Colombie: le Conseil de sécurité élargit le mandat de la Mission de vérification à la réforme rurale et au chapitre ethnique de l’Accord de paix final
Cet après-midi, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 2673 (2023) par laquelle il a décidé que la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie contrôlera désormais l’application de la clause première sur la réforme rurale intégrale et de celle portant sur le chapitre ethnique de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable dans le pays. Cette adoption a eu lieu au lendemain d’une nouvelle tentative d’attentat perpétrée contre la Vice-Présidente, Mme Francia Márquez Mina, venue s’exprimer aujourd’hui devant les membres du Conseil.
Ces nouvelles prérogatives viennent compléter les dispositions du mandat actuel de la Mission défini dans la résolution 2655 (2022). Le texte adopté précise qu’il s’agit d’une demande commune du Gouvernement colombien et des anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP).
Lors du débat qui s’est ensuivi, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission, M. Carlos Ruíz Massieu, s’est dit optimiste quant au potentiel de l’année 2023 pour la Colombie, saluant notamment la création récente du Ministère de l’égalité, une institution chargée de remédier aux profondes inégalités qui touchent en particulier les femmes, les peuples autochtones et les Afro-Colombiens.
Combler les disparités au sein de la société colombienne contribuera à promouvoir la paix durable, a-t-il espéré. En effet, a acquiescé le représentant de l’Organe spécial de haut niveau sur les populations ethniques de Colombie, M. Armando Wouriyu Valbuena: après cinq siècles de décimation et de maltraitances, a observé ce dernier, la lutte pour une vie digne de ces peuples continue et la mise en œuvre du chapitre ethnique de l’Accord reste à la traîne.
À ce propos, la Vice-Présidente colombienne, Mme Márquez Mina, elle-même « fille d’un territoire ancestral », a déclaré que l’un des principaux défis est la conception d’indicateurs contribuant au développement d’actions réparatrices au profit des communautés ethniques -autochtones, afro-descendants, Raizal et Palenqueras- qui ont souffert de manière disproportionnée du conflit armé et du racisme structurel en Colombie. Des politiques de justice raciale ont été mises au point afin de remédier aux inégalités dont elles sont victimes et restaurer leurs droits, a expliqué Mme Márquez Mina.
M. Ruiz Massieu a également salué les mesures récentes prises par le Gouvernement concernant la réforme rurale globale, telles que l’accord sur l’achat de terres et l’augmentation des budgets pour l’agriculture ainsi que la convocation de la toute première convention nationale des paysans en décembre dernier.
Face à la persistance de la violence générée par les groupes armés illégaux contre les communautés, les leaders sociaux et les anciens membres des FARC-EP, plus de six ans après la signature de l’Accord, M. Ruiz Massieu a espéré que les mesures audacieuses prises dans le cadre de sa politique de « paix totale » du Gouvernement du Président Petro, notamment par la Commission nationale des garanties de sécurité, permettront d’avancer sur cette voie. Il a placé beaucoup d’espoirs dans les pourparlers en cours entre l’Administration Petro et l’Armée de libération nationale, ainsi qu’avec d’autres groupes armés. Le second tour des négociations devrait avoir lieu dans les semaines à venir au Mexique, a annoncé le Représentant spécial, qui y participera à la demande des deux parties pour accompagner ce processus.
Pour la Fédération de Russie, le nouveau Gouvernement Petro a fait plus en six mois pour la réconciliation dans le pays que l’Administration précédente en quatre ans. Dans un monde marqué par les conflits et les divisions, la Colombie demeure un exemple de paix pour la communauté internationale, a quant à elle déclaré la France.
Porte-parole d’un Gouvernement déterminé à changer le cours des choses, la Vice-Présidente colombienne a insisté sur la volonté démocratique de faire face à la violence, à l’injustice sociale et aux inégalités structurelles qui oriente des politiques pour le peuple, des politiques pour faire de la Colombie une puissance mondiale de la vie. Elle a rappelé que les inégalités dans l’accès aux terres et l’abandon des populations rurales avaient été l’un des principaux moteurs de la guerre dans son pays. Le Gouvernement a donc défini une politique claire de démocratisation et de répartition de trois millions d’hectares pour le développement agricole, industriel et économique du pays, a-t-elle dit, en insistant sur l’importance de la souveraineté alimentaire.
