Conseil de sécurité: le Chef de l’Équipe d’enquête sur les crimes de Daech en Iraq rappelle que ses travaux doivent conduire à la condamnation de membres de Daech
Le Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) à répondre de ses crimes (UNITAD) a informé ce matin le Conseil de sécurité de l’avancée des enquêtes que mène son entité sur les crimes internationaux commis contre les différentes communautés iraquiennes, grâce notamment à un meilleur traitement des éléments de preuve. M. Christian Ritscher a également fait état de la préparation de futurs procès, prévenant que la mission de l’UNITAD n’est « pas terminée » et doit encore conduire à la condamnation de membres de Daech, « avec la participation active des victimes et des survivants ».
Venu présenter le dixième rapport de l’UNITAD, dont le mandat actuel court jusqu’au 17 septembre prochain, M. Ritscher a mis l’accent sur l’évolution du travail de son équipe qui, en cinq ans, a permis de mettre en place un système de protection et de soutien des témoins, un laboratoire médico-légal à la pointe de la technologie, une équipe spécialisée dans l’exhumation des charniers et l’identification des restes humains, et un groupe de travail sur la numérisation des millions de documents désormais aux mains de la justice iraquienne.
Le Conseiller spécial a en particulier fait état de progrès importants dans les enquêtes sur le développement et l’utilisation par Daech d’armes chimiques et biologiques, sur les crimes commis par l’organisation terroriste contre les communautés sunnite, chrétienne, yézidie et chiite, et sur la destruction du patrimoine culturel iraquien. À cet égard, il s’est dit impressionné par le soutien apporté à son équipe par les communautés affectées et s’est réjoui de la coopération avec les autorités iraquiennes.
L’objectif de l’UNITAD n’est pas de créer un registre des crimes de Daech mais de tenir pour responsables les membres de cette organisation qui ont commis des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide), a souligné M. Ritscher, pour qui cela suppose de disposer de tribunaux compétents, de preuves fiables et d’un cadre juridique approprié. Sur ce dernier point, il a salué la création en mars d’un groupe de travail conjoint avec les autorités iraquiennes, estimant qu’une fois qu’une législation nationale en matière pénale sera adoptée, « la voie à suivre sera plus claire ».
Le Chef de l’UNITAD a d’autre part évoqué la préparation de futurs procès, ce qui, a-t-il expliqué, passe par la constitution avec le système judiciaire iraquien de dossiers contre les auteurs présumés et les « personnes d’intérêt », notamment celles qui résident dans d’autres pays que l’Iraq. Dans ce cadre, l’Équipe soutient 17 juridictions de pays tiers, a indiqué le Conseiller spécial, avant de rappeler que ce travail vise avant tout à permettre la tenue de procès équitables et la condamnation des membres de Daech jugés coupables de crimes internationaux.
Assurant que la collecte, la compilation et le traitement des éléments de preuve devraient permettre aux juridictions nationales d’entamer des poursuites et de traduire les coupables en justice, le représentant de l’Iraq a dit attendre avec impatience la promulgation de la législation qui encadrera ce processus. Il a cependant rappelé que l’UNITAD doit transférer tous les éléments de preuve dont elle dispose pour que le système judiciaire iraquien puisse rendre la justice, déplorant que des retards dans l’ouverture de procédures aient permis à des membres de Daech de quitter le pays.
La question du transfert des preuves à l’Iraq a également été soulevée par plusieurs membres du Conseil. La Fédération de Russie a ainsi appelé l’UNITAD à se conformer à la résolution 2379 (2017), qui désigne les autorités iraquiennes comme le principal bénéficiaire des éléments de preuve recueillis par l’Équipe et ne fixe aucune condition préalable à cet effet, y compris l’adoption d’une loi spécifique sur les crimes internationaux. Une position reprise notamment par les Émirats arabes unis, le Ghana et le Brésil.
Ce dernier pays a en outre demandé l’établissement, en concertation avec les autorités iraquiennes, d’un calendrier crédible pour l’achèvement du mandat de l’Équipe. Sur la même ligne, la Chine a fait observer que l’UNITAD n’est qu’un « arrangement temporaire et de transition ». L’objectif n’a jamais été de mettre en place un organe permanent, a soutenu la délégation chinoise, qui a plaidé, elle aussi, pour une « stratégie de sortie » assortie d’un calendrier.
