norme et non plus l’exception, a-t-il déploré. Faisant référence au conflit en cours à Gaza, il a estimé que plus de deux millions de Gazaouis, dont la moitié sont des enfants, vivent « l’enfer sur terre ». Or, un cessez-le-feu humanitaire peut au moins arrêter cette spirale de mort, a-t-il dit, ajoutant espérer que le Conseil de sécurité surmontera ses divisions et exercera son autorité.  « Le monde attend que vous le fassiez. »

M. Grandi a ensuite déclaré qu’au cours de ses nombreuses années d’expérience, y compris à la tête de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), il a observé que le règlement du conflit israélo-palestinien était toujours décrit comme « infaisable ». Il a assuré que ce n’est pas le cas, expliquant que ce conflit a tout simplement été négligé à plusieurs reprises et délibérément mis de côté, presque ridiculisé, comme quelque chose de non nécessaire.  Aujourd’hui, au milieu des horreurs de la guerre, nous pouvons au moins voir à quel point cette erreur de calcul a été grave, a déclaré le haut fonctionnaire, ajoutant qu’il n’y aura pas de paix dans la région et dans le monde sans une solution juste au conflit israélo-palestinien.  Cela inclue la fin de l’occupation israélienne, a-t-il précisé. Il a espéré que les remarques du Secrétaire général formulées au Conseil la semaine dernière aideront tout le monde à réfléchir à la nécessité de tourner cette sombre page.

Le Haut-Commissaire a également pris exemple sur d’autres pays, où la situation des réfugiés exige également une attention, notamment l’Italie où afflue des migrants fuyant leurs pays; le Liban, ébranlé par l’effondrement économique dans un pays où une personne sur quatre est un réfugié palestinien ou syrien; la région du Sahel central, où la violence brutale qui terrorise les civils depuis des années augmente à nouveau; la République démocratique du Congo (RDC), où la violence horrible contre les femmes est répandue comme outil de guerre; l’Arménie, où 100 000 réfugiés ont fui le Karabakh en quelques jours; ou encore l’Ukraine, où plus de 11 millions de personnes ont été forcées de quitter leur maison après l’invasion russe.

Il a relevé qu’on demande aux humanitaires de recoller les morceaux et d’aider davantage de personnes, dans davantage d’endroits, alors qu’ils ne disposent pas des fonds nécessaires.  Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) à lui seul a un besoin urgent de 600 millions de dollars d’ici à la fin de l’année, a-t-il informé. Il a prévenu que les perspectives pour l’année prochaine sont sombres, avec de grands donateurs qui réduisent l’aide et d’autres qui pourrait aider, mais ne s’engagent pas dans un soutien multilatéral.  Il a rappelé que l’UNRWA, dont le rôle crucial est désormais clair pour tout cela, a été chroniquement sous-financé.  Le Programme alimentaire mondial (PAM), l’UNICEF et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sont tous confrontés à la même crise financière dans le cadre de leurs activités humanitaires et ils ont été obligés de supprimer des rations, des abris, du personnel, dans l’espoir de maintenir une bouée de sauvetage pour ceux qui en ont besoin.  Mais la bouée de sauvetage s’amincit de jour en jour, a mis en garde M. Grandi.  Il a averti en conclusion que la gravité de ce moment ne peut être sous-estimée. « Les choix que vous faites ou que vous ne parvenez pas à faire nous marqueront tous, ainsi que les générations à venir. »

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a dit que face aux nombreux défis dans le monde, le Conseil de sécurité doit faire la différence au moins à Gaza où il doit garantir la fourniture de l’aide humanitaire.  Le Conseil doit protéger les civils gazaouis et répondre à leurs besoins, a-t-elle insisté.  La représentante a demandé une protection pour les 42 millions d’enfants déplacés dans le monde ainsi que pour les millions de femmes déplacées qui font face aux violences sexuelles et sexistes.  Elle a déploré la marginalisation des personnes LGBTQ dans leurs propres pays qui les poussent à chercher l’exil.  Saluant la nouvelle approche du HCR, la déléguée a appelé à surmonter les obstacles à l’acheminement de l’aide dans de nombreux pays.