Mme Márquez Mina a rappelé que près de 10 millions de personnes, soit un cinquième de la population, sont des victimes directes de la guerre. Les peurs, les haines et les désirs de vengeance se sont transmis de génération en génération. Elle a donc plaidé pour une vision globale de la paix, -appelée « paix totale » par son gouvernement– qui remédierait à cette « guerre absurde » et ferait fond sur les avancées déjà obtenues grâce aux accords antérieurs. Progresser vers cette paix totale requiert un engagement sans faille en faveur de l’égalité, de l’équité, de la justice sociale, de la justice de genre et de l’approfondissement de la démocratie, a-t-elle insisté.
Les membres du Conseil ont unanimement salué l’engagement clair et les initiatives récentes prises par les nouvelles autorités colombiennes pour mettre en œuvre l’Accord de paix de manière intégrale. Alors que la violence a été perçue comme l’une des principales menaces à la paix en Colombie, les négociations en cours entre les autorités, l’Armée de libération nationale et d’autres groupes armés ont été encouragées par la plupart des délégations.
LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) - S/2022/1004
Texte du projet de résolution S/2023/30
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant son attachement sans réserve au processus de paix en République de Colombie,
Rappelant toutes ses résolutions et toutes les déclarations de sa présidence et ses déclarations à la presse concernant le processus de paix en Colombie,
Rappelant en particulier sa résolution 2655 (2022), par laquelle il a renouvelé le mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie jusqu’au 31 octobre 2023,
Prenant note de la lettre datée du 17 octobre (S/2022/787) par laquelle le Ministre colombien des affaires étrangères lui a demandé d’envisager de charger la Mission de vérification de contrôler l’application de la clause première sur la réforme rurale intégrale et de la clause 6.2 sur le chapitre ethnique de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable (Accord final), précisant qu’il s’agissait d’une demande commune du Gouvernement colombien et des anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire,
Ayant examiné les recommandations et propositions faites par le Secrétaire général dans sa lettre du 9 décembre 2022 (S/2022/940) concernant ces tâches supplémentaires;
1. Décide que la Mission de vérification contrôlera l’application de la clause première et de la clause 6.2 de l’Accord final, comme il est indiqué dans la lettre du Secrétaire général (S/2022/940), en plus des dispositions de son mandat actuel défini dans la résolution 2655 (2022);
2. Se déclare disposé à coopérer avec le Gouvernement colombien en ce qui concerne le mandat de la Mission de vérification par voie d’accord entre les parties.
Déclarations
Pour M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, les faits nouveaux décrits dans le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la Colombie témoignent du potentiel de l’année à venir pour la consolidation de la paix. La semaine dernière, le Président Petro et la Vice-Présidente Márquez Mina se sont rendus à Chocó, l’une des régions les plus délaissées du pays, pour signer la loi portant création du Ministère de l’égalité. Il s’agit d’un développement passionnant pour la Colombie, s’est-il réjoui, en expliquant que cette nouvelle institution a pour vocation de remédier aux profondes inégalités qui touchent en particulier les femmes, les peuples autochtones et les Afro-Colombiens. Il peut, selon lui, s’agir d’un instrument important pour faire avancer les objectifs de l’Accord de paix en aidant à combler les disparités au sein de la société colombienne. Il a également salué les mesures récentes prises par le Gouvernement concernant la réforme rurale globale, telles que l’accord sur l’achat de terres et l’augmentation des budgets pour l’agriculture et la convocation, par les autorités, de la première convention nationale des paysans en décembre dernier, à laquelle il a assisté. La réforme rurale est clairement en train de se placer au cœur des efforts pour construire une Colombie plus pacifique et prospère, a-t-il relevé.
Il a également rappelé que le dialogue constructif entre les parties, ainsi qu’entre le Gouvernement et la société civile, est essentiel. M. Ruiz Massieu s’est dit encouragé par l’environnement positif qui a caractérisé ces derniers mois les travaux de la Commission de suivi, de promotion et de vérification de la mise en œuvre de l’Accord final et d’autres enceintes créées par l’Accord, émettant l’espoir que cet esprit se traduira prochainement en actions communes pour surmonter les défis pressants afin de progresser.