À l’opposé, Malte a dit attendre avec intérêt le renouvellement en septembre du mandat de l’UNITAD, dont elle a salué le soutien apporté au renforcement des capacités de la justice iraquienne en matière de procédures pénales. Le Japon a pour sa part loué la mise en place par l’Équipe de formations adaptées en matière de criminalistique numérique, tandis que le Mozambique encourageait le recours à des programmes de mise à niveau dans les domaines du droit international et du droit pénal international.
De son côté, l’Équateur a souhaité que les progrès réalisés dans le recueil des données et la numérisation des éléments de preuve physiques permettent de traduire en justice les auteurs d’actes de violence sexuelle ou d’infanticide commis en Iraq. Il a été rejoint à ce sujet par Malte, le Japon et la France, qui se sont félicités que l’Équipe adopte une approche sensible aux victimes et à la dimension de genre dans le cadre de sa lutte contre l’impunité. La France et la Suisse ont en outre rappelé la position constante des Nations Unies de non-transmission d’éléments dans le cadre de procédures judiciaires impliquant la possibilité d’une condamnation à mort, où que ce soit.
S’agissant enfin de la menace que continue de représenter Daech, les États-Unis ont argué que l’un des moyens de la réduire consiste à soutenir le Gouvernement iraquien dans le rapatriement des membres iraquiens de cette organisation détenus dans le nord-est de la Syrie, afin qu’ils soient traduits en justice. À cette fin, l’UNITAD a un rôle prépondérant à jouer, ont-ils appuyé, appelant également tous les États ayant des ressortissants en Iraq à les rapatrier et à juger ceux qui ont commis des crimes.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES S/2023/367
Déclarations
M. CHRISTIAN RITSCHER, Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), a présenté le dixième rapport de l’Équipe, en précisant que cela fait maintenant cinq ans qu’elle a commencé son travail après avoir été créée à la demande de l’Iraq par la résolution 2379 (2017). En tant qu’entité internationale chargée d’enquêter sur les crimes horribles de Daech, l’UNITAD travaille en coopération avec les autorités nationales, tout en promouvant la responsabilisation pour les crimes commis par Daech à travers le monde, a-t-il rappelé, avant de faire le point sur l’évolution de l’Équipe, passée d’un groupe de moins de 10 personnes en 2017 à un ensemble d’environ 150 membres aujourd’hui, auxquels s’ajoutent une soixantaine de sous-traitants et de consultants. L’UNITAD, qui compte désormais huit unités d’enquêteurs spécialisés, a mis en place un système de protection et de soutien des témoins, lancé un laboratoire médico-légal à la pointe de la technologie et créé une équipe spécialisée dans l’exhumation des charniers et l’identification des restes humains, a-t-il détaillé, faisant également état d’un groupe de travail sur la numérisation des millions de documents qui sont désormais aux mains de la justice iraquienne.
Au cours de la période à l’examen, a poursuivi M. Ritscher, l’Équipe a continué de se développer, grâce à un travail d’enquête professionnel prenant en considération chaque groupe de la société iraquienne. Le Chef de l’UNITAD a indiqué avoir personnellement continué à dialoguer avec les chefs religieux et tribaux, les représentants des communautés et les survivants des crimes de Daech et avoir été impressionné par le soutien apporté à son équipe par les communautés affectées. Il a notamment salué les « paroles sages » du grand ayatollah Sayed Ali Al Sistani, qui a déclaré que toutes les victimes de Daech ont la même importance.
M. Ritscher a souhaité que l’on n’oublie pas les survivants des crimes internationaux de Daech, lesquels restent profondément impactés, comme il a pu le constater lui-même cette année à Taza Khormatou, ville victime d’une attaque chimique peu connue le 8 mars 2016. L’enquête en cours de l’Équipe a fourni des informations et des analyses spécialisées sur les munitions, les restes et les matériaux récupérés. Elle a aussi mis au jour des éléments de preuve, notamment des fiches de paie et des correspondances de Daech, ce qui lui a permis d’identifier les personnes d’intérêt et d’établir des liens vers des membres potentiels de Daech. Le Conseil spécial a ajouté que l’étude de cas sur le développement et l’utilisation d’armes chimiques par Daech sera détaillée demain, 8 juin, lors d’un événement spécial organisé au Siège de l’ONU par l’UNITAD et les Missions permanentes de l’Iraq et de l’Inde.