La déléguée a outre attiré l’attention sur la crise des migrants en Méditerranée en demandant la protection de leurs droits humains d’abord et en gérant la crise par le biais de partenariats ensuite.  Elle a rappelé que la guerre de la Russie en Ukraine a poussé des millions de personnes au déplacement et que celles-ci ont besoin d’aide.  En conclusion, la représentante a prié le Conseil de trouver des solutions aux causes des multiples crises notamment les changements climatiques et la gouvernance.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a dit s’engager en faveur des mécanismes multilatéraux pour faire face à la situation des réfugiés, y compris la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967.  Tout aussi important, les États Membres doivent respecter leurs obligations au titre du Pacte mondial sur les réfugiés et du Pacte mondial sur les migrations, car ils offrent des conseils sur la manière de soutenir efficacement les réfugiés et les communautés d’accueil.  Il a aussi encouragé l’approfondissement de la coopération entre les cadres multilatéraux et les mécanismes régionaux afin d’apporter des réponses rapides et durables à leur situation.  À cet égard, le délégué a appelé à accorder davantage d’attention au renforcement des mécanismes régionaux d’alerte précoce, tels que les systèmes d’alerte précoce de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine (UA), afin de garantir une action rapide et d’éviter la détérioration de telles situations.  Il a aussi jugé important de mobiliser un soutien pour remédier aux déficits de gouvernance et de développement à l’origine de nombreux conflits et d’instabilité politique.  D’autres facteurs aggravants tels que les changements climatiques doivent aussi être surveillés de près, les données disponibles suggérant qu’environ 70% des réfugiés et 80% des personnes déplacées en raison d’un conflit proviennent de pays également très vulnérables au dérèglement climatique.  Enfin, le délégué a réitéré son appel aux États Membres et aux partenaires donateurs pour qu’ils augmentent leur soutien financier au HCR, afin qu’il puisse répondre aux besoins humanitaires croissants résultant des déplacements à l’échelle mondiale.  Débloquer seulement 32% de la somme globale des 10,8 milliards de dollars promis pour 2023 demeure insuffisant, a-t-il souligné.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a souligné que 110 millions de personnes sont actuellement déplacées dans le monde, un « triste record ».  Il a demandé de ne pas rester indifférent face à la réalité de ces personnes qui ont dû fuir la guerre, la violence ou encore les catastrophes naturelles.  Il a aussi relevé que si les besoins humanitaires ne cessent d’augmenter, ce n’est pas le cas des ressources financières.  En ce qui concerne l’accès humanitaire, il a appelé les parties concernées à veiller à ce qu’il soit rapide, sûr et sans entrave, conformément au droit international humanitaire.

L’aide humanitaire doit aller de pair avec la résolution des conflits et, surtout, avec des efforts de prévention, a fait valoir le délégué qui a appelé à rompre le cercle vicieux des conflits et des déplacements pour initier un cercle vertueux fondé sur le principe de responsabilité et de prévention, en luttant contre l’impunité.  À cet effet, il a souhaité que le Conseil et les missions de maintien de la paix de l’ONU examinent le lien entre les changements climatiques, la paix et la sécurité.  Pour améliorer la prévention et la résolution des cas de séparation et de disparition, la Suisse, en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a établi l’Alliance mondiale pour les personnes disparues, a-t-il rappelé. Il s’est en outre félicité de la participation de réfugiés au Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra en décembre, à Genève.

Mme MARIA ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a déclaré que parmi les raisons expliquant l’exode des populations hors de leurs pays, il y a des phénomènes négatifs, comme l’ingérence dans les affaires intérieures des États, dictée par la pensée néocoloniale.  Évoquant le cas des Syriens, elle a dit attacher une grande importance à la poursuite des travaux visant à faciliter leur retour volontaire, disant souhaiter que le nombre de retours augmente régulièrement.  Promouvoir la création de conditions favorables au retour des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs lieux de résidence permanente est une étape importante vers la réalisation de stabilisation à long terme en Syrie, a-t-elle dit, appelant le HCR à soutenir la mise en œuvre de l’initiative de retour volontaire des réfugiés syriens dans leur pays.