Le succès du processus de réintégration des anciens combattants est un élément essentiel de la construction d’une paix stable et durable, a poursuivi M. Ruiz Massieu, soulignant que cela est prévu par le Gouvernement et l’ex-FARC-EP dans l’Accord final. En ce sens, il a salué la nomination récente d’Alejandra Miller, une ancienne commissaire à la vérité et défenseuse des droits des femmes, au poste de directrice de l’agence pour la réinsertion. Le haut fonctionnaire a également salué la récente prolongation, jusqu’au 30 juin, du revenu de base intégré, qui garantit l’accès de milliers d’ex-combattants à un revenu mensuel de base en attendant que les parties finalisent l’adoption de mesures à moyen et long terme pour assurer la pérennité de leur réinsertion.
Pour M. Ruiz Massieu, il est regrettable que, plus de six ans après la signature de l’Accord, la violence générée par les groupes armés illégaux se poursuive envers les communautés, les leaders sociaux et les anciens membres des FARC-EP. Ces dernières semaines, de nombreux actes de violence ont été perpétrés, notamment dans les zones prioritaires pour la mise en œuvre de l’Accord, a-t-il regretté, en citant notamment la province de Nariño, où la mise en œuvre des dispositions ethniques de l’Accord final pose toujours un problème. Alors que le Gouvernement prend des mesures audacieuses pour réduire la violence dans le cadre de sa politique de « paix totale », une mise en œuvre coordonnée des dispositions de l’Accord sur les garanties de sécurité est également nécessaire. Le Représentant spécial a espéré que les récentes mesures prises par la Commission nationale des garanties de sécurité permettront d’avancer sur cette voie. Prenant note des avancées dans le Système intégral de Vérité, Justice, Réparation et Non-Répétition, l’un des axes fondamentaux de l’Accord, et en particulier de la publication par la Juridiction spéciale pour la paix de ses premières résolutions, « une étape décisive vers les premières sanctions », il a assuré que la Mission continuera à soutenir la juridiction spéciale et les entités gouvernementales alors qu’elles se préparent à garantir les conditions de mise en œuvre de ces sanctions.
M. Ruiz Massieu a également rappelé que le mois dernier, le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) ont conclu le premier cycle de dialogue de paix, qui s’est tenu au Venezuela, dans un environnement constructif. Ils prévoient d’organiser un nouveau round au Mexique dans les semaines à venir, a-t-il annoncé. La décision des parties de relancer les discussions est largement soutenue dans la société colombienne, a indiqué le Représentant spécial, et particulièrement appréciée par les communautés touchées par le conflit dans plusieurs régions. À la demande des deux parties, le Secrétaire général a accepté d’« accompagner en permanence » ce processus de dialogue par sa présence, en tant que Représentant spécial aux pourparlers. M. Ruiz Massieu a dit avoir rempli ce rôle au sein d’un groupe de soutien qui comprend le garant et les pays accompagnateurs, ainsi que l’Église catholique. Les parties ont également décidé de partager avec le Conseil de sécurité les documents convenus lors des négociations. Il veillera à ce que le premier document de ce type, axé sur les règles et l’architecture du processus de négociation, parvienne au Conseil par l’intermédiaire du Secrétariat.
Saluant l’annonce du début d’année, par le Président, d’un cessez-le-feu de six mois avec plusieurs acteurs armés illégaux opérant dans diverses régions du pays, M. Ruiz Massieu a espéré que ces mesures de désescalade, si soigneusement mises en œuvre, contribueront à réduire considérablement la violence et les souffrances des communautés touchées par le conflit tout en renforçant la confiance dans les processus de dialogue naissants. Il a tenu à rappeler que le succès durable de l’Accord de paix colombien dépend de la capacité des autorités colombiennes à faire face à la violence persistante. Le Gouvernement fournit un effort admirable pour y parvenir, en partie grâce à des dialogues différenciés avec les groupes armés illégaux dans le but de mettre fin à la violence, a-t-il souligné. Si ces dialogues aboutissent, cela contribuerait grandement à créer les conditions de sécurité nécessaires à la concrétisation des différentes dispositions de l’Accord de paix final, a encore noté le Représentant spécial. Il a conclu en remerciant le Conseil de sécurité pour avoir autorisé l’élargissement du mandat de la Mission afin d’y inclure la réforme rurale globale et le volet ethnique de l’Accord dans ses tâches de vérification.