L’Équipe a également progressé dans son évaluation des crimes sexistes, des crimes contre les enfants et des crimes commis contre la population sunnite d’Al-Anbar et contre les communautés chrétiennes à Ninive, a expliqué M. Ritscher. De même, les enquêtes sur les attaques de Daech contre les communautés yézidie et chiite se poursuivent, a-t-il assuré, notant par ailleurs que l’enquête sur la destruction du riche patrimoine culturel iraquien est un autre exemple de la façon dont l’UNITAD met en lumière toute la gamme des crimes internationaux commis au nom d’une idéologie criminelle.
Cinq ans après avoir débuté ses travaux en Iraq, l’objectif de l’UNITAD n’est pas de tenir un registre des crimes de Daech mais de tenir pour responsables les membres de cette organisation qui ont commis de tels crimes internationaux, a insisté M. Ritscher. Pour y parvenir, son équipe a besoin de tribunaux compétents, de preuves fiables et d’un cadre juridique approprié, a-t-il ajouté. Notre objectif est de nous assurer que les éléments de preuve soient jugés recevables par tout tribunal compétent, que ce soit en Iraq ou dans d’autres États où les poursuites ont lieu, a précisé le Conseiller spécial. Il a d’autre part indiqué que son équipe a lancé des opérations de numérisation dans cinq tribunaux en Iraq, qui ont déjà permis de traiter 8 millions de documents et de réduire les délais de réponse. La prochaine étape sera l’installation par l’UNITAD au Conseil judiciaire suprême de l’Iraq d’une archive centrale, qui sera le référentiel unifié de toutes les preuves numérisées, a ajouté le responsable onusien. Quant à l’instauration d’un cadre juridique national permettant de poursuivre les crimes de Daech en tant que crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide), il a salué la mise en place en mars d’un groupe de travail conjoint avec les autorités iraquiennes et a assuré que l’UNITAD est prête à partager, dans ce cadre, l’expertise et les meilleures pratiques internationales. Une fois qu’une législation nationale appropriée en matière pénale sera adoptée, la voie à suivre sera plus claire, a-t-il ajouté.
Selon M. Ritscher, l’UNITAD a déjà commencé à contribuer à la préparation des futurs procès. L’Équipe a ainsi intensifié sa coopération avec le système judiciaire iraquien pour constituer des dossiers contre les personnes d’intérêt et les auteurs présumés. La priorité est désormais donnée aux personnes d’intérêt qui résident dans d’autres pays, a-t-il indiqué, relevant que l’UNITAD soutient actuellement 17 juridictions de pays tiers et, dans ce cadre, mène des entrevues avec des témoins et fournit des analyses techniques. L’UNITAD contribue aussi à des solutions concernant le rapatriement des ressortissants iraquiens présents dans les camps de pays voisins, dont le camp de Hol, en Syrie, tout en fournissant aux États Membres les informations nécessaires à la poursuite des individus qui auraient commis des crimes internationaux.
Enfin, après avoir assuré que l’UNITAD remplit sa mission de manière impartiale, indépendante et crédible, en conformité avec le droit international, M. Ritscher a rappelé que ce travail n’est pas encore terminé. « Ce que nous voulons voir à l’avenir, ce sont des procès équitables devant des tribunaux compétents en Iraq et des membres de Daech condamnés pour crimes internationaux, avec la participation active des victimes et des survivants », a-t-il conclu.
M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a salué les efforts de l’Iraq pour poursuivre les responsables des crimes de Daech et la création, cette année, d’un groupe de travail conjoint UNITAD-Iraq chargé d’examiner les moyens de poursuivre les crimes internationaux commis en Iraq. Il est essentiel d’établir des voies légales pour le partage de l’information et des preuves à l’appui des poursuites, a affirmé le représentant, qui s’est aussi félicité du projet d’archivage et de numérisation des preuves, qui permettra aux juges iraquiens de s’appuyer sur un éventail beaucoup plus large de preuves lors du montage de dossiers et de la poursuite d’enquêtes, y compris sur la mise au point et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques.