Elle a également déclaré que depuis l’arrivée au pouvoir de nationalistes ultraradicaux en 2014, des centaines de milliers de Russes et d’habitants russophones d’Ukraine se sont précipités vers La Russie.  Depuis février 2022, plus de 5 millions d’entre eux se sont installés en Russie, qui s’efforce de les accueillir, de les héberger et de leur fournir une assistance complète.  Elle a ensuite attiré l’attention sur la situation tragique des réfugiés d’Afrique, contraints de quitter leurs pays en proie à un conflit ou détruits à la suite de « l’intervention irresponsable des États occidentaux ».

Au lieu de porter assistance aux personnes en détresse en mer, les pays côtiers de l’Union européenne (UE) les poussent délibérément hors de leur juridiction, les condamnant à la mort, a encore dénoncé la représentante.  Certains pays de l’UE interdisent même aux organisations humanitaires de venir en aide aux réfugiés, s’est-elle offusquée.  Ils font tout pour protéger leur « jardin fleuri » des « invités de la jungle », a-t-elle affirmé, disant reprendre les mots de M. Josep Borrell, le Haut-Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne.

M. YAMANAKA OSAMU (Japon) a d’abord rappelé le statut de son pays comme grand contributeur du HCR, avant de condamner, une nouvelle fois et sans équivoque, l’attaque d’une terreur brutale menée par le Hamas contre Israël ainsi que l’enlèvement de civils.  Les otages doivent être libérés immédiatement et sans condition et la communauté internationale ne devrait jamais tolérer de tels actes de haine.  Commentant la situation « catastrophique » à Gaza, le représentant a jugé important de renforcer les efforts diplomatiques pour désamorcer les tensions et les empêcher de se propager dans la région. Face à un monde qui enregistre plus de 110 millions de déplacés, il a estimé qu’il faut surtout se concentrer sur des initiatives de développement durable qui non seulement répondent aux besoins immédiats mais aussi jettent les bases d’une stabilité durable.  De telles stratégies doivent être appliquées au même rythme que les efforts de consolidation de la paix car cette approche à deux piliers peut non seulement traiter des symptômes des déplacements mais aussi de leurs causes sous-jacentes, offrant, ce faisant, des solutions durables.

En intégrant les efforts humanitaires, de développement et de consolidation de la paix, l’on peut ouvrir la voie d’un avenir où les réfugiés et les communautés d’accueil peuvent jouir d’une sécurité humaine et d’une autosuffisance renforcée.  Le Japon, a dit le représentant, a initié un programme sur le nexus humanitaire-développement-paix en prévision du deuxième Forum mondial sur les réfugiés, prévu pour le mois de décembre.  Il est impératif, a-t-il insisté, d’embrasser une approche globale et inclusive, en amplifiant les synergies entre les secteurs public et privé.  Propriétaire de la marque « Uniqlo », Fast Retailing a un partenariat de 12 ans avec le HCR et a, à ce titre, offert un programme de formation coupe-couture au Bangladesh.  De telles initiatives illustrent l’impact positif de la coopération sur la question des réfugiés.  Nous appelons, a conclu le représentant, les autres États à forger des partenariats similaires, lesquels sont significatifs pour les réfugiés.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a mentionné la « catastrophe humanitaire » à Gaza, où l’aide humanitaire ne rentre qu’au compte-gouttes, après l’attaque du 7 octobre dernier.  Les effets dans la région sont réels, en particulier au Liban qui accueille déjà des centaines de milliers de réfugiés syriens et palestiniens, dans un contexte de crise politique et économique.  Le représentant a appelé à la mobilisation pour partager le fardeau avec le Liban et la Jordanie.  L’année 2023 était déjà marquée par un triste record, avec près de 110 millions de personnes déplacées de force dans le monde.  Dans ce contexte, le représentant a rappelé que le mandat du HCR demeure plus que jamais fondamental et doit répondre à des crises nouvelles, comme le conflit au Soudan, qui a contraint près de six millions de personnes à fuir leur foyer, ou encore le déplacement de plus de 100 000 personnes, soit la totalité de la population du Haut-Karabagh, suite à l’opération de l’Azerbaïdjan.