Le représentant de l’Organe spécial de haut niveau sur les populations ethniques de Colombie, M. ARMANDO WOURIYU VALBUENA, a précisé qu’il est lui-même membre du peuple autochtone du Pueblo Wayuu, peuple du désert de l’extrême nord de la Colombie. Il a salué l’inclusion de ces peuples autochtones dans l’Accord de paix, arguant que cela est une bonne chose pour modifier la réalité de discrimination qui a prévalu durant des siècles. Il a relevé que la mise en œuvre de l’Accord de paix pour les peuples et les communautés ethniques est à la traîne. Le représentant a donc appelé à un budget spécifique et concret pour combler ces lacunes, tout en œuvrant à l’institutionnalisation de l’approche ethnique. En effet, nous avons vécu pendant des siècles devant un État qui ne nous voit pas, a regretté M. Wouriyu Valbuena. Il a aussi appelé à renforcer le dialogue avec les peuples autochtones, notamment dans le nord du pays.
Il a ensuite relevé que la question foncière contenue dans l’Accord de paix est fondamentale pour les peuples autochtones. L’existence de cultures de coca et de cannabis dans leurs territoires se justifient parce que ce sont des plantes sacrées, a-t-il expliqué. Il a déploré le fait que le précédent Gouvernement ait ignoré cette réalité, avant de saluer la volonté des États-Unis et du Mexique d’accompagner les groupes ethniques qui constituent une incitation. Après cinq siècles de décimation et de maltraitances, la lutte pour une vie digne continue, a-t-il lancé, avant de conclure en espérant avoir d’autres opportunités de s’exprimer devant le Conseil de sécurité.
M. DAVID RUTLEY (Royaume-Uni) a salué l’élargissement du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, afin de soutenir les progrès réalisés sur la réforme rurale et les questions autochtones de l’Accord de paix. Les progrès dans ces deux domaines sont essentiels, a insisté le représentant. Il a aussi salué l’action décisive du Gouvernement pour renforcer les forces de sécurité publique dans les nouvelles zones de réintégration, et l’annonce par la Vice-Présidente d’un financement accru pour protéger les femmes dirigeantes et les défenseurs des droits humains. Il s’est inquiété des attaques contre les défenseurs des droits humains, de l’environnement et autres militants de la société civile et a appelé à lutter contre ces menaces afin d’assurer un avenir meilleur au peuple colombien. Le représentant s’est ensuite félicité de la poursuite de l’étroite coopération entre la Colombie et ses partenaires internationaux dans la lutte contre la drogue et le crime organisé, de même que des efforts déployés par le Gouvernement pour obtenir un cessez-le-feu, afin de réduire l’insécurité et alléger les souffrances des populations touchées par le conflit. La Colombie, a-t-il ajouté, est un exemple pour le monde du potentiel transformateur du dialogue et du leadership.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a dénoncé la tentative d’attentat dont a été victime la Vice-Présidente colombienne. Il s’est réjoui de l’adoption de la résolution sur l’élargissement du mandat de la Mission de vérification à la surveillance de la mise en œuvre de la réforme rurale et des chapitres ethniques à l’Accord de paix, comme demandé par le Gouvernement colombien. Il a salué l’engagement du Gouvernement en vue de garantir la sécurité des anciens combattants et de renforcer les politiques concernant les femmes et les populations autochtones et d’ascendance africaine. L’Administration colombienne a, en quatre mois, déjà initié des actions importantes afin d’avancer dans la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix. Il a estimé que le déploiement des capacités de l’État dans toutes les parties du territoire colombien, en particulier les zones historiquement négligées, est essentiel pour la consolidation de la paix en Colombie. Enfin, le délégué a espéré que le cessez-le-feu avec l’ELN pourra être annoncé prochainement, avant de réitérer sa confiance dans le succès du processus de paix en Colombie.