Le représentant a également pris note de l’accent mis sur les crimes commis contre les Yézidis, les chrétiens et d’autres groupes minoritaires. Il s’agit d’un défi urgent, a-t-il dit, citant la duchesse d’Édimbourg qui a souligné la nécessité d’apporter un soutien supplémentaire aux victimes et aux survivants de violences sexuelles liées aux conflits, y compris les enfants nés de viol. Il a en outre salué la loi sur les survivants yézidis, y compris le versement initial de réparations aux survivants. La justice doit être rendue aux victimes et aux survivants des crimes commis par Daech, a-t-il conclu.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a salué les progrès réalisés dans le recueil de données et la numérisation d’éléments de preuve physiques, convaincu que cela permettra de traduire en justice les auteurs de certains des actes de violence sexuelle ou d’infanticide commis en Iraq. L’Équipe, s’est-il félicité, a en effet accordé une attention toute particulière à la violence sexuelle, sexiste et à la violence faite aux enfants. Une approche sensible aux victimes et à la dimension de genre est en effet au cœur des efforts que déploie l’Équipe, qui fait preuve par ailleurs d’une coopération exemplaire avec le Gouvernement iraquien et notamment son système judiciaire ou encore ses institutions spécialisées dans l’application des lois. À cet égard, le représentant a appuyé la création d’une équipe de travail conjointe, destinée à aider les autorités à rendre Daech responsable de ses crimes de guerre, de ses crimes contre l’humanité et de génocide.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a relevé que les rapports de l’UNITAD des dernières années indiquent que certaines enquêtes sont déjà terminées et prêtes à être jugées, mais que la remise des éléments de preuve recueillis par l’Équipe aux autorités iraquiennes n’a pas été effectuée. Il a reconnu que l’adoption d’une législation nationale en Iraq sur les principaux crimes internationaux permettrait aux tribunaux iraquiens de poursuivre les membres de Daech pour les violations les plus graves du droit pénal international. Le représentant a espéré que le partage des preuves recueillies en Iraq avec des pays tiers se fait avec l’accord du Gouvernement iraquien et dans les limites du mandat de l’UNITAD. Insistant à nouveau sur l’importance du partage opportun des preuves avec les autorités iraquiennes, le délégué brésilien a encouragé l’UNITAD à travailler de manière constructive avec le Gouvernement iraquien afin de fixer un calendrier crédible pour l’achèvement de son mandat.
Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a salué le lancement, par l’Équipe, de nouvelles enquêtes sur la mise au point et l’utilisation d’armes biologiques et chimiques, la destruction du patrimoine culturel et religieux, ainsi que les crimes commis contre différentes communautés iraquiennes. Les progrès notables réalisés dans les enquêtes sur le financement des crimes commis par Daech et les crimes contre les enfants sont encourageants, a-t-elle ajouté. Elle a également salué la numérisation des preuves matérielles obtenues, étape essentielle pour préserver la trace des crimes internationaux commis par Daech en Iraq. L’oratrice a insisté sur l’importance de la reddition de comptes, notamment en transférant les éléments de preuve recueillis aux autorités iraquiennes. À cet égard, la poursuite de la coopération entre l’Équipe et les autorités iraquiennes demeure vitale, a indiqué la représentante qui a appelé à renforcer le système judiciaire iraquien et favoriser une véritable réconciliation nationale.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) s’est félicitée des progrès constants accomplis au cours des six derniers mois dans les domaines identifiés comme prioritaires dans le précédent rapport du Conseiller spécial, notamment l’élargissement des enquêtes sur les crimes contre le patrimoine culturel et religieux en Iraq, ainsi que sur les crimes commis contre les communautés chrétienne, yézidie, kaka’i, shabak et turkmène chiite, ainsi que sunnite.
L’enquête sur la mise au point et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par Daech constitue une autre avancée notable, s’est félicitée la représentante. Aux yeux du Japon, le travail d’enquête sur la violence sexiste et les crimes commis par Daech contre les enfants revêt une importance particulière dans le cadre de la lutte contre l’impunité. Pour Mme Shino, une coopération étroite entre l’UNITAD et le Gouvernement iraquien, ainsi que le Gouvernement de la Région du Kurdistan, est essentielle pour assurer le succès du processus d’enquête. Le lancement du groupe de travail conjoint en mars a été une étape importante vers l’achèvement éventuel des procédures judiciaires menées par l’Iraq, a souligné la représentante. Dans le même ordre d’idées, elle a salué le soutien apporté par l’UNITAD au renforcement des capacités du système judiciaire iraquien, notamment par la mise en place de formations adaptées en matière de criminalistique numérique.