Déterminée à rester mobilisée pour répondre aux urgences humanitaires, la France, a-t-il dit, a significativement augmenté sa contribution au HCR en 2022 et poursuivra cette hausse cette année, ayant déjà versé près de 95 millions d’euros et assumant sa part de responsabilité par l’accueil et la réinstallation de réfugiés sur son territoire.  Le délégué a enfin prévenu qu’il ne transigera pas avec les principes fondamentaux du droit au retour des réfugiés.  En Syrie, où « le régime poursuit sa politique d’ingénierie démographique soigneusement mise à l’œuvre depuis le début du conflit », les conditions d’un retour digne, sûr et volontaire ne sont pas encore réunies. Seul le régime syrien peut lever les obstacles au retour et il est essentiel que le HCR puisse assurer un suivi effectif des réfugiés syriens rapatriés, a souligné le délégué français.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a exprimé sa préoccupation quant au sort des Palestiniens qui vivent au quotidien sous le joug du Hamas, plusieurs étant aujourd'hui déplacés bien qu’ils ne soient pas responsables de la situation actuelle.  Les États-Unis mettent tout en œuvre pour remédier à la situation humanitaire urgente à Gaza, a assuré le représentant, en rappelant que son pays a contribué à l’UNRWA à hauteur d’un milliard de dollars depuis 2021.  Qui plus est, le Gouvernement américain verse des centaines de millions de dollars au HCR, et lui apporte un soutien sans faille, a-t-il ajouté.  Le deuxième Forum global sur les réfugiés qui se tiendra en décembre à Genève sera l’occasion pour les États Membres de s’engager à accroître leur aide aux réfugiés. Pour y parvenir, le représentant a estimé que le Forum doit aller au-delà des modes de financement traditionnels afin d’ouvrir la voie à une nouvelle coalition rassemblant le secteur privé et d’autres acteurs.  De plus, les réfugiés doivent être associés étroitement à ces efforts et aux solutions. « Nous ne pouvons plus dépendre des solutions du XXe siècle, car les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont des problèmes du XXIe siècle », a déclaré le représentant, en appelant à des approches innovantes pour résoudre les crises prolongées.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a déclaré que les chiffres entendus aujourd’hui devraient alarmer et pousser à une action concertée.  En tant que Conseil de sécurité, il y une obligation morale qui s’impose et qui exige des solutions durables pour répondre à la problématique des déplacements forcés, tout en venant en aide aux communautés d’accueil.  Cela exige un appui financier, a dit le représentant, ajoutant que le secteur privé à un rôle important à jouer en la matière.  Il peut apporter, appui, financements et technologies, y compris de pointe, pour aider les acteurs humanitaires à effectuer leur travail. Consciente de cela, l’Albanie, a indiqué le représentant, a lancé au mois de septembre dernier, une alliance entre les secteurs privé et humanitaire, qui devrait servir de plateforme pour mobiliser les ressources dès les premières heures des crises humanitaires. Cette plateforme devrait également faciliter la coordination des efforts humanitaires, en suivant les principes pertinents des Nations Unies.

M. EUFRÁSIO JOSÉ MARIA IRACHANDE GOUVEIA (Mozambique) a dénoncé l’accueil hostile et la diabolisation des réfugiés dont le traitement diffère selon leur origine dans certaines destinations.  Le Mozambique accueille plus de 28 000 demandeurs d’asile et des millions de déplacés, a informé le représentant assurant que le Gouvernement mozambicain assume son devoir de générosité à leur égard.  Il a salué le travail du HCR et entendu le message du Haut-Commissaire.  Il a promis d’en faire l’écho notamment au deuxième Forum mondial sur les réfugiés qui aura lieu en décembre de cette année.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a d’abord appelé à mettre en lumière les crises négligées.  Ainsi, en 2017, plus de 740 000 Rohingya ont fui « l’horrible nettoyage ethnique » au Myanmar et ont cherché refuge au Bangladesh. Ils restent vulnérables et tributaires d’une aide qui va en diminuant.  C’est pourquoi, ce mois-ci, le Royaume-Uni, le HCR et les États-Unis ont organisé conjointement un événement de haut niveau sur les réfugiés rohingya, au cours duquel le Royaume-Uni a annoncé un soutien humanitaire supplémentaire de 5,5 millions de dollars en leur faveur.