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) s’est dite encouragée par les mesures prises par le Gouvernement colombien pour promouvoir la mise en œuvre de l’Accord de paix de 2016. Elle s’est notamment félicitée de l’engagement très clair de l’Administration Petro à faire avancer le chapitre ethnique de cet accord, et a salué le leadership de la Vice-Présidente Márquez Mina à cet égard, ainsi que la création du Ministère de l’égalité. Ce chapitre expose une vision pour une paix inclusive qui remédie aux inégalités historiques, a souligné la représentante en arguant qu’il ne saurait y avoir de paix durable sans garantir les droits des Afro-Colombiens et des peuples autochtones. Elle a appuyé les efforts en faveur de la réforme rurale, notamment la redistribution des terres, ainsi que le processus de justice transitionnelle. Toutes les victimes du conflit en Colombie méritent la justice, point, a-t-elle insisté. Encouragée par les efforts de la Colombie visant à étendre la participation politique, elle a appelé à ne pas perdre de vue l’importance de la participation des anciens combattants à ce processus. La représentante s’est inquiétée de la persistance de la violence et des niveaux record de culture de la coca, notant qu’il s’agit d’obstacles majeurs au progrès et à la paix auxquels le Gouvernement doit répondre. Elle a également appelé à tenir les groupes armés illégaux pour responsables, ajoutant que le Conseil de sécurité peut jouer un rôle significatif en restant solidaire avec la Colombie.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), s’exprimant au nom des trois pays africains membres du Conseil de sécurité, les A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a dit être horrifié par la tentative d’assassinat par explosif visant la Vice-Présidente Francia Márquez Mina. Cet attentat survenu hier est le second depuis 2019 la ciblant, a—t-il rappelé, avant de condamner cet acharnement lâche et abject dont elle est l’objet, « sans doute en raison de son engagement politique et sûrement en raison de ses origines ethniques ». Selon lui, cet acte souligne une fois de plus l’urgence de renforcer la mise en œuvre du chapitre ethnique de l’Accord de paix final.
Le délégué a ensuite relevé que la promulgation de la loi permettant la poursuite du dialogue avec l’ELN et les autres groupes armés est un signal encourageant pour l’avenir. De même, la décision de l’ELN d’analyser les propositions du Gouvernement et d’accepter la discussion sur un cessez-le-feu constituent des signes positifs pour la conclusion d’un accord de paix. Nous espérons que le deuxième cycle de négociations, prévu au mois de février prochain, sera un pas en avant dans cette direction, a-t-il souhaité. Concernant la participation des femmes, le représentant a insisté sur la nécessité de leur accorder la place qu’elles méritent en tant qu’agent de paix. Il a salué l’annonce du Gouvernement d’accroître le financement des initiatives et programmes qui combattent les violences sexistes et sexuelles.
Pour le représentant des A3, la réintégration durable des anciens combattants est tributaire d’une réforme agraire efficiente. Il a également salué l’engagement du Gouvernement colombien à poursuivre la mise en œuvre des programmes de développement à visée territoriale. Il est primordial que les efforts de paix s’appuient sur des actions concrètes visant à combattre les causes profondes de la pauvreté, a—t-il plaidé. En ce qui concerne le Système intégral de Vérité, Justice, Réparation et Non-Répétition, le délégué s’est réjoui de voir des avancées significatives, même s’il a fustigé la persistance des violences envers les ex-combattants réinsérés hors des anciennes zones territoriales de formation et de réintégration. Les attaques visant les leaders sociaux, les promoteurs des droits humains, et les membres des partis politiques sont particulièrement préoccupantes, a-t-il ajouté. Une société colombienne pacifique ne peut être envisagée à long terme sans corriger les injustices historiques faites aux Afro-Colombiens et aux populations autochtones, a-t-il conclu.
M. DAI BING (Chine) a noté les progrès réalisés dans le cadre du dialogue politique et du processus de paix en Colombie. Il s’est félicité de l’application de l’Accord de paix par les différents acteurs colombiens. Cette mise en œuvre doit s’inscrire dans la durée et exige une attention constante, a rappelé le représentant qui a demandé à la communauté internationale de n’épargner aucun effort pour soutenir politiquement les parties colombiennes dans cette entreprise. Rappelant en outre les derniers accords entre le Gouvernement et les groupes armés sur le cessez-le-feu et d’autres sujets d’importance, le représentant a insisté sur l’importance des négociations, du développement durable et inclusif, et de la lutte contre la pauvreté pour parvenir à la paix.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a salué les efforts importants du Gouvernement colombien pour faire avancer la mise en œuvre intégrale et effective de l’Accord de paix. « La reprise des négociations avec l’ELN et la poursuite du dialogue avec les autres groupes armés, y inclus en vue de l’obtention d’un cessez-le-feu, sont des plus encourageantes. » La bonne communication entre les autorités colombiennes et le parti COMUNES est elle aussi un gage de sérieux et d’engagement clair en faveur de la paix, a dit la déléguée.