Mme DIARRA DIME LABILLE (France) s’est félicitée que, grâce au travail de l’UNITAD sur le terrain et aux côtés des autorités nationales et locales, de nouveaux progrès aient été réalisés. Elle a ainsi noté que de nouvelles preuves ont été recueillies concernant le développement et l’usage par Daech d’armes chimiques et biologiques, les crimes commis contre différentes minorités religieuses, les violations graves commises contre des femmes et des enfants, et les crimes commis contre les personnes LGBT+. Elle a également souligné l’important soutien que l’UNITAD a continué d’apporter s’agissant de l’exhumation de fosses communes sur les lieux de crimes de masse commis par Daech et les avancées concernant les enquêtes relatives à la destruction de différents sites culturels. Saluant par ailleurs la collecte de données numériques liées à l’activité de Daech en ligne et la poursuite de la numérisation des données nécessaires aux enquêtes, la représentante a qualifié ces progrès de cruciaux pour éviter la perte ou la dégradation de preuves.
Après s’être réjouie de la collaboration renforcée entre l’UNITAD et le Gouvernement iraquien, la représentante a rappelé que la France soutient l’Équipe via des contributions volontaires et une coopération technique afin de l’aider dans son travail de collecte de preuve. À cet égard, elle a rappelé la position constante des Nations Unies de non-transmission d’éléments dans le cadre de procédures judiciaires impliquant la possibilité de condamnation à mort, où que ce soit. Elle a d’autre part jugé que la lutte contre l’impunité de tous les auteurs de crimes est un impératif pour la stabilisation, la reconstruction et la réconciliation du peuple iraquien dans son ensemble, et rappelé que l’approche centrée sur les victimes ainsi que la « perspective de genre » adoptées par l’UNITAD dans l’ensemble de ses travaux, sont essentielles. C’est pourquoi, a-t-elle ajouté, la France a créé en janvier 2022 une équipe commune d’enquête avec la Suède, sous l’égide d’EUROJUST, concernant les crimes commis contre les Yézidis et coopère avec les équipes de l’UNITAD dans ce cadre.
Rappelant enfin que la menace représentée par Daech n’a pas disparu, la représentante a assuré qu’en lien avec ses partenaires, notamment ceux de la Coalition internationale contre Daech qui se réunit demain au niveau ministériel à Riyad, la France continuera à se tenir aux côtés de l’Iraq dans la lutte contre le terrorisme.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a salué les initiatives visant à appuyer le mandat et la mission de l’Équipe afin qu’elle puisse s’acquitter efficacement de son mandat consistant à enquêter et à traduire en justice les auteurs de crimes internationaux commis en Iraq, en particulier contre les femmes et les jeunes. Le représentant a insisté sur l’importance de la formation des juges et des procureurs iraquiens. À cet égard, il a encouragé l’Équipe à élaborer des programmes de renforcement des capacités du système judiciaire iraquien, en particulier dans les domaines du droit international et du droit pénal international. Il a également plaidé pour des échanges d’informations entre l’Équipe et les institutions judiciaires iraquiennes et encouragé les efforts en vue de l’adoption d’un cadre juridique intégrant les crimes internationaux, conformément aux principes du droit international. L’engagement avec la société civile reste essentiel pour aborder la question de la responsabilité, a encore dit le représentant en encouragent l’Équipe à poursuivre le dialogue avec la société civile et les consultations avec le Gouvernement iraquien, parallèlement à son interaction avec le pouvoir judiciaire.
M. SERGEI A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie) a réitéré l’attachement de sa délégation à ce que les terroristes soient tenus pour responsables des crimes atroces qu’ils commettent. La question de la mise au point et de l’utilisation par des organisations terroristes d’armes chimiques et biologiques en Iraq revêt un intérêt particulier pour la Fédération de Russie. Nous espérons, a souligné le représentant, que tous les cas d’utilisation de ces armes seront identifiés et rendus publics dès que possible. Le recours systématique aux armes chimiques par Daech, qui disposait même de son propre « programme chimique », ne pouvait tout simplement pas épargner la Syrie voisine, a-t-il affirmé.
Appuyant les efforts visant à traduire les terroristes en justice, le représentant a rappelé que, au cours de la période considérée, son pays a mis des spécialistes à la disposition de l’Équipe. Il a néanmoins souligné que la lutte contre l’impunité des membres de Daech ne s’arrête pas à la collecte de preuves. Il a donc demandé à l’Équipe de remplir une partie essentielle de son mandat consistant à transférer les preuves accumulées aux autorités policières et judiciaires de l’Iraq, comme l’a demandé le Conseil dans sa résolution 2379 (2017). Cette résolution désigne les autorités iraquiennes comme le principal bénéficiaire des éléments de preuve recueillis par l’Équipe et ne fixe aucune condition préalable à cet effet, y compris l’adoption d’une loi spécifique sur les crimes internationaux, a rappelé le représentant. Il a émis l’espoir que l’UNITAD n’ignorera pas son mandat et accordera à l’Iraq l’accès aux preuves afin de lancer le processus de traduction en justice des auteurs de ces crimes le plus rapidement possible.