Le délégué a aussi appelé à créer des conditions permettant aux réfugiés de rentrer chez eux de manière sûre, volontaire et digne.  Concernant la Syrie, par exemple, de nombreux réfugiés de la région souhaitent rentrer chez eux, mais déclarent ne pas se sentir en sécurité pour ce faire, a-t-il relevé.  Le Conseil, ainsi que toutes les délégations ayant de l’influence, doivent insister pour que ces conditions soient réunies.  Outre les conflits, les changements climatiques entraînent également des déplacements de population.  En conséquence, le Royaume-Uni s’associera aux Émirats arabes unis lors de la COP28 pour accroître l’accès au financement climatique pour les plus vulnérables, y compris les personnes déplacées, afin de contribuer à réduire les déplacements et l’instabilité liés au climat.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a incité la communauté internationale à déployer des efforts urgents pour soutenir les personnes déplacées et les réfugiés.  Il est crucial de faire en sorte que ces personnes aient accès aux services de base, notamment aux soins de santé, à la nourriture et à l’eau potable.  Pour ce faire, il faut renforcer la coordination entre l’ONU, les organisations humanitaires et les pays d’accueil.  Même avant la présente guerre à Gaza, qui a entraîné le déplacement de plus de 60% des civils, les deux tiers de la population étaient des réfugiés qui vivaient déjà dans des conditions difficiles.  La situation s’est considérablement détériorée depuis les frappes aériennes aveugles et l’imposition d’un siège qui a coupé l’accès à l’électricité, à l’eau et au carburant.  Actuellement, a poursuivi la représentante, l’aide autorisée à entrer à Gaza représente moins de 4% du volume d’avant-guerre.  Dans ces circonstances, il faut réclamer un accès humanitaire sûr et durable.

En outre, les réfugiés doivent être protégés contre toutes les formes de violence, y compris la violence sexuelle et sexiste, au moyen de programmes de prévention.  Il est tout aussi urgent de protéger les civils des bombardements israéliens, qui ont touché 42% des installations de l’UNRWA.  À cet égard, la représentante a rejeté les tentatives de déplacer par la force les Palestiniens et appelé Israël à annuler son ordre sur l’évacuation de plus d’un million de personnes du nord vers le sud de Gaza.

M. GENG SHUANG (Chine) a reconnu que le nombre de réfugiés dans le monde a atteint des records au moment même où les organisations humanitaires manquent de fonds. Pour répondre à ce double défi, il faut, a dit le représentant, un investissement dans le multilatéralisme, la solidarité, la mobilisation des ressources et l’appui aux pays qui accueillent les réfugiés.  Le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités et répondre aux causes premières des déplacements, que sont les conflits, par la promotion des accords politiques et des garanties d’un retour sûr et ordonné des réfugiés chez eux.  La protection des réfugiés devrait en outre obéir aux règles de neutralité et de non-politisation et les sanctions qui pèsent sur la faculté des États à répondre à la problématique des réfugiés doivent être levées.

Évoquant la situation à Gaza, le représentant a déclaré que la communauté internationale doit faire tout son possible pour parvenir à une désescalade, obtenir un cessez-le-feu humanitaire et soutenir financièrement et de manière durable l’UNRWA. Israël doit entendre l’appel de la résolution de l’Assemble générale et renoncer à son ordre d’évacuer la bande de Gaza.  Par ailleurs, en tant que continent qui abrite le plus de réfugiés au monde, l’Afrique doit recevoir un appui de la communauté internationale et du HCR, a conclu le représentant.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a mis l’accent sur le sort des personnes déplacées par la force et la violence.  Rappelant qu’en 2022, plus de la moitié des demandeurs d’asile venaient de Syrie, d’Ukraine et d’Afghanistan, le représentant a dit craindre que cette tendance se poursuive cette année, puisque la violence liée au conflit, les situations humanitaires critiques, la pauvreté et l’absence de garanties persistent. Les conditions qui conduisent au déplacement sont présentes dans toutes les régions du monde et se sont détériorées à la fin de l’année 2023.  Le représentant a rappelé la réunion de sensibilisation organisée au mois de janvier dernier pour les membres élus du Conseil sur les causes et les conséquences des déplacements et de l’asile dans les conflits.  L’Équateur, a-t-il fait observer, est le pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui compte le plus grand nombre de personnes officiellement reconnues comme réfugiées.