Elle s’est réjouie de l’adoption de la résolution sur l’élargissement du mandat de la Mission de vérification à la surveillance de la mise en œuvre de la réforme rurale et des chapitres ethniques à l’Accord de paix. Si les récents efforts du Gouvernement colombien pour lutter contre les activités criminelles sont louables, nous demeurons préoccupés par le niveau de violence auquel sont confrontés les membres de partis politiques, les dirigeantes et dirigeants sociaux, les défenseuses et défenseurs des droits humains, les anciens combattants, ainsi que les communautés indigènes et afro-colombiennes, a-t-elle déclaré. Enfin, elle a rappelé que la Suisse a répondu à l’appel des parties au conflit et soutiendra les négociations de paix en cours avec l’ELN.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué l’engagement clair et les initiatives récentes prises par les autorités colombiennes, à travers leur politique de « paix totale », pour mettre en œuvre l’Accord de paix de manière intégrale. La Colombie est sur la bonne voie, a-t-elle dit en citant notamment la recherche de la paix par le dialogue. Elle a qualifié les négociations en cours avec l’Armée de libération nationale ainsi qu’avec les groupes armés d’encourageantes et a espéré qu’elles se poursuivront et permettront d’aboutir à un cessez-le-feu durable. Elle a salué l’engagement clair du Gouvernement en matière d’accès à la terre et de réforme rurale, jugeant en outre positifs le budget accru qui y sera consacré et l’accord trouvé avec les acteurs de la filière agraire. La nouvelle approche des autorités en matière de substitution des cultures illicites est également bienvenue. La représentante a encouragé le Gouvernement à poursuivre sur cette voie afin d’offrir de nouvelles opportunités socioéconomiques viables aux populations qui ont souffert du conflit. Il s’agit d’un aspect essentiel pour parvenir à une paix durable, a-t-elle souligné.
La déléguée a également salué les progrès constants accomplis par la Juridiction spéciale pour la paix, notant que la publication des résolutions finales ouvre la voie à l’édiction des peines restauratrices et à un nouveau chapitre sur le chemin de la réconciliation. Toutes les parties à ce conflit doivent s’engager dans ces efforts de justice et de vérité, étape indispensable au retour d’une paix durable dans le pays, a-t-elle insisté. La représentante s’est en revanche dite préoccupée par le haut niveau de violence qui touche de nombreuses régions en Colombie arguant que les garanties de sécurité en faveur des anciens combattants, des défenseurs des droits humains et dirigeants sociaux sont actuellement insuffisantes. Elle a également estimé que le plan d’urgence déployé, fondé sur une présence renforcée au niveau local, doit s’accompagner d’un renforcement de la présence de l’État dans les zones historiquement négligées par l’Accord.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a rappelé que la réforme agraire et l’accès à la terre sont particulièrement pertinents pour une Colombie pacifique et prospère. Le récent accord pour l’achat de trois millions d’hectares de terres qui seront distribuées sont une contribution en ce sens. Pour le délégué, une paix durable ne peut être atteinte sans justice et égalité pour tout le pays, y compris les Afro-Colombiens et les peuples autochtones. Il a salué le fait que la Colombie accorde de l’importance à une plus grande participation des femmes, surtout autochtones et afro-colombiennes, dans le mécanisme de dialogue, et en général, dans chaque processus de rétablissement de la paix. Il a en outre souligné que la Juridiction spéciale pour la paix est un élément clef dans l’application de la justice transitionnelle en Colombie. Le délégué a enfin rappelé qu’il existe un cadre historique de fraternité et de coopération bilatérale pour faire face aux défis actuels à la frontière commune entre la Colombie et l’Équateur, ainsi que dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée, dans toutes ses manifestations, et en particulier les trafics de drogue et d’armes qui ont un impact sur la paix et la sécurité.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) s’est dite encouragée par les négociations de paix entre le Gouvernement colombien et l’ELN à Caracas le mois dernier. Elle a dit attendre avec impatience le prochain cycle de négociations au Mexique ce mois-ci, disant soutenir le travail du Gouvernement pour un cessez-le-feu global et prolongé avec les combattants. Elle a appelé tous les groupes armés à déposer les armes et à engager le dialogue. La violence continue de représenter une menace existentielle pour le processus de paix en Colombie, a-t-elle averti, et les informations faisant état d’une tentative d’attentat contre la Vice-Présidente reflètent la nécessité de rester prudents et de reconnaître que la situation peut facilement se détériorer.