Mme ANNETTE ANDREE ONANGA (Gabon) s’est félicitée des progrès réalisés dans le cadre de l’avancement, de l’administration et de la préservation des preuves médicolégales, dans le cadre des allégations d’utilisation d’armes chimiques et biologiques. L’accent particulier accordé par l’Équipe au renforcement de la coopération avec les autorités judiciaires iraquiennes concernant les crimes commis par Daech à l’encontre des communautés chrétiennes et celles relatives à l’utilisation présumée d’armes chimiques et biologiques sur les populations de Taza Khormatou, est une avancée considérable. À cet effet, les nouveaux éléments de preuve digitaux obtenus sont essentiels, a estimé la représentante qui a également salué le recours aux technologies de pointe, ainsi que le lancement du projet Zeteo en vue de faciliter la visualisation des analyses et éléments de preuve. La déléguée a ensuite appelé le nouveau Gouvernement de Bagdad à s’engager dans « l’indispensable » coopération en vue de finaliser les enquêtes et le mémorandum d’accord, afin de déterminer les secteurs dans lesquels le renforcement des capacités de l’appareil judiciaire national iraquien est nécessaire.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a apporté son appui aux travaux de l’Équipe d’enquêteurs, notamment en ce qui concerne la collecte, la numérisation et l’archivage d’éléments de preuve. Le représentant s’est réjoui du fait que l’Équipe et le Gouvernement iraquien coopèrent et discutent au plus haut niveau politique. Il a acclamé le programme de formation en matière de médecine légale et la gestion par le système judiciaire iraquien des nouveaux éléments de preuve et d’analyse de ces éléments collectés par l’Équipe d’enquêteurs. Des solutions novatrices ayant émergé, il a encouragé le Gouvernement à adopter des législations sur les crimes internationaux, notamment les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Il faut aussi prendre des mesures nécessaires pour s’assurer de poursuites en ce qui concerne les membres de Daech, notamment une protection juridique minimale et un procès équitable.
Le représentant, qui a noté la diminution du nombre d’attaques de la part de Daech, a toutefois estimé que l’organisation demeure une menace en Iraq et au niveau international. Il a estimé qu’un moyen de réduire cette menace consiste à soutenir davantage le Gouvernement iraquien dans le rapatriement des membres iraquiens de Daech actuellement détenus dans des centres dans le nord-est de la Syrie, pour qu’ils soient traduits en justice devant les tribunaux iraquiens. L’Équipe d’enquêteurs pourra jouer un rôle prépondérant à cet égard, a-t-il estimé.
De même, le représentant a estimé que l’Équipe pourrait aider d’autre pays à poursuivre les milliers de combattants étrangers actuellement détenus en Iraq dans des centres qu’il a jugés par nature instables et qui présentent des risques considérables pour la sécurité. Il a jugé impératif que tous les États rapatrient et poursuivent leurs ressortissants qui ont commis des crimes, le cas échéant.
L’UNITAD continue d’être un exemple solide de la façon dont l’ONU peut soutenir la transition d’un conflit vers la paix et la sécurité, a poursuivi le représentant. Les États-Unis continueront d’appuyer l’Équipe et l’encourageront, ainsi que le Gouvernement iraquien, à prendre les mesures nécessaires pour élargir leurs possibilités de collaboration, pour accélérer les progrès visant à rendre justice aux nombreuses victimes de Daech.
M. ARIAN SPASSE (Albanie) a salué la coopération de l’Équipe avec les autorités judiciaires nationales, pour leur donner les moyens de poursuivre les responsables du financement, du soutien et de l’exécution d’actions terroristes. À cet égard, les procédures judiciaires ouvertes contre les auteurs d’atrocités commises en Iraq sont encourageantes et bienvenues, a-t-il dit. Ces développements louables ont lieu dans un environnement très difficile, a observé le délégué, préoccupé par l’insécurité persistante en Iraq, en particulier les attaques armées en cours, dont celles menées par Daech. Il a salué l’engagement du Premier Ministre iraquien Al Sudani à rétablir l’autorité de l’État sur les groupes armés dans le pays, avant de condamner tous les efforts visant à fragiliser sa stabilité et son indépendance politique. Mais il est tout aussi important, a remarqué le représentant, que la lutte contre le terrorisme et l’impunité ne s’écarte jamais de la pleine adhésion au droit international humanitaire et au droit international des droits humains. « Elle doit être un exemple de légalité et inspirer la confiance dans l’état de droit et la justice », a-t-il insisté.
Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) s’est félicitée des progrès réalisés par l’UNITAD dans ses enquêtes au cours de la période considérée, prenant acte avec satisfaction des rapports préliminaires d’évaluation de cas sur les crimes commis par Daech contre la population sunnite à Al-Anbar et sur la destruction du patrimoine culturel et religieux de toutes les communautés iraquiennes. Elle a également relevé que l’Équipe a lancé avec succès de nouvelles pistes d’enquête sur le développement et l’utilisation d’armes biologiques et chimiques par Daech. Après avoir applaudi l’évaluation préliminaire des crimes commis par Daech contre la communauté LGBTQI+, elle s’est réjouie de l’attention que l’UNITAD continue d’accorder à l’enquête thématique sur la violence sexuelle et sexiste et sur les crimes contre les enfants.
La déléguée a par ailleurs estimé qu’au-delà de l’identification des auteurs d’atrocités, il faut un cadre juridique national adapté permettant la poursuite des crimes internationaux, à savoir le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Elle a donc appelé les autorités iraquiennes à faire progresser leur législation et a salué les récentes mesures prises dans ce sens, notamment la création du groupe de travail conjoint sur la responsabilité pour les crimes internationaux commis par Daech. La représentante s’est félicitée à cet égard de ce que l’UNITAD étende son soutien au renforcement des capacités de la justice iraquienne en matière de procédures pénales et de constitution de dossiers. Elle a souhaité que cette coopération concerne aussi la liste des sanctions de l’ONU. Enfin, après avoir salué l’assistance de l’Équipe aux enquêtes et poursuites menées par des juridictions étrangères, notamment au sujet de crimes contre la communauté yézidie, elle a dit attendre avec intérêt le renouvellement en septembre du mandat de l’UNITAD.
Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse), rappelant que la reddition des comptes et la justice sont des piliers essentiels pour prévenir les atrocités et parvenir à une paix durable, a salué la coopération accrue entre l’Iraq et l’Équipe d’enquêteurs, qui vise à renforcer les capacités de mise en poursuite pour les crimes commis par Daech, conformément aux normes internationales. Elle a également salué l’approche innovante et axée sur la technologie utilisée par l’Équipe pour la collecte et l’analyse des preuves. La représentante a ensuite rappelé que l’Équipe ne partage pas les éléments de preuve collectés dans le cadre de procédures judiciaires pouvant mener à une condamnation à mort, peine à laquelle la Suisse s’oppose en toutes circonstances, la considérant comme incompatible avec le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine et inefficace en tant que moyen de dissuasion.
Pour la Suisse, l’Équipe doit intégrer une perspective de genre dans ses travaux, car la violence sexuelle et basée sur le genre est particulièrement fréquente et utilisée comme tactique dans les contextes de terrorisme et de conflits. La représentante a salué la stratégie d’enquête de l’UNITAD sur les crimes commis à l’encontre des différentes communautés en Iraq, y compris ceux basés sur le genre et contre les enfants. Elle a rappelé qu’il est primordial que les victimes reçoivent un soutien adéquat.
Leurs droits, leur protection et la prévention de ces crimes doivent être au cœur de nos efforts collectifs, a-t-elle ajouté.
Enfin, la représentante a salué l’élargissement des enquêtes de l’Équipe sur la destruction du patrimoine culturel en vue d’identifier les auteurs potentiels. Elle a appelé à l’élaboration d’un plan d’enquête élargi, en étroite collaboration avec l’UNESCO, les entités non onusiennes et les autorités iraquiennes à cet effet.