Il est donc essentiel de consolider les alliances aux niveaux national, régional et mondial pour promouvoir des migrations sûres, ordonnées, régulières et responsables, qui garantissent les droits des personnes concernées.  Il faut des actions coordonnées pour lutter contre les réseaux transnationaux de la criminalité organisée qui s’adonnent au trafic illicite de migrants et à la traite des personnes.  Le représentant, qui a souligné l’importance du principe de non-refoulement, a demandé que toute initiative de retour des réfugiés respecte les conditions d’un retour digne, sûr et volontaire.  Il faut combler le déficit du HCR et soutenir les personnes déplacées, a-t-il aussi estimé.

M. CHRISTOPHE NANGA (Gabon) a relevé que les dernières données statistiques du HCR, déjà « effrayantes », ne prenaient pas en compte les conséquences désastreuses de la situation à Gaza depuis le 7 octobre.

En vue d’exprimer sa solidarité et d’assurer sa part de responsabilité dans la nécessaire réponse internationale envers les réfugiés, le Gabon a décidé de donner une contribution de 2 millions de dollars au HCR en soutien aux conséquences de la crise au Soudan dans les pays voisins comme le Tchad et la République centrafricaine (RCA).  Le délégué gabonais s’est dit convaincu que c’est au travers d’une plus grande solidarité et au moyen de la coopération, dans l’esprit du Pacte mondial sur les réfugiés, que la communauté internationale pourra faire face au défi posé par les déplacements forcés.

Le soutien aux pays d’accueil des réfugiés est décisif dans la réponse globale de l’ONU, a poursuivi le représentant.  Une attention particulière est nécessaire concernant les camps de réfugiés qui constituent « des viviers pour le recrutement, l’endoctrinement et la pratique de toutes sortes d’activités criminelles incluant les groupes terroristes », selon le délégué.  Il a enfin appelé à une coopération plus engagée et à davantage d’investissements dans la prévention des conflits, notamment en direction des jeunes, à travers l’éducation, et s’est réjoui de la tenue au Gabon, en décembre prochain, du Forum mondial sur les réfugiés.

M. MAURO VIEIRA (Brésil) a demandé un soutien durable et prévisible de la part de la communauté internationale pour les pays à revenus faibles ou intermédiaires, lesquels accueillent environ 90% des personnes déplacées.  Loin de constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales, ces personnes paient le prix fort de l’incapacité du Conseil de sécurité à assurer la paix, a-t-il fait valoir.  Il a aussi plaidé pour que les États Membres respectent les principes d’égalité, de non-discrimination et de non-refoulement à l’égard des réfugiés.

Pour sa part, le Brésil accorde des visas humanitaires aux personnes touchées par les crises en Afghanistan, en Syrie, en Haïti et en Ukraine, a fait savoir le représentant.  Il a aussi indiqué que son pays a mis en place un programme destiné à faciliter l’accueil et l’intégration des Vénézuéliens arrivés sur son territoire par la frontière nord.  À ses yeux, le Pacte mondial sur les réfugiés témoigne du fait qu’il n’existe pas de solution durable pour ceux-ci sans coopération internationale.  S’agissant de la situation à Gaza, le délégué a appelé à la levée de toute mesure concernant le déplacement forcé de la population civile incompatible avec le droit international.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, reprenant la parole, a dit que le HCR n’a pas de mandat pour agir à Gaza où la priorité est de garantir de l’acheminent de l’aide et un cessez-le-feu humanitaire. M. Grandi a attiré l’attention sur le risque de débordement que cette situation présente notamment au Liban qui accueille plus de deux millions de réfugiés syriens.  S’agissant précisément du retour en Syrie de ces réfugiés, le Haut-Commissaire a déclaré qu’il est en discussion avec le Gouvernement sur cette question.  Il faut garantir le respect de leurs droits humains et un accès aux services publics. M. Grandi a souligné le rôle de la communauté internationale à ce sujet.  En Méditerranée, le HCR continue d’observer les tendances actuelles, a-t-il indiqué, avant d’exhorter à trouver des solutions à la situation des personnes déplacées dans leur propre pays qui sont au nombre de 114 millions dans le monde.  Le Haut-Commissaire a, pour finir, rappelé qu’il manque 600 millions de dollars dans l’escarcelle du HCR pour exécuter son mandat, à deux mois de la fin de l’année.

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