La représentante a demandé à tenir pour responsables les auteurs des crimes contre les femmes dirigeantes et les défenseurs des droits humains. Elle a également encouragé le Gouvernement à renforcer les mécanismes de protection des victimes et des témoins de la violence liée au conflit et à redoubler d’efforts en faveur d’une réforme rurale globale. Les progrès du processus de paix en Colombie progressent à pas de géant, et le soutien du Conseil de sécurité et de la communauté internationale est plus important que jamais, a-t-elle affirmé.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a salué la détermination du peuple colombien afin que soit mis un terme définitif à la guerre. Il a également salué les négociations de paix en cours avec l’ELN. Le délégué s’est félicité de l’adoption de la résolution sur l’élargissement du mandat de la Mission de vérification à la surveillance de la mise en œuvre de la réforme rurale et des chapitres ethniques à l’Accord de paix. Il a insisté sur les efforts « nobles » consentis en Colombie afin de ne laisser personne de côté et mettre un terme à la violence. Le délégué de l’Albanie a dénoncé dans les termes les plus forts la tentative d’attentat dont a été victime la Vice-Présidente colombienne. La Colombie a besoin d’une paix totale, a conclu le délégué, en ajoutant que son pays est à ses côtés.
Mme AMEIRAH ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a salué les progrès continus dans les principaux mécanismes de mise en œuvre de l’Accord de paix final en Colombie, notamment la Commission nationale des garanties de sécurité, le Conseil national de réintégration et la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’application de l’Accord de paix. Elle a également cité la priorisation par le Gouvernement d’éléments vitaux de l’Accord, tels que les dispositions ethniques et de genre, et la réforme rurale. Préoccupée par la persistance des menaces et de la violence contre les civils, les anciens combattants et les dirigeants politiques et communautaires, la représentante a plaidé pour une coordination accrue entre le Gouvernement national et les autorités locales. Elle a aussi appelé à augmenter le nombre de policiers et de forces de sécurité publique dans les zones de réintégration et de conflit.
Poursuivant, la représentante a salué les progrès récents réalisés dans le cadre du dialogue entre les parties concernées, estimant qu’ils peuvent contribuer à une réduction significative de la violence entre les communautés en Colombie, et à d’éventuels futurs accords de cessez-le-feu. Elle a aussi souligné le rôle que le garant et les autres pays partisans ont joué et continueront de jouer dans les efforts de paix à mesure que les négociations se poursuivent. Pour garantir le succès de ces pourparlers, ces derniers doivent, selon elle, être complétés par un engagement continu de la part des parties à mettre en œuvre les principales dispositions de l’Accord, y compris la réussite des processus de réintégration et de désarmement, les garanties de sécurité et la fin de la violence.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a constaté que les nouvelles autorités colombiennes ont mené plus d’actions pour la réconciliation en six mois que ne l’ont fait les précédentes en quatre ans. Une attention particulière doit être portée pour assurer la sécurité des militants sociaux et des anciens rebelles des FARC, a-t-il dit. Pour assurer la paix et le développement socioéconomique durable en Colombie, il est important que ce pays améliore sa relation historique avec le Venezuela, a ajouté le représentant. Nous sommes sûrs que la normalisation des relations entre les deux pays contribuera au règlement de la situation migratoire dans la région, a-t-il annoncé. Il a expliqué que cela permettrait aussi de renforcer le contrôle aux frontières, de contrer la criminalité transnationale organisée et le trafic de stupéfiants. Un facteur essentiel de la paix dans le pays, a-t-il encore noté, est la mise en œuvre des accords entre Bogota et le groupe rebelle Armée de libération nationale (ELN).