M. GENG SHUANG (Chine) a salué les résultats enregistrés par l’Équipe d’enquêteurs au cours des derniers mois, jugés probants, et s’est félicité des nouvelles découvertes concernant la mise au point et l’emploi d’armes chimiques, mais aussi la destruction du patrimoine culturel par Daech. Il s’est lui aussi félicité de l’assistance fournie par l’Équipe pour renforcer les capacités judiciaires de l’Iraq. Il a souhaité qu’elle se lance rapidement dans un transfert systématique des éléments de preuve à l’Iraq. Il a noté aussi que cette équipe est un arrangement temporaire et de transition, l’objectif n’ayant jamais été de mettre en place un organe permanent, raison pour laquelle la Chine plaide pour une stratégie de sortie assortie d’un calendrier.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a salué les progrès que l’Équipe continue de réaliser dans la collecte d’éléments de preuve sur les crimes commis par Daech en Iraq. Il s’est notamment félicité des avancées enregistrées dans les enquêtes menées sur les crimes commis à Mossoul et sa région, ancien bastion de Daech, et sur la structure organisationnelle du groupe terroriste. Le représentant a par ailleurs souligné l’importance des travaux menés par l’UNITAD sur l’utilisation par Daech d’armes chimiques et sur les destructions subies par le patrimoine religieux et culturel iraquien. Il s’est félicité que l’Équipe continue d’enquêter sur les crimes les plus sérieux, notamment ceux qui ont visé des femmes et des jeunes filles à Sinjar.
Toutefois, a ajouté le représentant, il est essentiel que l’UNITAD partage ses conclusions avec les autorités iraquiennes, conformément à la résolution 2651 (2022). À cet égard, il a souhaité que les résultats des travaux de l’Équipe permettent de soutenir d’autres efforts du Gouvernement iraquien destinés à parvenir à la justice pour les victimes. Il s’est ainsi réjoui de la création d’un groupe de travail conjoint et a formé le vœu qu’il fasse avancer la législation iraquienne sur les crimes internationaux.
Invitant ensuite le Conseil de sécurité à continuer d’examiner la question du partage des éléments de preuve avec l’Iraq, le représentant a salué le fait que l’UNITAD produise des programmes conjoints sur la gestion de ces éléments, notamment leur archivage et leur numérisation. Enfin, après avoir pris note des enquêtes menées sur les charniers et des initiatives en matière d’excavation, il a appelé à un transfert de connaissances aux experts iraquiens en complément de ces efforts.
M. SARHAD SARDAR ABDULRAHMAN FATAH (Iraq) a déclaré que la coopération avec l’Équipe d’enquêteurs avait permis de diligenter des enquêtes sur les crimes de Daech contre le peuple iraquien. Il a également rappelé qu’un événement particulier serait organisé demain 8 juin concernant les enquêtes relatives à la mise au point et à l’emploi d’armes biologiques et chimiques par Daech. Le représentant a loué le travail d’archivage et de numérisation de l’UNITAD, mais aussi ses programmes de formation dispensés aux organes judiciaires iraquiens pour en renforcer les capacités.
La collecte, la compilation et le traitement des éléments de preuve devraient permettre aux juridictions nationales iraquiennes d’entamer des poursuites dans le cadre de procédures conformes aux exigences internationales et de traduire les coupables en justice, a poursuivi le représentant, qui a souligné la nécessité d’adapter tout cela au contexte juridique national. C’est la raison pour laquelle nous sommes impatients de la promulgation d’une législation relative aux crimes internationaux qui permettra aux autorités d’adopter les politiques publiques habilitant le Gouvernement à agir comme il se doit, a-t-il ajouté.
Le représentant a dit comprendre la priorité de la communauté internationale s’agissant de l’obligation de rendre des comptes. Mais, a-t-il ajouté, il appartient au Gouvernement et au pouvoir judiciaire d’identifier et de traduire en justice des personnes et de lutter contre l’impunité. Des tribunaux spéciaux ont été créés.
L’Équipe d’enquêteurs doit transférer tous les éléments de preuve dont elle dispose pour que le système judiciaire iraquien puisse rendre la justice, a ajouté le représentant, qui a dénoncé des retards dans l’ouverture de certaines procédures. Il a affirmé que ces délais risquaient de permettre à certains terroristes de s’échapper, ajoutant qu’ils avaient d’ores et déjà permis à beaucoup de membres de Daech de quitter le pays.
L’échange d’éléments de preuve et d’information doit se faire sur la base d’un consentement préalable de l’Iraq, a poursuivi le représentant. Le futur mécanisme permettant à l’Iraq d’échanger des informations avec un pays tiers doit être établi selon des conditions claires. Or, il n’en est pas fait mention dans le rapport, a regretté le représentant, qui a souhaité que le prochain rapport en fasse une priorité.