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a estimé que l’élargissement du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie lui permettra de contribuer davantage à la consolidation du processus de paix dans le pays. Il a espéré que les questions ethniques seront mises en œuvre de manière systématique et institutionnalisée. Le représentant a salué l’adoption du projet de loi portant création du Ministère de l’égalité et de l’équité en tant qu’étape concrète dans la réalisation de la justice sociale pour tous les Colombiens, y compris les minorités ethniques ainsi que d’autres populations vulnérables telles que les femmes et les jeunes.
Les dialogues en cours avec les populations rurales devront permettre d’accélérer des progrès tangibles pour assurer un accès équitable à la terre dans les zones rurales, a poursuivi le représentant, qui a aussi noté les efforts de la Colombie pour faire avancer le processus de paix d’une manière institutionnalisée et inclusive basée sur l’état de droit. De même, il a salué le récent cessez-le-feu avec différents groupes armés qui n’en avaient pas encore conclu.
Mme FRANCIA MÁRQUEZ MINA, Vice-Présidente de la Colombie, a pris la parole en tant que « fille de territoires ancestraux » et porte-parole d’un Gouvernement colombien déterminé à changer le cours des choses. Elle a insisté sur la volonté démocratique de son gouvernement de faire face à la violence, à l’injustice sociale et aux inégalités structurelles et de faire de la Colombie « une puissance mondiale pour la vie ». La politique de mort a prévalu pendant trop longtemps, a-t-elle dit: « Notre engagement fondamental est de garantir la vie de toute la population colombienne. » Elle a rappelé que les inégalités dans l’accès aux terres et l’abandon des populations rurales ont été l’un des principaux moteurs de la guerre dans son pays. Le Gouvernement a défini une politique claire de démocratisation et de répartition de trois millions d’hectares de terres productives pour le développement agricole, industriel et économique du pays, a-t-elle dit, en insistant sur l’importance de la souveraineté alimentaire afin qu’aucun enfant ne souffre de la faim dans le pays. Elle a ajouté que cette politique profitera notamment aux personnes déplacées, aux peuples autochtones et d’ascendance africaine, aux femmes, aux jeunes et aux paysans. Elle a aussi insisté sur l’importance de conclure des accords de cessez-le-feu avec tous les groupes armés.
S’agissant de la dimension ethnique de l’Accord de paix, la Vice-Présidente a déclaré que l’un des principaux défis est la conception d’indicateurs contribuant au développement d’actions réparatrices au profit des communautés ethniques -indigènes, afro-descendants, Raizal et Palenqueras- qui ont souffert de manière disproportionnée du conflit armé et du racisme structurel en Colombie. Des politiques de justice raciale ont été conçues afin de remédier aux inégalités dont sont victimes ces communautés et de restaurer leurs droits. Elle a en outre souligné l’importance que la lutte contre la drogue inclut également une approche de justice raciale et de genre. Elle a exhorté l’Assemblée générale des Nations Unies à appuyer le Gouvernement colombien afin de faire en sorte que les communautés, les jeunes et les femmes, dans toute leur diversité, puissent vivre en paix et en sécurité en Colombie. « Nous devons mettre en place des changements structurels en Colombie. »
Mme Márquez Mina a rappelé que près de 10 millions de personnes, soit un cinquième de la population, sont des victimes directes de la guerre. Les peurs, les haines et les désirs de vengeance se sont transmis de génération en génération. Elle a donc plaidé pour une vision globale de la paix, -appelée « paix totale » par son gouvernement– qui remédierait à cette « guerre absurde », tournerait la page des paix fragmentaires et ferait fond sur les avancées déjà obtenues grâce aux accords antérieurs. Avancer vers cette paix totale requiert un engagement sans faille pour l’égalité, l’équité, la justice sociale, la justice de genre et l’approfondissement de la démocratie, a-t-elle tranché.
La Vice-Présidente s’est réjouie de l’adoption de la résolution sur l’élargissement du mandat de la Mission de vérification à la surveillance de la mise en œuvre de la réforme rurale et des chapitres ethniques à l’Accord de paix. En conclusion, elle a exhorté l’ONU à continuer de soutenir les efforts de son gouvernement pour une paix totale, avant de proposer la tenue d’une réunion du Conseil en Colombie.